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01/12/2016 | FRANCE | N°14/10124

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 01 décembre 2016, 14/10124


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 01 DECEMBRE 2016



N° 2016/721













Rôle N° 14/10124







SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE





C/



[D] [W]

[B] [W]





















Grosse délivrée

le :

à : Me LUONGO

Me BARA

Me GAUTHIER













Déc

ision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/07022.





APPELANTE



SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE, prise en la personne de son Directeur,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

repr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 01 DECEMBRE 2016

N° 2016/721

Rôle N° 14/10124

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE

C/

[D] [W]

[B] [W]

Grosse délivrée

le :

à : Me LUONGO

Me BARA

Me GAUTHIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/07022.

APPELANTE

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE, prise en la personne de son Directeur,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Pascal LUONGO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [D] [W]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1],

demeurant Chez M. [P] - [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Farid BARA, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [B] [W]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 3]

représenté et assisté de Me Amaury GAUTHIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mr PONSOT, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Dominique PONSOT, Président

Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2016,

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 3 avril 2014 ayant, notamment :

- dit que la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse a manqué à son obligation de dépositaire dans la gestion des comptes de M. [B] [W],

- condamné la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse à payer à M. [B] [W] la somme de 33.115,41 euros majorée des intérêts au taux légal calculés depuis le 21 mai

2011,

- débouté M. [B] [W] de sa demande d'indemnisation du préjudice moral,

- mis hors de cause M. [D] [W] et l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse à payer à M. [B] [W] la somme de de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire ;

Vu la déclaration du 20 mai 2014, par laquelle la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse a relevé appel de cette décision ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 3 septembre 2014, aux termes desquelles la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire et juger que sa responsabilité n'est pas engagée,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions formées par M. [B] [W] et M. [D] [W] à son encontre,

A titre subsidiaire,

Si sa responsabilité devait être engagée,

- constater les fautes commises par M. [B] [W] dans la gestion de ses comptes,

- constater les fautes commises par M. [D] [W] dans l'utilisation frauduleuse des instruments de paiement de M. [W],

- condamner M. [D] [W] à l'indemniser à hauteur des sommes allouées à M. [B] [W],

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 5 septembre 2016, aux termes desquelles M. [B] [W] demande à la cour de :

- le recevoir et le dire bien fondé en ses moyens et conclusions,

- constater puis dire et juger qu'il n'a pas donné l'ordre d'exécuter les opérations passées au débit de son compte bancaire ouvert auprès de la Caisse d'Épargne, ainsi que les opérations de virement, entre le 16 décembre 2010 et le 6 avril 2011, en l'état de ce qu'il a été hospitalisé le 13 décembre 2010, afin d'être opéré en urgence deux jours plus tard, pour être ensuite admis en service de réanimation pendant plus de trois semaines, puis a séjourné dans un établissement médicalisé avant de se faire opérer, à nouveau, puis de séjourner finalement dans un autre établissement médicalisé jusqu'au 31 mars 2010,

- constater puis dire et juger que la Caisse d'Épargne ne justifie pas, en qualité de dépositaire, avoir régulièrement exécuté les opérations passées au débit de son compte bancaire, tant au moyen des chèques que de la carte bancaire, entre le 16 décembre 2010 et le 6 avril 2011,

- constater puis dire et juger que la Caisse d'Épargne précise qu'elle « était au courant des graves problèmes de santé de Monsieur [B] [W] et savait également que ce dernier était hospitalisé » et qu'en ayant « conscience de l'urgence », elle reconnaît qu'elle était informée de l'état de santé de Monsieur [B] [W] et du fait que ce dernier était hospitalisé,

- constater puis dire et juger que la Caisse d'Épargne savait parfaitement que l'envoi du code de la carte bancaire de Monsieur [B] [W], à son domicile, impliquait que ce dernier n'en serait pas le destinataire, puisqu'il était hospitalisé, ce dont elle était parfaitement informée et que cet envoi permettait, en conséquence, à un tiers de prendre connaissance du code de la carte, celle-ci reconnaissant, ainsi, qu'elle a procédé à l'envoi du code de la carte de Monsieur [B]

