COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 24 NOVEMBRE 2016
N°2016/
GB/FP-D
Rôle N° 13/16319
SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT
C/
[E] [X]
CAISSE DU CREDIT MUTUEL D'AIX
Grosse délivrée le :
à :
Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON
Me Jean-philippe NOUIS, avocat au barreau D'AIX-EN-
PROVENCE
Me Michel JANCOU, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 06 Juin 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 10/133.
APPELANTE
SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON
M. [U] [H], spécialiste DRH
INTIME
Monsieur [E] [X], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-philippe NOUIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
CAISSE DU CREDIT MUTUEL D'AIX, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Michel JANCOU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Olivier LE MAILLOUX, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2016
Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Par lettre recommandée postée le 23 juillet 2013, la Société Marseillaise de crédit (SMC) a interjeté appel du jugement rendu le 6 juin 2011 par le bureau de départage du conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, à elle notifié le 11 juillet 2011, rejetant son action contre M. [X] lui reprochant la violation d'une clause de non-concurrence et une concurrence déloyale ; ses demandes, en cause d'appel, tendent au paiement des sommes suivantes :
11 325,56 euros au titre de la clause pénale contractuelle,
11 325,56 euros en remboursement de l'indemnité spéciale forfaitaire de non-concurrence, subsidiairement, condamner M. [X] pour concurrence déloyale.
La SMC poursuit la Caisse du crédit mutuel d'Aix Mirabeau (CCM) en paiement de ces mêmes indemnités pour avoir engagé M. [X] en connaissance de son interdiction de se placer à son service.
La CCM résiste et poursuit la condamnation de la SMC à lui verser 4 000 euros pour frais irrépétibles.
M. [X] conclut au principal à la confirmation du jugement déféré, mais, sur son appel incident, réclame à la SMC la délivrance, sous astreinte, de son reçu pour solde de tout compte, ainsi que sa condamnation à lui verser 2 400 euros au titre d'une prime, 20 000 euros de dommages-intérêts et 4 000 euros pour frais non répétibles.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 21 septembre 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La clause de non-concurrence stipule :
Compte tenu de vos fonctions commerciales et des contacts établis avec la clientèle, vous vous interdisez, en cas de cessation du présent contrat, d'entrer au service d'une entreprise susceptible de concurrencer l'activité de la SMC ou les produits qu'elle commercialise et d'y exercer une activité dans les domaines où vous serez intervenu et de nature à vous mettre en contact, par quelque moyen que ce soit, avec les prospects en gestion active et la clientèle de la SMC.
Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de 18 mois commençant le jour de la cessation effective de votre contrat de travail et couvre le territoire du ou des départements sur lequel ou sur lesquels vous serez intervenu au cours de l'année précédant la cessation du présent contrat sur une zone géographique comprise entre les limites de ce ou de ces départements et une distance de 50 kms.
Comme le plaide utilement son conseil, le conseiller en clientèle [X] était soumis à une clause de mobilité constituant un élément essentiel du contrat de travail (pièce 2) ; qu'il doit être déduit de cette stipulation que la mobilité des commerciaux est une pratique courante au sein de la SMC ; que par l'effet de mutations souhaitées ou imposées, le salarié pouvait occuper plusieurs postes de travail dans plusieurs départements douze mois avant la cessation de son contrat de travail ; qu'ainsi, mécaniquement, son interdiction d'exercer sa profession pouvait couvrir une zone géographique encore plus étendue que le département des Bouches-du-Rhône dans lequel il exerçait son activité et les départements limitrophes de l'Hérault, du Var et du Vaucluse, ces circonstances rendant son application dans l'espace trop étendue.
La cour de relever qu'un conseiller en clientèle a pour mission de prospecter en vue de vendre les produits financiers et les services de la banque, de conseiller ses clients et d'instruire les dossiers de crédit ; que sa clientèle peut être domiciliée à l'intérieur ou à l'extérieur du département où ce conseiller exerce son activité ; que l'interdiction d'exercice sur le territoire du ou des départements sur lequel ou sur lesquels vous serez intervenu (souligné par le rédacteur) est imprécise dans sa définition et imprévisible dans ses conséquences ; qu'en effet, une simple prise de contact téléphonique au siège d'une entreprise parisienne pour finaliser un dossier marseillais entre dans une définition lexicale de l'intervention ; qu'il s'ensuit que le 3 mai 2007, date à laquelle le salarié ratifiait cette clause, celui-ci était dans l'incapacité d'anticiper le périmètre de sa zone d'exclusion.
