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04/11/2016 | FRANCE | N°14/14516

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 04 novembre 2016, 14/14516


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 04 NOVEMBRE 2016



N°2016/



Rôle N° 14/14516







[K] [S]





C/



SA CIVAL













Grosse délivrée le :



à :



Me Aurélie CLERC, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Pierre LEMAN, avocat au barreau de NÎMES







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déféré

e à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section C - en date du 12 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/639.





APPELANT



Monsieur [K] [S], demeurant [Adresse 1]. [Adresse 2]



représenté par Me Aurélie CLE...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 04 NOVEMBRE 2016

N°2016/

Rôle N° 14/14516

[K] [S]

C/

SA CIVAL

Grosse délivrée le :

à :

Me Aurélie CLERC, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Pierre LEMAN, avocat au barreau de NÎMES

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section C - en date du 12 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/639.

APPELANT

Monsieur [K] [S], demeurant [Adresse 1]. [Adresse 2]

représenté par Me Aurélie CLERC, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA CIVAL, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Pierre LEMAN, avocat au barreau de NÎMES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Gisèle BAETSLE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Madame Gisèle BAETSLE, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2016

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [S] a été embauché le 11 septembre 2006 par la SA CIVAL en qualité d'ouvrier professionnel de fabrication, niveau II dans le cadre d'un contrat à durée déterminée puis à compter du 11 mars 2007 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, moyennant un salaire au dernier état de la relation contractuelle de 1799,62 € bruts

Il a été licencié par lettre du 13 mars 2013 pour faute grave.

Saisi par M. [S] de demandes en paiement de diverses indemnités résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, par jugement du 12 juin 2014, notifié le 25 juin 2014 , le Conseil de Prud'hommes de Martigues, considérant que la faute grave était établie, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

M. [S] a régulièrement fait appel de cette décision.

Les parties ont oralement repris leurs conclusions auxquelles il convient de se référer pour l'exposé complet de de leurs moyens et prétentions.

M. [S] d'une part fait valoir qu'il lui est reproché d'avoir vendu le 21 février 2013 des barquettes de viande d'animaux sous cette dénomination , viande encore consommable , à un prix inférieur au prix réel.

Il rappelle qu'il a fait l'objet le 2 mars 2013 d'un avertissement pour des faits autres et qu'en application du principe 'non bis in idem', il ne pouvait plus être sanctionné pour des faits antérieurs à cette date.

Il conteste le fait qu'Intermarché ne vendait plus ce type de produit et fournit un ticket postérieur à la date des faits avec un code barre mentionnant 'viande pour animaux' . Il déclare que ce code barre n'a jamais été enlevé de sa balance et qu'il n'a pas été averti de la fin de la mise en vente de ce produit. Il ajoute que les témoins sont discordants sur la qualité de la viande.

Il conclut en conséquence à la réformation du jugement querellé et demande à la Cour de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de lui allouer:

- 3928,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 392,83 euros au titre des congés payés y afférents

- 2618,88 euros au titre de l'indemnité de licenciement

-25.000 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- 35 euros au titre du remboursement du timbre fiscal

et ce avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et capitalisation. .

La SA CIVAL réplique que M. [S] , avant les faits reprochés , avait déjà fait l'objet de 9 sanctions pour insubordination, abandon de poste , absence injustifiée...; que le 21 février 2013, il a volontairement enfreint les consignes de l'employeur ; qu'il ne peut se prévaloir de la règle 'Non bis in idem', en l'état d'une enquête en cours, l'hôtesse de caisse n'ayant écrit à l' employeur pour détailler les faits que le 6 mars 2013 , lequel employeur n'a entendu le salarié que le 7 mars suivant; que de plus , il résulte des attestations produites que la viande était parfaitement consommable même si un morceau de viande de moindre qualité y avait été ajouté.

La SA CIVAL conclut en conséquence à la confirmation du jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée par les parties et le dossier ne contient pas d'élément permettant à la Cour de soulever d'office ce moyen.

Sur le principe 'non bis in idem':

En application de ce principe , l'employeur qui , bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés au salarié , choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux , épuise son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à la sanction prononcée.

L'employeur soutient qu'il n'a connu les faits motivant le licenciement que le 6 mars date à laquelle l'hôtesse de caisse lui a écrit pour détailler ces faits et qu'il n'a entendu le salarié que le 7 mars ; précisant qu'au moment de l'avertissement une enquête sur l'étendue des agissements était en cours.

En l'espèce , il résulte des pièces produites par les parties que M. [S] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire par lettre du 22 février 2013 pour le 1 mars 2013; que le 6 mars 2013 lui a été notifié un avertissement pour un retard d'une heure le samedi 2 mars 2013; que par nouvelle convocation à un entretien préalable du 28 février 2013 remplaçant celle du 22 février précédente, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave fixé au 7 mars 2013.. Il sera de fait licencié par lettre du 13 mars 2013

Il en résulte que déjà le 22 février , M. [S] était convoqué à un entretien préalable pour le 1 mars à raison des faits reprochés dans la lettre de licenciement puisque l'avertissement concerne un retard du 2 mars qui ne pouvait être connu de l'employeur à cette date et qu'il n'est pas reproché au salarié une .faute antérieure au 22 février 2013 autre que celle qui a fait l'objet du licenciement ; que le 28 février , il a été convoqué à nouveau à un entretien préalable cette fois -ci en vue d'un licenciement . Le changement de l'objet de l'entretien entre le 22 et le 28 février 2013 démontre que l'employeur connaissait déjà l'étendue des faits du 21 février 2013.

Ces faits étaient particulièrement simples puisque les constatations ont été faites le jour même soit le 21 février 2013 par l'hôtesse de caisse , la directrice du magasin et un chef de rayon qui en témoignent.