[W] à son domicile, à la demande d'un tiers, en sachant que le seul titulaire du compte ne serait pas le destinataire du courrier contenant ledit code, compte tenu de son hospitalisation,

- constater puis dire et juger que la Caisse d'Épargne a commis un manquement à ses obligations de confidentialité et de vigilance en procédant à l'édition du code de sa carte bancaire à la demande d'un tiers au contrat et que cette divulgation du code de la carte bancaire de ce dernier a permis à des tiers d'alimenter le compte-chèque de celui-ci afin de procéder à des opérations au débit de ce compte,

- constater puis dire et juger que la Caisse d'Épargne était parfaitement informée des anomalies concernant le fonctionnement de son compte et qu'elle en est d'ailleurs à l'origine, en ayant procédé à la divulgation du code de la carte bancaire de ce dernier à la demande d'un tiers ne disposant d'aucune procuration sur le compte de M. [W] et que celle-ci aurait dû s'apercevoir de ces anomalies, compte tenu du fait qu'elle était informée de l'hospitalisation de celui-ci et de l'anormalité de l'importance des mouvements du compte bancaire entre le 16 décembre 2010 et le 6 avril 2011,

- constater puis dire et juger qu'aucune faute ne peut lui être reprochée,

- constater puis dire et juger que la Caisse d'Épargne ne peut prétendre qu'il aurait dû engager la responsabilité du banquier présentateur,

- confirmer le jugement entrepris ce qu'il a condamné la Caisse d'Épargne à lui verser la somme 33.115,41 euros au titre de la restitution des sommes irrégulièrement débitées de son compte bancaire assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2011,

- constater puis dire et juger que la Caisse d'Épargne persiste à affirmer que son fils, M. [D] [W], serait l'auteur des détournements, ce qu'elle ne démontre pas,

- constater puis dire et juger que dans ces circonstances et de manière parfaitement contradictoire, la Caisse d'Épargne a préféré mettre en cause, près de neuf mois après la date de l'assignation qui lui avait été délivrée, son propre fils plutôt que les personnes qui ont profité des détournements, manquant ainsi à toute loyauté,

- constater puis dire et juger qu'il souffre d'un préjudice moral en l'état des affirmations de la Caisse d'Épargne selon lesquelles son fils serait l'auteur des détournements et alors qu'elle ne verse aux débats aucune pièce susceptible de l'établir,

- constater puis dire et juger qu'il a subi, du fait des manquements de la Caisse d'Épargne un préjudice moral distinct de celui, matériel, résultant de l'utilisation frauduleuse de ses moyens de paiement et des opérations bancaires irrégulièrement passées en compte,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la Caisse d'Épargne à lui payer la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner la Caisse d'Épargne à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral résultant de ses manquements,

- la condamner à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 28 octobre 2014, aux termes desquelles M. [D] [W] demande à la cour de :

le recevoir en ses conclusions et le dire bien fondé,

Ce faisant ;

- confirmer le jugement entrepris,

- le mettre hors de cause,

- dire que seule la Caisse d'Épargne devra répondre des préjudices allégués par M. [B] [W],

- débouter la Caisse d'Épargne de toute autre demande, prétention, moyen,

- condamner la Caisse d'Épargne au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens ;

SUR CE, LA COUR,

Attendu que M. [B] [W], titulaire d'un compte ouvert à la Caisse d'épargne et de prévoyance Alpes Corse (la Caisse d'épargne), a été hospitalisé en urgence le 13 décembre 2010 à l'hôpital [Établissement 1] à [Localité 1], des suites d'une septicémie post opératoire à un stade avancé ;

Qu'il est demeuré hospitalisé jusqu'au 2 février 2011, puis a séjourné à la clinique [Établissement 2] à [Localité 3] jusqu'au 22 février 2011, date à laquelle il a été ré-hospitalisé à l'hôpital [Établissement 3] où il a subi une nouvelle intervention chirurgicale ; qu'à sa sortie de l'hôpital le 2 mars 2011, il a été placé dans un centre de convalescence relevant de l'hôpital [Établissement 3] jusqu'au 31 mars 2011, puis, du 1er au 4 avril 2011, a effectué un bref séjour dans une maison de retraite ;

