COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 03 NOVEMBRE 2016
N° 2016/658
Rôle N° 14/07509
CAISSE CREDIT MUTUEL DES PROFESSIONS JURIDIQUES DE GESTION ET DE CONSEIL
C/
[I] [Z]
SARL REVES D'AZUR
Grosse délivrée
le :
à : Me ERMENEUX-CHAMPLY
Me LACROUTS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 02 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2013F00632.
APPELANTE
CAISSE CREDIT MUTUEL DES PROFESSIONS JURIDIQUES DE GESTION ET DE CONSEIL, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [I] [Z]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jérôme LACROUTS de la SCP SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE
assisté de Me Dominique SARRAU-MICHEL, avocat au barreau de NICE substituant Me LACROUTS
SARL REVES D'AZUR, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux,
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Jérôme LACROUTS de la SCP SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE
assistée de Me Dominique SARRAU-MICHEL, avocat au barreau de NICE substituant Me LACROUTS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mr PONSOT, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2016,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement du tribunal de commerce de Nice du 2 avril 2014 ayant, notamment :
- débouté la société Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil
de sa demande de remboursement de la facilité de caisse du compte courant professionnel de la SARL Rêves d'Azur ;
- dit et jugé les engagements de caution de M. [I] [Z] nuls et sans effets,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil à rembourser Monsieur [I] [Z] la somme de 144 106.02 euros représentant le montant de la réalisation du nantissement indûment intervenue ;
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de Gestion et de conseil à restaurer la convention de compte liée au compte professionnel de la SARL Rêves d'Azur à la somme de 182.572,33 euros du 05.01.2012 sans intérêts autres que légaux depuis cette date,
- débouté la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de Gestion et de conseil de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de Gestion et de conseil à payer à M. [I] [Z] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour la réalisation indue des nantissements dont l'assurance-vie Patrimonio,
- dit n'y avoir lieu au paiement de dommages-intérêts à la SARL Rêves d'Azur,
- débouté la SARL Rêves d'Azur et M. [I] [Z] de leurs autres demandes, fins et conclusions,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de Gestion et de conseil à verser à laM. [Z] et à la SARL Rêves d'Azur a somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu la déclaration du 14 avril 2014, par laquelle la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil a relevé appel de cette décision ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 10 novembre 2014, aux termes desquelles la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil demande à la cour de :
- dire et juger qu'elle est recevable en son appel,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- constater qu'elle a consenti à la SARL Rèves d'Azur une facilité de caisse, portant le numéro 72836041, pour un montant de 150.000 euros, avec un découvert supplémentaire de 20.000 euros, pour laquelle M. [I] [Z] s`est engagé en qualité de caution solidaire et indivisible de ladite SARL, pour un montant de 180.000 euros, plus 24.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard,
- constater que selon lettre en date du 5 janvier 2012, elle a dénoncé la convention d'ouverture de compte avec préavis de 60 jours,
- constater que les lettres de mise en demeure du 7 mars 2012, enjoignant la SARL Rêves d'Azur et Monsieur [I] [Z] de rembourser le montant des sommes restant dues, sont demeurées vaines,
- constater qu'elle produit aux débats, les lettres d'information caution de 2011 et 2012,
En conséquence,
- débouter la SARL Rêves d'Azur et Monsieur [I] [Z] de toutes leurs demandes fins et conclusions,
- dire et juger que la SARL Rêves d'Azur et Monsieur [Z] étaient redevables de la somme de 182.572,33 euros, à parfaire des intérêts au taux conventionnel, à compter du 7 mars 2012 (date de mise en demeure), et ce, jusqu'à parfait paiement, au titre de la facilité retracée en compte n°72836041, outre indemnités et accessoires,
- dire et juger sa créance bien fondée tant en son principe que son montant,
- dire et juger que le paiement volontaire des sommes dues par les débiteurs vaut renonciation à soulever toute contestation tant du principe que du montant de la créance,
- dire et juger comme infondée la mise en cause de sa responsabilité,
- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute,
