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14/10/2016 | FRANCE | N°15/06184

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 14 octobre 2016, 15/06184


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 14 OCTOBRE 2016



N° 2016/559

CB











Rôle N° 15/06184





[E] [D]





C/



Syndicat des copropriétaires de l'immeubleLE SEMINAIRE et son Etab le Syndic des copropriétaires de la copropriété les SERIANES

Syndic. de copropriété LA SAS BILLON CGI

































Grosse délivrée

le :

à :



Me Jean michel GARRY, avocat au barreau de TOULON



Me Jeremy VIDAL, avocat au barreau de TOULON





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULO...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 14 OCTOBRE 2016

N° 2016/559

CB

Rôle N° 15/06184

[E] [D]

C/

Syndicat des copropriétaires de l'immeubleLE SEMINAIRE et son Etab le Syndic des copropriétaires de la copropriété les SERIANES

Syndic. de copropriété LA SAS BILLON CGI

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean michel GARRY, avocat au barreau de TOULON

Me Jeremy VIDAL, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section E - en date du 10 Mars 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/1287.

APPELANT

Monsieur [E] [D], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean Michel GARRY, avocat au barreau de TOULON, vestiaire : 1011 substitué par Me Carine LEXTRAIT, avocat au barreau de TOULON,

INTIMEES

Syndicat des copropriétaires de l'immeubleLE SEMINAIRE et son Etab le Syndic des copropriétaires de la copropriété les SERIANES

Appelant dans le 14/18936, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jeremy VIDAL, avocat au barreau de TOULON

Syndic. de copropriété LA SAS BILLON CGI

Appelant dans le 14/18936, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jeremy VIDAL, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Octobre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Octobre 2016.

Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat à durée indéterminée conclu le 16 août 1998, [E] [D] exerçait dans le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Séminaire, constituant une résidence non médicalisée avec services à la personne, soumise au statut de la copropriété, les fonctions de directeur de résidence.

Par jugement du conseil des prud'hommes de Toulon du 28 juillet 2014, notifié aux parties le 18 septembre 2014, la juridiction a condamné d'une part le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Séminaire à verser à [E] [D] les sommes de 388,75 euros à titre de rappel de salaire pour les dimanches et jours fériés travaillés du 21 mai 2000 8 au 31 décembre 2012, outre 538,88 euros au titre des congés payés ; 889,92 euros au titre d'une prime d'ancienneté, outre 88,99 euros de congés payés afférents ; 10'865,56 euros à titre de rappel de salaire, et 1086,58 euros sur ce rappel ; enfin, 1000 € sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes tendant à la déclaration du caractère infondé du licenciement économique prononcé à l'encontre du salarié, le conseil des prud'hommes a renvoyé l'affaire devant le juge départiteur, qui a jugé, par décision du 10 mars 2015, notifiée aux parties le 17 mars 2015, qu'était fondé sur un motif économique le licenciement, prononcé par lettre du 12 décembre 2012 par son employeur, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Séminaire, à l'encontre du salarié.

La décision a rejeté toutes les demandes en paiement présentées par [E] [D] présentées du fait du caractère infondé du licenciement.

Par acte du 22 septembre 2014, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Séminaire a régulièrement relevé appel général de la première décision. Par acte du 31 mars 2015, dans le délai légal et par déclaration régulière en la forme, le salarié a également régulièrement relevé appel général de la seconde décision.

Une ordonnance de jonction des deux instances est intervenue le 26 juin 2015.

Soutenant,

par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions :

' que les motifs économiques invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement sont dépourvus de fondement, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Séminaire ne justifiant en rien de la nécessité d'une réorganisation de l'entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité ; que d'ailleurs le poste occupé par le salarié n'avait nullement été supprimé, puisqu'une autre salariée avait été embauchée sur le même emploi, alors au surplus que le secteur est peu concurrentiel dans la région, très peu d'offres existant en matière de résidences avec services,

' que le règlement intérieur de la copropriété prévoit la tenue d'une assemblée générale de copropriétaires, qui a seule qualité pour fixer le nombre et la catégorie des emplois, et pour prendre les décisions relatives à la suppression des services affectant la destination de l'immeuble, et ce à l'unanimité des copropriétaires concernés ; que cette procédure n'a pas été suivie en l'espèce,

