La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2016 | FRANCE | N°15/07023

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 20 septembre 2016, 15/07023


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 20 SEPTEMBRE 2016

A.V

N° 2016/













Rôle N° 15/07023







SA ALLIANZ IARD





C/



SNCF RESEAU

La S.M.A.B.T.P. BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

SELAS ETUDE [W] [L]





















Grosse délivrée

le :

à :Me Levaique

Me Rousseau

Me Liberas

Me Millet

r>














Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 10 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 08/02591.





APPELANTE



SA ALLIANZ IARD anciennement dénommée AGF IART, entreprise régie par le code des assurances, immatriculée au R...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 20 SEPTEMBRE 2016

A.V

N° 2016/

Rôle N° 15/07023

SA ALLIANZ IARD

C/

SNCF RESEAU

La S.M.A.B.T.P. BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

SELAS ETUDE [W] [L]

Grosse délivrée

le :

à :Me Levaique

Me Rousseau

Me Liberas

Me Millet

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 10 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 08/02591.

APPELANTE

SA ALLIANZ IARD anciennement dénommée AGF IART, entreprise régie par le code des assurances, immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le N°B 542 110 291, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

représentée par Me Laurence LEVAIQUE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Jean François ABEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEES

LA SNCF RESEAU venant aux droits de SNCF, établissement public à caractère industriel et commercial immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro B 412 280 737 dont le siège social est situé [Adresse 5], représentée par son Président en exercice domicilié en sa délégation juridique territoriale méditerranée [Adresse 3]

représentée par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP ROUSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Julien SCAPEL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

LA S.M.A.B.T.P. BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS -, Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publ - [Adresse 1]

représentée par Me Pierre LIBERAS de la SELARL LIBERAS & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE,

assistée par Me Paul GUILLET, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

SELAS ETUDE [W] [L] , es qualité de liquidateur judiciaire de la société HEAVEN CLIMBER MERCURY SUD, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe MILLET, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne VIDAL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2016,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE et PRETENTIONS,

Le 13 janvier 1999, vers 21h50, M.[X] [G], électricien, salarié de la Sarl [D], sous-traitante de la société Mercury Sud, travaillait sur le chantier SNCF de la tête du tunnel de [Localité 1] (Alpes Maritimes) quand il a été victime d'une électrocution, ce qui a nécessité son amputation du membre supérieur gauche.

Une procédure pénale fut engagée contre la SNCF, M.[Y] [U], agent SNCF, M.[N] [P], président de Mercury Sud et M.[K] [O], gérant de la Sarl [D]. Cette procédure fit l'objet d'un jugement du tribunal correctionnel de Nice du 18 novembre 2004 qui a déclaré la SNCF et M.[U], coupables du délit de blessures involontaires,puis d'un arrêt définitif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 11 décembre 2006 qui a constaté le caractère définitif du jugement sur l'action publique contre la SNCF et M.[U], a déclaré M.[P] et M.[D] coupables pénalement et sur l'action civile a partagé la responsabilité entre la SNCF pour 40%, M.[U] 20%, M.[P] 20% et M.[D] 20%.

M.[X] [G] n'a pas poursuivi sa demande d'indemnisation devant la juridiction pénale et le 23 février 2006, a engagé une procédure civile d'indemnisation devant le tribunal de grande instance de Nice à l'encontre de la SNCF. Celle-ci a appelé en cause la société Mercury Sud, les AGF, la SMABTP.

Par la suite la société Mercury Sud Est devenue la société Heaven Climber Mercury Sud, laquelle a fait l'objet d'une procédure collective. Me [W] [L] a été appelée en cause ès qualités de liquidateur de cette société.

Par arrêt du 9 novembre 2011 la cour d'appel d'Aix-en-Provence a dit que les demandes de la SNCF et de M.[P] relatives à la détermination des responsabilités dans l'accident du 13 janvier 1999 se heurtaient à la chose jugée par arrêt de la chambre des appels correctionnels d'Aix-en-Provence du 11 décembre 2006, condamné la SNCF à payer en deniers ou quittances 647.910,30 euros à [X] [G], 50.000 euros à [R] [G], 591.157,97 euros à la CPAM des Alpes Maritimes, et dit que la SNCF serait garantie par M.[P] à hauteur de 20%.

La procédure civile a repris devant le tribunal de grande instance de Nice suite aux appels en garantie de la SNCF contre la compagnie Allianz et la SMABTP et Me [W] [L], ès qualités de liquidateur de la société Heaven Climber Mercury.

Par jugement en date du 10 mars 2015, prononcé de manière contradictoire, le tribunal de grande instance de Nice a :

-donné acte à la Selas Etude [W] [L] de son intervention volontaire ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Heaven Climber Mercury Sud aux lieu et place de Me [L], ès qualités,

-vu l'article L.622-26 du code de commerce,

-déclaré la créance de la SNCF inopposable à la procédure collective de la société Heaven Climber Mercury Sud (anciennement Mercury Sud) faute d'avoir été déclarée au passif,

-en conséquence, débouté la SNCF de ses demandes de condamnation à l'encontre de la Selas Etude [W] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sa Heaven Climber Mercury Sud,

-dit que le contrat d'assurances liant la compagnie Allianz à la société Mercury Sud qui a pris fin au 1er janvier 2000 n'est pas soumis à la loi du 1er août 2003,

-dit, par suite, que la clause insérée subordonnant la garantie à la double condition de la survenance du fait dommageable et de la réclamation pendant la période de validité du contrat d'assurances est réputée non écrite,

-en conséquence, dit que le sinistre doit être considéré comme intervenu à la date du fait générateur (13 janvier 1999) et non à la date de la réclamation (22 avril 2008) et que la compagnie Allianz est tenue de garantir son assurée envers les tiers, et donc envers la SNCF, subrogée dans les droits de la victime qu'elle a indemnisée, au titre de l'accident du 13 janvier 1999, survenu pendant la durée de validité du contrat d'assurance,

-dit que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 11 décembre 2006 ayant instauré un partage de responsabilité entre la SNCF et trois autres personnes physiques, dont le gérant de la société Mercury Sud, n'a pas autorité de chose jugée à l'encontre de la compagnie Allianz qui, n'étant pas partie à la procédure, à laquelle son assurée, la société Mercury Sud, personne morale, n'était pas partie, elle non plus,

-vu les dispositions contractuelles liant la SNCF et la société Mercury Sud, aux termes desquelles la seconde est tenue de garantir la première des conséquences des accidents corporels survenus à des tiers du fait ou à l'occasion des travaux objets de la lettre de commande du 16 décembre 1997,

-condamné la compagnie Allianz, venant aux droits de la compagnie AGF/La Lilloise, en qualité d'assureur de la société Mercury Sud devenue Heaven Climber Mercury Sud, à relever et garantir la SNCF de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre (dommages et intérêts, remboursement des débours de la caisse, frais irrépétibles et dépens de 1ère instance et d'appel) au profit de [X] [G] et de la CPAM des Alpes Maritimes, par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 novembre 2011,

-dit que la SMABTP n'est pas tenue à garantie et doit être mise hors de cause,

-condamné la compagnie Allianz à verser à la SNCF la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,

-condamné la compagnie Allianz aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Michel SARRAU, Me FURIO FRISCH et la SCP ABM, avocats.

Dans ses motifs le tribunal a dit que la SNCF n'avait pas déclaré de créance au passif de la société Heaven Climber Mercury Sud et devait être déboutée de sa demande contre le liquidateur de cette société ès qualités. Le tribunal a dit que l'assureur Allianz devait garantie à Mercury Sud mais que la SMABTP n'était pas concernée.

Sur le sens à donner à l'autorité de la chose jugée, le tribunal a dit que si le président de Mercury Sud avait eu sa responsabilité retenue pour 20%, cela n'empêchait pas la SNCF d'obtenir garantie par Allianz pour le tout dès lors que, au vu des dispositions contractuelles entre la SNCF et Mercury Sud, cette société est tenue de garantir la SNCF contre tout recours de tiers victimes d'accidents corporels à l'occasion des travaux.

Par déclaration de Me Laurence LEVAIQUE, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, en date du 22 avril 2015, la Sa Allianz IARD a relevé appel général de ce jugement.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 13 mai 2016, la Sa Allianz IARD anciennement dénommée AGF IART, demande à la cour, au visa des articles 1382, 1134 et suivants du code civil, L.112-6 et L.124-5 du code des assurances, 46 et suivants du cahier des clauses et conditions générales CCCG Travaux édition avril 1997, 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de :

-réformer le jugement en toutes ses dispositions,

-constater que la police d'assurance responsabilité civile numéro 5 5866175 souscrite à effet du 25 janvier 1993 par la Sarl Mercury Sud auprès de la Lilloise d'assurances, aux droits de laquelle vient la concluante, a été résiliée le 1er janvier 2000 et que le sinistre en cause ne lui a été déclaré que le 22 avril 2008,

-dire que cette réclamation étant postérieure à la garantie subséquente édictée par les dispositions de l'article L.124-5 du code des assurances, la garantie d'Allianz n'est pas mobilisable aux éléments de l'espèce,

-constater que Mercury Sud a souscrit auprès de la SMABTP une police d'assurance professionnelle numéro 1240 000 à effet du 1er janvier 2007,

-constater que la SMABTP ne verse pas aux débats la police initialement souscrite par Mercury Sud auprès d'elle à effet du 1er janvier 2000 et qu'elle ne justifie pas du caractère non mobilisable de sa garantie,

