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20/10/2016 | FRANCE | N°13/24490

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 20 octobre 2016, 13/24490


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 20 OCTOBRE 2016



N° 2016/602













Rôle N° 13/24490







[U] [O]

[V] [O]

[F] [O]

[S] [O]

[T] [O]





C/



[B] [J] épouse [O]

SA BNP PARIBAS





















Grosse délivrée

le :

à : Me DAVAL GUEDJ

Me TROEGELER









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Décisions déférées à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Novembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/01095.

Jugement rectificatif du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 23 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/10973.





APP...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 20 OCTOBRE 2016

N° 2016/602

Rôle N° 13/24490

[U] [O]

[V] [O]

[F] [O]

[S] [O]

[T] [O]

C/

[B] [J] épouse [O]

SA BNP PARIBAS

Grosse délivrée

le :

à : Me DAVAL GUEDJ

Me TROEGELER

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Novembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/01095.

Jugement rectificatif du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 23 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/10973.

APPELANTS

Monsieur [U] [O], pris tant en son nom personnel qu'es qualité d'ayant droit de feue [B] [J] épouse [O], décédée

né le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 6] (REUNION),

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [V] [O], intervenante volontairement es qualité d'ayant droit de feue [B] [J] épouse [O], décédée

née le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 7]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [F] [O], intervenant volontairement es qualité d'ayant droit de feue [B] [J] épouse [O], décédée

né le [Date naissance 4] 1988 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [S] [O], intervenant volontairement es qualité d'ayant droit de feue [B] [J] épouse [O], décédée

né le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 5]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [T] [O], intervenante volontairement es qualité d'ayant droit de feue [B] [J] épouse [O], décédée

née le [Date naissance 5] 1997 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE assistée de Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Madame [B] [J] épouse [O], décédée

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 2] (ILE MAURICE),

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SA BNP PARIBAS prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Jean-marie TROEGELER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Christine MONCHAUZOU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substituant Me TROEGELER

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme DEMORY-PETEL, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Dominique PONSOT, Président

Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2016,

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte notarié du 29 janvier 2001, la SA BNP Paribas a consenti à M. [U] [O] et Mme [W] [P] [Z] [B] [J], son épouse, un prêt, destiné à financer la construction d'une maison à usage d'habitation sur un terrain sis à [Localité 3] (Var), d'un montant de 1.190.000 francs, soit 181.414,33 euros, remboursable en 120 mensualités.

Estimant que la banque a commis diverses fautes à leur égard, les époux [O]-[J] ont, par exploit du 27 décembre 2011, fait assigner en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Draguignan la SA BNP Paribas, sollicitant la condamnation de cette dernière à leur payer les sommes de 120.000 euros au titre de l'octroi abusif du crédit, 5.000 euros au titre du fichage abusif, 25.000 euros au titre de la résiliation fautive des relations contractuelles, outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 21 novembre 2013, et jugement rectificatif du 23 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

- débouté Mme [B] [J] épouse [O] et M. [U] [O] de leurs demandes,

- condamné solidairement Mme [B] [J] épouse [O] et M. [U] [O] à verser à la SA BNP Paribas la somme de 57.034,91 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,47 % à compter du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts portant sur les sommes dues depuis plus d'une année,

- condamné solidairement Mme [B] [J] épouse [O] et M. [U] [O] à verser à la SA BNP Paribas la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les époux [O] aux dépens.

Suivant déclaration du 24 décembre 2013, enregistrée sous le n° RG 13/24490, M. [U] [O] a relevé appel du jugement rendu le 21 novembre 2013 par le tribunal de grande instance de Draguignan à l'encontre de la SA BNP Paribas et de Mme [B] [J] épouse [O].

Suivant déclaration du 26 décembre 2013, enregistrée sous le n° RG 13/24555, Mme [B] [J] épouse [O] a interjeté appel de cette même décision à l'encontre de la SA BNP Paribas.

Par ordonnance du 28 janvier 2014, les deux instances ont été jointes.

