COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 27 OCTOBRE 2016
N° 2016/ 627
Rôle N° 14/08437
[A] [B]
C/
SA BANQUE CHAIX
Grosse délivrée
le :
à :SARAGA-BROSSAT
ROBERT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Mars 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2013003620.
APPELANTE
Madame [A] [B]
née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1] (UKRAINE), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
La Banque Chaix sa, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 2]
représentée et assistée de Me Pierre ROBERT de l'AARPI TRAVERT ROBERT CEYTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2016,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 24 mars 2014 ayant, notamment :
- condamné Mme [A] [B] à verser à la Banque Chaix la somme de 1.796,60 euros au titre du solde débiteur du compte courant n° [Compte bancaire 1] et la somme de 33.142,60 euros au titre de la mobilisation de découvert sous forme de billets à ordre du découvert relatif au même compte, avec application des intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2013,
- autorisé Madame [A] [B] à se libérer du montant de sa dette en principal, intérêts et frais, en 24 versements mensuels d'égale valeur, jusqu'à complet paiement,
- dit qu'en cas de non règlement d'une seule des échéances ci-dessus fixées, la totalité de sa dette deviendra immédiatement exigible,
- rejeté toutes les demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires des parties,
- condamné Mme [A] [B] à payer à la Banque Chaix une somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu la déclaration du 25 avril 2014, par laquelle Mme [A] [B] a relevé appel de cette décision ;
Vu les uniques conclusions notifiées le 18 juin 2014, aux termes desquelles Mme [A] [B] demande à la cour de :
A titre principal
- constater l'existence de fautes commises par la Banque Chaix à son encontre et du débiteur principal la SARL Terra Moda,
- constater en l'état la nullité de l'acte de cautionnement par elle souscrit pour engagement excessif et dépassant ses facultés de remboursement,
En conséquence
- dire et juger que les sommes sollicitées par la Banque Chaix, à savoir 1.796,60 euros au titre du compte courant débiteur et 33.142,60 euros au titre de la mobilisation du découvert sous forme de billets à ordre, soit au total 34.939,20 euros, ne sont pas dues,
En tout état de cause
- dire et juger que la Banque Chaix n'a pas respecté son obligation d'information annuelle à l'égard de la caution,
En conséquence
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à la Banque Chaix la somme de 1.796,60 euros au titre du solde débiteur du compte courant n°[Compte bancaire 1] et la somme de 33.142,60 euros au titre de la mobilisation de découvert sous forme de billets à ordre du découvert relatif au même compte, avec application des intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2013,
- rejeter les demandes, fins et conclusions formées par la Banque Chaix à son encontre,
- dire et juger que la Banque Chaix est déchue à compter du 31 mars 2011 du droit aux intérêts résultant de la convention de compte courant professionnel et de l'acte de cautionnement de novembre 2010 dans ses rapports avec la caution,
- enjoindre au besoin à la Banque Chaix de verser aux débats un décompte précis des sommes réclamées en détaillant le principal restant dû au 31 mars 2011 et en déduisant de ce principal les paiements effectués par la SARL TERRA MODA depuis cette date,
A titre subsidiaire
- confirmer le jugement en ce qu'il lui a accordé 24 mois de délais de paiement,
En tout état de cause
- condamner la Banque Chaix au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les uniques conclusions notifiées le 29 juillet 2014, aux termes desquelles la Banque Chaix demande à la cour de :
- condamner Mme [A] [B] en sa qualité de caution et avaliseur de la SARL TERRA MODA à payer à la BANQUE CHAIX la somme de 1.796,60 euros au titre du solde débiteur du compte courant n°[Compte bancaire 1] ainsi que la somme de 33.142,60 euros au titre de la mobilisation de découvert sous forme de billets à ordre du découvert relatif au même compte,
- dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal du 25 janvier 2013 jusqu'à la date effective de paiement,
- condamner enfin Mme [A] [B] au paiement de la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction,
- débouter Mme [A] [B] de son appel ainsi que de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- constater qu'elle n'a commis aucune des fautes évoquées par Mme [B],
- dire et juger pour le surplus que le cautionnement donné était proportionné au patrimoine et aux revenus de Mme [B],
- constater qu'elle a respecté son obligation d'information annuelle à l'encontre de la caution,
- lui donner acte toutefois qu'elle ne s'oppose pas à l'octroi de délai de paiement sur une durée de 24 mois à condition que lesdits délais soient assortis d'une clause irritante ;
SUR CE, LA COUR,