La cour confirmera l'annulation de la clause de non-concurrence dont se prévaut la SMC.
L'annulation rétroactive de cette clause de non-concurrence rend par voie de nécessaire conséquence sans objet la clause pénale dont elle était le support.
Pour démontrer que M. [X] a accompli des actes de concurrence déloyale, la SMC doit établir qu'il a attiré tout ou partie de sa clientèle au profit de son nouvel employeur.
Sur ce point la SMC est défaillante dans l'administration de la preuve se bornant à verser deux attestations : l'attestation de Mme [Y], conseillère en clientèle au sein de la SMC, indiquant que l'un de ses clients, inommé, lui a dit avoir déjeuné la semaine d'avant, sans datation, et que [E] [X] lui avait parlé du crédit mutuel et du fonctionnement dans son agence ne décrit aucun fait permettant de retenir qu'à cette occasion M. [X] aurait tenté d'attraire ce client au sein de la CCM - l'attestation de M.[O], employé de banque, qui déclare que Le seul fait avéré pour ma part est la présence de Mr [X] le 22 avril 2010 en fin d'après-midi, à l'Assemblée générale de Pays d'Aix Initiatives (association crée afin d'aider à l'élaboration et à l'aboutissement de projets d'entreprises) n'est pas plus opérante car sa présence à cette assemblée ne présente pas d'intérêt.
Ce motif rend sans objet l'appel en garantie de la SMC à l'encontre de la CCM.
Son conseil met en exergue le fait que la SMC avait connaissance du projet professionnel de M. [X] ce qui est démontré par un premier courriel (pièce 6) du 23 septembre 2009 du DRH de la SMC lui proposant de renégocier exceptionnellement sa clause de non-concurrence par voie d'avenant, réponse souhaitée avant demain midi, puis, surtout, par un deuxième courriel (pièce 6) du 24 septembre 2009 du DRH de la SMC au DRH de la CCM ayant pour objet de solutionner au mieux cette affaire entre nos deux banques, ce qui établit qu'un jour avant son départ effectif, la SMC était informée de son projet professionnel de se mettre au service de sa concurrente afin d'exercer la même profession dans le même département ; que, malgré l'absence de l'accord qu'elle souhaitait sur la modification de la clause litigieuse, la SMC réglait, en une fois et sans réserve, le 28 septembre 2009, une indemnité forfaitaire contractuelle représentant 11 325,56 euros.
Comme le plaide utilement le conseil de M. [X] pour s'opposer à la demande de la SMC tendant à la restitution de l'indu à la suite de l'annulation rétroactive de la clause de non-concurrence, le règlement de cette indemnité n'est pas intervenu par erreur puisque celui qui s'est appauvri l'a fait en pleine connaissance de cause, ce qui interdit de constater la réunion des conditions de la répétition.
En conséquence, la SMC sera à nouveau déboutée de toutes ses prétentions.
Le jugement déféré condamne la SMC à lui délivrer son reçu pour solde de tout compte que cet employeur soutient avoir remis ce que conteste toujours le salarié.
S'obligeant à cette remise, la cour constate que sa débitrice n'en justifie pas à la lecture de son bordereau de pièces, en conséquence la cour ordonnera cette délivrance sous astreinte.
Sur la réclamation afférente au paiement d'une prime PNB d'un montant de 2 400 euros visant à récompenser les équipes du réseau en fonction de la croissance (pièce 40), la cour adopte expressément les justes motifs des premiers juges, sachant que ce point de litige n'a fait l'objet d'aucune évolution depuis la première instance.
Sur la demande de M. [X] en paiement par la SMC de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts au motif que la nullité de la clause de non-concurrence lui occasionne un nécessaire préjudice, la cour rejettera au constat de la conservation par le salarié de sa contre-partie pécuniaire représentant une somme importante au-delà du bénéfice de laquelle il ne justifie pas d'un préjudice résiduel.
La SMC supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties présentes ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
Confirme le jugement.
Y ajoutant, condamne la Société Marseillaise de crédit à remettre à M. [X] son reçu pour solde de tout compte dans le mois suivant la notification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, la cour se réservant expressément la liquidation éventuelle de cette astreinte.
Rejette les demandes plus amples ou contraires.
Condamne la Société Marseillaise de crédit aux entiers dépens.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à application.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT