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17/11/2016 | FRANCE | N°14/16864

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 17 novembre 2016, 14/16864


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2016



N°2016/

GB/FP-D













Rôle N° 14/16864







[P] [B]





C/



Association DE MAISON DE RETRAITE 'LE REFUGE DES CHEMINOTS'



































Grosse délivrée le :

à :

Me Rémi BOULVERT, avocat au barreau de NICE

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Me David LEVY, avocat au barreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES - section AD - en date du 17 Juillet 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/68.





APPELANTE



Madame [...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2016

N°2016/

GB/FP-D

Rôle N° 14/16864

[P] [B]

C/

Association DE MAISON DE RETRAITE 'LE REFUGE DES CHEMINOTS'

Grosse délivrée le :

à :

Me Rémi BOULVERT, avocat au barreau de NICE

Me David LEVY, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES - section AD - en date du 17 Juillet 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/68.

APPELANTE

Madame [P] [B], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Rémi BOULVERT, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Association DE MAISON DE RETRAITE 'LE REFUGE DES CHEMINOTS', demeurant [Adresse 2]

représentée par Me David LEVY, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 3])

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2016

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE

Par lettre recommandée, postée à une date inconnue, réceptionnée au secrétariat-greffe de la cour le 12août 2012, Mme [B] a interjeté appel du jugement rendu le 17 juillet 2014 par le conseil de prud'hommes de Cannes la déboutant au contradictoire de la défenderesse l'association Le Refuge des cheminots.

Contestant avoir été à même de prendre son temps de pause durant son service de nuit au sein de cet Etablissement d'Hébergement pour Personnes Âgées et Dépendantes (EHPAD), en sa qualité d'agent de services de soins de nuit, Mme [B] réclame la contrepartie d'une heure supplémentaire de travail pour chaque nuit de prise de service, représentant une créance de 9 061,62 euros et 906,16 euros au titre des congés payés afférents, plus une créance de 10 440 euros pour travail dissimulé ; que la salariée invoque également une créance de congés payés d'un montant de 2 475 euros ; fort de son droit de créance, cette salariée demande à la cour de juger que sa démission produira les effets d'une prise d'acte pour lui allouer une indemnité de 12 256 euros du chef de la rupture illégitime de son contrat de travail, sans préjudice de l'allocation de 3 000 euros pour ses frais irrépétibles.

L'employeur de conclure à la confirmation du jugement déféré.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 14 septembre 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [B] a démissionné de son emploi par une lettre simple du 3 juillet 2012, ne contenant aucune réserve, mais cette salariée s'était plainte auprès de sa direction, par courriers des 4 avril et 27 juillet 2010 auxquels l'employeur n'a pas apporté de réponse dont il puisse justifier, du non-paiement de son temps de pause et de repas assimilable, selon elle, à un temps de travail effectif car elle devait assurer en permanence la surveillance de nuit des personnes hospitalisées ou hébergées, de sorte que, non seulement il ne lui aurait pas été permis de recouvrer sa liberté d'action et de mouvement durant son heure de pause, mais encore que sa charge réelle de travail l'obligeait à travailler 11 heures d'affilée payées 10.

Le non-paiement de ce temps de pause s'étant poursuivi à l'identique jusqu'au jour de cette démission, ce reproche restait actuel dans l'esprit de son auteure et était de nature à vicier sa volonté, peu importe que l'intéressée a attendu huit mois pour exercer son droit de repentir par le biais de la présente action en justice ; la cour, en conséquence, reçoit son action tendant à faire juger que la rupture de son contrat de travail s'analyse en une prise d'acte légitime.

Sur le bien-fondé de cette action, la cour rappelle qu'au plan réglementaire les agents de service hospitalier sont chargés de l'entretien et de l'hygiène des locaux de soins et qu'ils participent aux tâches permettant d'assurer le confort des malades ; en revanche, ils ne participent pas aux soins des malades et des personnes hospitalisées.

Mme [B] dépendait des services généraux de l'EHPAD, comme l'indiquent ses bulletins de salaire, et elle verse aux débats sa fiche de poste d' agent de services de soins (pièce 12) à l'examen de laquelle il résulte que si l'employeur prévoyait effectivement l'exécution de tâches relevant exclusivement de ses compétences, telles que vider les poubelles - laver et désinfecter les tables et les chaises - laver et désinfecter le couloir - descendre le linge sale en laverie -, cet employeur lui assignait également des tâches pour lesquelles elle n'avait pas la qualification requise, telles que faire prendre les médicaments de nuit - mise de couche - change des résidents - noter les selles dans le classeur SUIVI NURSING - faire manger les résidents dépendants (sans la présence d'une aide-soignante) - transmission ciblées écrites dans les dossiers des résidents - prise de connaissance des divers documents et dossiers disponibles à l'infirmerie - ; d'où il sera retenu que la salariée accomplissait chaque nuit ses fonctions propres et des fonctions normalement dévolues à une aide-soignante.

Dans ces conditions, Mme [B], à raison, se plaint d'avoir été continuellement dérangée durant son heure de pause car elle exécutait ces multiples tâches de travail qui l'absorbait totalement et l'empêchait d'ignorer entre 1h.30 et 2 h.30 les contraintes liées au suivi des 38 personnes confiées à sa seule surveillance.

Lorsque, par exemple, le conseil de l'employeur affirme en page 10 de ses écritures, en caractères gras et soulignés, que les résidents dorment durant la nuit, insinuant que la salariée bénéficiait ipso facto de larges plages de repos durant son service, cette affirmation est contredite par la fiche de poste susmentionnée qui indique qu'entre 2h.30 et 3h.30 il lui appartenait d'assurer la gestion de certains patients qui déambulent, ce qui démontre que tous les patients ne passent pas une nuit de sommeil tranquille, ce qui relève du simple bon sens, et que, si un ou plusieurs patients déambulaient durant son temps de pause, la salariée était contrainte de le ou les prendre en charge.

La salariée achève sa démonstration en versant au dossier les attestations crédibles de collègues de travail, [Q] et [G], la première indiquant que les trois soignants de nuit travaillaient sur une plage horaire de 11h payées 10h, le second indiquant que l'heure qui n'était pas payée, servait à la base de 'pause' mais régulièrement nous étions obligés de nous déplacer dans les services pour répondre aux sonnettes ou effectuer les surveillance médicales.

Du tout il résulte que l'employeur n'apporte pas la preuve qui lui incombe du respect de son temps de pause et de repas.

La cour, infirmant le jugement soumis à sa censure, dira que ce manquement grave et répété de l'employeur, qui a eu pour conséquences de priver la salariée du règlement de l'intégralité de son salaire, justifie la requalification de la démission de Mme [B] en une prise d'acte ouvrant droit au paiement d'heures supplémentaires à hauteur des sommes réclamées non sérieusement contestables à l'examen de son décompte, très précis, qui applique légitimement le doublement conventionnel des majorations de salaire liées à l'accomplissement des heures supplémentaires de nuit.

Sur le travail dissimulé, la cour relève que l'employeur savait depuis les deux courriers que sa salariée lui avaient adressés dès l'année 2010 qu'une heure supplémentaire de travail effectif n'était pas payée à chacun de ses services de nuit ; qu'il a manifesté sa volonté de dissimulation en persistant à indiquer sur ses bulletins de salaire l'accomplissement chaque mois de 151 h. 67 de travail ; conséquemment la cour fera application de l'article L. 8221-5, 2°, du code du travail qui répute travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur un bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que, sur la base d'un salaire brut mensuel de 1 740 euros, Mme [B] recevra une indemnité de 10 440 euros à ce titre.

La rupture illégitime du contrat de travail est source d'un préjudice certain ; âgée de 39 ans au jour de la rupture de son contrat de travail, Mme [B] a perdu un salaire brut de 1.740 euros par mois, en l'état d'une ancienneté de 3 ans au sein d'une entreprise occupant habituellement plus de 11 salariés ; l'intéressée ne disant rien de son devenir professionnelle après sa démission, la cour lui allouera une indemnité représentant 6 mois de salaire, soit la somme de 10 440 euros.

Sur la demande en paiement d'un reliquat de congés payés, représentant 2 475 euros, le conseil de la salariée demande à la cour de constater que l'association Le Refuge des cheminots n'a ni maintenu son salaire durant ses congés payés ni fait application de la règle du 10ème ; son contradicteur de répliquer, sans plus de démonstration, que la salariée a été remplie de ses droits.

Il résulte à l'examen de ses bulletins de salaire édités pour les mois de janvier et avril 2012 que l'employeur a compensé, sans explication de sa part, l'intitulé Indemnités de Congés Payés par un intitulé Absence pour Congés Payés, le tout à hauteur de la somme de 763,54 euros restant due à la salariée ; pour le surplus, contrairement à son affirmation, son salaire fut maintenu durant ses périodes de congés comme en font foi le fiches de paie dont la cour dispose.

L'employeur supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties présentes ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :

Infirme le jugement ;

Et, statuant à nouveau :

Reçoit la demande, requalifie la démission de la salariée en une prise d'acte légitime ;

Condamne l'association Le Refuge des cheminots à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

9 061,62 euros et 906,16 euros au titre des congés payés afférents en paiement d'heures supplémentaires,

10 440 euros pour travail dissimulé,

10 440 euros en réparation de la rupture de son contrat de travail,

763,54 euros en rappel de congés payés ;

Condamne l'intimée aux entiers dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Le Refuge des cheminots à verser 3 000 euros à Mme [B].

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 14/16864
Date de la décision : 17/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°14/16864 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-17;14.16864 ?
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