Que lors de son admission à l'hôpital [Établissement 3] le 13 décembre 2010, il avait confié à son fils [D] [W] ses effets personnels, et notamment ses chéquiers et sa carte bancaire ; que dès sa sortie de maison de retraite, le 6 avril 2011, M. [B] [W] s'est inquiété de l'état de ses avoirs bancaires et s'est aperçu que des opérations débitrices avaient été effectuées durant son hospitalisation pour un montant total de 52.000 euros ;

Qu'il est ainsi apparu que 26 chèques représentant un montant total de 44.570,46 euros avaient été émis pendant son hospitalisation, et que, par ailleurs sa carte bancaire avait été utilisée à la suite de la communication de son numéro confidentiel par la banque à un tiers ; que l'usage du code confidentiel avait permis de nombreux retraits ainsi que des virements destinés à approvisionner le compte-chèque ;

Que par acte du 10 mai 2012, il a fait assigner la Caisse d'épargne devant le tribunal de grande instance de Marseille réclamant la somme de 37.300,37 euros, étant précisé que, dans l'intervalle, M. [W] avait reçu de Mme [C], mère de la compagne de son fils [D], un chèque de 20.000 euros à titre de restitution de sommes détournées ;

Que le 3 février 2013, la Caisse d'épargne a, à son tour, fait assigner M. [D] [W] devant le tribunal de grande instance de Marseille, qui a joint les deux instances et rendu le jugement entrepris ;

Sur la responsabilité de la banque à raison des chèques falsifiés

Attendu que la banque conteste avoir manqué à son obligation de vigilance, dans la mesure où le compte n'a jamais été débiteur ; qu'en outre, elle estime qu'en application du principe de non-ingérence, elle n'avait pas à contrôler systématiquement la régularité, la licité et plus encore l'opportunité des opérations du compte de son client ;

Qu'elle estime qu'elle n'avait pas à contacter M. [W], dont elle précise qu'elle n'ignorait pas les graves problèmes de santé et le fait qu'il était hospitalisé, pour s'assurer que les différentes opérations étaient bien effectuées par celui-ci ;

Qu'elle fait valoir qu'en application de l'article L 131-38 du code monétaire et financier, il existe une présomption de libération du banquier tiré qui paye un chèque non frappé d'opposition ;

Qu'elle note également que la responsabilité du banquier tiré n'est pas exclusive de celle du banquier présentateur, et constate que M. [W] n'a pas mis celui-ci en cause ;

Qu'enfin, elle considère que M. [W], en tant que titulaire du compte, a commis une faute de négligence, en confiant ses instruments de paiement à son fils et en n'en informant pas son banquier ; qu'elle rappelle qu'en application du paragraphe 17.1.2 de la convention de compte, le client doit conserver son chéquier personnellement et prendre toutes précautions utiles concernant sa conservation ;

Mais attendu qu'il n'est tout d'abord pas contesté que les 26 chèques litigieux, représentant une somme totale de 44.570,46 euros, ont été contrefaits ; que, par suite, la banque, qui ne peut, au regard de l'article 1937 du code civil, être libérée de son obligation de restituer les fonds du déposant qu'en vertu d'un ordre de paiement revêtu de la signature authentique de celui-ci, ne peut invoquer le caractère libératoire à l'égard du tiré des chèques émis, les chèques étant faux, et ce, quand bien même la banque tirée n'aurait commis aucune faute ;

Qu'il convient, au surplus, d'observer, d'une part, que la Caisse d'épargne était informée de l'hospitalisation de M. [W], ce qui aurait dû la conduire à examiner avec une vigilance redoublée les chèques présentés à l'encaissement, et, d'autre part, que les chèques dont une copie a été versée aux débats présentent une signature très différente de celle de M. [W] ;