- dire et juger que la SARL Rêves d'Azur et Monsieur [Z] sont irrecevables à contester la créance et mettre en jeu sa responsabilité alors même qu'ils ont procédé au règlement des sommes dues et qu'ils ont, par ce règlement et un aveu judiciaire dans leurs conclusions d'intimés, reconnu le bien fondé la créance,
- condamner conjointement et solidairement, la SARL Rêves d'Azur et M. [I] [Z], à lui régler la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction ;
Vu les uniques conclusions notifiées le 10 septembre 2014, aux termes desquelles M. [I] [Z] et la SARL Rêves d'Azur demandent à la cour de :
Avant dire droit,
- enjoindre la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil de communiquer sous astreinte de 50 € par jour de retard les conventions relatives aux deux comptes 72836041 et 72836001 avec leurs conditions générales et particulières acceptées,
A titre principal,
- débouter la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil de toutes ses demandes fins et conclusions,
- confirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles,
Statuant à nouveau,
- condamner la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil à payer à la SARL Rêves d'Azur la somme de 182.572,33 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,
- condamner la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil à verser à M. [Z] la somme de 154.741,02 euros à titre de dommages-intérêts représentant le remboursement de la réalisation indue du nantissement,
- condamner la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil à payer à M. [Z] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et financier subi,
- condamner la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil à payer à M. [Z] la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts aux fins d'indemnisation de la perte de chance de ne pas contracter un engagement manifestement disproportionné,
- dire et juger que la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil n'a pas satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution,
Par conséquent,
- prononcer la déchéance des intérêts échus au titre des deux engagements de caution,
Y ajoutant,
- condamner la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil à payer solidairement à la SARL Rêves d'Azur et à M. [I] [Z] à une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance,
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait fait droit aux demandes de la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil,
- inviter la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil à justifier du bien-fondé et du quantum de sa créance,
- leur octroyer les plus larges délais de paiement,
A l'égard de Monsieur [Z],
- dire et juger que la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil n'a pas satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution,
Par conséquent,
- prononcer la déchéance des intérêts échus au titre des deux engagements de caution,
- enjoindre en ce sens la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil à produire un décompte actualisé des sommes éventuellement dues expurgé des intérêts contractuels ou des frais et commissions,
- ordonner en tant que de besoin la compensation entre les sommes qui seraient mutuellement dues,
- juger que chacune des parties conservera à sa charge les frais qu'elle a exposés,
SUR CE, LA COUR,
Attendu que la SARL Rêves d'Azur était titulaire sur les livres de la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de Gestion et de conseil (la banque) d'un compte professionnel portant le n° 72836041 ;
Que par deux actes de cautionnement non datés, donnés pour une durée de cinq années, M. [I] [Z], gérant de la SARL Rêves d'Azur, s'est porté caution solidaire de tous engagements de la société, pour des montants de 180.000 euros et de 24.000 euros, couvrant principal, intérêts et pénalités ;
Que le 21 octobre 2009, M. [Z] a consenti à la banque un nantissement portant sur un contrat d'assurance-vie en garantie d'une facilité de caisse d'un montant de 130.000 euros accordée à la société Rêves d'Azur pour une durée de 12 mois ;
Que le 14 décembre 2009, il a consenti à la banque un second nantissement portant sur un compte titres en garantie d'une facilité de caisse d'un montant de 150.000 euros accordée à la société Rêves d'Azur pour une durée de 9 mois sur le compte N° 72836041 ;
Que le compte présentant une situation débitrice de 182.572,33 euros, la banque a dénoncé la convention par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 5 janvier 2012 ;
Que par lettre recommandée du 7 mars 2012, la banque a vainement mis en demeure la SARL Rêves d'Azur et M. [Z] en sa qualité de caution, de rembourser les sommes dues, d'un montant de182.572,33 euros outre les intérêts ;
