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03/11/2016 | FRANCE | N°14/17819

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 03 novembre 2016, 14/17819


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 03 NOVEMBRE 2016



N°2016/722

TV













Rôle N° 14/17819







[X] [J] épouse [S]





C/



Association ADAPEI-AM





















Grosse délivrée le :

à :

Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE



Me Sylvain JACQUES, avocat au barreau de GRASSE





Copi

e certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 15 Juillet 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 11/2248.





APPELANTE



Madame [X] [J] épouse [S], demeurant [Ad...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 03 NOVEMBRE 2016

N°2016/722

TV

Rôle N° 14/17819

[X] [J] épouse [S]

C/

Association ADAPEI-AM

Grosse délivrée le :

à :

Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE

Me Sylvain JACQUES, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 15 Juillet 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 11/2248.

APPELANTE

Madame [X] [J] épouse [S], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Association ADAPEI-AM, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sylvain JACQUES, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Thierry VERHEYDE, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Thierry VERHEYDE, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2016

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, pour le président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L'association des amis et parents d'enfants inadaptés des Alpes Maritimes (ADAPEI AM) avait embauché Mme [X] [S] en qualité d'assistante sociale à compter du 9 avril 1985 par contrat à durée indéterminée.

Mme [X] [S] avait saisi le conseil de prud'hommes de Nice le 12 décembre 2011 notamment d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 19 décembre 2012, l'association ADAPEI AM a notifié à Mme [X] [S] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le conseil de prud'hommes de Nice, par jugement en date du 15 juillet 2014, auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits et des prétentions et moyens antérieurs des parties, a :

- débouté Mme [X] [S] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

- dit que son licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté Mme [X] [S] de toutes ses demandes et l'association ADAPEI AM de sa demande reconventionnelle ;

- condamné Mme [X] [S] aux dépens.

Mme [X] [S] a fait appel le 1er septembre 2014 de ce jugement, qui lui avait été notifié le 28 août 2014.

Mme [X] [S] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et :

- à titre principal, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'association ADAPEI AM, produisant les effets d'un licenciement nul ; subsidiairement, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de condamner l'association ADAPEI AM à lui payer :

* 4.626,10 € à titre d'indemnité de préavis et 462,61 € au titre des congés payés afférents ;

* 85.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 30.000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

* 3.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de dire que les créances salariales porteront intérêt au taux légal capitalisé à compter de la demande en justice.

Pour l'exposé des moyens de Mme [X] [S], il y a lieu de se reporter à ses conclusions visées par le greffe dont le contenu a été repris oralement lors des débats devant la cour à l'audience du 20 septembre 2016.

De son côté, l'association ADAPEI AM demande à la cour :

- à titre principal, de confirmer le jugement frappé d'appel ;

- subsidiairement, de 'réduire à de plus justes proportions les prétentions' de Mme [X] [S];

- de condamner Mme [X] [S] à lui payer la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour l'exposé des moyens de l'association ADAPEI AM, il y a lieu de se reporter à ses conclusions visées par le greffe dont le contenu a été repris oralement lors des débats devant la cour à l'audience du 20 septembre 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Mme [X] [S] fonde cette demande sur l'inexécution fautive par son employeur du contrat de travail en raison de manquements à son obligation de sécurité de résultat d'assurer sa sécurité et de protéger sa santé physique et mentale.

Mme [X] [S] invoque plus précisément trois manquements :

- un manquement par rapport à une agression dont elle prétend avoir été victime le 25 janvier 2010;

- l'absence de certaines visites médicales de reprise obligatoires ;

- le harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime par mise à l'écart suite à sa reprise du travail.

1) Sur l'agression du 25 janvier 2010

Mme [X] [S] prétend avoir été agressée ce jour-là sur son lieu de travail, l'ESAT [Établissement 1] à [Localité 1], par un ouvrier travaillant dans cette structure, M. [W] [Y], qui l'aurait violemment frappée au mollet avec une béquille.

