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12/10/2016 | FRANCE | N°15/00033

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre d, 12 octobre 2016, 15/00033


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D



ARRÊT AU FOND

DU 12 OCTOBRE 2016

F.T.

N° 2016/223













Rôle N° 15/00033







[I], [D] [X]





C/



[B] [M]

[N] [M] épouse [P]

[L] [T]



















Grosse délivrée

le :

à :





SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES



SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & ASSOCIES



SC

P RIBON-KLEIN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00823.





APPELANTE



Madame [I], [D] [X]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D

ARRÊT AU FOND

DU 12 OCTOBRE 2016

F.T.

N° 2016/223

Rôle N° 15/00033

[I], [D] [X]

C/

[B] [M]

[N] [M] épouse [P]

[L] [T]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES

SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & ASSOCIES

SCP RIBON-KLEIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00823.

APPELANTE

Madame [I], [D] [X]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Laurent LACAZE de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant.

INTIMES

Monsieur [B] [M]

né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me François DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Fréderic JEANNIN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Victoria LA SCOLA , avocat au barreau de PARIS, plaidant.

Madame [N] [M] épouse [P]

née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me François DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Fréderic JEANNIN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Victoria LA SCOLA , avocat au barreau de PARIS, plaidant.

Maître [L] [T]

notaire

[Adresse 4]

intervenant volontaire

représenté et assisté par Me Pascale KLEIN de la SCP RIBON-KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Florence TESSIER, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente

Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller

Mme Florence TESSIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Octobre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Octobre 2016,

Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

[G] [X] est décédée le [Date décès 1] 2013 à [Localité 4], laissant pour lui succéder ses deux petits-enfants, héritiers réservataires, Monsieur [B] [M] et Madame [N] [M] épouse [P], venant en représentation de leur père, prédécédé, [A] [M], en l'état d'un testament authentique en date du 10 septembre 2009, dressé par Maître [L] [T], notaire à Mallemort, aux termes duquel elle a institué Madame [I] [X], sa nièce, légataire à titre particulier de la pleine propriété des deux maisons sises [Adresse 5].

Lors de l'ouverture de la succession d'[G] [X], un différend est apparu entre Madame [I] [X] et les héritiers réservataires concernant l'étendue du legs particulier octroyé ainsi que la valeur des biens dépendant de l'actif successoral.

Par acte d'huissier en date du 19 décembre 2013, Madame [I] [X] a fait assigner, à jour fixe, devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence Monsieur [B] [M] et Madame [N] [M] épouse [P] aux fins d'être envoyée en possession de son legs à titre particulier, de dire qu'elle prétendra aux fruits du legs à compter de l'assignation, de dire que les frais de la succession s'entendent de la totalité des frais, soit la somme de 122.318 euros à la charge de la succession, conformément aux dispositions testamentaires ainsi que de condamner les héritiers réservataires au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par conclusions signifiées le 19 mars 2014, Monsieur [B] [M] et Madame [N] [M] épouse [P] ont, avant dire droit au fond, sollicité du tribunal d'ordonner une mesure d'expertise du dossier médical de la de cujus, destinée à dire si elle était saine d'esprit à la date d'établissement du testament ainsi qu'une expertise foncière aux fins de déterminer la valeur vénale du bien faisant l'objet du legs.

Ils ont demandé, à titre principal, que le testament en date du 10 septembre 2009 soit déclaré nul et que Madame [I] [X] soit déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Subsidiairement, ils ont conclu à l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession en cause, avec désignation de la SCP [C]-[A]-[O]-[V]-[N], notaires à Paris, d'un juge chargé de surveiller lesdites opérations et qu'il soit sursis à délivrer jusqu'à la fin des opérations de partage et détermination de la quotité disponible, seuls les frais de succession devant être supportés par celle-ci, les droits de mutation étant exclusivement à la charge de Madame [I] [X].

A titre plus subsidiaire, ils ont entendu que soit prononcée la réduction du legs consenti à concurrence de la portion excédant la quotité disponible, la mise sous séquestre du prix de vente n'ayant pas à être ordonnée et la demanderesse devant être condamnée au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par jugement réputé contradictoire en date du 13 novembre 2014, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

-dit que le testament authentique établi par la de cujus le 10 septembre 2009 est nul,

-débouté Madame [I] [X] de ses demandes,

-dit qu'elle ne se trouve pas fondée à demander la mise sous séquestre du prix de vente du bien sis à [Adresse 6],

-condamné Madame [I] [X] à verser à Monsieur [B] [M] la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le tribunal a considéré pour l'essentiel que

-les jugements rendus par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Salon en 2008 et 2009, plaçant la défunte sous curatelle renforcée, ne relèvent pas un état de démence sénile chez celle-ci, mais son isolement et son grand âge, aucune expertise médicale n'étant nécessaire,

-le notaire a formé un rescrit-valeur sur le bien sis à [Localité 5], objet du legs, évalué à la somme de 191.300 euros, le fisc n'ayant pas fait valoir d'observation contraire dans le délai légal, aucune expertise foncière n'étant utile,

-l'un des témoins instrumentaires à l'établissement du testament était le partenaire pacsé de la légataire, et donc un allié de celle-ci, ce qui affecte de nullité l'acte, en application des dispositions de l'article 975 du code civil,

-Madame [I] [X] ne dispose pas de droits sur l'immeuble situé à [Adresse 6].