Suivant déclaration du 11 février 2014, enregistrée sous le n° RG 14/2777, M. [U] [O] et Mme [B] [J] épouse [O] ont relevé appel du jugement rendu le 23 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Draguignan à l'encontre de la SA BNP Paribas.

Cette instance a été jointe à l'affaire poursuivie sous le seul n°13/24490 par ordonnance du magistrat de la mise en état du 18 février 2016.

Le 23 février 2016, le conseil des appelants a notifié à l'avocat constitué dans les intérêts de la SA BNP Paribas le décès survenu le 9 février 2016 de Mme [B] [J] épouse [O].

Par conclusions aux fins de reprise d'instance notifiées et déposées le 3 mai 2016, auxquelles il convient le cas échéant de se reporter en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [U] [O], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant-droit de Mme [B] [J], son épouse, Mme [V] [O], M. [F] [O], M. [S] [O], et Mme [T] [O], chacun pris en sa qualité d'ayant-droit de Mme [B] [J], leur mère, demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, L. 211-4, R. 211-8, R. 211-9 et R. 211-17 du code des procédures civiles d'exécution, 1351 du code civil, 370 et 373 du code de procédure civile, de :

- dire recevable l'intervention volontaire de chacun d'eux en sa qualité d'ayant-droit de Mme [B] [J] épouse [O],

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan en date du 21 novembre 2013, rectifié par décision du 23 janvier 2014,

en conséquence, statuant à nouveau :

- condamner la société BNP Paribas à payer les sommes suivantes :

- 120.000 euros au titre de l'octroi abusif du crédit,

- 5.000 euros au titre du fichage abusif,

- 25.000 euros au titre de la résiliation fautive des relations contractuelles,

- constater la négligence de la société BNP Paribas dans la mise en 'uvre des mesures d'exécution forcée,

- dire que la société BNP Paribas perd ses droits à concurrence de la somme due par les époux [O],

en conséquence,

- dire éteinte la dette de Mme [B] [J] épouse [O] et de M. [U] [O] à l'égard de la société BNP Paribas,

- condamner la société BNP Paribas au paiement de la somme de 12.327,78 euros,

- constater que la société BNP Paribas dispose d'un titre exécutoire à l'encontre des époux [O] concernant le paiement de la somme de 57.034,91 euros,

en conséquence,

- déclarer irrecevable la demande de la société BNP Paribas en l'état de l'autorité de la chose jugée,

- débouter la société BNP Paribas de l'intégralité de ses demandes,

en tout état de cause,

- condamner la société BNP Paribas à leur payer la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA BNP Paribas aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de SCP Cohen-Guedj-Montero-Daval-Guedj, avocats associés.

Par conclusions notifiées et déposées le 23 mai 2014, auxquelles il y a également lieu de se reporter, la SA BNP Paribas demande à la cour de :

faisant droit à sa demande reconventionnelle :

- condamner M. [U] [O] et Mme [B] [J] épouse [O] à lui payer la somme de 57.034,91 euros en vertu du prêt immobilier n°01008-600724-17, assortie d'intérêts au taux conventionnel de 6,47 % à compter du 25 mars 2010 et ce jusqu'à parfait paiement,

- faire application des dispositions de 1'article 1154 du code civil,

- condamner solidairement M. [U] [O] et Mme [B] [J] épouse [O] à lui payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire outre une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'artic1e 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [U] [O] et Mme [B] [J] épouse [O] aux entiers dépens de l'instance, qui seront distraits au profit de la SCP Troegeler, société d'avocats, prise en la personne de Maître Jean Marie Troegeler, en application des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2016.

MOTIFS

La qualité à agir de chacun des appelants, qui résulte de l'acte de notoriété établi après le décès de Mme [W] [P] [Z] [B] [J], n'est pas contestée, et il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de leur intervention dans le cadre de la présente instance.

Sur la responsabilité de la banque pour fourniture d'un crédit excessif :

Les appelants reprochent à la SA BNP Paribas d'avoir consenti aux époux [O] un prêt qui à lui seul représentait pour eux un taux d'endettement de 39 %, donc supérieur au taux d'usage de 30 % pratiqué par les banques, alors même que, ayant quatre enfants, ils avaient d'autres charges.