' que de surcroît, la copropriété n'a pas satisfait à son obligation de tentative de reclassement ; qu'elle ne pouvait se contenter de soutenir qu'il convenait d'embaucher du personnel féminin pour remplacer le salarié ; que le poste de cuisinier était libre à l'époque du licenciement, l'employeur ayant fait le choix, au lieu d'y affecter le salarié, de confier la restauration à une société externe,

' que la convention collective applicable est la convention nationale des gardiens, concierges et employés d'immeubles, visée d'ailleurs au contrat de travail ; que l'article 24 de cette convention prévoit le paiement d'une prime d'ancienneté qui n'a plus été versée conformément au barème, à compter d'octobre 2010,

' que le salarié a accompli un grand nombre d'heures supplémentaires qui n'ont été ni rémunérées ni déclarées, justifiant également la demande en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

' que l'employeur n'a non plus jamais réglé la majoration de la rémunération des heures travaillées le dimanche et les jours fériés, prévu par la même convention collective,

le salarié demande à la Cour d'infirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions et de lui allouer en définitive paiement des sommes de :

-30'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

-6400 euros au titre du préjudice subi du fait de la violation de la priorité de réembauchage,

-5388,75 euros à titre de rappel de salaires les dimanches et jours fériés pour la période comprise entre le 21 mai 2008 et le 31 décembre 2012,

-538,88 euros représentant le rappel de congés payés afférents,

-889,92 au titre de la prime d'ancienneté et 88,99 euros représentant les congés payés afférents euros à titre de primes,

-10'865,56 euros à titre d'heures supplémentaires, pour la même période du 21 mai 2008 au 31 décembre 2012,

-1086,86 euros au titre des congés payés afférents,

-9888 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé,

outre 2500 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

[E] [D] sollicite encore la remise des documents sociaux, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Répliquant,

par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions :

' que le licenciement est parfaitement fondé sur la nécessité de la réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, compte tenu de l'accroissement des charges de l'entreprise, suite notamment à un arrêt de cette cour du 25 octobre 2011, ordonnant l'application de la convention collective des gardiens, concierges et employés d'immeubles, ce qui entraînait l'application de salaires majorés pour le travail dominical et les jours fériés, cela dans un contexte concurrentiel accru,

' qu'il n'appartient pas au juge d'apprécier le choix par l'employeur entre les différentes solutions de réorganisation possibles, peu important que la simulation de restructuration proposée par le salarié puisse apparaître plus avantageuse pour l'entreprise,

' qu'il n'apparaît aucune discrimination, ni aucun détournement de la procédure de licenciement économique, dans le licenciement prononcé à l'encontre du salarié,

' que si, aux termes du décret du 17 mars 1967 pris pour application de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété, le syndic a compétence pour engager et congédier le personnel employé par le syndicat, aucun article du règlement intérieur ne concerne expressément la question des pouvoirs du syndic en matière de licenciement, l'article 13 du règlement de copropriété n'étant relatif qu'à l'organisation des services de la résidence, et non à des décisions affectant les personnes,

' que le syndicat des propriétaires, constituant un établissement unique, ne disposait d'aucun emploi permettant le reclassement du salarié, le chef cuisinier n'ayant jamais été remplacé compte tenu du fait que la gestion de la restauration était confiée à une société externe,

' que ce n'est que par lettre du 23 octobre 2013, alors que le licenciement avait été prononcé le 12 décembre 2012, que [E] [D] avait manifesté sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche ; qu'il n'avait d'ailleurs jamais été remplacé,

' sur le rappel de salaires, qu'il n'a jamais été demandé au salarié d'être présent les dimanches et jours fériés, soit 45 jours entre le 21 mai 2008 et le 31 décembre 2012 ; qu'il résulte d'ailleurs des bulletins de paie, des planning de travail et du tableau récapitulatif produits par [E] [D], soit qu'il était de repos, soit qu'il avait déjà été payé certains des jours considérés, de sorte que seule restait due la somme de 3712,25 euros,

' qu'il avait été acquiescé à la demande en paiement de la prime d'ancienneté, à hauteur de 978,91 euros, cette somme ayant déjà été réglée, de même que les congés payés afférents,