Madame [I] [X] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 6 janvier 2015.

Maître [L] [T], notaire qui a reçu le testament en date du 10 septembre 2009, est intervenu volontairement à l'instance par conclusions notifiées le 26 octobre 2015.

Par ordonnance en date du 12 janvier 2016, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté la demande de production forcée du dossier médical de la testatrice présentée par Monsieur [B] [M] et Madame [N] [M] épouse [P] et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Le conseiller a estimé qu'il n'existe aucun commencement de preuve de l'affaissement des facultés mentales de la de cujus, son placement sous mesure de protection n'étant motivé que par son âge, son isolement et l'importance des biens à gérer.

Madame [I] [X], aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 septembre 2016, demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a considéré les expertises médicale et immobilière comme étant inutiles.

Elle sollicite de la cour, statuant à nouveau, de :

-l'envoyer en possession de son legs à titre particulier constitué de la maison sise à [Adresse 7],

-dire qu'elle prétendra aux fruits de ce legs à compter de l'assignation du 26 décembre 2013,

-dire que les frais de succession du legs s'entendent de la totalité des frais, soit 122.318 euros à la charge de la succession,

-vu l'article 1961 alinéa 2 du code civil, désigner à titre conservatoire comme séquestre du prix de vente de l'immeuble sis à [Adresse 6] Maître [P] [G], notaire des vendeurs à Marseille,

-désigner à titre conservatoire complémentaire comme séquestre du prix de vente dudit appartement l'office notarial PARIS REPUBLIQUE, notaire des vendeurs à [Localité 6],

-dire que l'indemnité de réduction due aux héritiers [M] par l'appelante doit être fixée à la somme de 20.467 euros,

Sur l'intervention volontaire du notaire Maître [L] [T] :

-la dire recevable et fondée,

-dans l'hypothèse où la nullité du testament serait confirmée, dire le notaire fautif au visa de l'article 1382 du code civil, pour avoir considéré le compagnon pacsé de la légataire en qualité de témoin utile,

-condamner ledit notaire à lui payer la somme de 191.300 euros, montant du legs, à titre de dommages et intérêts,

-dans l'hypothèse où le testament est validé et où la cour considère que l'appelante est redevable des frais de succession, dire le notaire responsable de l'imprécision de la rédaction du testament quant à ces frais,

-condamner Maître [L] [T] à lui verser la somme de 122.318 euros, montant des frais de succession à titre de dommages et intérêts,

-condamner les parties intimées à lui payer la somme de 5.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

Madame [I] [X] fait valoir pour l'essentiel que :

-le jugement a ajouté à la loi, qui n'a pas inclus dans la notion d'allié le partenaire pacsé du légataire, dont la situation n'est pas assimilable à celle du conjoint marié, le partenaire pacsé

n'ayant aucune vocation successorale au survivant en cas de décès du partenaire, sauf testament en sa faveur,

-la cour de cassation a retenu que le fait pour le témoin de faire partie d'un groupe bénéficiaire du legs n'est pas un obstacle à la validité du testament authentique,

-l'absence de démence de la de cujus résulte de la motivation du jugement du juge des tutelles du tribunal d'instance de Salon de Provence du 29 janvier 2008,

-l'absence de réponse de l'administration fiscale sur la valeur déclarée du bien immobilier situé à [Localité 5] démontre que la valeur vénale retenue est exacte,

-la preuve n'est pas rapportée qu'au moment où elle a testé, [G] [X] était privée d'une volonté libre et réfléchie et n'était pas saine d'esprit,

-l'appelante ne se trouve pas dans l'incapacité légale de recevoir, l'article 909 du code civil concernant le médecin qui a prodigué des soins à une personne, pendant la maladie dont elle meurt, ce qui n'est pas le cas de Madame [I] [X], qui n'a jamais soigné sa tante,

-l'ensemble des frais de la succession doit être assumé par celle-ci, le legs d'un bien immobilier impliquant automatiquement les frais et honoraires du notaire chargé de la succession et des droits d'enregistrement ou de mutation,

-la volonté de la défunte était de gratifier l'appelant, sans aucun frais,

-l'intervention volontaire de Maître [L] [T] est recevable et bien fondée, un lien suffisant existant entre les deux actions, compte tenu de la faute commise par le notaire lors de la rédaction du testament, consistant à avoir choisi comme témoin une personne ne remplissant pas les conditions pour assumer cette fonction ainsi qu'à avoir employé le terme générique « frais de succession », non clairement définis.

Monsieur [B] [M] et Madame [N] [M] épouse [P], aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 30 août 2016, sollicitent de la cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Dans l'hypothèse où le jugement serait infirmé, ils sollicitent de la cour de :

-avant dire droit, ordonner deux mesures d'expertise, l'une du dossier médical d'[G] [X], l'autre afférente à la valeur vénale du bien immobilier objet du legs,

-à titre principal, dire que le testament en date du 10 septembre 2009 est nul et débouter Madame [I] [X] de l'ensemble de ses demandes,

-Subsidiairement, ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession en cause, avec désignation de la SCP [C]-[A]-[O]-[V]-[N], notaires à Paris, d'un juge aux fins de surveiller lesdites opérations et surseoir à délivrer jusqu'à la fin des opérations de partage et détermination de la quotité disponible, seuls les frais de succession devant être supportés par celle-ci, les droits de mutation étant exclusivement à la charge de Madame [I] [X],

-à titre plus subsidiaire, prononcer la réduction du legs consenti à concurrence de la portion excédant la quotité disponible, la mise sous séquestre du prix de vente n'ayant pas à être ordonnée,

-condamner la partie appelante au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils soutiennent principalement que :

-l'incapacité posée à l'article 975 du code civil doit être étendue au partenaire pacsé, compte tenu de l'évolution de la société, même s'il n'a pas été visé expressément par la disposition légale dont s'agit,

-il en résulte que le testament litigieux se trouve entaché de nullité,

-subsidiairement, des expertises médicale et foncière s'avèrent nécessaires, la de cujus se trouvant placée sous le régime de la curatelle renforcée depuis le 29 janvier 2008, étant âgée de 89 ans au moment de la rédaction du testament et atteinte de démence sénile la rendant incapable de gérer ses biens, [G] [X] ayant eu besoin d'être contrôlée dans les actes de la vie civile,

-les parties intimées se sont trouvées dans l'incapacité d'accéder aux informations médicales relatives à leur grand-mère, tandis que l'appelante a produit des attestations de personnes tenues au secret médical, qui devront être écartées des débats,

-l'expertise foncière est quant à elle nécessaire, la valeur du bien, fixée dans le projet de déclaration de succession à la somme de 220.000 euros, ayant été sous-évaluée et la procédure de rescrit-valeur ne concernant pas la situation d'[G] [X], qui n'était ni entrepreneur individuel, ni dirigeant de société, la donation ne portant ni sur une entreprise individuelle ni sur les titres d'une société,

-l'appelante se trouvait dans l'incapacité de recevoir, au sens de l'article 909 du code civil, ayant prodigué des soins à la de cujus en sa qualité de médecin et ayant été désignée en qualité de curateur de cette dernière le 29 janvier 2008,

-plus subsidiairement, concernant les frais de la succession, les droits d'enregistrement du legs doivent être supportés par l'appelante, à défaut de mention spécifique apposée dans le testament les faisant peser sur la succession,

-à titre encore plus subsidiaire, la réduction du legs doit être opérée à hauteur de la somme de 136.103,82 euros.

Maître [L] [T], notaire, dans ses dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2015, demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

-dire que le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec le légataire ne peut être considéré comme un allié ou un légataire au sens de l'article 975 du code civil,

-dire le testament valable,

-dire irrecevables les demandes de Madame [I] [X],

-subsidiairement, dire que la preuve d'une faute et d'un préjudice n'est pas rapportée,

-débouter Madame [I] [X] de ses demandes,

-la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il soutient que :

-le terme juridique d'allié ne peut être appliqué au partenaire du pacs, pas plus qu'au concubin, le législateur n'ayant pas modifié le texte de l'article 975 du code civil lors de la réforme de 2006,

-les demandes formulées à son encontre par l'appelante sont irrecevables pour être nouvelles en cause d'appel,

-il n'a commis aucune faute, le testament devant être dicté par le testateur en application de l'article 972 du code civil, le notaire n'étant pas responsable des imprécisions qui y figurent.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 21 septembre 2016.

MOTIVATION DE LA DECISION

1/ Sur la validité du testament authentique en date du 10 septembre 2009 :

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 975 du code civil, ne pourront être pris pour témoins du testament par acte public, ni les légataires, à quelque titre qu'ils soient, ni leurs parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni les clercs des notaires par lesquels les actes seront reçus ;

Attendu que la finalité de cette disposition légale réside dans le fait de protéger le testateur de l'influence de ses proches, afin que son libre arbitre soit sauvegardé jusqu'à la signature de l'acte ;

Attendu qu'il est constant que l'un des témoins à l'établissement du testament authentique du 10 septembre 2009 établi par [G] [X] au bénéfice de sa nièce, Madame [I] [X], instituée légataire à titre particulier, était le partenaire pacsé de cette dernière, Monsieur [Y] ;

Attendu que s'il est exact que le texte de l'article 975 du code civil ne vise pas expressément les partenaires pacsés, il ne vise pas plus le conjoint du légataire, qui est au premier chef un allié frappé de l'incapacité légale dont s'agit ;

Attendu qu'en l'état de l'évolution de la société et des nouvelles formes de conjugalités, il convient d'inclure dans la notion d'allié le partenaire pacsé du légataire, afin de respecter l'esprit protecteur des dispositions de l'article 975 du code civil, ce dernier disposant d'un intérêt certain dans la rédaction du testament, dès lors qu'il a vocation, compte tenu de sa vie commune avec la gratifiée, à hériter du legs ;

Qu'en effet, si les partenaires du pacte civil de solidarité n'ont pas la qualité d'héritiers, il peut être remédié à cette incapacité, en optant pour le régime de l'indivision ou en rédigeant un testament au profit de l'autre ;

Attendu que la question de droit posé n'est pas celle des similitudes ou des différences de régimes entre le mariage et le pacte civil de solidarité, mais celle des liens interpersonnels existant entre les partenaires dudit pacte ;

Que ces liens sont semblables à ceux du mariage, et réglementés, le Conseil Constitutionnel ayant relevé, dans sa décision du 9 novembre 1999, relative à la loi sur le pacte civil de solidarité, que les liens entre les deux partenaires sont ceux propres à une vie de couple, de manière identique aux liens unissant deux époux ;

Attendu en conséquence que le testament authentique en date du 10 septembre 2009 doit être déclaré nul et de nul effet, Madame [I] [X] étant déboutée de l'ensemble de ses demandes, le jugement déféré étant confirmé dans l'intégralité de ses dispositions ;

Attendu que la cour n'a pas à examiner les autres moyens développés par les parties, afférents à la nécessité de l'instauration de mesures d'expertise, à la capacité à recevoir de la légataire, à l'état de santé de la testatrice, à la réduction du legs consenti et aux montant des frais de succession, eu égard à la nullité du testament prononcée ;

2/ Sur la responsabilité du notaire :

Attendu qu'il y a lieu, de manière liminaire, de déclarer recevables les demandes dirigées par Madame [I] [X] à l'encontre de Maître [L] [T], qui n'est intervenu volontairement à la procédure qu'en cause d'appel, son intervention se rattachant par un lien suffisant, au sens des dispositions de l'article 325 du code de procédure civile, aux prétentions des parties, dans la mesure où il a rédigé en sa qualité de notaire le testament litigieux ;

Attendu, sur la responsabilité, qu'en application des dispositions de l'article 1147 du code civil, le notaire doit, avant de dresser un acte, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour en assurer l'utilité et l'efficacité ;

Que les obligations qui lui incombent à ce titre ne constituent que le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte et relèvent de sa responsabilité délictuelle ;

Attendu qu'il ne peut être à bon droit reproché par l'appelante à Maître [L] [T] d'avoir, lors de la rédaction du testament d'[G] [X], accepté la présence, en qualité de témoin, du partenaire pacsé de la légataire, dans la mesure où le notaire s'en est tenu à la lettre des dispositions de l'article 975 du code civil, ce partenaire n'étant pas expressément visé par ce texte ;

Que Madame [I] [X] ne peut lui reprocher de ne pas avoir prévu l'évolution du droit sur l'assimilation du partenaire pacsé à un allié, aucune décision de justice n'ayant, à l'époque du testament, été rendue sur cette question de droit ;

Attendu qu'est sans objet le moyen, tiré de la faute reprochée sur l'imprécision de l'attribution des frais de succession, le testament en date du 10 septembre 2009 ayant été annulé ;

Attendu en conséquence que Madame [I] [X] doit être déboutée de ses demandes dirigées à l'encontre de Maître [L] [T] ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'article 696 du code de procédure civile ;

P A R C E S M O T I F S

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare recevable l'intervention volontaire de Maître [L] [T] ;

Déclare recevables les demandes de Madame [I] [X] formulées à l'encontre de Maître [L] [T] ;

Déboute Madame [I] [X] de ses demandes dirigées à l'encontre de Maître [L] [T] ;

Condamne Madame [I] [X] à payer à Madame [N] [M] épouse [P] et à Monsieur [B] [M], en cause d'appel, la somme totale de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [I] [X] à payer à Maître [L] [T], en cause d'appel, la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [I] [X] aux entiers dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre d
Numéro d'arrêt : 15/00033
Date de la décision : 12/10/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°15/00033 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-12;15.00033 ?
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