COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 27 OCTOBRE 2016
N°2016/700
SP
Rôle N° 14/03224
[H] [T]
C/
Société SAF HELICOPTERES
Grosse délivrée le :
à :
Me Laurent BEZIAU, avocat au barreau de NANTES
Me Antoine DOS SANTOS, avocat au barreau de LYON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section E - en date du 17 Janvier 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 11/734.
APPELANT
Monsieur [H] [T], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Laurent BEZIAU, avocat au barreau de NANTES
([Adresse 2])
INTIMEE
Société SAF HELICOPTERES, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Antoine DOS SANTOS, avocat au barreau de LYON
([Adresse 4])
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Thierry VERHEYDE, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2016
Signé par Madame Sophie PISTRE, Conseiller, pour le président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [H] [T] a été engagé selon contrat à durée indéterminée daté du 5 juillet 2007, en qualité de pilote professionnel par la société Saf Hélicoptères. Au terme du contrat, le salarié est affecté à la base de [Localité 1] pendant l'hiver, et au Samu le reste de l'année, plus particulièrement ceux de [Localité 2], [Localité 3], [Localité 4] et [Localité 5].
Monsieur [T] a été en arrêt maladie à compter du 8 juin 2010.
Selon courrier RAR du 28 juin 2010, la société Saf Hélicoptères lui a notifié un avertissement pour ne pas avoir transmis les documents demandés relatifs à son statut de pilote, ce qui aux termes de cet avertissement, démontrerait « un manque de professionnalisme et engagerait sa responsabilité ». Le salarié a contesté cet avertissement selon courrier du 17 juillet 2010. L'employeur a toutefois confirmé la mesure selon courrier du 16 août 2010.
Après convocation par courrier RAR du 3 août 2010, à un entretien préalable fixé au 16 août 2010, Monsieur [T] a été licencié selon courrier RAR du 1er septembre 2010 en ces termes :
« Monsieur,
vous avez été convoqué à un entretien préalable le 16 août dernier par un courrier recommandé envoyé le 3 août 2010 et réceptionné par vous-même le 4 août, auquel vous n'avez pas pu assister.
Compte tenu des manquements professionnels dont vous avez fait l'objet, nous sommes au regret de vous informer de notre décision de procéder à votre licenciement pour faute grave pour les faits suivants :
'vols de transports publics les 1er, 2 et 3 juin 2010, sans contrôle, ligne et hors ligne à jour
'nous n'avons toujours pas reçu votre carte d'autorisation d'utilisation des héli-surfaces malgré nos multiples rappels
Nous persistons à considérer ces faits comme fautifs et nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave. (') »
Contestant le bien-fondé de la rupture, et invoquant le non-respect par l'employeur de ses obligations, Monsieur [T] a saisi le 14 juin 2011 le conseil des prud'hommes de Toulon, lequel par jugement de départage du 17 janvier 2014, a condamné la société Saf Hélicoptères à lui payer les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
'9862,62 euros au titre de l'indemnité de préavis outre 986,26 euros au titre des congés payés sur préavis
' 7602,43 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Le conseil des prud'hommes a rejeté le surplus des demandes de Monsieur [T] (de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, et au titre des frais de déplacement, des rappels de salaires, des dommages et intérêts pour sanction abusive, du préjudice causé par le refus d'accorder un congé de paternité), a rejeté les demandes formées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné l'employeur aux dépens.
Monsieur [T] a régulièrement interjeté appel limité aux dispositions qui l'ont débouté, contre ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [T], appelant, demande à la cour de réformer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais néanmoins sur une cause réelle et sérieuse, de juger que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et par conséquent de condamner la société Saf Hélicoptères à lui régler les sommes suivantes :
'80 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
'7602,43 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
'9862,62 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 986,26 euros bruts au titre des congés payés sur préavis.
Monsieur [T] demande également la réformation du jugement en toutes ses autres dispositions, et la condamnation de l'employeur à lui régler les sommes suivantes :
'3287,54 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement
'74,50 euros à titre de frais de déplacement
'8180,60 euros à titre de contrepartie financière à ses temps de déplacement
'1500 € à titre de dommages-intérêts pour sanction abusive
'3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [T] demande enfin la condamnation de la société Saf Hélicoptères aux dépens ainsi qu'au remboursement des frais de la sommation interprétative du 26 janvier 2012.