Elle a produit aux débats la déclaration d'accident du travail et sa déclaration de main courante établies à cette occasion.

Elle fait valoir que M. [Y] avait fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de 3 jours par courrier daté du 12 novembre 2009 pour des actes de violence envers un collègue d'atelier, commis eux-mêmes en récidive.

Elle ajoute que M. [Y] n'a quitté l'ESAT que le 7 juillet 2010.

Indépendamment de sa contestation sur la réalité de l'agression, l'association ADAPEI AM justifie cependant avoir pris toutes les mesures possibles et nécessaires pour répondre à son obligation légale d'assurer la sécurité de Mme [X] [S].

En effet, il résulte du courrier de mise à pied ci-dessus rappelé que l'association ADAPEI AM avait donc sanctionné effectivement M. [Y] pour les actes de violence antérieurement commis par lui.

Il y a lieu de rappeler que ce dernier était donc ouvrier de l'ESAT et donc, par définition, travailleur handicapé, dont l'association ADAPEI AM indique qu'il était pris en charge dans l'établissement depuis 1989 et qu'il présentait une pathologie mentale. Compte tenu de la spécificité de la prise en charge de ce type de personne, il ne pouvait pas être exigé de l'association ADAPEI AM qu'elle expulse immédiatement M. [Y] de la structure dans laquelle il travaillait.

Par ailleurs, suite à l'agression dénoncée par Mme [X] [S], l'association ADAPEI AM a fait passer M. [Y] en commission de discipline et a décidé de ne plus le maintenir à l'ESAT après fin février 2010, la sortie de l'établissement n'étant intervenue en définitive que le 7 juillet 2010 non pas du fait d'une négligence de l'employeur, mais du fait que ce dernier devait attendre la notification officielle de la décision par la maison départementale des personnes handicapées, conformément aux dispositions de l'article R. 243-4 du code de l'action sociale et des familles.

2) Sur l'absence de visites médicales de reprise

Mme [X] [S] reproche à ce titre à son employeur de ne pas avoir organisé de visite de reprise à deux occasions :

- le 6 juin 2010, lors de sa reprise à mi-temps thérapeutique consécutive à sa rechute du 9 avril 2010;

- lors de sa reprise consécutive à son arrêt de travail du 10 octobre au 10 novembre 2011.

L'association ADAPEI AM a produit aux débats la fiche de visite médicale de reprise du 7 juin 2010.

Elle reconnaît l'absence de visite de reprise après l'arrêt de travail s'étant achevé le 10 novembre 2011 en raison d'une erreur de ses services, et non dans le but de porter atteinte aux droits de Mme [X] [S]. Elle fait également valoir, à juste titre, que Mme [X] [S] a repris le travail après ce nouvel arrêt de travail et ne justifie d'aucun préjudice concret qui aurait résulté pour elle de cette absence ponctuelle et unique de visite de reprise.

3) Sur la mise à l'écart constitutive de harcèlement moral

Sur ce point, Mme [X] [S] fait valoir qu'à son retour d'accident du travail en mai 2011, elle s'est progressivement vue retirer ses principales prérogatives, qu'elle n'a plus été conviée à participer et à animer les réunions de travail ou de bilans de stage, qu'elle s'est vue retirer le suivi et la gestion des personnes handicapées et qu'elle a été en contrepartie surchargée de tâches administratives sans disposer du temps nécessaire pour les accomplir.

A l'appui de ses allégations, elle produit aux débats :

- diverses convocations à des bilans de stage avant et après avril 2011 ;

- un cahier sur lequel elle a mentionné diverses doléances à l'encontre de son employeur ;

- un courrier daté du 8 septembre 2011 qu'elle a adressé à sa direction pour la sensibiliser sur sa direction et pour pouvoir passer à temps complet compte tenu du volume de travail administratif confié.