Que par acte du 18 juillet 2012, la banque a fait assigner la SARL Rêves d'Azur et M. [I] [Z] devant le tribunal de commerce de Nice ; qu'entre-temps, la banque a fait réaliser, les 8 août et 6 novembre 2012, les nantissements, ramenant le solde dû à la somme de 22.299,59 euros ;
Que, par le jugement entrepris, le tribunal de commerce a débouté la banque de ses demandes en considérant que faute de produire la convention d'ouverture de compte, la banque ne pouvait se prévaloir d'un motif de rupture, ni des intérêts conventionnels, et qu'en outre, au regard de l'ancienneté et de la coutume de leurs relations, la banque avait commis une rupture brutale et inexpliquée ; que le tribunal a par ailleurs considéré que les engagements de caution donnés étaient indéterminés quant à la date et à l'objet les générant et étaient donc nuls, et qu'enfin, la banque avait outrepassé ses droits en prélevant sur les contrats d'assurance-vie de M. [Z] plus que ce que le nantissement autorisait ;
Sur la convention de compte courant et la facilité de caisse
Attendu que la banque constate que tant le jugement que la SARL Rêves d'Azur conviennent de l'existence d'une convention de compte et d'une facilité de caisse ; qu'elle s'estime donc parfaitement fondée à solliciter en justice la condamnation de sa cliente au paiement des sommes dues ; que c'est à tort, selon elle, que les premiers juges ont déduit de l'absence de production de la convention de compte courant le fait qu'elle ne démontrerait pas l'illicéité de la situation débitrice du compte ; qu'en effet, le fait de ne pouvoir communiquer l'écrit constatant la facilité de caisse, qu'elle déclare avoir égaré, ne peut avoir pour effet de dénier l'existence de la créance, la position débitrice du compte n'étant pas contestée ;
Qu'elle réfute, par ailleurs, l'argumentation développée par les intimés à partir d'une lecture inexacte des actes de nantissement consentis par M. [Z], selon laquelle la facilité de caisse qu'elle a consentie s'analyserait en deux ouvertures de crédit d'un montant total de 280.000 euros, ce dont ils tirent la conséquence que le solde débiteur de 182.572,33 euros était couvert par ces ouvertures de crédit ;
Qu'elle soutient que ses demandes reposent sur une facilité de caisse de 150.000 euros consentie pour une durée déterminée de 9 mois, à l'expiration de laquelle, la société se trouvait dans une situation de découvert non autorisée à hauteur de 182.572,33 euros ;
Que la banque estime, en conséquence, qu'à l'issue de ce délai, elle était fondée à rompre la relation avec son client, sous réserve de faire bénéficier son client des dispositions protectrices de l'article L 313-12 du code monétaire et financier, ce qu'elle a fait, sans avoir à justifier d'aucun motif, en octroyant à son client un délai de préavis de 60 jours ; que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'en raison de l'ancienneté et d'une prétendue coutume organisant la relation contractuelle avec sa cliente, elle aurait été dans l'obligation de motiver la rupture du concours accordé ;
Qu'elle ajoute que la facilité de caisse qu'elle avait consentie à sa cliente a perduré au-delà du délai de 9 mois qu'elle avait consenti ; qu'en effet, bien que l'acte constatant la facilité de caisse ait été égaré, elle estime que le nantissement consenti par M. [Z] le 14 décembre 2009 visait à garantir un concours bancaire de 150.000 euros pour une durée de 9 mois, venant ainsi à terme en septembre 2010 ; que néanmoins, elle n'a dénoncé le concours accordé que le 5 janvier 2012, et n'a mis en demeure ses débiteurs que le 7 mars 2012 ;
Qu'en réponse la société Rèves d'Azur et M. [I] [Z] soutiennent que deux concours ont, en réalité, été accordés par la banque, l'un de 130.000 euros, ainsi qu'il résulte de l'acte de nantissement d'un contrat d'assurance-vie en date du 21 octobre 2009, valable 12 mois, l'autre, qui résulte de l'acte de nantissement du compte titres en date du 14 décembre 2009, valable 9 mois ; que ces deux concours se sont inscrits dans la durée et ont été tacitement reconduits pour leur durée respective, de sorte que ce ne sont pas de simples facilités de caisse qui ont été consenties à la société Rèves d'Azur, mais des crédits, à concurrence de 280.000 euros ; qu'en outre, la banque a mentionné elle-même dans ses conclusions qu'elle avait accordé un découvert supplémentaire de 20.000 euros ;
Qu'ainsi, la banque ne pouvait pas rompre ces crédits à durée déterminée avant terme, mais devait les dénoncer avec un délai de prévenance suffisant pour permettre à la société Rèves d'Azur de s'organiser ; que le motif de rupture invoqué par la banque, à savoir le dépassement de la facilité de caisse, était fantaisiste puisqu'un tel dépassement n'est pas démontré ; que les intimés demandent, en conséquence, la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la banque de ses demandes au motif d'une rupture au caractère brutal et inexpliqué des relations ;