' que la demande au titre des heures complémentaires, et non supplémentaires, s'agissant d'un salarié à temps partiel, n'était étayée que par un tableau récapitulatif, et des plannings établis par le salarié lui-même, et que ces heures n'avaient jamais été effectuées à la demande de l'employeur, la demande en paiement d'indemnités pour le travail dissimulé devant également de ce fait être rejetée,

l'employeur demande à la Cour de confirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions, de débouter [E] [D] de toutes ses demandes en paiement et de lui allouer en définitive le paiement de la somme de 2500 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 12 décembre 2012 indique :

« Nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique.

En ce qui concerne les motifs de licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien préalable à savoir :

Selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, vous avez été engagé par le syndicat des copropriétaires, à compter du 2 avril 1999, en qualité de directeur de la résidence. Ce contrat de travail vous confiait alors notamment les responsabilités suivantes : organisation de l'emploi du temps et contrôle de l'ensemble du personnel ; transmission des données concernant la paye au comptable du syndicat ; organisation et gestion du service de restauration (achats, menu, facturation, comptabilité, facture, hygiène) ; organisation des animations diverses.

Selon arrêt définitif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 25 octobre 2011, il a été jugé que le syndicat des copropriétaires était tenu d'appliquer à l'égard des salariés la convention collective des gardiens, concierges et employés d'immeubles.

À la suite de cette décision, dont l'impact financier a été lourd pour le syndicat des copropriétaires, en ce qu'il conduisait au paiement majoré des salaires pour le travail dominical et les jours fériés, une convention a été passée avec la société Elior.

Les services de cuisine et de ménage ont été transférés à cette société, laquelle a repris à son service tous les salariés qui étaient affectés à ces tâches, à compter du 16 juillet 2012.

Dans ces conditions, les missions pour lesquelles vous aviez été employé ne sont plus justifiées, puisque dévolues à la société Elior.

Le syndicat des copropriétaires doit poursuivre la réorganisation qu'il a entamée, dans l'intérêt du service offert aux résidents, et compte tenu de la compétitivité qui doit être la sienne, eu égard au petit nombre de résidences de service dans la région.

Le syndicat des copropriétaires, s'il n'est certes pas à vocation lucrative comme peut l'être une société commerciale, n'en est pas moins soumis à une forme de concurrence, compte tenu de son activité proposant des services aux résidents.

Se maintenir sur le marché concurrentiel des résidences de service est un objectif majeur pour le syndicat, lequel devient de plus en plus (sic) car des groupes financiers se sont emparés de ce segment de marché, en ne visant que la location, utilisant un encadrement de professionnels de la restauration et de l'hôtellerie, construisant des unités à dimension économique optimale à des coûts de location inatteignables par un syndicat de copropriétaires classique.

Or, la résidence Les Sérianes (exploitée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Séminaire) avec sa dimension dès l'origine trop faible (49 appartements seulement) est par essence pénalisée.

D'ailleurs ce n'est pas sans difficulté que le syndicat parvient à faire occuper les 49 lots que comprend la copropriété, les résidents y étant de plus en plus âgés, et y accédant avec un état de santé plus fragile qu'auparavant, à la limite de la perte d'autonomie qui les rendrait accessibles à un EHPAD.

La réorganisation entamée avec le recours aux services de la société Elior apparaît dans ce contexte économique indispensable à la sauvegarde de la compétitivité du syndicat de copropriétaires.

La suppression de votre poste, le seul relevant du personnel d'encadrement au sein du syndicat et l'application des critères posés par l'article L 12 33 ' 5 du code du travail, est inévitable.

Votre reclassement a bien sûr été recherché au sein de l'entreprise, mais aucun autre poste n'étant vacant actuellement, il n'existe aucune possibilité de reclassement interne.

Nous avons de même démarché des structures externes susceptibles de vous proposer un emploi comparable, hélas vainement. (')

Nous vous informons que, conformément à l'article L 12 33 ' 45 du code du travail, vous bénéficiez d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de la rupture de votre contrat de travail.

Pour ce faire, vous devrez nous faire part de votre désir d'user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle et avec celles que vous viendriez à acquérir sous réserve que vous nous ayez informés de celles-ci. »

En droit, l'article L 1233 ' 3 du code du travail dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Constitue encore un licenciement économique le licenciement décidé en raison d'une réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

La validité du licenciement économique est subordonnée à l'impossibilité de reclasser l'intéressé. Le licenciement économique ne peut en effet intervenir que si tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et si son reclassement dans l'entreprise est impossible. La recherche s'effectue en priorité dans le cadre de l'entreprise, y compris dans ses établissements situés dans d'autres régions ou au sein de l'unité économique à laquelle elle appartient. S'il n'existe aucune possibilité de reclassement, dans une entreprise qui appartient à un groupe, l'employeur doit étendre sa recherche à toutes les entreprises de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permette d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, même n'appartenant pas au même secteur d'activité. La recherche de reclassement doit être effective et sérieuse.

En l'espèce, le licenciement découle du choix du syndicat des copropriétaires, à la suite de l'arrêt rendu le 25 octobre 2011 par cette cour, appliquant une convention collective différente de celle prévue à l'origine, et ayant pour conséquence l'accroissement de la masse salariale, de confier les services de restauration et de ménage à une entreprise extérieure. La tâche qui avait été confiée à [E] [D] au jour de son embauche, telle que définie dans son contrat de travail et rappelée par la lettre de licenciement apparaissait donc comme vidée de sa substance.

Le contrat de travail, pour une durée mensuelle de travail de 100 heures, à raison de trois jours dans la semaine de 9 heures à 14 heures et deux jours de 10 heures à 14 heures, prévoyait en effet que le salarié devrait effectuer les tâches suivantes, ci-après énumérées de façon exhaustive :

' organisation de l'emploi du temps et le contrôle de l'ensemble du personnel,

' transmission des données concernant la paye au comptable du syndic

' organisation et gestion du service de restauration comprenant la responsabilité des achats, l'établissement des menus avec le chef, la facturation des résidents, la comptabilisation des dépenses et des recettes, le contrôle des factures impayées concernant la restauration, le contrôle des employés du respect des règles d'hygiène et autres en vigueur

' organisation des animations diverses.

L'externalisation des fonctions de ménage et de restauration entraînait donc nécessairement la disparition de toutes ces tâches, à l'exception de l'organisation des animations.

Cette externalisation apparaissait par ailleurs nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise dès lors que l'application de la nouvelle convention entraînait une augmentation de la masse salariale, par application des dispositions plus favorables concernant le travail dominical, les jours fériés et la prime d'ancienneté, ce que le salarié peut d'autant moins contester qu'il réclame lui-même, dans le cadre de la présente instance, les sommes correspondant à l'application de cette convention.

[E] [D] soutient cependant que les attributions qui lui étaitent dévolues, loin de disparaître, ont été transférées à une autre salariée, [D] [C], qui apparaît sur le registre d'entrée et sortie du personnel, comme ayant été embauchée en contrat à durée indéterminée à temps partiel de 112 heures, puis à temps complet à compter du 1er octobre 2012, en qualité d'hôtesse.

Il est exact qu'un avenant au contrat à durée indéterminée du 19 mai 2012 a été conclu, à compter du 1er mai 2013, ajoutant aux fonctions de Mme [C] les tâches suivantes : établissement et contrôle des plannings des hôtesses et veilleurs de nuit, contrôle des grilles de choix des repas des résidents et facturation des repas ; gestion des remplacements du personnel, hôtesses et veilleurs de nuit ; reporting de ces données auprès du syndic. Cependant, ces tâches, d'importance très mesurée par rapport à celles précédemment attribuées à [E] [D], ne représentaient nécessairement que 40 heures par mois, par rapport aux 100 heures effectuées par le salarié. Il s'agissait donc là encore d'une réorganisation de l'entreprise pour en sauvegarder la compétitivité, en minimisant les coûts salariaux et en regroupant les tâches sur un moindre nombre de salariés.