S'agissant des bilans de stage, l'association ADAPEI AM réplique que Mme [X] [S] n'était conviée que dans la mesure où sa présence était nécessaire, qu'elle n'était donc pas toujours convoquée avant avril 2011 et que pour les convocations postérieures, elle n'a pas été conviée lorsqu'elle a été à nouveau en arrêt maladie.

L'association ADAPEI AM produit par ailleurs aux débats diverses invitations envoyées par courriels par Mme [X] [B] à Mme [X] [S] à participer à des réunions de projet de l'établissement dans lequel elle travaillait entre septembre et novembre 2011.

L'association ADAPEI AM a de plus produit aux débats :

- un écrit daté du 11 avril 2012 émanant de Mme [B], chargée du suivi des projets personnalisés d'accompagnement et des stagiaires au sein de l'association ADAPEI AM, qui relate :

'Suite au récent courrier adressé à la DRH de l'ADAPEI-AM, Mme [G], concernant la situation de Mme [X] [S], je souhaite apporter quelques éléments.

En effet, dans ce courrier Mme [S] précise qu'il y a eu « une confusion des rôles » car la chef de service médico-social aurait confié « des missions dévolues à l'assistante sociale, à une collaboratrice non diplômée », Effectivement je ne possède pas le diplôme d'assistante sociale mais je suis titulaire d'un BTS en Economie Sociale Familiale et j'ai suivi la formation de conseillère en Economie Sociale Familiale. Des dossiers m'ont donc été confiés tels que la gestion et l'accompagnement des stagiaires et le suivi des renouvellements MDPH mais cela à été effectué à la demande écrite de Mme [S] et avec l'accord du directeur et de la chef de service. D'autres tâches m'ont ainsi été confiées. Mme [S] se sentant débordée par la quantité de travail m'a elle-même demandé d'assurer certains rendez-vous à sa place, tels que l'organisation d'un stage pour un usager au sein d'un autre ESAT et de l'accompagnement de cette personne tout au long du stage (tâche qui ne m'était normalement pas attribuée). Il m'est également arrivé de recevoir des familles le mercredi, jour d'absence hebdomadaire de Mme [S]. Ces familles arrivaient dans l'enceinte de l'ESAT sans avoir pris rendez-vous et il paraissait difficile de les renvoyer chez elles sans leur accorder un minimum de temps.

J'ai eu des contacts avec la CAF mais toujours à la demande des usagers qui ne souhaitaient pas parler de leurs difficultés avec Mme [S].

J'ai du également assurer des rendez-vous que Mme [S] avait pris le mercredi alors qu'elle ne travaille jamais ce jour là.

II a toujours été extrêmement difficile de travailler aux côtés de Mme [S] qui refusait le travail en équipe pluridisciplinaire. Elle avait toujours la porte de son bureau fermée, la communication était donc limitée. C'est pourquoi la plupart des informations étaient données par téléphone alors que les bureaux se trouvent côte à côte. Il était délicat d'entrer dans son bureau car cela paraissait être vécu comme une intrusion.

Concernant les réunions, je souligne deux points importants : tout d'abord, à plusieurs reprises, Mme [S] a mentionné des actions qu'elle dit avoir effectuées alors que l'équipe savait pertinemment que c'est une autre personne qui avait pris la situation en mains. D'autre part, Mme [S] dit qu'elle a subi des humiliations lors des réunions. Or ceci n'a jamais été constaté par le service.

Pour finir, Mme [S] ne s'est jamais confiée et n'a jamais évoquée d'idées suicidaires comme elle le précise dans le courrier adressé à Mme [G].'

- un écrit daté du 11 avril 2012 émanant de Mme [C] [H], psychologue à l'ESAT de Nice, qui relate :

'...en aucun cas Mme [S] a été victime de harcèlement de la part de son chef de service Mme [O] [M]. Au contraire, Mme [X] [S] se plaignant constamment d'avoir trop de travail a été déchargée à sa demande de plusieurs dossiers. Malgré cela, Mme [S] continuait à se sentir « débordée », maïs paradoxalement à se plaindre aussi qu'on lui prenait son travail.

