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30/11/2016 | FRANCE | N°16/09135

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre d, 30 novembre 2016, 16/09135


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D



ARRÊT

DU 30 NOVEMBRE 2016

M-C.A.

N° 2016/281













Rôle N° 16/09135







[T] [X]





C/



[L] [X] épouse [B]

[P] [I] [X]





















Grosse délivrée

le :

à :



SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS





Me Corine SIMONI



Me Eric PASSET





Déci

sion déférée à la Cour :



Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/01968.





APPELANT



Monsieur [T] [X]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1] (Algérie)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1] ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D

ARRÊT

DU 30 NOVEMBRE 2016

M-C.A.

N° 2016/281

Rôle N° 16/09135

[T] [X]

C/

[L] [X] épouse [B]

[P] [I] [X]

Grosse délivrée

le :

à :

SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS

Me Corine SIMONI

Me Eric PASSET

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/01968.

APPELANT

Monsieur [T] [X]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1] (Algérie)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1] (ESPAGNE)

représenté et assisté par Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Covadonga FERNANDEZ MIRAVALLES avocat plaidant au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Madame [L] [X] épouse [B]

née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 1] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Pascal ALIAS, avocat plaidant au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Madame [P] [I] [X]

née le [Date naissance 3] 1939 à [Localité 2] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Eric PASSET, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Evelyne MARCHI avocat plaidant au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente

Mme Florence TESSIER, Conseiller

Mme Pascale POCHIC, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2016,

Signé par Mme Florence TESSIER, Conseiller pour le Président empêché et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 13 mai 2016,

Vu l'appel interjeté le 19 mai 2016 par monsieur [T] [X],

Vu les dernières conclusions de monsieur [T] [X], appelant, en date du 21 juillet 2016,

Vu les dernières conclusions de madame [P] [X], intimée en date du 22 août 2016,

Vu les dernières conclusions de madame [L] [B] née [X] en date du 16 août 2016,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 novembre 2016,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

Monsieur [N] [X] a épousé le [Date mariage 1] 1938 à [Localité 2], madame [J] [T] [H].

Les époux, mariés sans contrat de mariage préalable, ont fixé leur résidence à [Localité 2].

Madame [J] [X], de nationalité espagnole, est devenue française du fait de son mariage et a récupéré sa nationalité espagnole en 1987.

Le couple a eu trois enfants :

- madame [P] [X] née le [Date naissance 3] 1939 à [Localité 2],

- monsieur [T] [X] né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1] (Algérie)

- madame [L] [X] épouse [B] née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 1] (Algérie).

Le 14 mars 1979 monsieur et madame [X] ont chacun établi un testament olographe.

En 1987, madame [X] a repris sa nationalité espagnole et devenue [G] [T] [H] tout en conservant sa nationalité française.

Les 11 juillet 1978 et 30 mai 1990 les époux [X] se sont consentis une donation entre époux, aux termes d'un acte reçu par Maître [P], notaire à [Localité 3].

Le 12 mai 1995 les époux ont procédé à une donation préciputaire et hors part à madame [P] [X] sur un appartement sis à [Localité 3].

Le 19 février 1998, après avoir procédé à plusieurs donations attribuant différents biens aux enfants, ils ont établi une donation au profit de monsieur [T] [X] à titre préciputaire portant sur la totalité des biens sis en Espagne.

Monsieur [N] [X] est décédé le [Date décès 1] 1998 à [Localité 3] et madame [J] [X] est décédée le [Date décès 2] 2008 à [Localité 3].

Un procès verbal de difficultés a été dressé par Maître [K] [N], notaire à [Localité 3].

Selon acte d'huissier du 8 janvier 2013 madame [L] [X] épouse [B] a fait assigner madame [P] [X] et monsieur [T] [X] aux fins de voir, sur le fondement de l'article 815 du code civil, dire que la loi française est applicable à la succession de la défunte et voir ordonner la liquidation et le partage de la communauté ayant existé entre les époux et les successions de chacun des époux.

Par conclusions d'incident du 30 mai 2014 monsieur [T] [X] a demandé de voir déclarer la juridiction d'Aix-en-Provence incompétente pour connaître de la succession des biens immobiliers situés en Espagne.

Selon ordonnance contradictoire du 13 mai 2016 le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par monsieur [T] [X],

- dit que la loi française est applicable à l'entière succession [X],

- déclaré le tribunal de grande instance compétent,

- débouté les parties du surplus des chefs de leur demande respective,

- dit que les dépens suivront le sort de l'instance principale.