À cet effet, Monsieur [T] conteste les motifs de licenciement et soutient en substance que l'employeur n'a pas mis en place les contrôles « ligne » et « hors ligne » avant de lui ordonner d'effectuer des vols des 1er, 2 et 3 juin 2010 ; qu'en tout état de cause les faits poursuivis sont prescrits, et s'agissant en outre d'un licenciement pour faute grave, la procédure n'a pas été engagée dans un le délai « restreint » exigé par la jurisprudence ; qu'en ce qui concerne le second grief, relatif à l'absence de transmission de la carte d'autorisation d'utilisation des helisurfaces, l'intéressé était en congé maladie, et il s'agit seulement d'une exigence administrative qui ne répond à aucune considération de sécurité.
Monsieur [T] invoque le non-respect de la procédure de licenciement en ce que l'employeur a refusé de reporter l'entretien préalable, demande de report qui était motivée par son état de santé du salarié et l'éloignement géographique du lieu de l'entretien.
En ce qui concerne la contrepartie financière au temps de déplacement, l'appelant soutient que la multiplication des lieux de travail, dont aucun ne peut être considéré comme un lieu habituel de travail, à des distances importantes de son domicile, doit conduire à admettre que le temps de déplacement de l'intéressé excédait le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, de sorte que ce temps de déplacement ouvre droit à une contrepartie financière.
En ce qui concerne la sanction disciplinaire, Monsieur [T] soutient que l'employeur ne pouvait ignorer qu' il n'avait pas effectué les contrôles qui lui auraient permis de remettre les documents litigieux, et que l'employeur de surcroît est responsable, en l'absence d'organisation et de mise en 'uvre des contrôles, de cette situation.
La société Saf Hélicoptères demande à la cour d'infirmer la décision du conseil des prud'hommes en ce qu'elle a considéré le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse mais non pas sur une faute grave, et statuant à nouveau, de juger que le licenciement repose sur une faute grave.
La société intimée demande à la cour la confirmation du surplus de la décision des premiers juges, et par conséquent le rejet de l'ensemble des demandes formées par Monsieur [T] et sa condamnation, outre les entiers dépens, à lui régler la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
À cet effet, la société Saf Hélicoptère soutient que l'avertissement était parfaitement justifié, s'agissant de documents importants engageant la responsabilité de l'employeur ainsi que celle du pilote, que Monsieur [T] se devait de délivrer à réception des courriels de relance reçus.
En ce qui concerne les griefs fondant le licenciement, la société Saf Hélicoptères soutient que Monsieur [T] était soumis comme l'ensemble des pilotes, à une réglementation qui lui imposait de subir des contrôles périodiques, notamment des contrôles « ligne » et « hors-ligne » ; que ses contrôles arrivaient à échéance le 31 mai 2010 et qu'il devait les passer le 25 mai 2010 avec le pilote instructeur de la compagnie, ce qu'il avait confirmé à Madame [Y], responsable des opérations au sol ; qu'en réalité il n'a pas passé les contrôles en ligne et hors ligne, sans prendre la peine d'en informer sa hiérarchie, et a, en violation des exigences du code de l'aviation civile, accompli sa mission sans alerter quiconque de la situation, les 1er, 2 et 3 juin 2010.
L'intimée ajoute ne pas avoir épuisé son pouvoir disciplinaire dans la mesure où elle ignorait à la date du 28 juin 2010, date de l'avertissement, que Monsieur [T] n'avait pas subi les contrôles; que ce n'est qu'à son retour de congé le 26 juillet 2010 que Monsieur [E] (président de la société Saf Hélicoptères), a pris connaissance du courrier de Monsieur [T] contestant l'avertissement du 28 juin 2010, et a découvert que l'intéressé n'avait en réalité jamais subi ses contrôles ligne et hors-ligne ; que les faits n'étaient donc pas prescrits au moment de la mise en 'uvre de la procédure de licenciement ; qu'au surplus, il est faux d'affirmer que l'employeur avait l'obligation d'organiser les contrôles ligne et hors-ligne ; que ces contrôles, réalisés en dehors du temps de travail, sont de la responsabilité de chaque pilote ; que la détention par le titulaire du marché de délégation de service public, des autorisations d'utiliser la plate-forme comme helisuface est une condition essentielle de la poursuite de ce contrat de délégation ; que le second grief était donc de nature à remettre en cause purement et simplement le contrat qui lie la société Saf Hélicoptère au centre hospitalier de [Localité 4].
