COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1re chambre C
ARRÊT
DU 24 NOVEMBRE 2016
N° 2016/1164
Rôle N° 14/23860
CAISSE NATIONALE DU RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (CNRSI)
C/
ASSOCIATION MOUVEMENT POUR LA LIBERTÉ DE LA PROTECTION SOCIALE (MLPS)
Grosse délivrée
le :
à :
Me SELARL BOULAN
Me CHAMBONNAUD
Décision déférée à la cour :
Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Nice en date du 11 décembre 2014 enregistrée au répertoire général sous le n° 14/01429.
APPELANTE
LA CAISSE NATIONALE DU RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (CNRSI)
dont le siège est [Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par la SELARL BOULAN/CHERFILS/IMPERATORE, avocats au barreau d'Aix-en-Provence
assistée par Me Alain BENSOUSSAN substitué par Maître Chloë LEGRIS avocats au barreau de Paris, plaidant
INTIMÉE
L'ASSOCIATION MOUVEMENT POUR LA LIBERTÉ DE LA PROTECTION SOCIALE (MLPS)
dont le siège est [Adresse 2]
représentée par Me Frédéric CHAMBONNAUD, avocat au barreau de Nice
assistée par Me Ana COIMBRA, avocat au barreau de Poitiers substituée par Me Frédéric CHAMBONNAUD, avocat au barreau de Nice
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 octobre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Serge Kerraudren, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La cour était composée de :
Monsieur Serge KERRAUDREN, président
Mme Danielle DEMONT, conseiller
Madame Pascale POCHIC, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2016,
Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :
La Caisse nationale du régime social des indépendants (CNRSI) est un organisme de droit privé chargé de la gestion du régime de protection sociale obligatoire des travailleurs indépendants. Selon requête présentée au président du tribunal de grande instance de Nice, le 17 juin 2014, elle a exposé que divers mouvements, parmi lesquels l'association Mouvement pour la liberté de la protection sociale (MLPS), présidée par M. [Q] [L], incitaient les membres des professions indépendantes à se désaffilier des régimes obligatoires de sécurité sociale, notamment en organisant des réunions publiques d'information. C'est pourquoi elle a sollicité l'autorisation de faire procéder à un constat par un huissier de justice concernant une réunion devant se tenir le 21 juin 2014 à [Localité 2] en vue notamment de retranscrire les propos tenus par les intervenants. Il a été fait droit à sa demande, par une ordonnance du 17 juin 2014, au visa des articles 145, 493, 875 du code de procédure civile, 10 du code civil.
Maître [Z], huissier de justice, a dressé un procès-verbal de constat de ses opérations le 21 juin 2014.
Par exploit du 17 juillet 2014, le MLPS a saisi le président du tribunal de grande instance de Nice à l'effet d'obtenir, pour l'essentiel, qu'il soit enjoint à la CNRSI, avant dire droit, d'avoir à justifier de son immatriculation au registre prévu à l'article L 411-1 du code de la mutualité et d'avoir à communiquer ses statuts et, à titre subsidiaire, que l'ordonnance du 17 juin 2014 soit rétractée dans son intégralité. La CNRSI s'est opposée à ces prétentions.
Par ordonnance du 11 décembre 2014, le président du tribunal de grande instance de Nice, estimant que la qualité pour agir de la CNRSI ne pouvait être vérifiée, en l'absence de justification de son immatriculation au registre précité, a statué comme suit :
'Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir comme il appartiendra, mais d'ores et déjà
Vu l'article 32 du code de procédure civile,
Vu l'article 411-1 du code de la mutualité,
Vu la jurisprudence précitée,
-Prononçons la rétractation, dans son intégralité de l'ordonnance sur requête du tribunal de grande intance de Nice du 17 juin 2014 ;
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,
-Rejetons la demande de l'association 'Mouvement pour la liberté de la protection sociale' tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
-Rejetons le surplus des demandes ;
-Condamnons le RSI à verser à MLPS la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamnons la Caisse Nationale de Régime Social des Indépendants aux dépens de l'instance.'.
Cette décision a été frappée d'appel par la CNRSI le 17 décembre 2014.
Un arrêt de la Cour de cassation du 21 janvier 2016 a rejeté une demande de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime formée par le MLPS le 30 décembre 2015.
Par un arrêt du 30 juin 2016, la cour de ce siège a déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité présentée par le MLPS.