En cause d'appel monsieur [T] [X], appelant demande dans ses dernières conclusions en date du 21 juillet 2016 de :

- infirmer la décision dont appel,

- dire et juger que la loi applicable aux biens immeubles situés sur le territoire espagnol dépendant de la succession de madame [X] est la loi espagnole, loi matérielle désignée par la règle de conflit de loi française ainsi que la règle de conflit de loi espagnole,

- se déclarer incompétent pour connaître de la succession de [J] [X] s'agissant des biens immobiliers sis en Espagne au profit des juridictions espagnoles,

- condamner tout succombant aux paiement des entiers dépens.

Madame [P] [X] intimée, s'oppose aux prétentions de l'appelant, et demande dans ses dernières écritures en date du 22 août 2016 de :

- confirmer l'ordonnance déférée,

- débouter monsieur [X] de sa demande,

- condamner monsieur [T] [X] à verser à madame [P] [X] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Madame [L] [B] née [X], intimée demande dans ses dernières conclusions en date du 16 août 2016 de :

- confirmer l'ordonnance déférée,

- rejeter l'exception d'incompétence internationale soulevée par l'appelant,

- dire et juger que le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence est compétent pour statuer et ainsi prononcer l'ouverture des opérations de liquidation, comptes et partage de la communauté ayant existé entre les époux [X], l'entière succession de feu [N] [X] et l'entière succession de feue madame [J] [X],

- débouter monsieur [T] [X] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner monsieur [T] [X] au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article

SUR CE

Monsieur [T] [X] fait valoir pour contester l'application de la loi française et la compétence du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence pour connaître de la succession de madame [C] [X] pour les biens immobiliers situés en Espagne, que madame [J] [X] est décédée en l'état d'une double nationalité franco-espagnole.

Il ajoute que cette dernière lui a fait donation des biens situés sur le territoire espagnol en se prévalant de sa nationalité espagnole, devant un notaire espagnol et conformément au droit espagnol.

Il soutient que ces biens immobiliers situés en Espagne sont soumis à la loi matérielle espagnole du fait de leur situation et de la nationalité espagnole de sa mère et que le juge français n'est pas compétent en vertu de la règle de conflits de loi française en matière de succession immobilière car la loi française n'est applicable que pour les immeubles situés en France.

Il ajoute que les juridictions françaises sont compétentes pour régler l'ensemble des biens d'une succession, y compris les biens immeubles situés hors le territoire français, à condition que la loi de la situation des biens immeubles renvoie vers la loi française et que la loi française soit par l'effet du renvoi la seule loi applicable à l'ensemble de la succession, de sorte que cette compétence cesse s'il n'y a pas de renvoi où si la loi française n'est pas la seule à régler l'ensemble de la succession.

Or, en l'espèce, la loi désignée par la règle de conflit française (article 44 du code de procédure civile) est la loi espagnole du fait du lieu de la situation de l'immeuble et en vertu des dispositions du droit espagnol en matière de succession, l'ensemble du patrimoine du défunt est régi par la loi de sa nationalité, tel que prévu par l'article 9.8 du code civil espagnol aux termes duquel 'la succession à cause de mort se régira par la loi nationale du défunt au moment du décès, indépendamment de la nature des biens et du pays où ils se trouvent'

Il soutient que la règle de conflit étrangère doit être interprétée suivant les concepts étrangers et qu'en l'espèce la règle de conflit étrangère est la nationalité et que lorsque deux nationalités sont en conflit, la nationalité du for doit céder face à la solution étrangère car cette solution est la seule à permettre tout à la fois de respecter le sens de la règle de conflit étrangère et d'appliquer la loi matérielle étrangère désignée par la règle de conflit française.

Il expose que l'article 9 du code civil espagnol prévoit que 'lorsqu'une personne détient la nationalité espagnole en plus d'une deuxième nationalité non prévue ni dans nos lois ni dans les traités internationaux, la nationalité espagnole doit prévaloir.' et qu'ainsi les biens meubles et immeubles des ressortissants espagnols sont toujours soumis à la loi espagnole indépendamment de l'endroit où ils se trouvent et ce, même si la personne décédée a d'autres nationalités et toute la succession de madame [C] [T] [H] est soumise à la loi espagnole qui ne renvoie à aucune loi dans ce cas là.

Il conclut toutefois que de fait, la succession de la défunte doit être scindée en deux masses indépendantes, d'un côté les biens immeubles situés en Espagne soumis aux règles successorales espagnoles et relevant du juge espagnol, de l'autre côté, les biens immeubles situés en France ainsi que les biens meubles, soumis aux règles successorales françaises et relevant du juge français.