En ce qui concerne la contrepartie financière au temps de déplacement, l'intimée soutient que Monsieur [T], ayant accepté contractuellement de travailler sur plusieurs sites en fonction des saisons, ne peut pas se prévaloir de temps de déplacement anormaux entre deux sites de travail.
En ce qui concerne l'irrégularité de procédure, la société Saf Hélicoptères invoque l'article 37 du règlement intérieur des CPAM et soutient que Monsieur [T] ne justifie pas avoir sollicité l'autorisation de se déplacer pour convenances personnelles en dehors de sa circonscription et en dehors des heures de sorties autorisées ; que l'employeur, contraint par les délais de prescription, n'était pas tenu de faire droit à la demande de report de l'entretien préalable.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des demandes et moyens des parties, il convient de se référer aux écritures des parties, oralement reprises.
SUR CE
Sur l'avertissement
L'avertissement litigieux, du 28 juin 2010, est ainsi formulé :
« Monsieur, malgré mes 3 précédents rappels, vous n'avez toujours pas transmis les documents demandés, relatifs à votre statut de pilote. Ceci démontre un manque de professionnalisme et engage votre responsabilité. Ces documents doivent être transmis à réception de la présente par message électronique et courrier. Devant votre attitude, je vous informe que ce courrier constitue un avertissement. »
L'employeur verse aux débats les éléments suivants :
'le courriel adressé le 31 mai 2010, en ces termes : « bonjour à tous, merci de me faire parvenir aux plus vite les documents suivants (')
[G] : autorisation helisurface entrainement VSV hors ligne EC 135 (')
[P] [Y]
responsable opération sol
groupe Saf »
'le courriel adressé le 7 juin 2010 en ces termes : « bonjour à tous, merci de me faire parvenir aux plus vite les documents suivants :
[G] : 2e rappel entrainement VSV hors ligne EC 135 autorisation helisurface (')
[P] [Y]
responsable opération sol
groupe Saf »
'le courriel adressé le 14 juin 2010 en ces termes :
: « bonjour à tous, merci de me faire parvenir aux plus vite les documents suivants :
[T] : 3e rappel HORS LIGNE 135 qui a dû être fait avant le 31 /05/2010 (')
[P] [Y]
responsable opération sol
groupe Saf »
Il n'est pas contesté par Monsieur [T] que l'adresse à laquelle ces messages ont été envoyés ([Courriel 1]) est bien son adresse personnelle ; qu'il a reçu ces messages et n'y a pas répondu. Les pièces versées aux débats par Monsieur [T] lui-même (demande de congé paternité du 3 mai 2010) démontrent d'ailleurs que l'intéressé utilisait cette adresse personnelle dans ses rapports avec l'employeur.
Par courrier du 17 juillet 2010 M. [T] a contesté cet avertissement, indiquant être dans l'impossibilité de communiquer les documents justificatifs sollicités, et précisant que son arrêt de travail ne lui permettait pas de se soumettre aux contrôles en l'état.