Attendu que l'existence d'un compte courant ouvert auprès de la banque n'étant pas contesté, pas plus que la position débitrice de celui-ci à hauteur de 182.572,33 euros, il y a lieu de constater, en l'absence de production d'un contrat d'ouverture de compte, l'existence d'une convention de compte courant et de facilité de caisse tacite, à laquelle la banque était en droit de mettre fin en respectant le délai de préavis de 60 jours prévu par l'article L 313-12 du code monétaire et financier, ce qu'elle a fait, en dénonçant la convention le 5 janvier 2012, et en mettant en demeure la société Rêves d'Azur et M. [Z] de lui régler le solde débiteur le 7 mars suivant ;
Que c'est en vain que ces derniers soutiennent qu'un crédit à durée déterminée renouvelable aurait été accordé par la banque, un tel mécanisme ne résultant nullement des actes de nantissement des 21 octobre et 14 décembre 2009, donnés en garantie d'une facilité de caisse et pour une durée déterminée, respectivement de 12 et 9 mois, et ne pouvant se déduire du fait que l'autorisation de découvert s'est prolongée au-delà de l'échéance mentionnée dans ces actes ;
Qu'aucune faute ne pouvant être retenue à l'encontre de la banque, et les sommes dues n'étant pas discutées, il convient d'infirmer le jugement et de dire que la SARL Rêves d'Azur était redevable du solde débiteur du compte courant, soit la somme de 182.572,33 euros ;
Qu'en revanche, la banque n'étant pas en mesure de produire la convention d'ouverture de comptes, elle n'est pas fondée à réclamer des intérêts conventionnels ou des pénalités de retard ; que seuls les intérêts au taux légal ont couru à compter de la mise en demeure du 7 mars 2012 ;
Qu'enfin, il n'y a pas lieu d'ordonner la production des conventions d'ouverture de compte, la banque déclarant avoir égaré ces documents ;
Sur l'engagement de caution
Sur la validité
Attendu que le crédit Mutuel fait grief au jugement d'avoir déclaré nuls les cautionnements donnés, au motif que ceux-ci seraient indéterminés sur la date et sur l'objet ;
Qu'elle relève que l'absence de date dans un cautionnement n'a pas pour effet d'entraîner sa nullité, et que s'agissant d'un cautionnement commercial, la preuve de la date peut en être rapportée par tout moyen ; qu'elle note, d'une part, que la facilité de caisse a été manifestement consentie en décembre 2009, comme l'atteste l'acte de nantissement consenti par M. [Z] à la même date, et produit, d'autre part, une lettre d'information adressée à M. [Z] le 2 février 2011, sur laquelle il est bien précisé que l'acte de cautionnement a été régularisé le 8 janvier 2010 ;
Qu'en outre, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le cautionnement n'est pas indéterminé dans son objet, mais donné pour garantir toutes les dettes de la société pour un montant de 180.000 euros ;
Qu'en réponse, M. [Z] fait valoir que la banque, qui ne peut se constituer des preuves à soi-même, ne peut se prévaloir du courrier qu'elle lui aurait adressé le 16 février 2011, dont il n'est pas prouvé qu'il l'ait reçu un jour ; que la banque ne peut davantage se référer à un acte de nantissement, qui poursuit un objet différent ; qu'il considère que faute de date, les cautionnements tombent sous la prohibition des engagements perpétuels et sont donc nuls ;
Attendu, en premier lieu, qu'un cautionnement non daté n'est pas nul ; que s'agissant d'un cautionnement commercial, sa preuve est libre ;
Attendu que l'acte de nantissement du 14 décembre 2009, en ce qu'il se réfère à une facilité de caisse accordée pour une durée de 9 mois, permet de dater la facilité de caisse ainsi accordée à la constitution du nantissement ;
Que, par suite, le cautionnement donné ne peut être antérieur à cette date, d'où il suit que, ce cautionnement ayant été donné pour une durée de 5 ans, il n'était pas arrivé à terme le 7 mars 2012, date de la mise en demeure adressée à la caution, et qu'ainsi, le moyen tiré de son caractère prétendument perpétuel est inopérant ;
Que pour le reste, il y a lieu de constater que le cautionnement, donné en garantie des sommes dont la société Rêves d'Azur viendrait à se trouver débitrice à l'égard de la banque dans la limite de 180.000 euros n'était pas indéterminé ;
Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré nul le cautionnement ainsi souscrit ;
Sur la disproportion