-dire que c'est à la SMABTP, en ses qualités d'assureur actuel et à la date de la réclamation de Mercury Sud, d'intervenir dans le présent litige afin de défendre son assurée et non à la concluante qui ne peut garantir ce sinistre au regard des règles gouvernant la succession des assureurs dans le temps,

-constater que lors de la souscription aucune poursuite ni réclamation n'étant formulée à l'encontre de Mercury Sud, son gérant a pu de bonne foi considérer qu'il n'y avait pas de passé connu concernant ladite société,

-dire de plus fort que la SMABTP doit sa garantie,

-prononcer la mise hors de cause de la concluante,

-subsidiairement,dire que les demandes de la SNCF contreviennent à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 11 décembre 2006, confirmé par l'arrêt de rejet de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 décembre 2007 pour ce qui concerne la part de responsabilité dans le sinistre incombant à M.[P], gérant de Mercury Sud, qui a été fixée à 20%, et les clauses de la police d'assurance numéro 5 5866175 précitée et du CCCG Travaux édition 1997 invoquées pour la première fois dans le cadre de la présente instance et qui sont inapplicables en raison de la réception des travaux,

-dire subsidiairement au regard des principes généraux du droit tant privé que public que la SNCF ne peut s'exonérer contractuellement de sa faute pénale et donc de ses propres obligations à l'encontre de Mercury Sud,

-constater que la SNCF n'établit pas que l'ouvrage sur lequel est intervenue l'entreprise Mercury, s'agissant d'une voie ferrée apparemment non désaffectée et nécessairement en service, n'a pas fait l'objet d'une réception tacite voire expresse comme mentionné aux motifs des présentes,

-dire que la SNCF n'établit pas la preuve de l'absence d'une réception expresse ou tacite,

-dire plus subsidiairement enfin qu'en application des clauses et conditions générales et particulières du marché de travaux conclu notamment entre la SNCF et Mercury Sud, eu égard également à la réception sans réserve (après l'accident litigieux) des travaux réalisés, la SNCF ne saurait recourir contre Mercury Sud,

-dire à titre infiniment subsidiaire que retenir à l'encontre de la société Mercury Sud un principe de responsabilité supérieur à celui définitivement jugé en matière répressive à l'encontre de M.[P], en faire application à la société Allianz, qui n'a pas été mise en cause au procès pénal, et dont la garantie est (à tort) recherchée par voie d'action directe, serait frontalement contraire d'une part aux dispositions de l'article L.112-6 du code des assurances, aux termes duquel le bénéficiaire d'une action directe ne saurait avoir plus de droit que l'assuré lui-même vis à vis de l'assureur dont la garantie est recherchée, d'autre part aux dispositions de l'article 6-1 de la CEDH, aux termes duquel la notion de procès équitable est édictée en tant que principe fondamental supranational du droit positif,

-débouter la SNCF de toutes ses demandes fins et conclusions à l'encontre d'Allianz venant aux droits de La Lilloise,

-rejeter par suite et de plus fort lesdites demandes de la SNCF,

-condamner la SNCF à payer à la concluante la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-statuer de droit pour ce qui concerne les dépens.

La société Allianz estime qu'elle doit être mise hors de cause dès lors que le sinistre lui a été déclaré le 22 avril 2008, après la résiliation de la police d'assurance le 1er janvier 2000. Elle considère que c'est à la SMABTP d'intervenir pour la défense de son assurée.

A titre subsidiaire, elle invoque l'autorité de la chose jugée de la décision pénale qui s'impose envers tous.

La société Allianz estime que les travaux ont nécessairement fait l'objet d'une réception et que cette réception des travaux a libéré la société Mercury Sud .

En toutes hypothèses, elle considère que retenir contre Mercury Sud une responsabilité supérieure à celle retenue en matière répressive serait contraire à l'article L.112-6 du code des assurances et à l'article 6-1 de la CEDH.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 11 janvier 2016, la SMABTP, société mutuelle d'assurance à cotisations variables, demande à la cour, au visa de l'article L.124-5 du code des assurances, au visa des arrêts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence des 11 décembre 2006 et 9 novembre 2011, des conditions générales et particulières de la police SMABTP, de :

-dire que la police SMABTP ne peut être mobilisée en l'état de la connaissance du sinistre qu'avait Mercury Sud lors de la souscription du contrat,

-confirmer le jugement du 10 mars 2015 en ce qu'il a mis hors de cause la SMABTP,

-rejeter les demandes de la SNCF dirigées à l'encontre de la SMABTP,

-débouter Allianz de son appel en garantie dirigé contre la SMABTP,

-rejeter toutes demandes et argumentations contraires,

-subsidiairement, au visa de l'article 480 du code de procédure civile, dire que les demandes de la SNCF se heurtent à l'autorité de la chose jugée, en conséquence les déclarer irrecevables,

-à titre infiniment subsidiaire, dire que la faute dont la SNCF demande à être garantie par la société Mercury Sud et son assureur lui est personnelle et dépourvue de lien avec les travaux objet du marché confié à cette dernière,

-débouter la SNCF et la compagnie Allianz de toutes demandes dirigées à l'encontre de la SMABTP,

-condamner la SNCF à payer à la SMABTP la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner enfin la SNCF, en application des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile, aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me LIBERAS, avocat.

La SMABTP fait observer que c'est bien la compagnie Allianz qui était l'assureur de Mercury Sud au moment de l'accident du 13 janvier 1999. Elle fait remarquer qu'étant donné la gravité de l'accident, il est peu probable que Mercury Sud ait omis de déclarer le sinistre auprès de son assureur.

La SMABTP rappelle que son contrat avec Mercury Sud précise que les sinistres dont l'assuré avait connaissance au moment de la prise d'effet du contrat ne sont pas garantis.

La SMABTP estime que l'arrêt du 11 décembre 2006 qui a l'autorité de la chose jugée répartit bien les responsabilités et que la SNCF ne peut être intégralement garantie.

A titre infiniment subsidiaire sur le fond, elle considère que l'accident est dû à des carences imputables à la SNCF.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 19 mai 2016, la SNCF Réseau venant aux droits de SNCF demande à la cour de :

-déclarer irrecevables les demandes nouvelles de la compagnie Allianz,

-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 mars 2015 ayant condamné la compagnie Allianz en sa qualité d'assureur de la société Mercury Sud,

-condamner en conséquence la compagnie Allianz IARD venant aux droits de la compagnie AGF La Lilloise, en sa qualité d'assureur de la société Heaven Climber Mercury Sud, à relever et garantir SNCF Réseau venant aux droits de SNCF, de l'ensemble des condamnations mises à sa charge par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 novembre 2011 en faveur de M.[X] [G], M.[R] [G] et la CPAM, sur le fondement contractuel du bon de commande en date du 16 décembre 1997,

-à titre subsidiaire, condamner Me [W] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Heaven Climber Mercury Sud et la compagnie Allianz IARD venant aux droits de la compagnie AGF La Lilloise, et la SMABTP dans le cas où la garantie de cette dernière serait acquise en application de la clause base réclamation de la police, en leur qualité d'assureur de la société Heaven Climber Mercury Sud, à relever et garantir SNCF Réseau venant aux droits de la SNCF, de l'ensemble des condamnations mises à sa charge par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 novembre 2011 en faveur de M.[X] [G], M.[R] [G] et la CPAM, sur le fondement contractuel du bon de commande en date du 16 décembre 1997,

-constater que la créance de la SNCF Réseau venant aux droits de la SNCF est née régulièrement et antérieurement à la procédure collective de la société Heaven Climber Mercury Sud,

-dire que la compagnie Allianz IARD venant aux droits de la compagnie AGF La Lilloise, et la SMABTP dans le cas où la garantie de cette dernière serait acquise en application de la clause base réclamation de la police, en leur qualité d'assureur de la société Heaven Climber Mercury Sud, doivent leur garantie,

-condamner en conséquence la compagnie Allianz IARD venant aux droits de la compagnie AGF La Lilloise, et la SMABTP dans le cas où la garantie de cette dernière serait acquise en application de la clause base réclamation de la police, en leur qualité d'assureur de la société Heaven Climber Mercury Sud, à relever et garantir SNCF Réseau venant aux droits de la SNCF, de l'ensemble des condamnations mises à sa charge par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 novembre 2011 en faveur de M.[X] [G], M.[R] [G] et la CPAM, sur le fondement contractuel du bon de commande en date du 16 décembre 1997,

-à titre infiniment subsidiaire, condamner la compagnie Allianz IARD venant aux droits de la compagnie AGF La Lilloise, et la SMABTP dans le cas où la garantie de cette dernière serait acquise en application de la clause base réclamation de la police, à relever et garantir SNCF Réseau venant aux droits de la SNCF à hauteur de la condamnation prononcée à l'encontre de M.[N] [P], soit 20% de l'ensemble des condamnations prononcées par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 novembre 2011 en faveur de MM.[G] et la CPAM,

-en toute hypothèse, condamner toute partie succombante à payer à SNCF Réseau venant aux droits de la SNCF la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, avec distraction au profit de Me ROUSSEAU, avocat.

La concluante expose que, par l'effet de la loi numéro 2014-872 du 4 août 2014, SNCF est divisée en 3 établissements publics industriels et commerciaux : SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités et que les activités de gestion de l'infrastructure sont confiées à SNCF Réseau.

SNCF Réseau estime que les références faites par Allianz, pour la première fois en cause d'appel, à l'article L.112-6 du code des assurances et à l'article 6-1 de la CEDH sont irrecevables.

SNCF Réseau rappelle que le fondement de l'action est le bon de commande passé entre la SNCF et Mercury Sud et que, selon ce bon de commande, l'entrepreneur supporte les conséquences pécuniaires des accidents corporels qui pourraient survenir à des tiers du fait ou à l'occasion des travaux et s'engage à garantir contre tout recours de ce chef.

SNCF Réseau estime qu'il n'y pas d'autorité de chose jugée sur ce point.

Elle fait observer qu'au moment de l'accident, les travaux n'avaient pas encore été réceptionnés.

Elle considère que les assureurs de Mercury Sud doivent leur garantie.

Par ses dernières conclusions déposées et signifiées le 29 septembre 2015, la Selas Etude [W] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Heaven Climber Mercury Sud, demande à la cour, au visa des dispositions des articles L.622-21 et L.622-26 du code de commerce, des articles R.622-20 et R.622-24 du code de commerce, de :

-constater que la SNCF n'a pas déclaré sa créance à la procédure collective,

-constater que la créance de la SNCF est inopposable à la procédure collective,

-débouter la SNCF Réseau de sa demande en paiement dirigée à l'encontre du liquidateur judiciaire ès qualités,

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SNCF de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la Selas Etude [W] [L] ès qualités de liquidateur de la société Heaven Climber Mercury Sud,

-y ajoutant, condamner toute partie succombante à payer à la Selas Etude [W] [L] ès qualités de liquidateur de la société Heaven Climber Mercury Sud la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, distraits au profit de la Selarl ABM & associés.

L'instruction de l'affaire a été close le 24 mai 2016.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu qu'il est constant que le 13 janvier 1999, M. [X] [G], salarié de la société [D], a été victime d'un très grave accident du travail alors qu'il travaillait sur un chantier de la SNCF confié à la société Mercury Sud, adjudicataire du marché de confortement de la tranchée rocheuse de la tête du tunnel du Cap Roux, donné en sous-traitance à la société [D] ;

Que, par jugement du 18 novembre 2004, le tribunal correctionnel de Nice a déclaré la SNCF et M. [Y] [U], chef de district au sein de la SNCF, coupables du délit de blessures involontaires ayant causé une incapacité de plus de trois mois dans le cadre du travail et les a condamnés in solidum, sur le plan civil, à verser à M. [X] [G] une provision de 60.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice personnel, ordonnant pour le surplus une mesure d'expertise ; que M. [N] [P], directeur de la société Mercury Sud, et M. [K] [D], dirigeant de la société [D], étaient relaxés des fins des poursuites pénales mais condamnés civilement in solidum avec la SNCF et M. [U] ;

Que, par arrêt du 11 décembre 2006 devenu irrévocable après rejet des pourvois par la Cour de cassation, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- sur l'action publique, constaté le caractère définitif de la condamnation prononcée contre la SNCF et M. [U] et, réformant le jugement pour le surplus, déclaré M. [K] [D] et M. [N] [P] coupables des faits de blessures involontaires sur la personne de M. [X] [G],

- et sur le plan civil, constaté le caractère définitif de la condamnation in solidum de la SNCF, M. [U], M. [D] et M. [P] et y ajoutant, fixé, dans leurs rapports entre eux, à 40% la part de responsabilité de la SNCF et à 20% celle de chacune des autres parties condamnées ;

Que, M. [X] [G] et M. [R] [G], son père, ont fait assigner la SNCF devant le tribunal de grande instance de Nice en réparation de leurs préjudices à la suite du rapport d'expertise médicale et la SNCF a appelé en cause M. [D], employeur de la victime, M. [P], dirigeant de la société Mercury Sud, puis la société Mercury Sud elle-même et la société d'assurances ALLIANZ SA, laquelle a assigné en intervention forcée la SMABTP ; que le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance incompétent pour statuer contre M. [D], employeur, et a disjoint la procédure principale opposant M. [X] [G], M. [C] [G] et la CPAM à la SNCF et M. [P], et la procédure d'appel en garantie de la SNCF contre la société Mercury Sud et ses assureurs ;

Que, sur la procédure principale, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, par arrêt du 9 novembre 2011, partiellement confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 6 octobre 2009 entre MM. [X] et [C] [G], la SNCF et M. [P] et :

condamné la SNCF à payer, en deniers ou quittances :

la somme de 647.910,30 euros à M. [X] [G],

celle de 50.000 euros à M. [C] [G], père de la victime,

et celle de 591.157,97 euros à la CPAM,

dit que les demandes relatives à la détermination des responsabilités dans l'accident se heurtaient à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 11 décembre 2006, retenu ainsi une part de responsabilité de M. [P] de 20% et dit que la SNCF sera garantie par M. [P] à hauteur de 20% de l'ensemble des condamnations mises à sa charge (dommages et intérêts, remboursement de la caisse, frais irrépétibles et dépens de première instance et d'appel);