S'il est constant qu'à compter du 8 juin 2010, M. [T] était en arrêt de travail, et s'il est établi par les pièces qu'il verse aux débats que cet arrêt de travail a été précédé d'une admission aux urgences le 31 mai 2010 pour une « suspicion de colique néphrétique », le salarié ne peut se retrancher derrière ces difficultés médicales contemporaines aux ultimes relances de son employeur alors même que :
L'employeur justifie avoir dès le 11 décembre 2009 (soit 6 mois plutôt) indiqué à l'intéressé : « suite à la vérification de ton dossier voici les documents qu'il me manque :
contrôle hors-ligne 355
contrôle ligne
Qt 135
contrôle hors-ligne 135
contrôle hors-ligne Mono
merci de me les faire parvenir au plus tôt à l'[Localité 6] (fax : XXXXXXXXXX)
[P] [Y]
Opération aériennes »
l'employeur justifie avoir relancé par courriel du 9 mars 2010 son salarié en ce termes : « bonjour, il me manque encore ta QT 135, contrôle hors ligne 355 et mono. Pour info : les documents sans nom partent à la poubelle. À bientôt
[P] [Y], opérations aériennes »
M. [T] ne justifie pas de l'impossibilité de répondre à son employeur au mail du 31 mai 2010, avant son arrêt de travail du 8 juin 2010, au moins pour l'informer que son état de santé ne lui permettait pas de se soumettre aux contrôles litigieux
L'avertissement du 28 juin 2010 apparaît dès lors fondé, et la demande de dommages-intérêts pour avertissement abusif doit être rejetée.
Sur le licenciement
La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur. Il résulte de la lettre de licenciement que la rupture est fondée sur les 2 motifs suivants :
'avoir volé, en transport public, les 1er, 2 et 3 juin 2010 sans être à jour de ses contrôles, ligne et hors-ligne
'n'avoir pas adressé la carte autorisation d'utilisation des hélisurfaces malgré différents rappel de l'employeur
vols de transports publics les 1er, 2 et 3 juin 2010, sans contrôle, ligne et hors ligne à jour
Au terme de l'article 10 du contrat de travail liant les parties, Monsieur [T] s'est engagé à accepter toutes les missions qui lui seront demandées, compatibles avec la législation en vigueur, et à maintenir à jour toutes ses différentes licences professionnelles. Il est précisé que de manière générale, il sera assujetti, en ce qui concerne les conditions pratiques de son emploi, aux règles propres au personnel navigant définies par le code de l'aviation civile.
M. [T] ne conteste pas être soumis en qualité de pilote d'hélicoptères, à une règlementation qui lui impose de subir des contrôles périodiques, notamment des contrôles « ligne » et « hors ligne ».
Monsieur [T] ne conteste pas avoir les 1er, 2 et 3 juin 2010, piloté sur des vols de transports publics, alors qu'il n'avait pas passé les contrôles ligne et hors-ligne qui étaient venus à échéance, le concernant, le 31 mai 2010.
La matérialité du premier grief est donc établie.
Pour soutenir que ce grief ne pouvait justifier son licenciement, Monsieur [T] invoque différents moyens qu'il convient d'examiner.
Les manquements de l'employeur
Monsieur [T] fait valoir que c'est l'employeur qui a fixé et maintenu ces vols les 1er, 2 et 3 juin 2010, et qu'en effectuant ceux-ci il n'a fait qu'exécuter les instructions de la société Saf hélicoptères.
L'employeur verse aux débats, outre les mails des 11 décembre 2009 et 9 mars 2010, d'ores et déjà analysés, les pièces suivantes :
'le courriel du 31 mai 2010, date à laquelle Monsieur [T] n'était pas en arrêt de travail, par lequel l'employeur lui rappelle qu'il doit faire parvenir « autorisation hélisurface » « entrainement VSV hors ligne EC 135 »
'le courrier de contestation de l'avertissement portant la date du 17 juillet 2010 adressé par Monsieur [T] à son employeur, dont il résulte que c'est à la date de réception de cette lettre que la société Saf Hélicoptères a pu prendre connaissance du fait que Monsieur [T], malgré les différentes relances qui lui avaient été adressées, n'avait pas passé les contrôles