L'article 13 du règlement intérieur de la copropriété, dont [E] [D] tire argument pour soutenir que son licenciement ne pouvait être décidé sans approbation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, ne prévoit la nécessité de cette décision qu'en ce qui concerne la suppression des services affectant la destination de l'immeuble (infirmerie, salle de gymnastique, salle de restaurant'). Même si, dans cette liste figure, au nombre des commodités offertes aux résidents, des « bureaux administratifs », il n'en résulte nullement que le texte interdisait le licenciement d'un salarié, dès lors que l'administration de la copropriété continuait d'être assurée. De même, l'article 73 du même règlement qui stipule que l'assemblée générale a seule qualité pour fixer le nombre et la catégorie des emplois, ne régit que les rapports entre le syndic et cette assemblée générale et, en l'absence de contestation par l'assemblée générale elle-même, ne saurait avoir aucune incidence sur la validité d'un licenciement par ailleurs justifié.

Par ailleurs, il résulte de la production du registre des inscriptions du personnel qu'aucun poste n'était disponible au jour du licenciement, permettant de reclasser le salarié, le syndicat des copropriétaires ne faisant partie d'aucun groupe et n'ayant pas d'autres établissements.

Le poste de chef cuisinier, dont le salarié affirme qu'il aurait pu lui être proposé, au départ en retraite de celui-ci, aurait entraîné le maintien des services de restauration dans l'entreprise, compromettant ainsi l'amélioration de la situation financière de l'employeur, but précisément poursuivi par celui-ci. L'employeur justifie en outre avoir tenté le reclassement externe du salarié, auprès de la société Elior, sans succès, ainsi que l'atteste la lettre produite aux débats, du 24 février 2014, adressée par celle-ci à l'employeur.

Le licenciement apparaît par conséquent bien fondé sur le motif économique de la suppression du poste pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, l'employeur ayant par ailleurs loyalement accompli son obligation de recherche de reclassement. [E] [D] sera donc débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement infondé, ainsi que pour le préjudice moral allégué du fait de ce licenciement, qui n'est fondé sur aucune circonstance particulière.

Sur la violation de la priorité de réembauchage

[E] [D] forme encore une demande en paiement de la somme de 6400 € au titre d'indemnité pour la violation de la priorité de réembauche, en soutenant que plusieurs embauches ont eu lieu dans l'année suivant son licenciement ou que des contrats ont été modifiés, passant de temps partiel à temps complet pour assurer son remplacement, sans que ne lui soient proposés les emplois correspondants.

En droit, l'article L1235-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au jour du licenciement, dispose que le

salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles et affiche la liste de ces postes. Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que c'est seulement le 23 octobre 2013 que [E] [D] a informé l'employeur de sa volonté de bénéficier d'une priorité de réembauche, alors que le registre d'inscription du personnel établit qu'aucune embauche ou modification de contrat n'a été diligentée après le 1er octobre 2013.

Il convient donc de débouter là encore [E] [D] de la demande en paiement de dommages-intérêts présentés sur ce fondement.

Sur la demande en paiement de salaires

[E] [D] réclame à ce titre paiement des sommes de 5388,75 euros, outre les congés payés afférents à hauteur de 538,88 euros, représentant la majoration de salaire applicable en vertu de la convention collective des concierges gardiens d'immeubles. L'employeur ne conteste cette demande que pour une partie de la somme, et y acquiesce à hauteur de 3712,25 euros.

Il résulte de l'examen attentif du tableau récapitulatif, des bulletins de paie et des planning de travail produit par le salarié que 14 journées, sur les 45 dont le paiement est sollicité, n'ont pu donner lieu à majoration, soit que ces journées apparaissent comme n'ayant pas été travaillées (8 juin et 5 octobre 2008, 21 mai et 27 septembre 2009, 9 janvier et 30 mai 2010, 29 mai 14 août et 28 août 2011), soit parce qu'elles ont été payées (21 décembre 2008, 1er janvier, 1er et 29 mars 2009) soit enfin parce qu'elle ne pouvait donner lieu à majoration, ne s'agissant pas un jour férié (1er décembre 2010).

Il convient de condamner à ce titre le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Séminaire à verser à [E] [D] la somme de 3712,25 euros à titre de rappel de salaires, outre les congés payés afférents, soit 371,22 euros.