Que, sur les appels en garantie de la SNCF à l'encontre de la société Mercury Sud et de son assureur, le tribunal de grande instance de Nice a statué par jugement en date du 10 mars 2015, objet du présent appel, en condamnant, pour l'essentiel, la société d'assurances ALLIANZ SA à relever et garantir la SNCF de toutes les condamnations prononcées contre elle au profit de M. [X] [G] et de la CPAM par arrêt du 9 novembre 2011 ;

Que la présente procédure est poursuivie en appel par l'établissement SNCF Réseau venant aux droits de la SNCF à la suite de la division de celle-ci en trois établissements distincts, SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, les activités de gestion de l'infrastructure ferroviaire ayant été confiées à SNCF Réseau ;

Attendu qu'il convient à titre préliminaire de rejeter la demande de la SNCF tendant à voir dire que la société d'assurances ALLIANZ SA présenterait des demandes nouvelles en appel que la cour devrait juger irrecevables, alors qu'il s'agit uniquement pour celle-ci de faire référence aux articles L 112-6 du code des assurances dans le cadre de sa défense sur sa garantie et à l'article 6-1 de la CEDH pour défendre sur l'autorité de chose jugée, de sorte qu'il s'agit seulement de moyens nouveaux, parfaitement recevables en appel ;

Sur l'intervention de la SELAS [W] [L] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Heaven Climber Mercury, venant aux droits de la société Mercury Sud :

Attendu que la société Mercury Sud, devenue depuis la société Heaven Climber Mercury, a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire et que la SELAS [W] [L] est intervenue volontairement à la procédure de première instance aux lieu et place de Me [W] [L], en sa qualité de mandataire liquidateur de cette société ;

Que le tribunal a constaté que la SNCF n'avait pas déclaré sa créance au passif de la société Heaven Climber Mercury et qu'il a justement jugé cette créance inopposable à la procédure collective, déboutant en conséquence la SNCF de toutes ses demandes à l'encontre de la SELAS [W] [L] ès qualités ;

Que cette disposition n'est pas sérieusement discutée par la SNCF, même si celle-ci demande encore dans son dispositif, mais sans l'expliciter et le défendre dans les motifs de ses écritures, de condamner Me [W] [L], ès qualités, à la relever et garantir des condamnations mises à sa charge ;

Sur la détermination de l'assureur devant sa garantie :

Attendu que la SNCF entend obtenir la garantie de l'assureur de la société Mercury Sud et agit à titre principal à l'encontre de la société d'assurances ALLIANZ SA, venant aux droits de la société AGF IART, elle-même ayant repris les droits et obligations de la société d'assurance La Lilloise, et à titre subsidiaire à l'encontre de la SMABTP ;

Attendu que le tribunal a justement rappelé qu'en application de l'article L 124-3 du code des assureurs, la SNCF, subrogée dans les droits de la victime et de la CPAM après paiement des indemnités et débours mis à sa charge, était recevable en son action directe à l'encontre de l'assureur de la société Mercury Sud dont elle invoque la responsabilité, nonobstant l'absence de déclaration de sa créance à la procédure collective ;

Que chacun des deux assureurs appelés en cause par la SNCF dénie sa garantie en soutenant que le sinistre doit être pris en charge par l'autre ;

Qu'il convient de rappeler que l'accident est survenu le 13 janvier 1999, alors que la société Mercury Sud était assurée par la société d'assurances La Lilloise (aux droits de laquelle vient la société d'assurances ALLIANZ SA) en vertu d'une police de responsabilité civile souscrite le 25 janvier 1993 , mais que la réclamation de la SNCF en garantie n'est intervenue que le 22 avril 2008, après résiliation du contrat La Lilloise et alors que la société Mercury Sud était assurée depuis le 1er janvier 2000 par la SMABTP ;

Que la société d'assurances ALLIANZ SA oppose, pour dénier sa garantie, que la police d'assurance souscrite auprès de la Lilloise par la société Mercury Sud était une assurance « base réclamation » en application de son article 4, que le sinistre n'a été déclaré que le 22 avril 2008, sous l'empire de la police SMABTP, et que la garantie subséquente de cinq ans due après la résiliation de la police en fin 1999 était expirée à la date de cette déclaration laquelle ne peut constituer un passé connu pour son assuré ;

Mais que la cour observe, comme l'a fait le tribunal pour retenir la garantie de la société d'assurances ALLIANZ SA :

Que la loi du 1er août 2003 ayant mis en place un dispositif nouveau concernant les deux systèmes « fait dommageable » et « base réclamation » n'est pas applicable ; qu'en effet, le sinistre a eu lieu en 1999 et que le contrat souscrit par la société Mercury Sud auprès de la Lilloise a été conclu en 1993 et résilié en 1999, alors que la loi du 1er août 2003 ne s'applique qu'aux garanties ayant pris effet postérieurement au 2 novembre 2003, date d'entrée en vigueur de la loi ;