Attendu que M. [Z] fait valoir que la banque ne démontre pas que les cautionnements donnés, à supposer qu'ils ne soient pas nuls, ne sont pas disproportionnés ; qu'il constate que la réalisation des nantissements qu'il a consentis sur un contrat d'assurance-vie et sur ses titres financiers n'a pas suffi à désintéresser la banque, démontrant par là-même que l'engagement était manifestement disproportionné ;
Qu'en réponse, la banque fait valoir que M. [Z], qui se borne à produire un courrier de Pôle Emploi du 17 décembre 2012, ne démontre pas le caractère disproportionné de l'engagement ; qu'il ne produit aucune pièce susceptible de démontrer l'état de ses revenus et de son patrimoine, ni au moment de la souscription, ni à ce jour ;
Mais attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L 341-4, devenu L 332-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 applicable à la présente procédure, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;
Que c'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ;
Attendu qu'en l'espèce, M. [Z] qui ne fournit aucune indication sur l'état de son patrimoine et de ses ressources à la date présumée de souscription de son engagement, soit en janvier 2010, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère disproportionné de cet engagement ; que le fait que la réalisation, effectuée en 2012, des nantissements donnés n'ait pas suffi à éteindre entièrement la dette ne démontre pas que les engagements souscrits deux ans plus tôt étaient manifestement disproportionnés ; qu'il sera, au surplus observé que la valeur de rachat du contrat d'assurance vie était estimée le 21 octobre 2009 à 132.575 euros, et la valeur du portefeuille titre à 10.040,82 euros le 14 décembre 2009, ce dont il résulte qu'au regard de ces seuls éléments, le patrimoine mobilier de M. [Z] représentait près de 80 % du montant de l'engagement de caution de 180.000 euros ;
Sur l'information périodique
Attendu que M. [Z] soutient que la banque n'a pas procédé envers lui à l'information périodique à laquelle elle est tenue en application de l'article L 313-22 du code monétaire et financier ; qu'il constate qu'elle ne verse aux débats qu'une lettre d'information annuelle datée du 16 février 2011, mais n'est pas en mesure de prouver sa bonne réception par son destinataire ;
Qu'en réponse, la banque produit une lettre en date du 16 février 2011 par laquelle elle informe M. [Z] que le montant des engagements couverts par son engagement de caution donné le 8 janvier 2010 à hauteur de 180.000 euros s'élève au 31 décembre 2010 à 142.835,98 euros ;
Qu'elle rappelle qu'en application de la jurisprudence, il incombe seulement à l'établissement de prouver qu'il a effectivement adressé à la caution l'information requise et non d'établir que la caution l'a effectivement reçue ;
Mais attendu que le cautionnement donné étant limité à 180.000 euros et le montant de la créance en principal s'élevant à 182.572,33 euros, il s'ensuit que la demande de déchéance des intérêts présentée sur le fondement de l'article L 313-22 du code monétaire et financier se trouve dépourvue d'objet ;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ce qui précède, il convient de constater que M. [Z] s'est trouvé redevable envers la banque de la somme de 180.000 euros au titre de son engagement de caution ;
Sur la mise en oeuvre des nantissements
Attendu que la banque fait grief au jugement de l'avoir condamnée à rembourser à M. [Z] les sommes issues des nantissements de compte titres et d'assurance vie, qu'elle a mis en oeuvre les 8 août et 6 novembre 2012 ; qu'elle constate que le jugement s'est fondé sur le fait que les cautionnements étaient nuls pour en tirer la conséquence que la réalisation des nantissements est intervenue tardivement ; que la banque objecte que les cautionnements sont valables et qu'en toute hypothèse, le nantissement est une sûreté indépendante du cautionnement, de sorte que la validité des cautionnements donné n'a aucune incidence sur le droit de la banque de mettre en oeuvre lesdits nantissements ;
Que les intimés ne s'expriment pas sur cette demande dans leurs conclusions d'appel, M. [Z] n'abordant cette question qu'au titre de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;
Attendu que le présent arrêt ayant admis la validité du cautionnement donné à hauteur de 180.000 euros, il s'ensuit que les conséquences qu'avaient tirées les premiers juges de son invalidité ne trouvent sans objet ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;
Sur les demandes reconventionnelles en dommages-intérêts
Attendu que la SARL Rêves d'Azur fait valoir qu'elle est cliente du Crédit Mutuel depuis 25 ans, et qu'au regard de l'ancienneté de ces relations, la rupture brutale et inexpliquée de la facilité de caisse qui lui avait été accordée est fautive et lui a occasionné un préjudice, eu égard à son activité de marchand de bien qui nécessite une trésorerie souple et d'un compte bancaire pour lui permettre d'écouler les stocks constitués par des biens immobiliers qu'elle achète ; qu'elle estime à la somme de 182.512,33 euros le préjudice dont elle demande réparation ;