Attendu que le 5 novembre 2010 la SARL Terra Moda a ouvert un compte courant professionnel auprès de la Banque Chaix, pour lequel Mme [A] [B], gérante de la SARL, s'est portée simultanément caution personnelle et solidaire dans la limite de la somme de 91.000 euros ;
Que le fonctionnement du compte ayant connu des difficultés, la Banque Chaix a dénoncé son concours financier par lettre du 20 décembre 2011 et les parties ont convenu que le solde débiteur du compte serait mobilisé sous forme de billets à ordre échelonnés du 30 juin 2012 au 31 mars 2013 ;
Que ces modalités d'apurement n'ayant pas pu être respectées par la SARL, la Banque Chaix a mis en demeure la SARL et Mme [A] [B], en sa qualité de caution, de régulariser la situation ;
Que par jugement du 14 février 2013, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL Terra Moda, laquelle a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 14 janvier 2014 ;
Que la Banque Chaix a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur le 21 février 2013, et, par acte du 19 mars 2013, a fait assigner Mme [A] [B] en sa qualité de caution pour lui régler les sommes de 1.796,60 euros au titre du solde débiteur du compte courant et la somme de 33.142,60 euros au titre de la mobilisation du découvert sous forme de billets à ordre ;
Que le tribunal a accueilli ces demandes par le jugement entrepris, accordant toutefois des délais de paiement de 24 mois à Mme [A] [B] ;
Attendu que Mme [B] soutient que l'engagement qu'elle a souscrit était manifestement disproportionné par rapport à ses facultés ;
Qu'elle note qu'elle ne dispose que de 72.000 euros de revenus par an à comparer avec l'engagement de caution, souscrit à hauteur de 91.000 euros ; qu'elle possède certes un bien immobilier, dont la valeur approximative n'est que de 141.000 euros, soit à peine plus que le montant de 91.000 euros pour lequel elle s'est engagée ; qu'elle avait, en outre, souscrit antérieurement deux engagements de caution, totalisant 212.000 euros ;
Qu'elle considère que la banque Chaix a manqué à son obligation de vigilance et à son devoir de diligence en acceptant de conclure un engagement de caution avec une personne dont les engagements financiers déjà contractés étaient colossaux ; qu'au vu de sa déclaration de patrimoine tel qu'annexé à l'acte de caution, il est, selon elle, évident, que la Banque Chaix n'a pas procédé à une analyse efficace et minutieuse de la situation et du montage financier projeté ;
Que la banque demande la confirmation du jugement en faisant valoir que l'engagement souscrit n'était pas disproportionné au regard du patrimoine et des revenus de Mme [B] ; qu'elle considère qu'elle n'était débitrice d'aucune obligation de mise en garde à l'égard de Mme [B], dirigeante de la société et par conséquent caution avertie ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L 341-4, devenu L 332-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 applicable à la présente procédure, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;
Que c'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ;
Attendu qu'il ressort de l'état du patrimoine annexé à l'acte de caution que Mme [B] faisait état de revenus annuels de 72.000 euros et d'un patrimoine de 140.000 euros constitué, non pas d'un bien immobilier comme elle l'indique dans ses écritures, mais de la valeur des parts qu'elle détenait dans la SARL Terra Moda, représentant 100 % du capital ; que, par ailleurs, elle signalait avoir déjà souscrit deux autres engagements de caution, l'un de 160.000 euros en faveur de la Société Marseillaise de Crédit, l'autre de 52.000 euros en faveur du CIC ;
Que la fiche de renseignement ainsi rédigée ne comportait aucune anomalie apparente, qui aurait justifié que la banque procède à de plus amples vérifications ;
Qu'en revanche, elle faisait apparaître un niveau d'engagement élevé au regard des revenus et du patrimoine de Mme [B], dont il résulte que la souscription d'un engagement supplémentaire de 91.000 euros conférait à cet engagement un caractère disproportionné ;
Et attendu que la Banque Chaix ne démontre pas qu'au moment où la caution a été appelée, son patrimoine lui permettait de faire face à l'engagement souscrit le 5 novembre 2010 d'où il suit que la banque n'est pas fondée à s'en prévaloir ;
Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de débouter la banque Chaix de sa demande en paiement formée à l'encontre de Mme [B] en sa qualité de caution de la SARL Terra Moda ;
Attendu que la banque Chaix, qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel ;
Qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement rendu le 24 mars 2014 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence ;
STATUANT à nouveau,
-DIT que l'engagement de caution souscrit par Mme [A] [B] souscrit le 5 novembre 2010 était manifestement disproportionné à ses biens et revenus ;
-DÉBOUTE la banque Chaix de ses demandes présentées à l'encontre de Mme [A] [B] en sa qualité de caution de la SARL Terra Moda ;
REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA Banque Chaix aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIERLE PRESIDENT