Que c'est en vain que la Caisse d'épargne invoque à l'encontre de M. [B] [W] une faute dans le fait d'avoir remis ses chéquier et sa carte bancaire à son fils ; qu'il convient de rappeler que la remise d'une sacoche contenant divers effets dont des chéquiers et la carte bancaire de M. [B] [W] s'est effectuée dans le contexte d'une hospitalisation, et au profit d'une personne de confiance faisant partie du cercle familial le plus proche, ce qui exclut toute négligence ; que cette dépossession n'étant pas intervenue dans le cadre d'une perte ou d'un vol, M. [B] [W] n'avait pas à en informer la banque ou à former une quelconque opposition, pour autant qu'il fût en état de le faire ; que la remise de ces moyens de paiement n'ayant pas été accompagnée de l'autorisation de les utiliser, M. [W] n'avait pas davantage à en informer son banquier ;

Que c'est également en vain que la Caisse d'épargne fait ensuite grief à M. [B] [W] de ne pas avoir vérifié ses comptes bancaires au cours de ses périodes d'hospitalisation ou de séjour en maison de repos ou de retraite ; que lors de ses périodes d'hospitalisation, qu'il s'agisse de son admission dans un centre de réanimation ou à l'occasion des interventions chirurgicales qu'il a subies, M. [W] n'était manifestement pas en état et en situation de le faire ; que lors des périodes de convalescence, il n'avait pas de raison précise de s'inquiéter de l'état de ses avoirs, ses moyens de paiement ayant été remis à une personne de confiance ;

Qu'en revanche, il doit être relevé que dès qu'il a retrouvé sa pleine autonomie, M. [W] s'est soucié de l'état de ses avoirs et a immédiatement réagi dès qu'il s'est aperçu que des opérations frauduleuses avaient été effectuées ;

Qu'enfin, la Caisse d'épargne ne saurait se retrancher derrière le fait que M. [W] n'a pas cru devoir mettre dans la cause la banque présentatrice ; que, d'une part, la banque présentatrice n'avait pas à vérifier l'authenticité de la signature du tireur ; que, d'autre part, la Caisse d'épargne conservait en toute hypothèse la possibilité d'appeler en garantie la banque présentatrice ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la Caisse d'épargne à rembourser à M. [W] le montant total des chèques émis, déduction faite d'un chèque de 20.000 euros émis par Mme [C], en remboursement des sommes dont elle a bénéficié indûment ;

Sur les opérations réalisées à l'aide de la carte bancaire

Attendu qu'il sera rappelé qu'entre le 14 décembre 2010 et le 7 avril 2011, le compte bancaire de M. [W] a fait l'objet d'un grand nombre d'opérations effectuées au moyen de sa carte bancaire ; que ces opérations concernent, d'une part, des achats effectués auprès de différents magasins situés dans l'agglomération marseillaise ainsi que sur Internet (opérations Paypal), d'autre part, des virements destinés à réapprovisionner le compte chèque de M. [W] et des retraits, effectués à partir de guichets automatiques bancaires (GAB) ; qu'il n'est pas contesté que le montant de ces opérations, déduction faite des virements faits de compte à compte, s'élève à 8.544,95 euros ;

Qu'il est par ailleurs constant qu'au cours de l'hospitalisation de M. [W], le code confidentiel de M. [W] a été réédité et adressé par la banque à l'adresse de l'intéressé ;

Attendu que la Caisse d'épargne considère qu'elle n'a commis aucune faute en prenant en compte la demande de réédition du code bancaire de M. [B] [W], à la demande de son fils [D] ; qu'elle note qu'aucun code n'a été remis en agence, et que le code a été envoyé sous pli confidentiel au nom et à l'adresse de M. [B] [W] ;

Qu'elle estime que les retraits et opérations concernés, nombreux, portaient sur des montants raisonnables, et ne présentaient donc pas une anomalie apparente qui aurait justifié qu'elle les refuse ;

Qu'elle estime que M. [W] a commis une faute en remettant ses instruments de paiement à son fils, et en ne procédant pas à la vérification des opérations effectuées sur son compte ;