Que l'article 4 des conditions générales du contrat la Lilloise prévoit que « la garantie n'est accordée qu'aux dommages survenant et donnant lieu à réclamation formulée auprès de l'assureur pendant la période d'effet du contrat », ce qui constitue une clause de garantie « fait dommageable » comportant obligation pour l'assuré de présenter sa réclamation pendant la durée du contrat ; mais qu'en application de la jurisprudence de la Cour de cassation applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003, notamment à la suite d'un arrêt de la 1ère chambre du 19 décembre 1990, les clauses imposant que la réclamation soit formulée pendant la durée du contrat doivent être réputées non écrites en ce qu'elles apportent un déséquilibre au contrat en permettant à l'assureur d'encaisser les primes sans y apporter de contrepartie à raison du caractère tardif de la réclamation ;

Que dès lors, la police La Lilloise doit fonctionner en base « fait dommageable » et que les considérations développées par la société d'assurances ALLIANZ SA sur l'expiration du délai de la garantie subséquente qui est attachée à une police « base réclamation » sont sans effet ;

Qu'est également sans conséquence le fait que la SMABTP ne produit pas la police souscrite en 2000 mais seulement les conditions du contrat d'assurance CAP 2000 prenant effet au 1er janvier 2007, s'agissant, si la « base réclamation » doit être retenue, du contrat applicable au sinistre puisque la réclamation a eu lieu en 2008 ; qu'il y est prévu que les garanties s'appliquent aux sinistres survenant pendant la période de validité du contrat « sous réserve que vous n'en ayez pas eu connaissance au moment de sa prise d'effet », cette disposition étant conforme à l'article L 124-5 du code des assurances tel qu'issu de la loi du 1er août 2003 applicable à cette police, en vertu duquel, en police « base réclamation », pour que le fait dommageable passé soit assurable, il faut qu'il n'ait pas été connu de l'assuré au moment de la souscription du contrat ; que force est de constater que la société Mercury Sud ne pouvait méconnaître le sinistre du 13 janvier 1999 au moment de la souscription du contrat en janvier 2000, s'agissant d'un accident d'une particulière gravité survenu sur un chantier dont elle avait la direction et ayant donné lieu immédiatement à une enquête de gendarmerie puis à l'ouverture d'une information pénale, notamment contre M. [P], dirigeant de la société Mercury Sud ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société d'assurances ALLIANZ SA était tenue de garantir son assurée, la société Mercury Sud, envers la SNCF, subrogée dans les droits de la victime et de la CPAM à raison des indemnités et débours versés à la suite de l'accident survenu le 13 janvier 1999 et en ce qu'il a mis la SMABTP hors de cause en retenant qu'elle n'était pas tenue à garantie pour ce sinistre ;

Sur le fondement de la mise en cause de la responsabilité de la société Mercury Sud et l'autorité de la chose jugée des décisions antérieures :

Attendu que la SNCF recherche la responsabilité de la société Mercury Sud et par voie de conséquence la garantie de la société d'assurances ALLIANZ SA en se fondant sur les dispositions contractuelles ressortant du bon de commande de travaux de confortement du tunnel du Cap Roux en date du 16 décembre 1997 ; qu'elle soutient qu'aux termes de ce bon de commande et des articles 46-11 et 46-12 des CCCG applicables au marché de travaux, l'entrepreneur (la société Mercury Sud) supporte les conséquences pécuniaires des accidents corporels qui pourraient survenir à des tiers du fait ou à l'occasion de l'exécution des travaux et qu'il s'engage à garantir le maître de l'ouvrage (la SNCF) et le maître d''uvre ou leurs représentants contre tout recours qui pourrait être exercé contre eux de ce chef ;

Que c'est au visa de ces dispositions et en écartant l'autorité de la chose jugée des décisions antérieurement rendues dans cette affaire, que le tribunal a fait droit à la demande en garantie de la SNCF contre la société d'assurances ALLIANZ SA ;

Attendu qu'il convient toutefois de rappeler que la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Aix a, dans son arrêt du 11 décembre 2006, statué, dans un premier temps sur l'action publique en retenant les fautes pénales commises par la SNCF, MM. [U], [D] et [P] et dans un second temps sur l'action civile en retenant la responsabilité in solidum de la SNCF et de MM. [U], [D] et [P] et en procédant, dans le cadre de la contribution de chacun à la dette d'indemnisation, à un partage à hauteur de 40% pour la SNCF et de 20% pour chacune des personnes physiques ;