L'appelante a déposé ses conclusions récapitulatives le 29 septembre 2016 aux fins d'infimation de l'ordonnance déférée, de rejet des demandes du MLPS et de condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 5 000 € de dommages intérêts au titre de l'article 353 du code de procédure civile, la somme de 5 000 € pour procédure abusive et la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le MLPS, se don côté, a conclu au fond le 17 avril 2015 à l'irrecevabilité de l'appel pour défaut de qualité à agir, à titre subsidiaire à la confirmation de l'ordonnance et à l'allocation de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 19 septembre 2016, le MLPS a déposé des conclusions de sursis à statuer en attendant le terme de la procédure pénale engagée à son encontre.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
MOTIFS :
Attendu qu'il ne résulte d'aucun élément, contrairement à ce que soutient l'appelante, que le président du MLPS ait été entendu par les services de police en 2014 et en tout cas avant le dépôt de ses conclusions au fond alors que l'association et son président ont fait l'objet d'une citation directe devant le tribunal correctionnel de Paris le 19 juillet 2016 pour des faits commis jusqu'au 06 octobre 2015 ; que l'exception de procédure est donc recevable ;
Attendu qu'il est constant que le sursis est en l'espèce facultatif ; qu'il est sans intérêt dans cette affaire puisque le MLPS est poursuivi pour une infraction d'incitation à la désaffiliation d'un régime obligatoire de sécurité sociale, à la requête du parquet et non de la CNRSI, et que le jugement de ce délit n'aura pas d'incidence directe sur le litige dont la cour est saisie ; que la demande de sursis à statuer doit être rejetée ;
Attendu que l'appelante soutient à tort que le MLPS n'a pas conclu au fond puisque ses dernières écritures se bornent à réclamer un sursis à statuer ; qu'en effet, les conclusions soumises aux prescriptions de l'article 954 aliéna 2 du code de procédure civile sont celles qui déterminent l'objet du litige ou qui soulèvent un incident de nature à mettre fin à l'instance, ce qui n'est manifestement pas le cas de conclusions aux fins de sursis à statuer ; qu'il s'ensuit qu'il convient de se prononcer au vu des écritures susvisées du MLPS du 17 avril 2015 ;
Attendu que celui-ci fait valoir que la CNRSI est une mutuelle, régie par le code de la mutualité, qu'elle ne s'est pas inscrite au registre prévu par ce code et se trouve donc dissoute ; que, selon lui, la loi, la jurisprudence et la doctrine confiment ce statut ;
Attendu cependant que l'intimée se fonde sur un arrêt avant dire droit de la cour d'appel de Limoges du 20 octobre 2014 mais que, statuant ensuite au fond, la même juridiction a décidé, le 23 mars 2015, que le RSI relevait du code de la sécurité sociale ;
Attendu que, comme l'expose l'appelante, les dispositions légales visées par l'intimé sont anciennes, alors que son régime résulte d'une ordonnance du 08 décembre 2005 ; qu'elle relève du code de la sécurité sociale (article L 611-1 et suivants), selon lequel le RSI, qui comprend trois branches (assurance maladie et maternité, assurance vieillesse des professions artisanales et assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales) comporte une caisse nationale et des caisses de base, ces organismes de droit privé chargés d'une mission de service public étant dotés de la personnalité morale ; que, s'agissant de la CNRSI, elle est représentée en justice par son directeur général ;
Attendu que l'appelante verse aux débats de multiples décisions de justice confortant cette situation, de même que , par ailleurs, l'inapplicabilité à son égard des directives communautaires relatives à l'assurance ;
Attendu en conséquence que la qualité pour agir de la CNRSI, représentée par son directeur général, n'est pas sérieusement discutable ; que l'appel doit être déclaré recevable ;
Attendu, au fond, que l'intimé ne discute pas que les circonstances, d'ailleurs exposées au juge des requêtes, justifiaient qu'il fût dérogé au principe de la contradiction ; qu'il conteste à tort n'être pas visé par les pièces produites par la CNRSI puisque celle-ci versait au soutien de sa demande divers procès-verbaux de constat concernant des réunions d'information auxquelles participait le président du MLPS pour 'sortir de la sécu' ;
Attendu que l'intimé argue enfin de la tenue de réunions privées, produisant une pièce selon laquelle une autre réunion était annoncée comme de caractère strictement privé, une inscription nominative étant obligatoire ;
Mais attendu que la réunion litigieuse était annoncée sur un site accessible à tout internaute, qu'aucune invitation nominative n'était exigée mais seulement une inscription préalable à l'adresse indiquée et une participation de 10 € ; qu'il s'ensuit qu'à l'évidence la réunion d'information était publique, de sorte que la mesure sollicitée n'était pas attentatoire à la vie privée ;
Attendu que l'ordonnance n'est pas contestée pour le surplus, ce qui conduit à rejeter la demande de rétractation ;
Attendu que l'appelante se prévaut, au soutien de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 353 du code de procédure civile, d'un préjudice d'image résultant d'agissements du MLPS distincts de ceux faisant l'objet du présent litige ; qu'elle ne justifie pas, par ailleurs, du préjudice matériel allégué, de sorte que sa réclamation à ces titres sera rejetée ;
Attendu que n'est pas davantage fondée la demande de dommages-interêts pour procédure abusive dès lors que le MLPS avait obtenu gain de cause en première intance ;
qu'il n'est pas établi qu'un préjudice particulier ait été occasionné à la suite du renvoi de l'affaire en raison du temps nécessaire pour juger la question prioritaire de constitutionnalité ; que le rejet de la demande de dommages-intérêts s'impose donc de ce second chef ;
Attendu en revanche qu'il est équitable d'indemniser l'appelante pour ses frais irrépétibles de procédure ; que la réclamation formée au même titre par l'intimé, qui succombe, doit être écartée ;
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare recevable mais non fondée la demande de sursis à statuer,
En conséquence, la rejette,
Déclare l'appel recevable,
Infirme l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Déboute l'assocation Mouvement pour la liberté de la protection sociale de sa demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 17 juin 2014,
Rejette les demandes de dommages-intérêts formées par la Caisse nationale du régime social des indépendants,
Condamne l'association Mouvement pour la liberté de la protection sociale à lui verser la somme de 8 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes prétentions contraires ou plus amples des parties,
Condamne l'association Mouvement pour la liberté de la protection sociale aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, pour ces derniers, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le président,