Mais attendu, qu'en application de l'article L 133-23 du code monétaire et financier, lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, il incombe à son prestataire de service de paiement de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre ; que ce texte ajoute que l'utilisation de l'instrument de paiement telle qu'enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l'opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière ;

Attendu qu'il ressort des éléments du dossier et n'est pas contesté que les opérations litigieuses, réalisées pendant les périodes d'hospitalisation ou de convalescence de M. [B] [W], n'ont pas été effectuées par lui ; qu'il apparaît que dans des circonstances qui ne peuvent être connues avec précision, faute pour la banque d'avoir conservé les documents relatifs à la formalisation de cette demande, la Caisse d'épargne a reçu et instruit une demande de réédition du code confidentiel de la carte bancaire de M. [W], dont elle n'ignorait pas qu'il était hospitalisé, présentée par son fils [D] ; que la banque n'allègue ni ne démontre que M. [D] [W] était titulaire d'une procuration sur les comptes de son père, ou avait reçu mandat de celui-ci de procéder à une demande de réédition du code confidentiel ;

Que dans un tel contexte, la banque n'aurait pas dû donner suite à la demande de réédition du code confidentiel, dont il y avait lieu de penser que, même adressé au domicile de M. [B] [W] sous pli confidentiel, il serait intercepté par un tiers non autorisé, en l'occurrence par son fils ; que cette erreur commise par la banque constitue, au sens de l'article L 133-23 susvisé, une déficience ayant affecté les opérations contestées ;

Que, par ailleurs, aucune négligence ne peut être imputée à M. [B] [W] dans le fait d'avoir remis à son fils, personne de confiance, ses instruments de paiement au moment de son hospitalisation, ainsi qu'il a été précédemment indiqué ; que pareillement, aucune faute ou négligence ne peut lui être reprochée concernant le suivi de son compte, M. [W] étant hors d'état d'y procéder ;

Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Caisse d'épargne s'agissant des opérations effectuées à l'aide de la carte bancaire de M. [W] ;

Sur l'appel en garantie

Attendu que la Caisse d'épargne demande à la cour de condamner M. [D] [W] à la garantir des sommes auxquelles elle viendrait à être condamnée ; qu'elle estime qu'il est établi que M. [D] [W] a abusé de la confiance de son père en procédant aux opérations litigieuses ; que ceci résulte des indications de M. [B] [W] dans son assignation ; qu'il est patent que M. [D] [W] est responsable du dommage causé à son père en ayant émis des chèques libellés à l'ordre de Mme [C], sa belle-mère, et qu'il doit répondre personnellement du fait d'avoir disposé à sa guise des instruments de paiement de son père et vidé ses comptes ;

Qu'elle estime, en conséquence, que la responsabilité de M. [D] [W] est engagée à son égard, sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Qu'en réponse, M. [D] [W] fait valoir que le préjudice dont la banque demande réparation à son encontre est dû à ses propres fautes, à savoir le fait d'avoir divulgué le code secret de M. [B] [W], d'avoir manqué à son devoir de vigilance concernant les opérations frauduleuses effectuées sur ses comptes, et de ne pas avoir vérifié la signature figurant sur les chèques présentés au paiement ;

Qu'il estime que les conditions de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle sur le fondement de l'article 1382 ne sont pas réunies ;

Qu'il soutient que tous les chèques ont été émis à l'ordre de Mme [L] [C], sa belle-mère, pour un montant total de 34.370 euros, et que celle-ci a en partie restitué les sommes ; qu'il estime, en conséquence, que la responsabilité de Mme [C] est démontrée ;

Qu'il note que d'autres chèques, comportant des signatures très différentes, ont été émis pour l'établissement médicalisé fréquenté par son père, ce qui, selon lui, démontre qu'il n'a jamais détourné les chèques litigieux ;

Attendu que M. [D] [W] ne conteste à aucun moment s'être vu remettre personnellement par son père ses instruments de paiement ; que la cour constate ensuite que M. [D] [W], qui observe une attitude taisante sur ce sujet, ne conteste à aucun moment avoir demandé à la Caisse d'épargne que soit réédité le code confidentiel de son père ;