Ils ajoutent que la responsabilité de la banque est aggravée dans la mesure où elle a augmenté unilatéralement la mensualité de remboursement en 2005, alors que les emprunteurs avaient été mis à la retraite de façon anticipée, ce qui diminuait leurs ressources financières, et que précisément ils sollicitaient une diminution du montant des échéances.

Ils font valoir que la SA BNP Paribas a donc octroyé un crédit manifestement inadapté à la situation financière des époux [O], dont elle n'a tenu compte ni au moment de la souscription du contrat, ni dans un avenir proche, et que cette faute a entraîné pour eux un important préjudice.

Exposant qu'ils ont en effet connu des difficultés qui se sont manifestées au quotidien, pour le règlement de la scolarité de leurs enfants, des impôts et charges de copropriété, et qu'à compter de 2007 les condamnations à paiement se sont succédées, ils sollicitent l'indemnisation de leur préjudice à ce titre à hauteur de 50 % des sommes empruntées, soit l'allocation d'une somme de 120.000 euros.

L'intimée réplique qu'il n'existe pas de crédit excessif au regard des capacités de remboursement des époux [O] qui disposaient alors de revenus importants et étaient par ailleurs propriétaires de plusieurs biens à la Réunion.

Elle précise qu'ils disposaient en outre d'un emploi très stable, sans risque de chômage puisqu'ils étaient tous deux professeurs des écoles, et qu'il était difficile pour elle, compte tenu de ce qu'ils étaient alors âgés de 41 ans, d'imaginer qu'ils allaient demander leur mise à la retraite anticipée durant l'amortissement du prêt.

Elle ajoute que, s'ils n'ont par la suite pu faire face à leurs obligations de remboursement, la cause en est divers crédits à la consommation qu'ils ont souscrits postérieurement au prêt immobilier litigieux.

Sur ce, étant rappelé que l'établissement bancaire qui consent un crédit est tenu envers un emprunteur non averti d'une obligation de mise en garde au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi du prêt, et que l'obligation de mise en garde est ainsi subordonnée à deux conditions, la qualité d'emprunteur non averti et l'existence d'un risque d'endettement, il convient de constater que seule cette dernière est en litige, le caractère d'emprunteurs non avertis des époux [O] n'étant pas contesté par la SA BNP Paribas.

Des seules pièces qu'ils produisent aux débats concernant leur situation lors de la souscription du prêt immobilier, le 29 janvier 2001, il résulte que :

- [U] [O], professeur des écoles en Guyane, a perçu au cours de l'année 2000 des rémunérations nettes imposables de 215.485 francs,

- [B] [O], également institutrice à [Localité 4], a perçu au cours de l'année 2000 des rémunérations nettes imposables de 197.969 francs.

Les emprunteurs, l'un et l'autre âgés de 40 ans puisque nés en mars et septembre 1960, disposaient donc alors de revenus d'activité d'un montant net imposable mensuel moyen de, respectivement, 17.957 francs et 16.497 francs, soit un revenu mensuel total de 5.252 euros.

Si est désormais invoquée la charge que représentaient les quatre enfants du couple, il n'est justifié par aucune pièce des charges auxquelles celui-ci devait alors faire face, s'agissant en particulier de ses conditions de logement.

Par ailleurs, il ressort des actes notariés que, mariés sous le régime de la séparation de biens, les époux étaient, à tout le moins, propriétaires d'un terrain à bâtir, sur lequel devait être construite la maison financée au moyen du crédit litigieux, sis à [Localité 3] (Var), figurant au cadastre rénové de ladite commune pour une contenance de 25 ares 26 centiares.

S'il apparaît que la charge de l'emprunt immobilier dont les mensualités s'élevaient à la somme de 2.057 euros représentait effectivement 39,16 % des revenus d'activité des époux [O], il reste que, au regard des éléments, notamment patrimoniaux, sus-évoqués, la SA BNP Paribas a pu considérer que les emprunteurs disposaient de la capacité financière pour faire face au remboursement du crédit sollicité.