Mais attendu qu'ainsi qu'il a été vu, la banque dispose, en application de l'article L 313-12 du code monétaire et financier du droit d'interrompre un concours à durée indéterminée à l'expiration d'un délai qui ne peut être inférieur à 60 jours ; qu'un tel délai ayant été observé, aucune faute ne peut être reprochée à la banque ; que la société Rêves d'Azur sera déboutée de ses demandes indemnitaires ;
Sur la demande présentée par M. [Z]
Attendu que M. [Z] soutient qu'en lui faisant signer des engagements de caution pour des durées de cinq ans sans qu'il soit possible de déterminer à partir de quel moment ceux-ci ont pris date, la banque l'a privé de la faculté de résiliation de ses engagements, puisque ceux-ci étaient à durée indéterminée ; qu'il s'estime victime d'une perte de chance de pouvoir résilier son engagement moyennant un préavis ;
Qu'il relève, d'autre part, que sans attendre l'issue de la procédure engagée devant le tribunal de commerce de Nice, la banque a fait procéder, de manière anticipée et brutale, à la réalisation des nantissements ; qu'elle est même allée au-delà des engagements qu'il avait souscrits, puisqu'elle a mis en oeuvre le nantissement sur le contrat d'assurance-vie à hauteur de 144.106,02 euros, alors que le montant du nantissement était limité à la somme de 130.000 euros ;
Qu'enfin, il estime que la banque lui a fait perdre la chance de ne pas contracter un engagement manifestement disproportionné au regard de ses ressources et de son patrimoine ;
Mais attendu, d'une part, que le présent arrêt ayant constaté que M. [Z] se trouvait redevable envers la banque d'une somme de 180.000 euros au titre de son engagement de caution, il s'ensuit que la réalisation des nantissements donnés à hauteur de 144.106,02 euros ne présente pas un caractère fautif ; que, d'autre part, la banque n'étant débitrice d'aucune obligation de mise en garde à l'égard de M. [Z], que ce soit au titre de la constitution des nantissements ou de la souscription de son engagement de caution, c'est en vain que M. [Z] lui reproche, sans au demeurant préciser le fondement de sa demande, que la banque lui aurait fait perdre une chance de ne pas souscrire des engagements prétendument disproportionnés ;
Qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il lui a accordé la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts et de le débouter du surplus de ses demandes ;
Sur les délais de paiement
Attendu que la société Rêves d'Azur et M. [Z] sollicitent les plus larges délais de paiement s'agissant des sommes dont ils pourraient rester redevables envers la banque, d'un montant de 22.299,59 euros ;
Que, d'une part, la société Rêves d'Azur, fichée auprès de la Banque de France pour incidents de paiements ne serait plus en mesure de poursuivre son activité ; que, d'autre part, M. [Z] est inscrit à Pôle Emploi et, âgé de 63 ans, rencontrerait des difficultés pour trouver un emploi ;
Mais attendu qu'ainsi que le relève la banque, aucun élément comptable n'est produit pour démontrer la réalité des difficultés que connaîtrait la société Rêves d'Azur ; que, d'autre part, M. [Z] ne produit aucun élément actualisé de sa situation, l'attestation de Pôle Emploi étant datée du 17 décembre 2012 ; que la cour constate, en particulier, que M. [Z] n'a pas produit d'avis d'impôt sur le revenu, ce qui aurait permis de connaître la réalité de sa situation, et notamment l'absence de revenus fonciers ou autres ;
Que la demande de délais de paiement sera rejetée ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que les intimés, qui succombent, doivent supporter les dépens de première instance et d'appel ;
Qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement rendu le 2 avril 2014 par le tribunal de commerce de Nice ;
STATUANT à nouveau,
-DIT que la SARL Rêves d'Azur était redevable envers la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil de la somme de 182.572,33 euros, à parfaire des intérêts au taux légal, à compter du 7 mars 2012, date de la mise en demeure, et ce, jusqu'à parfait paiement, au titre de la facilité retracée en compte n°72836041 ;
-DIT que M. [Z] était redevable, en qualité de caution, envers la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil de la somme de 180.000, au titre de la facilité retracée en compte n°72836041 ;
REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Rêves d'Azur et M. [I] [Z] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIERLE PRESIDENT