'attestations de Madame [P] [Y] en ces termes : « j'ai contacté Monsieur [T] le 18 mai 2010 concernant ses contrôles ligne et hors-ligne EC 135. Celui-ci a confirmé une prise de rendez-vous avec Monsieur [J] le 25 mai 2010. Je l'ai relancé par e-mail le 31 mai 2010 afin d'obtenir le justificatif manquant pour la bonne tenue de son dossier » ; « le contrôle hors-ligne EC 135 organisé le 25 mai 2010 entre Monsieur [J] et Monsieur [T] n'a pas eu lieu. Celui-ci a été annulé par Monsieur [T] sans en avertir le service des opérations »
'attestation de Monsieur [W], pilote professionnel hélicoptères, responsable des opérations SMVH Groupe Saf en ces termes : « le 28 mai 2010, j'ai contacté Madame [P] [Y] responsable des opérations au sol pour vérifier qu'elle avait bien eu confirmation que Monsieur [H] [T] avait passé comme prévu ses contrôles en ligne et hors-ligne le 25 mai 2010. Elle m'a répondu que oui et qu'elle était dans l'attente des justificatifs de ces contrôles. Je précise que ces contrôles devaient être effectués avec Monsieur [A] [J] pilote instructeur, lequel avait rendez-vous le 25 mai 2010 au matin pour passer la visite médicale semestrielle au centre d'expertise de [Localité 4]. À l'issue de sa visite médicale il était convenu que Monsieur [J] réaliserait les vols d'instruction et de contrôle de Monsieur [T]. J'ai appris par la suite que ces vols de contrôle n'avaient pas été effectués et que Monsieur [T] s'était mis en infraction en assurant son service avec des documents et licences non à jour. Je rappelle que chaque pilote commandant de bord est seul responsable de la validité de ces documents licences comme le prévoit la réglementation »
'attestation de Monsieur [L] [K] pilote d'hélicoptère, RDFE Saf hélicoptères, en ces termes « Il est obligatoire pour les pilotes effectuant des missions de transport public de s'assurer d'être à jour de leur contrôle en ligne et hors-ligne ainsi que de la validité de leur licence. Durant ma carrière de RDFE je n'ai jamais eu à faire à un pilote qui ait pris le risque de voler sans être à jour de ses contrôles en dehors du cas de Monsieur [T]. Le manuel d'exploitation de Saf hélicoptères en vigueur au moment des faits précise bien qu'en tant que commandant de bord le pilote doit s'assurer être détenteur des titres et attestation requis pour l'exercice de ses fonctions »
L'employeur démontre ainsi avoir mis en mesure son salarié de passer les contrôles auxquels il est assujettis, de l'avoir relancé à plusieurs reprises, et de n'avoir eu connaissance du fait que l'intéressé n'avait en réalité pas passé les contrôles requis avant le 31 mai 2010, que courant juillet 2010.
Le salarié quant à lui verse aux débats la sommation interpellative qu'il a fait délivrer à M. [J] dont il résulte que l'intéressé confirme être pilote instructeur à la Saf et faire effectuer les contrôles « ligne » et « hors ligne » des pilotes, et qui à la question « Monsieur [T] a-t-il personnellement pris rendez-vous auprès de vous afin d'effectuer ses contrôles ligne et hors-ligne pour le 25 mai 2010 ' » a répondu « non il n'a pas pris rendez-vous pour le 25 mai 2010 »
Or dans son courrier du 17 juillet 2010 par lequel il contestait l'avertissement, Monsieur [T] a indiqué qu'il avait en effet reçu un mail et qu'il avait l'intention de passer son test en ligne à l'issue de sa semaine de travail « grâce à ce rappel », et de fournir les documents en attestant, mais que suite à 2 admissions aux urgences pendant cette semaine de travail du 28 mai au 3 juin, il a consulté son médecin traitant qui l'a placé en arrêt à compter du 8 juin 2010.
Il ressort de ce courrier émanant du salarié lui-même que l'intéressé a bien reçu son rappel, qu'il avait l'intention de passer le contrôle dans la semaine du 28 mai au 3 juin, et que ce n'est pas l'attitude de l'employeur qui l'en a empêché.
Il en ressort que M. [T] ne verse aucun élément de nature à combattre les éléments fournis par l'employeur aux termes desquelles il avait dit qu'il passerait les contrôles le 25 mai 2010, et en tout cas à établir que la société Saf hélicoptère a pu avoir connaissance avant la réception du courrier du 17 juillet 2010, qu'il n'avait pas passé les contrôles avant la date butoir du 31 mai 2010, alors que de son propre aveu, il avait l'intention de passer son test.