Il est arrivé effectivement que Mlle [B] ou Mme [M] effectuent des tâches qui auraient dues être réalisées par une assistante sociale. Mais il s'agissait soit de situations à traiter d'urgence en l'absence de Mme [S], soit de situations que les usagers ou leurs familles refusaient de traiter avec Mme [S].

D'autre part, Mme [S] s'est mise elle-même dans une position difficile par rapport à l'ensemble de l'équipe, en ne donnant pas par exemple des informations primordiales nécessaires au traitement des dossiers, en ne disant pas toujours la vérité sur la réalité du travail effectué (par exemple qu'elle avait envoyé tel dossier alors qu'elle ne l'avait pas fait), en travaillant seule sans concertation et en prenant parfois des décisions allant à l'encontre de la décision institutionnelle, ou alors en s'appropriant un travail réalisé par d'autres.

Enfin son attitude en réunion vis-à-vis du chef de service était à la fois défensive, parfois agressive et menaçante. Mme [S] n'a vraisemblablement pas reconnu le chef de service dans sa fonction. Elle semblait prendre toute demande de sa part comme une remise en cause de son travail. Son attitude en réunion était particulière, elle passait son temps à faire son courrier, arrivait le plus souvent en retard, avait des réactions agressives sans raisons apparentes.

Tenant compte de la susceptibilité et des difficultés relationnelles de Mme [S], Mme [M] s'est toujours montrée impassible et respectueuse vis-à-vis d'elle, allant même parfois jusqu'à la favoriser dans certaines circonstances (horaires, congés...}.

Pour finir, si Mme [S] s'est maintes fois plaint de la lourdeur de son travail, elle n'a, à ma connaissance, jamais évoquée d'idées suicidaires.'

- le courrier envoyé à Mme [X] [S] par Mme [G], directrice des ressources humaines de l'association ADAPEI AM, en réponse au courrier daté du 8 septembre 2011 envoyé par Mme [X] [S] évoqué plus haut :

'Courant septembre 2011, vous nous avez adressé un courrier recommandé dont l'objet était « information de ma situation et demande de solutions en urgence » et par lequel vous sollicitiez un rendez-vous.

Lors de notre entretien du 26 septembre 2011, vous avez évoqué votre souffrance au travail due notamment, selon vous, à « une confusion de rôle » au sein du service médico-social de l'ESAT [Établissement 1] et à une surcharge importante de travail. Vous demandiez en conséquence une augmentation de votre temps de travail de 0,75 ETP à un temps plein et à être allégée en tâches de secrétariat.

Je vous ai rappelé que vous aviez déjà été déchargée, avec votre accord, de certaines missions comme la gestion des dossiers des stagiaires et que Madame [F], Technicienne qualifiée en secrétariat sur l'ESAT [Établissement 1], consacrait une grande partie de son temps de travail à votre secrétariat.

Au regard de ces éléments, nous ne pouvons donner une suite favorable à votre demande de passage à temps plein.

Pour autant, votre direction et moi-même, soucieuses de voir apaiser votre situation, avons décidé de vous affecter aux structures d'hébergement du territoire de Nice à compter du 1er février 2012.

En effet, la création du territoire de Nice nous permet de repenser notre organisation par type de prise en charge.

Cette nouvelle affectation engendre une diminution significative du nombre d'usagers que vous aurez à accompagner.

Par ailleurs, pour réduire le temps que vous consacrez à la rédaction manuscrite de courriers, nous vous proposerons d'une part des trames informatiques de courriers et sommes tout à fait disposés à vous inscrire de nouveau à des sessions de formations bureautiques, si vous le souhaitez.

Un avenant à votre contrat de travail formalisant ces nouvelles dispositions vous sera adressé très prochainement.'