Madame [P] [X] indique qu'il résulte des règles applicables en matière de conflit de loi que la loi de la situation de l'immeuble est désignée comme la loi applicable c'est à dire en l'espèce, la loi française pour les biens situés en France et la loi espagnole pour les biens situés en Espagne mais qu'il est possible de déroger à ce principe par le mécanisme du renvoi qui consiste à appliquer une loi autre que celle en principe applicable dans la mesure où il assure l'unité successorale et l'application d'une même loi aux meubles et aux immeubles.

Elle poursuit en indiquant qu'il résulte des dispositions du droit international espagnol, l'article 12-2 de la loi d'introduction, combinée avec les dispositions de l'article 9-8 de la loi nationale qu'il est prévu le renvoi de la loi espagnole désignée comme compétente en raison de la situation des biens, à la loi nationale et l'unité successorale quelle que soit la nature et la situation des biens et que le droit espagnol prévoit en cas de succession internationale le renvoi à la loi nationale du défunt, afin d'assurer l'unité successorale, et ce, même en présence de biens immeubles.

Elle souligne que les deux de cujus étaient de nationalité française de sorte que la loi française est applicable et la juridiction française compétente pour régler l'ensemble de la succession des époux [X].

Madame [L] [B] née [X] soutient que la nationalité française doit prévaloir en cas de cumul de nationalités conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 17 du code civil français et qu'il n'y a pas lieu de contrevenir au principe d'unité successorale consacré par la loi espagnole.

Ceci rappelé, la succession de madame [X]/ [T] [H] qui a la double nationalité franco-espagnole, qui est décédée en France à [Localité 3], et celle de monsieur [N] [X] de nationalité française, décédé en France à [Localité 3], comportent, les époux étant mariés sous le régime de la communauté, des biens immobiliers situés en France et en Espagne.

Aux termes de l'article 3 alinéa 2 du code civil, les immeubles, (situés sur le territoire français) même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française.

L'article 44 du code de procédure civile précise qu'en matière réelle immobilière, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble est seule compétente.

L'article 45 du même code dispose qu'en matière de succession, sont portées devant la juridiction dans le ressort de laquelle est ouverte la succession jusqu'au partage inclusivement: les demandes entre héritiers..les demandes relatives à l'exécution des dispositions à cause de mort.

La loi espagnole applicable aux biens immobiliers situés en Espagne selon l'article 44 précité renvoie à la loi nationale de la défunte soit à sa double nationalité comme suit :

L'article 9.8 du code civil espagnol : 'la succession à cause de mort se régira par la loi nationale du défunt au moment du décès, indépendamment de la nature des biens et du pays où ils se trouvent'

L'article 9 du code civil espagnol : 'lorsqu'une personne détient la nationalité espagnole en plus d'une deuxième nationalité non prévue ni dans nos lois ni dans les traités internationaux, la nationalité espagnole doit prévaloir.'

Il en résulte que deux nationalités sont en conflit, celle du for et celle de l'état renvoyant.

L'article 12-2° du code civil espagnol prévoit 'le renvoi au droit étranger sera considéré fait à sa loi matérielle, sans tenir compte du renvoi que ses normes de conflit peuvent faire à une autre loi qui n'est pas la loi espagnole'.

Or, en l'espèce, le dernier domicile des époux [X] étaient situés en France à [Localité 3] depuis 1990, leur succession a été ouverte en France, tous deux ont la nationalité française, la liquidation de leur régime matrimonial est soumise à la loi française, partie des actes accomplis en Espagne par la défunte l'ont été alors qu'elle n'avait que la nationalité française, de sorte que le renvoi à la loi française doit être appliqué conformément aux dispositions de la loi espagnole dont la finalité est celle de l'unité successorale alors que la nationalité française prévaut.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le juge de la mise en état a jugé que le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence est compétent pour connaître de l'ensemble des successions des époux [X]/ [T] et qu'il convient de confirmer l'ordonnance déférée.

L'équité commande d'allouer à chacune des intimées la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel resteront à la charge de l'appelant qui succombe.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Rejette l'ensemble des demandes de l'appelant,

En conséquence,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Dit que le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence est compétent pour statuer et ainsi prononcer l'ouverture des opérations de liquidation, comptes et partage de la communauté ayant existé entre les époux [X], l'entière succession de feu [N] [X] et l'entière succession de feue madame [J] [X],

Y ajoutant,

Condamne l'appelant à payer à chacune des intimées la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'appelant aux entiers dépens.

LE GREFFIERPOUR LE LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ

Florence TESSIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre d
Numéro d'arrêt : 16/09135
Date de la décision : 30/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°16/09135 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-30;16.09135 ?
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