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

En droit, l'article L3171-4 du Code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge tous éléments de nature à étayer sa demande, ces éléments devant être suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

En l'espèce, [E] [D] produit un décompte des heures effectuées du 21 mai 2008 au 12 décembre 2012, manifestement établi au jour le jour, et sur le même document que le décompte des heures des autres salariés, de sorte que la véracité des mentions portées sur ce décompte ne peut être contesté. L'employeur ne saurait s'exonérer du paiement des heures ainsi réalisées en soutenant simplement qu'il n'avait pas demandé au salarié d'effectuer ces heures, notamment à l'occasion des animations organisées au sein de la résidence.

Cependant, le contrat de travail prévoyait précisément "l'organisation des animations", de sorte que l'employeur est mal venu à reprocher au salarié d'avoir effectué des heures supplémentaires pour cette activité. En revanche, il ressort des bulletins de paie produits aux débats, ainsi que d'un décompte précis des heures faites et rémunérées, pour les années 2012, produit par l'employeur, que certaines de ces heures ont déjà été rémunérées, et ne peuvent par conséquent donner lieu de nouveau à paiement de salaire.

Au regard des dispositions sur la durée du temps de travail et les heures supplémentaires, compte tenu du taux horaire de la rémunération de [E] [D], des bulletins de salaire produits aux débats et du nombre d 'heures effectuées par [E] [D], la cour dispose d'éléments suffisants pour condamner à ce titre le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Séminaire à verser à [E] [D] la somme de 5844,37 euros au titre du paiement des heures supplémentaires, outre la somme de 584,44 euros à titre de congés payés sur heures supplémentaires.

Sur la demande en paiement de l'indemnité de l'article L8 223 ' 1

En droit, l'article L8223 ' 1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en violation de l'interdiction de travail dissimulé a droit à une indemnité égale à six mois de salaire, même si la durée de la relation de travail a été moindre, indemnité calculée en prenant en compte les heures supplémentaires accomplies par le salarié dans les six mois précédant la rupture. Cette indemnité est due quels que soient la qualification ou le mode de la rupture et sans nécessité d'une condamnation pénale préalable de l'employeur, à condition que l'élément intentionnel de la dissimulation soit établi. L'indemnité qui a la nature d'une sanction civile se cumule avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail, y compris les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement ou de mise à la retraite et les dommages-intérêts en cas de licenciement abusif ou irrégulier. L'octroi de l'indemnité forfaitaire n'exclut pas pour le salarié l'indemnisation du préjudice lié à l'inexécution fautive par l'employeur de ses obligations, notamment en cas de non affiliation aux organismes de sécurité sociale et d'assurance-chômage ou de non versement des cotisations sociales.

En l'espèce cependant aucun élément ne permet, alors que l'employeur a réglé un certain nombre de ces heures supplémentaires, d'établir l'élément intentionnel de la dissimulation. Il convient par conséquent de débouter [E] [D] de cette demande.

Sur la demande en paiement de primes

Il convient de donner acte ou syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Séminaire de ce qu'il acquiesce à cette demande, et de le condamner, en tant que de besoin, à verser à [E] [D] la somme de 889,92 € au titre de la prime d'ancienneté et 88,99 euros représentant les congés payés afférents euros au titre des primes.

Sur la demande en remise de documents

Il convient de condamner l'employeur à délivrer à [E] [D] la remise des documents sociaux, rectifiés conformément aux énonciations du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Chacune des parties échouant partiellement ses prétentions, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune d'elles la totalité des frais irrépétibles engagés pour la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Réforme les jugements déférés et, statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension,

Dit fondé sur un motif économique constituant cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par lettre du 12 décembre 2012,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Séminaire à verser à [E] [D] les sommes de :

-3712,25 euros à titre de rappel de salaires,

- 371,22 euros représentant le rappel de congés payés sur salaire,

- 5844,37 euros à titre d'heures supplémentaires,

- 584,44 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires,

-889,92 au titre de la prime d'ancienneté et 88,99 euros représentant les congés payés afférents,

Condamne l'employeur à délivrer à [E] [D] la remise des documents sociaux, rectifiés conformément aux énonciations du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Partage par moitié entre elles les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 15/06184
Date de la décision : 14/10/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°15/06184 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-14;15.06184 ?
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