Il résulte suffisamment de l'ensemble de ces éléments produits par l'association ADAPEI AM qu'aucun harcèlement moral à l'encontre de Mme [X] [S] n'est établi.

En définitive, aucun manquement à l'obligation de sécurité de résultat autre que l'absence de visite de reprise après l'arrêt de travail s'étant achevé le 10 novembre 2011, au sujet duquel il a été jugé que plus haut que Mme [S] ne justifiait d'aucun préjudice concret qui aurait résulté pour elle de cette absence ponctuelle et unique de visite de reprise, n'est établi, si bien qu'il n'y a pas lieu à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail sur ce fondement, et le jugement frappé d'appel sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] [S] de ses demandes de ce chef.

Sur le licenciement

Mme [X] [S] fait valoir que son licenciement est nul, pour plusieurs motifs, entre autres celui tiré du défaut de consultation des délégués du personnel.

L'association ADAPEI AM n'a fait valoir strictement aucune observation sur ce point.

L'article L. 1226-10 du Code du travail dispose que :

'Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.'

Mme [X] [S] avait fait une déclaration de maladie professionnelle le 24 septembre 2012 pour dépression réactionnelle hors tableau, ce dont la CPAM des Alpes-Maritimes avait avisé son employeur par courrier daté du 22 novembre 2012, produit aux débats tant par Mme [X] [S] que par l'association ADAPEI AM. Ce courrier indiquait que l'instruction du dossier était en cours et qu'une décision serait prise dans un délai de 3 mois.

Il s'ensuit qu'au moment où elle a mené la procédure de licenciement, l'association ADAPEI AM savait qu'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle était en cours d'instruction par la CPAM.

Dès lors, l'association ADAPEI AM aurait dû recueillir l'avis des délégués du personnel requis par l'article L. 1226-10 al. 2 ci-dessus rappelé. Or, elle ne justifie pas avoir recueilli cet avis, ni même n'allègue l'avoir demandé.

Par application de l'article L. 1226-13 du Code du travail, le licenciement ne peut qu'être annulé.

Par application de l'article L. 1226-15 du même Code, Mme [X] [S] a droit à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal à 12 mois de salaires, ainsi qu'à l'indemnité compensatrice de préavis.

Mme [X] [S] réclame au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme non contestée dans son montant de 4.626,10 €, à laquelle s'ajoutent les congés payés afférents, soit 462,61 €.

Au moment de son licenciement par l'association ADAPEI AM, qui employait habituellement plus de 11 salariés, Mme [X] [S], née en 1953, avait 27 ans d'ancienneté et percevait un salaire mensuel moyen de 2.190 €. Mme [X] [S] justifie percevoir une pension d'invalidité de 2ème catégorie depuis le 1er octobre 2012 et avoir perçu des allocations de Pôle emploi entre fin janvier et fin septembre 2014.

Au vu de ces éléments, le montant des dommages-intérêts auxquels Mme [X] [S] a droit par application de l'article L. 1235-3 du Code du travail sera fixé à la somme de 30.000 €.

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal :

1°) à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit en l'espèce le 15 décembre 2011, pour l'indemnité compensatrice de préavis;

2°) à compter de la décision y faisant droit pour toute somme de nature indemnitaire.

Conformément à l'article 1154 de code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts échus pour une année entière.

DÉCISION DE LA COUR :

' Confirme le jugement frappé d'appel en ce qu'il a débouté Mme [X] [S] de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'association ADAPEI AM à son obligation de sécurité ;

' Le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau :

- annule le licenciement de Mme [X] [S] par l'association ADAPEI AM ;

- condamne l'association ADAPEI AM à payer à Mme [X] [S] les sommes suivantes:

* 4.626,10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 462,61 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2011

* 30.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

* 3.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

- dit que les intérêts échus pur une année entière pourront être capitalisés;

- déboute l'association ADAPEI AM de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamne l'association ADAPEI AM aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/17819
Date de la décision : 03/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/17819 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-03;14.17819 ?
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