Il est d'ailleurs significatif que les époux [O] aient été en mesure de payer correctement, ainsi que l'indiquent les appelants dans leurs écritures, après une franchise de quatorze mois durant laquelle ils ont fait édifier leur maison, toutes les échéances du prêt entre avril 2002 et mars 2004.

Et il ne peut être reproché à la banque de n'avoir pas anticipé, lors de la souscription du prêt, les difficultés financières qu'ils ont ensuite rencontrées en raison d'une baisse de revenus liée selon eux à une mise à la retraite dont il est est fait état, sans cependant qu'aucune pièce ne soit produite à cet égard, ni même la moindre explication donnée quant à sa date et ses motifs, mais qu'en tout état de cause la stabilité de leur emploi et leur âge ne laissaient alors pas prévoir.

Quant aux divers jugements et ordonnances d'injonction de payer qu'ils invoquent pour justifier de leurs difficultés, toutes ces décisions sont intervenues en 2007 et 2008 et concernent des crédits à la consommation contractés ou autres dettes nées postérieurement à l'octroi du crédit immobilier litigieux.

Dès lors, les consorts [O] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande tendant à voir engager la responsabilité de la SA BNP Paribas au titre d'un devoir de mise en garde dont elle n'était pas tenue à leur égard.

Sur l'inscription abusive au fichier des incidents de paiement caractérisés :

Les appelants font valoir que la banque a prétendu par trois lettres du 10 mars 2008, 8 juillet 2008, et 7 mai 2009, que [U] [O] n'avait pas honoré l'échéance de prêt immobilier correspondant au mois d'envoi de la lettre, que cela est, au regard des comptes bancaires de ce dernier, évidemment faux, que ces lettres ne sont donc pas justifiées.

Exposant que cette inscription initiée par la banque a été lourde de conséquences pour les époux, ils demandent à ce titre une somme de 5.000 euros de dommages-intérêts.

La SA BNP Paribas réplique que cette inscription au fichier n'était absolument pas abusive dans la mesure où, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les mensualités de mars 2008, juillet 2008, et mai 2009 n'ont pu être prélevées.

Sur ce point, au vu des relevés du compte chèques des époux [O], il apparaît effectivement que les échéances, notamment, des 6 mars 2008, 6 juillet 2008 et 6 mai 2009 n'ont, en l'absence de provision, pu être réglées.

En conséquence, les lettres adressées les 10 mars 2008, 8 juillet 2008, et 7 mai 2009 aux emprunteurs pour les en aviser ne sauraient être considérées comme injustifiées.

En outre, la dernière de ces lettres, rappelant que la mensualité d'avril 2009 est également demeurée impayée, leur précise que ce défaut de paiement de deux échéances constitue un incident de paiement caractérisé que, faute de règlement des sommes dues dans le délai d'un mois, l'établissement de crédit sera tenu de déclarer à la Banque de France pour inscription au Fichier national des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers (FICP).

Et, étant constaté que cette lettre a été suivie d'un courrier du 24 juin 2009 par lequel la SA BNP Paribas les informe de cette transmission à défaut de régularisation, l'inscription sollicitée ne peut, au regard des dispositions de l'article L333-4 du code de la consommation, être constitutive d'un abus.

La demande de ce chef est donc rejetée.

Sur la responsabilité de la banque pour rupture abusive des relations contractuelles :

Les appelants exposent que, le 22 février 2010, M. [U] [O] a été informé de l'exigibilité anticipée du crédit immobilier au motif que les sommes réclamées dans les différents courriers n'avaient pas été payées, que cependant ces courriers réclamaient des échéances déjà réglées et étaient donc sans objet, que cette exigibilité anticipée caractérise la mauvaise foi de la société BNP Paribas et constitue une rupture abusive de crédit.