L'entretien préalable du 7 mars 2013 ne peut être une étape de 'l'enquête' que l'employeur aurait diligentée puisqu'il s'agit d'une étape incontournable de la procédure de licenciement et nécessairement postérieure à l'enquête..

En conséquence , l'employeur qui a sanctionné le 6 mars 2013 M. [S] d'un avertissement a épuisé son pourvoir disciplinaire et ne peut plus sanctionner les faits antérieurs aux faits déjà sanctionnés. .

Au demeurant sur le licenciement :

M. [S] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception ainsi libellée:

'...Le jeudi 21 février 2013, un client du magasin, M. [G] s 'est présenté en caisse avec notamment deux barquettes de viande pour animaux d'une valeur de 73,35 € alors que notre magasin ne vend plus ce type de produits depuis plus de 5 ans.

L'hôtesse de caisse a alors retenu les barquettes et alerté le chef de caisse. Après une rapide inspection, le chef de caisse s'est aperçu que la viande dans les barquettes était constituée d'alouettes de boeuf et d'un rosbeef parfaitement consommables.

Le chef de caisse a retenu la marchandise et le client lui a indiqué avoir déjà acheté plusieurs fois de la viande pour animaux au magasin.

Lors de l'entretien préalable , vous avez reconnu avoir été sollicité par le client et lui avoir demandé de repasser le lendemain. Vous avez également reconnu avoir confectionné les barquettes.

Lors de l'entretien préalable , vous avez indiqué ne pas savoir que le magasin ne vendait plus de viande pour animaux , alors que le code 'viande pour animaux' n'est plus présent sur la liste des codes utilisables et que le boucher a rappelé à l'ensemble du personnel au mois de janvier que le magasin ne vendait plus de viande pour animaux.

Ainsi vous avez reconnu avoir confectionné des barquettes de viande pour animaux en contradiction avec les directives qui vous avaient été données.

Votre comportement porte préjudice à l'image et à la réputation de notre magasin.

Il est d'autant plus grave que vous avez été sanctionné à deux reprises par une mise à pied disciplinaire pour des actes d'insubordination depuis le mois d'octobre 2011.

Ce licenciement prend effet immédiatement...'

La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Il ressort de son contenu, repris ci-dessus pour l'essentiel, que la faute reprochée est le non-respect de la consigne de ne plus vendre de viande pour animaux et cela seulement .

Tous les écrits et pièces relatives à la qualité de la viande et à l'aspect frauduleux de la vente sont donc sans objet.

La SA CIVAL explique que le rayon boucherie comprend deux bouchers qu'elle supervise.

Le boucher autre que M. [S] aurait rappelé à l'ensemble du personnel au mois de janvier que le magasin ne vendait plus de viande pour animaux et que d'ailleurs dans la liste des codes correspondant aux marchandises qu'elle propose à la vente à la clientèle, il n'y a plus de code correspondant à ce produit.

.

Or, il n'est produit la preuve d'aucune notification individuelle ou collective de cette mesure, sur la date de laquelle les avis divergent puisque l'employeur écrit dans le lettre de licenciement que cette mesure a été prise il y a plus de 5 années alors que dans son attestation la directrice de magasin dit 3 ans avant les faits.

Par ailleurs et contrairement à ce qu'indique l'employeur le code 'viande pour animaux' existait toujours au moment des faits puisqu'il apparaît sur les barquettes litigieuses , ce qui implique que l'employeur qui supervise les bouchers ne s'est pas assuré que ce code avait été retiré des balances à tout le moins au rayon boucherie , pas même après des faits similaires qui se seraient produits au même rayon en janvier 2013, lesquels faits n'ont donné lieu à aucune observation

En conséquence et au moins au bénéfice du doute qui profite au salarié, il n'est pas matériellement établi que M. [S] ait enfreint la consigne portant sur la suppression de vente de viandes destinées aux animaux.

En conséquence , le licenciement s'avère sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au salarié, compte tenu des dispositions en matière de licenciement cause réelle et sérieuse , de l'article L1235-3 du code du travail , de la convention collective applicable aux parties, du salaire moyen mensuel des six derniers mois soit 1799,52 € , de sa période de chômage jusqu'en septembre 2014 et d'une ancienneté au sein de la SA CIVAL d'un peu plus de 6 ans, aux indemnités suivantes

-3599,24 € d' indemnité compensatrice de préavis

- 359,92 € de congés payés afférents au préavis

-2399,48 € d'indemnité de licenciement

-16 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

-35 € au titre du remboursement du timbre fiscal.

L'article L1235-4 du code du travail dispose que ' Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Ainsi que le salarié le réclame, ceux des intérêts dus au moins pour une année entière seront capitalisés par application de l'article 1154 du code civil, sauf à observer que présentée pour la première fois dans ses écritures d'appel, cette demande n'est recevable qu'à compter de leur notification à la partie adverse.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Reçoit l'appel,

Infirme le jugement entrepris ,

Et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [S] est sans cause réelle et sérieuse .

En conséquence ,

Condamne la SA CIVAL à payer à M. [S]

-3599,24 € d' indemnité compensatrice de préavis

- 359,92 € de congés payés afférents au préavis

-2399,48 € d'indemnité de licenciement

-16 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

-35 € au titre du remboursement du timbre fiscal

.

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la notification des conclusions de M. [S] à la SA CIVAL et ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions et limites prescrites par l'article 1154 du code civil

Dit que l'employeur sera tenu au remboursement des allocations versées par Pôle Emploi à M. [S] dans la limite de 6 mois.

La SA CIVAL qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/14516
Date de la décision : 04/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°14/14516 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-04;14.14516 ?
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