Qu'en application de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à la condition que ce qui a fait l'objet du jugement ait une triple identité d'objet, de cause et de parties ; que le tribunal a retenu que cet arrêt, comme celui rendu par la chambre civile de cour d'appel le 9 novembre 2011, n'avait pas autorité de la chose jugée à l'égard de la société Mercury Sud et de la société d'assurances ALLIANZ SA qui n'y étaient pas parties, de sorte que cette dernière ne pouvait les opposer à la SNCF ;

Que cependant les décisions pénales ont autorité de chose jugée « erga omnes » et que l'arrêt du 11 décembre 2006 est donc opposable à tous en ce qu'il a jugé, sur l'action publique, que la SNCF avait commis des fautes pénales justifiant sa condamnation ; que cette décision, confirmant en cela le jugement correctionnel du 18 novembre 2004, a retenu contre la SNCF plusieurs fautes dans l'organisation du chantier, notamment une absence de prise en compte des recommandations visant à supprimer l'interstice de 7 cm par lequel le câble manipulé par M. [X] [G] est tombé, entrant ainsi en contact avec la caténaire électrique de 25.000 volts, et une absence de précision suffisante dans l'élaboration du plan de prévention des risques à laquelle la société [D] n'avait pas été invitée et dont elle n'avait pas reçu copie ;

Que la reconnaissance des fautes pénales commises par la SNCF dans l'organisation du chantier directement à l'origine de l'accident exclut qu'elle puisse invoquer les dispositions contractuelles prévoyant que la société Mercury Sud devrait la garantir des conséquences pécuniaires de cet accident ;  

Qu'il importe peu que les dispositions civiles de l'arrêt du 11 décembre 2006 ayant condamné la SNCF in solidum avec MM. [U], [D] et [P] au profit de M. [X] [G] et ayant ensuite jugé, sur la contribution à la dette, que la responsabilité devait être partagée entre eux, ne soient pas opposables à la société Mercury Sud et à la société d'assurances ALLIANZ SA, dès lors que le recours en garantie de la SNCF soumis à la cour n'est pas fondé sur ce partage de responsabilité ; qu'il y a lieu d'ailleurs à cet égard de noter que la part de responsabilité de M. [P] fixée à 20% par l'arrêt du 11 décembre 2006 a déjà été prise en compte par la cour d'appel dans son arrêt du 9 novembre 2011, puisque la SNCF a été relevée et garantie par M. [P], dirigeant de la société Mercury Sud, de toutes les condamnations prononcées contre elle dans la proportion de 20% ; 

Qu'il convient en conséquence de débouter la SNCF de ses demandes en garantie à l'encontre de la société d'assurances ALLIANZ SA ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

la cour statuant publiquement, contradictoirement,

et en dernier ressort,

Donne acte à l'établissement SNCF Réseau de ce qu'il vient aux droits de la SNCF par l'effet de la loi n°1014-872 du 4 août 2014 ;

Rejette la demande de l'établissement SNCF Réseau, venant aux droits de la SNCF, tendant à voir dire que la société d'assurances ALLIANZ SA présenterait des demandes nouvelles irrecevables en appel ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la créance de la SNCF inopposable à la procédure collective de la société HEAVEN CLIMBER MERCURY SUD et en ce qu'il l'a donc déboutée de ses demandes à l'encontre de la SELAS Etude [W] [L], ès qualités ;

Le confirme également en ce qu'il a dit que la société d'assurances ALLIANZ SA était tenue, à raison du sinistre considéré comme intervenu à la date du fait générateur, le 13 janvier 1999, et au titre de la police La Lilloise ayant pris fin le 1er janvier 2000, de garantir la société Mercury Sud envers les tiers et donc envers la SNCF, subrogée dans les droits de la victime au titre de cet accident du 13 janvier 1999 ;

Le confirme également en ce qu'il a dit que la SMABTP n'est pas tenue à garantie et doit être mise hors de cause ;

L'infirmant pour le surplus et y ajoutant,

Dit que l'arrêt du 11 décembre 2006 a, dans toutes ses dispositions sur l'action publique, autorité de la chose jugée à l'égard de tous ;

Déboute en conséquence l'établissement SNCF Réseau, venant aux droits de la SNCF, jugée coupable de faute pénales à l'origine de l'accident, de toutes ses demandes en garantie à l'encontre de la société d'assurances ALLIANZ SA en tant qu'elles sont fondées sur les dispositions contractuelles liant la SNCF à la société Mercury Sud ;

Déboute l'établissement SNCF Réseau, venant aux droits de la SNCF, de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la première instance que de l'appel ;

Condamne l'établissement SNCF Réseau, venant aux droits de la SNCF, à payer à la société d'assurances ALLIANZ SA, d'une part, et à la SMABTP, d'autre part, une somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne également à payer à la SELAS Etude [W] [L], ès qualités, une somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens de première instance et aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 15/07023
Date de la décision : 20/09/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°15/07023 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-20;15.07023 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award