Qu'il s'ensuit qu'indépendamment de la question de savoir par qui et au profit de qui ont été effectuées les opérations litigieuses, M. [D] [W], en ne conservant pas en lieu sûr les effets que lui avait confiés son père au moment de son hospitalisation, et en prenant l'initiative, pour laquelle il n'avait reçu aucun mandat de son père, de faire rééditer le code confidentiel de la carte bancaire de celui-ci, a commis des fautes qui, en ayant au minimum rendu possible l'utilisation frauduleuse de ces moyens de paiement, se situent dans un rapport de causalité avec le préjudice subi, et engagent sa responsabilité civile extra contractuelle ;

Qu'il y a lieu de relever que l'utilisation des chéquiers ne pouvait pas passer inaperçue, celle-ci entraînant une consommation des formules de chèques ; que ces chèques ont été établis au profit d'une personne proche de M. [D] [W], en l'occurrence sa belle-mère ; qu'il existe un lien direct entre l'utilisation du code confidentiel, dont il est constant que M. [D] [W] a demandé la réédition, et l'utilisation du compte chèque, puisque c'est à l'aide du code confidentiel qu'ont pu être effectués des virements de compte à compte, permettant de réapprovisionner le compte chèque ;

Que la cour constate, enfin, que M. [D] [W], qui désigne sa belle-mère comme responsable des opérations litigieuses, ne fournit aucune explications sur les circonstances dans lesquelles celle-ci aurait pu être en possession de ces moyens de paiement

Qu'il doit également être relevé que M. [D] [W], qui excipe du fait que des chèques ont été émis à l'ordre du centre de soin que fréquentait son père, n'indique pas qui d'autre que lui, à qui les chéquiers ont été remis, a procédé à de telles opérations, ni dans quelles circonstances, hormis le fait d'avoir eu accès au courrier de son père, il aurait été informé de factures à régler ;

Que la cour constate, enfin, qu'un chèque de 400 euros a été émis le 10 décembre 2010 à l'ordre de [D] [W], et que la signature qui y est apposée offre de très fortes similitudes avec celles revêtant les chèques émis à l'ordre de Mme [C] ;

Qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité civile délictuelle de M. [D] [W] apparaît engagée ; qu'il convient toutefois d'opérer un partage de responsabilité avec la Caisse d'épargne, et de dire que M. [D] [W] devra garantir la Caisse d'épargne à hauteur de la moitié des sommes auxquelles cette dernière a été condamnée, sur justificatif de leur versement à M. [B] [W] ;

Sur les dommages-intérêts

Attendu que M. [B] [W], appelant incident, demande à la cour de condamner la Caisse d'épargne à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice moral ;

Que la Caisse d'épargne, qui ne s'exprime pas spécifiquement sur ce chef de demande, conclut à son rejet par voie de disposition générale de ses conclusions ;

Mais attendu que M. [B] [W] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral distinct du préjudice financier dont il a obtenu réparation, étant observé qu'ainsi que les premiers juges l'ont à juste titre retenu, le préjudice moral dont l'intéressé réclame réparation apparaît directement lié au contexte familial dans lequel ses moyens de paiement ont été frauduleusement utilités ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la Caisse d'épargne et M. [D] [W], succombant principalement dans leurs prétentions respectives, supporteront par moitié les dépens de première instance et d'appel ;

Attendu que l'équité commande d'allouer en cause d'appel à M. [B] [W] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement rendu le 3 avril 2014 par le tribunal de grande instance de Marseille, sauf en ce qui concerne l'appel en garantie de M. [D] [W] et les dépens ;

STATUANT à nouveau,

-CONDAMNE M. [D] [W] à garantir la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse à concurrence de la moitié des condamnations mises à la charge de cette dernière, sur justification des sommes versées à M. [B] [W] ;

Y AJOUTANT

CONDAMNE la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse à payer à M. [B] [W] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande des parties,

FAIT masse des dépens de première instance, dit qu'il seront supportés par moitié par la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse et par M. [D] [W], et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 14/10124
Date de la décision : 01/12/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°14/10124 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-01;14.10124 ?
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