Ils précisent qu'en mars 2010, le différentiel entre les sommes véritablement payées, 197.287,51 euros, et le plan de remboursement initial, qui prévoyait qu'à cette date la somme des échéances devait correspondre à 197.487,36 euros, était de seulement 199,85 euros, somme qui ne justifiait pas même une inscription au FICP.

Ils ajoutent que, dans son courrier de février 2010, la banque n'était pas même en mesure de présenter aux débiteurs un décompte correct des sommes dues, que ce fait constitue à lui seul un motif d'annulation de l'exigibilité anticipée.

Faisant valoir que les conséquences de cette faute de la banque sont importantes puisque celle-ci n'a pas hésité à procéder à une saisie attribution des loyers dus aux époux [O] pour la maison objet du crédit, supérieurs de près de 1.000 euros aux mensualités mentionnées sur l'échéancier, ce qui a bien sûr eu des répercussions sur le pouvoir d'achat du couple, les consorts [O] demandent de ce chef une somme de 25.000 euros représentant 50 % des sommes restant dues au jour de la déchéance du terme prononcée abusivement.

Sur le reproche qui lui est fait de n'avoir pas exécuté le contrat de bonne foi, la banque expose que l'affirmation selon laquelle elle n'aurait pas répondu à la demande d'échéancier formulée par les époux [O] est inexacte, que par ailleurs il est également inexact de prétendre que des prélèvements anarchiques ont été effectués sur leur compte, qu'en effet, faisant droit à leur demande, elle leur a accordé une suspension des remboursements pendant une période de douze mois à compter d'avril 2004, que, la durée du prêt n'ayant cependant pas été augmentée, les mensualités sont passées de 2.057,15 euros à 2.430,33 euros, qu'elle n'est pas responsable de cette situation.

Elle précise que depuis 2005 les époux [O] ne parvenaient pas à rembourser les échéances de leur prêt, que, ayant appris qu'ils vendaient un bien à la Réunion pour le prix de 900.000 euros, elle a, en 2007, conservé leur dossier en agence alors qu'il aurait dû être transféré au service contentieux, qu'elle a patienté jusqu'en 2009, que, face à la longueur de la procédure de vente et l'accumulation des mensualités impayées, elle a été contrainte de prononcer la déchéance du terme du prêt le 22 février 2010.

Sur ce, aux termes de l'acte de prêt du 29 janvier 2001, il était prévu que la totalité des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires deviendrait immédiatement exigible en cas d'incidents de paiement.

Or, il apparaît que, ainsi que précédemment retenu, des défauts de règlement dans le remboursement du prêt sont intervenus.

Les emprunteurs, qui ne contestent d'ailleurs pas avoir connu des difficultés répétées pour faire face au règlement de leur dette, ne sont pas fondés à contester la déchéance intervenue au motif que le montant des sommes dues au moment de son prononcé ne serait selon eux pas suffisant pour justifier cette mesure.

Et le fait que la banque ait patienté avant de se prévaloir de la déchéance du terme contractuellement prévue ne peut lui être imputé comme constitutif d'une faute.

Les consorts [O], qui ne démontrent pas, ni d'ailleurs ne prétendent véritablement, avoir été à jour de leurs règlements au moment où la SA BNP Paribas a invoqué le bénéfice de la clause prévoyant l'exigibilité anticipée du prêt en cas de défaillance des emprunteurs, mais font seulement valoir que ces derniers étaient alors en phase de régularisation de leur situation, n'établissent pas la mauvaise foi qu'ils allèguent et doivent être, sans qu'il soit besoin de revenir sur le détail de leur argumentation, déboutés de leur demande tendant à voir rechercher la responsabilité de l'intimée pour rupture abusive des relations contractuelles.

Sur la responsabilité de la banque dans la mise en 'uvre des mesures d'exécution forcée :

Les appelants invoquent à cet égard la négligence du créancier.