Le manquement de l'employeur selon lequel celui-ci aurait contraint son salarié à piloter les 1er, 2 et 3 en toute connaissance de cause n'est donc pas établi.
Monsieur [T] soutient en outre que si l'organisation et le maintien des licences professionnelles pèsent sur le salarié, tel n'est pas le cas des contrôles ligne et hors-ligne, lesquels doivent être organisés par l'employeur qui est tenu de s'assurer de leur accomplissement avant tout vol.
La cour constate toutefois qu'à aucun moment, que ce soit en réponse aux relances qu'il recevait de la part de son employeur, ou dans son courrier du 17 juillet 2010, Monsieur [T] n'a fait valoir auprès de son employeur qu'aucun rendez-vous n'avait été fixé pour lui permettre de passer ces tests ou que la société Saf ne le mettait pas en mesure de le faire.
Il ressort au contraire des éléments de chronologie et des pièces versées aux débats tels que d'ores et déjà analysés, que l'employeur mettait son salarié en mesure de passer les test, et a tenté vainement de s'assurer que Monsieur [T] avait accompli les contrôles dans le délai requis, mais s'est heurté à la carence et au silence de l'intéressé, qui ne l'a pas informé du fait qu'il n'avait pas passé les tests avant le 25 mai 2010.
La réponse de M. [J] à la sommation interpellative concerne seulement une prise de rendez-vous par M. [T] « personnellement » et n'établit nullement qu'aucun rendez-vous n'aurait été pris par quiconque, ni que M. [T] n'aurait pas indiqué faussement à Mme [Y] qu'il avait rendez-vous le 25 mai alors qu'il n'en était rien.
En outre l'arrêté du 23 septembre 1999 relatif aux conditions techniques d'exploitation d'hélicoptères par une entreprise de transport aérien public, fait seulement obligation à l'exploitant de s'assurer que chacun des membres de l'équipage de conduite subit un maintien de ses compétences et des contrôles périodiques. La réglementation n'impose pas à l'exploitant d'organiser les dits contrôles périodiques, mais seulement de permettre aux pilotes le maintien de leurs compétences, et de contrôler que chaque équipage est à jour.
Le fait allégué par l'appelant qu'aucun vol n'ait été prévu dans le planning sur la semaine du 21 au 27 mai 2010 en ce qui concerne M. [T] n'est pas de nature à contredire les éléments versés aux débats par l'employeur qui démontre que l'intéressé avait dit qu'il devait passer son test avec l'instructeur le 25 mai 2010.
Les développements de M. [T] relatifs à un accident survenu le 28 octobre 2010 à l'occasion d'un appontage sur un navire, sont étrangers au litige.
Le fait que l'employeur ait l'obligation règlementaire de connaître en temps réel les contrôles subis ou non par chacun de ses pilotes, est sans incidence sur l'appréciation du comportement du salarié qui s'est abstenu d'une part de passer le contrôle, malgré des relances depuis plus de 6 mois, et d'autre part d'en tenir informé l'employeur.
Les remarques de Monsieur [T] quant au niveau hiérarchique de Madame [Y] , qui n'aurait été que « le salarié chargé de collecter des documents », sont d'une part contredites par l'organigramme qu'il a lui-même versé aux débats dont il résulte que l'intéressée était directement rattachée au directeur des opérations et était responsable des opérations sol, et d'autre part inopérantes dès lors qu'il appartenait à Monsieur [T] en tout état de cause de répondre aux messages de celle-ci, à la supposer seulement chargé de collecter les documents relatifs au suivi des contrôles.
Sur la prescription du grief
Il résulte de l'analyse qui précède que la société Saf démontre n'avoir eu connaissance que Monsieur [T] ne s'était pas rendu au contrôle 25 mai 2010, que courant juillet 2010, à la réception de son courrier de contestation de l'avertissement.
Le moyen tiré la prescription doit donc en conséquence être rejetée.
Sur le délai restreint
Monsieur [T] soutient que l'employeur n'a pas mis en 'uvre le licenciement pour faute grave dans le délai restreint exigé par la jurisprudence en matière de faute grave. M. [T] ne verse pas aux débats l'accusé réception du courrier qu'il a adressé en RAR, tel que cela figure en en-tête, le 17 juillet 2010, alors même que c'est par ce courrier que l'employeur a appris qu'il n'avait pas passé son test. Aucun élément ne permet à la cour de retenir qu'en convoquant par courrier RAR du 3 août 2010, l'employeur n'aurait pas agi dans le délai restreint applicable en matière de faute grave.
Absence de transmission à l'employeur de la carte d'autorisation d'utilisation des hélisurfaces malgré nos multiples rappels
Il résulte des pièces versées aux débats que la carte d'autorisation d'utilisation des hélisurfaces est délivrée par l'autorité administrative, et a pour objectif de constituer des fiches de renseignements de police.
Il s'agit bien d'une obligation, sanctionnée d'une amende.
L'employeur verse aux débats le cahier des clauses techniques particulières du marché public souscrit avec le centre hospitalier de [Localité 4] concernant la mise à disposition d'un hélicoptère sanitaire. Ce cahier des charges énonce que le titulaire du marché doit adresser au préfet du Var une demande d'autorisation d'utiliser la plate-forme comme hélisurface, et qu'en cas de refus de l'autorisation, le marché sera résilié automatiquement, sans droit à un dédommagement pour le titulaire.
L'absence d'obtention par le pilote de son autorisation d'utiliser la plate-forme comme hélisurface est donc de nature à entraîner une incidence négative pour l'employeur dans le cadre de son marché public.
Il résulte des pièces d'ores et déjà analysées que l'autorisation hélisurface a été réclamée à Monsieur [T] par courriel des 31 mai 2010 et 7 juin 2010, soit avant son arrêt maladie, et que l'intéressé ne justifie pas avoir transmis le document demandé.
La matérialité du grief est dès lors établie.
Appréciation de la gravité des manquements et de la faute grave
S'agissant de documents importants engageant la responsabilité de l'employeur, ainsi que celle du pilote, Monsieur [T] se devait de délivrer les documents demandés avec diligence. Il apparaît que l'intéressé bien que parfaitement informé que son dossier n'était pas complet, non seulement n'a pas mis en 'uvre les mesures nécessaires, alors pourtant que l'employeur mettait à sa disposition les moyens nécessaires, mais a omis de répondre aux demandes répétées de son employeur, et a en outre dissimulé à celui-ci qu'au 31 mai 2010, date d'échéance de ces contrôles, il n'avait en réalité passé les tests. Ce comportement caractérise un manque de professionnalisme grave compte tenu de la nature et du niveau de responsabilité exercée, ainsi qu'une violation des obligations résultant du contrat de travail, rendant impossible le maintien de la relation de travail dès lors que Monsieur [T] ne peut pas piloter d'hélicoptères sans les documents litigieux.
Il y a lieu dès lors d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes et de juger fondé le licenciement pour faute grave. Les demandes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis, doivent être rejetées.
Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement
Il résulte des pièces versées aux débats, et il n'est pas contesté, que Monsieur [T] , convoqué par courrier RAR du 3 août 2010 à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 août 2010, a par courrier du 11 août 2010, sollicité le report de l'entretien en expliquant que la convocation ne respectait pas les heures de sorties autorisées, et qu'en tout état de cause, son état de santé ne lui permettait pas de faire le déplacement de son domicile ([Adresse 5]) jusqu'au bureau de la société employeur ([Localité 1]) ; que l'employeur a par courrier du 16 août 2010 maintenu la date initiale de l'entretien préalable, au motif que les éléments fautifs ayant conduit à l'entretien préalable ne sont pas en lien avec l'état de santé.
Le fait que le salarié malade ne puisse se déplacer à l'entretien ne rend pas, en tant que tel, la procédure irrégulière. Dès lors qu'il n'est pas allégué que l'employeur aurait disposé d'un établissement secondaire plus proche du domicile du salarié, l'employeur n'avait pas l'obligation de le reconvoquer.
Le grief tiré de l'irrégularité de la procédure de licenciement doit en conséquence être rejeté.