Ils exposent que la banque a pratiqué une saisie attribution sur la créance de loyer existant entre les époux [O] et leurs locataires, que cette saisie a fait l'objet d'une contestation qui a abouti à un jugement constatant le désistement des débiteurs, que cette décision a été rendue au contradictoire de la SA BNP Paribas, que cette dernière, à laquelle il appartenait de prendre les dispositions nécessaires auprès de son mandataire, l'huissier saisissant, afin que les loyers soient saisis tous les mois jusqu'à apurement de la dette, n'a rien entrepris auprès des tiers saisis.

Ils font valoir que ce défaut de diligence doit être sanctionné, le créancier perdant ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi en vertu de l'article R 211-8 du code des procédures civiles d'exécution, que, dans la mesure où la saisie attribution aurait dû permettre de solder intégralement la dette des époux [O] auprès de la société BNP Paribas, celle-ci perd ses droits à concurrence de la somme de 57.409,70 euros représentant intégralement la dette dont elle se prévaut.

Ils ajoutent que, en raison de l'absence d'information du tiers saisi de l'extinction de la dette du saisi par lettre recommandée avec accusé de réception comme le prévoient les dispositions de l'article R211-17 du code des procédures civiles d'exécution, la négligence du créancier a par ailleurs entraîné un préjudice qui à ce titre s'élève à la somme de 12.327,78 euros correspondant à la période de juillet 2012 au 15 novembre 2012.

Sur les mesures d'exécution forcée, la banque fait valoir qu'elle a fait délivrer un procès-verbal de saisie-attribution des loyers aux locataires des époux [O] le 9 décembre 2010, que ce procès-verbal a été dénoncé le 16 décembre 2010 aux époux [O] qui ont saisi le juge de l'exécution aux fins d'annulation de la mesure pratiquée, que par jugement du 20 juin 2011 le juge de l'exécution a constaté que les demandeurs se désistaient de leur instance, qu'elle a donc fait signifier le jugement rendu sur contestation aux locataires saisis et les a sommés de payer la somme de 58.659,90 euros, que les preneurs n'ont pas cru devoir verser à l'huissier instrumentaire les sommes dues et ont donc été condamnés solidairement en qualité de tiers saisis débiteurs des époux [O] à lui payer cette somme par jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan du 18 juin 2013, qu'elle n'a toujours pas obtenu règlement de sa créance et n'a commis aucune négligence dans le recouvrement des sommes dues.

Au vu des pièces produites aux débats, et notamment de la décision rendue le 18 juin 2013 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan, les consorts [O], qui ont contesté la saisie attribution diligentée par la SA BNP Paribas entre les mains de leurs locataires avant de se désister de leur action, apparaissent particulièrement mal fondés à invoquer la négligence de leur créancier dans le recouvrement de sa créance.

Les demandes tendant à voir engager la responsabilité de la banque à ce titre doivent donc être rejetées.

Sur la demande reconventionnelle de la SA BNP Paribas :

Les appelants font valoir que la juridiction de première instance ne pouvait pas les condamner au paiement dans la mesure où la banque disposait déjà d'un titre exécutoire, le prêt ayant été consenti sous forme authentique, et où sa demande se heurtait donc à l'autorité de la chose jugée.

Toutefois, aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un créancier dispose de deux titres exécutoires pour la même créance, et, étant observé que, contrairement à ce qui est ainsi soutenu, la portée des titres n'est pas identique, l'acte notarié n'étant pas revêtu de l'autorité de la chose jugée, le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a condamné solidairement les emprunteurs au paiement de la somme de 57.034,91 euros, outre intérêts conventionnels et anatocisme.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire :

La banque sollicite à ce titre une somme de 5.000 euros.

Cependant, outre le fait qu'elle ne démontre, ni même n'invoque, aucun préjudice, la SA BNP Paribas n'établit pas que les consorts [O] aient laissé dégénérer en abus leur droit d'ester en justice, et sa demande est donc rejetée.

Sur les frais irrépétibles :

En cause d'appel, sera allouée à l'intimée une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 21 novembre 2013, rectifié par jugement du 23 janvier 2014, dont appel,

Y ajoutant,

Condamne les consorts [O] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne les consorts [O] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/24490
Date de la décision : 20/10/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°13/24490 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-20;13.24490 ?
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