Sur les frais de déplacement
M. [T] soutient que dans le cadre de ses fonctions il était amené à exposer des frais professionnels pour le compte de l'employeur, notamment lors de ses déplacements ; que si le remboursement de ses frais a été plus ou moins régulier, une note de frais pour le mois de novembre 2009 demeure en souffrance. Il indique verser aux débats cet état de frais et sollicite son remboursement à hauteur de 74,50 euros.
La société Saf Hélicoptères ne s'oppose pas au règlement de cette somme, soutenant toutefois que les justificatifs ne lui ont jamais été remis et que c'est donc à juste titre que le conseil des prud'hommes a rejeté cette demande.
Monsieur [T] verse désormais aux débats une facture hôtelière (« [Établissement 1] » à [Localité 7], pour un séjour du 24 au 25 novembre 2009 de Monsieur [T]). La société Saf hélicoptères qui ne formule aucune observation sur cette pièce, ne conteste pas qu'elle corresponde à des frais engagés par Monsieur [T] pour le compte de son employeur. Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande.
Sur la contrepartie financière aux temps de déplacement
En application des dispositions de l'article L3121'4 du code du travail, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel du travail, le temps de déplacement professionnel fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière.
En l'espèce, Monsieur [T] habite dans [Localité 8], à [Adresse 5]. Le contrat de travail énonce que l'employé exercera les fonctions de pilote professionnel et sera affecté à la base de [Localité 1] durant l'hiver, et au Samu, plus particulièrement de [Localité 2], [Localité 3], [Localité 4] et [Localité 5], le reste de l'année.
La multiplication des lieux de travail, à des distances importantes entre eux, conduit à retenir que le temps de déplacement excédait le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail.
Aucune compensation n'ayant été prévue par le contrat, l'indemnisation est déterminée en fonction du dépassement effectif du temps normal de trajet, sans toutefois que le temps de trajet ne soit assimilé à du temps de travail. En l'espèce, il doit être tenu compte que M. [T] a fixé son domicile dans [Localité 8], alors pourtant qu'une très grande part de ses activités professionnelles se situait en Rhône Alpes comme le démontrent les tableaux des déplacements produits tant par le salarié ( pièce 40) que par l'employeur ( piece 11). Hors la période de mai à novembre 2009, où l'intéressé était affecté au Samu de [Localité 4], son activité s'est concentrée de 2007 à 2009 sur [Localité 7], [Localité 3], [Localité 1], avec quelques journées d' exceptions.
En considération de ces éléments, la cour dispose des éléments d'appréciation suffisante pour arrêter à 2 000 € la contrepartie financière aux temps de déplacements.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [T] la totalité de la charge des frais irrépétibles par lui exposée à l'occasion de la procédure, dès lors qu'une partie de ses demandes est accueillie.
La société Saf helicoptères sera condamnée à payer la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur, qui succombe partiellement, supportera les dépens de première instance et d 'appel.
La demande de Monsieur [T] tendant à voir la société Saf Hélicoptères condamnée au remboursement des frais de la sommation interprétative du 26 janvier 2012, ne sera pas accueillie, l'intéressé succombant dans ses prétentions relatives au licenciement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Reçoit Monsieur [H] [T] en son appel,
Sur le fond
Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 17 janvier 2014 en ce qu'il a condamné la société Saf Helicoptères à payer des sommes à Monsieur [H] [T] au titre de l'indemnité de préavis, au titre des congés payés sur préavis et au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, et en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [T] au titre des frais de déplacement et de la contrepartie des temps de déplacements
Statuant à nouveau sur les points réformés,
Dit le licenciement pour faute grave fondé
Déboute M. [T] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis
Condamne la société SAS Saf Hélicoptères à payer à M. [H] [T] les sommes suivantes :
'74,50 euros à titre de frais de déplacement
'2 000 euros à titre de contrepartie financière à ses temps de déplacement
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 17 janvier 2014 pour le surplus
Condamne la SAS Saf Hélicoptères à payer à M. [H] [T] la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société SAS Saf Hélicoptères aux dépens de première instance et d'appel
Rejette toutes autres demandes.
LE GREFFIER Madame Sophie PISTRE, Conseiller, pour le président empêché