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08/09/2016 | FRANCE | N°14/22360

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 08 septembre 2016, 14/22360


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2016



N°2016/584

JPM













Rôle N° 14/22360







[D] [J]





C/



Sarl PICON ELECTRICITE

































Grosse délivrée le :

à :

Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE



Me Sébastien MOLINES, avocat au b

arreau de GRASSE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section I - en date du 28 Octobre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/1056.





APPELANT



Monsieur [D] [J], demeurant [Adres...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2016

N°2016/584

JPM

Rôle N° 14/22360

[D] [J]

C/

Sarl PICON ELECTRICITE

Grosse délivrée le :

à :

Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE

Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section I - en date du 28 Octobre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/1056.

APPELANT

Monsieur [D] [J], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

Sarl PICON ÉLECTRICITÉ, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 31 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2016

Signé par Madame Sophie PISTRE, Conseiller, pour le président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [D] [J] a été embauché par la société Picon Electricité suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 25 janvier 2001 en qualité d'ouvrier d'exécution. Dans le dernier état des relations, le salarié a exercé les fonctions de maître ouvrier pour un salaire brut de 2257 ,27€

Le 4 septembre 2013, le syndicat CGT a sollicité auprès de l'employeur l'organisation des élections des institutions représentatives du personnel et l'a informé de la candidature de Monsieur [J].

Le 7 octobre 2013, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable, fixé au 16 octobre 2013, en vue de son licenciement et lui a notifié une mise à pied conservatoire.

Le 16 octobre 2013, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi, le 21 octobre 2013, le conseil de prud'hommes de Grasse lequel, par jugement du 28 octobre 2013, a dit que la prise d'acte ne produit ni l'effet d'un licenciement eux torts exclusifs de l'employeur ni l'effet d'une démission, a qualifié la rupture pour cause réelle et sérieuse , a condamné l'employeur à payer les sommes de :

-5087,92€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

-508,79€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents;

-7349,20€ au titre de l'indemnité légale de licenciement;

-900€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Le jugement a en outre ordonné la remise des documents sociaux sous astreinte de 10€ par jour de retard au-delà du 30ème jour après la notification de la décision et le paiement des intérêts légaux.

C'est le jugement dont Monsieur [D] [J] a régulièrement interjeté appel.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [D] [J] demande à la cour de réformer le jugement, de dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, condamner la société Picon au paiement des sommes suivantes:

-5087,92€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

-508,79€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents

-922,32€ au titre du rappel de salaire;

-92,33€ au titre des congés payés s'y rapportant;

-7349,20€ au titre de l'indemnité de licenciement;

-11532,61€ au titre de la violation du statut protecteur;

-30527,50€ au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-3000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Il demande en outre la condamnation de la société intimée à lui remettre les documents sociaux sous astreinte de 100€ par jour de retard.

La Sarl Picon Electricité demande à la cour de réformer le jugement, de dire que la prise d'acte produit les effets d'une démission, de débouter l'appelant de toutes ses prétentions, de condamner l'appelant à lui rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire et de le condamner à lui payer la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile

Pour plus amples développements, il est renvoyé aux conclusions déposées et réitérées oralement à l'audience par les parties.

SUR CE

Sur la prise d'acte

La lettre de la prise d'acte de la rupture du 16 octobre 2013 est ainsi rédigée:

'Je prends acte de la rupture de contrat à vos torts.

Depuis ma candidature aux élections professionnelles vous multipliez les représailles contre moi. Vous avez notamment décidé de me retirer le téléphone professionnel dont je bénéficie depuis un an ainsi que le véhicule de fonction qui été mis à ma disposition depuis 12 ans.

Vous avez pris les mêmes mesures discriminatoires à l'encontre de Monsieur [I] qui a également présenté sa candidature aux élections professionnelles.

De plus, vous engagez à mon encontre une procédure disciplinaire et vous m'avez mis à pied et je doute que vous ayez demandé l'autorisation préalable à l'inspection du travail. J'ai personnellement contacté le secrétariat de l'inspectrice qui à ce jour n'a aucune demande de votre part.

Je me suis rendu ce jour à l'entretien préalable qui a duré dix minutes ce qui démontre que vous n'aviez aucune envie d'entendre mes explications et que vous avez déjà pris votre décision de vous débarrasser de moi.

Compte tenu de votre volonté de me faire payer mon acte de candidature aux élections professionnelles et que je vis depuis plusieurs mois dans le stress avec des répercussions importantes sur mon état de santé je ne compte pas retravailler pour vous.

Merci de bien vouloir me transmettre les documents de fin de contrat en précisant bien sur l'attestation destinée à pôle emploi que le motif de la rupture est une prise d'acte.

Je saisis le conseil des prud'hommes pour faire valoir mes droits.'

Pour faire juger que sa prise d'acte de la rupture avait produit les effets d'un licenciement nul, l'appelant fait valoir qu'il y avait eu violation par l'employeur du statut protecteur par la saisine de l'inspecteur du travail hors le délai de 8 jours, que l'employeur avait modifié unilatéralement et abusivement des conditions de travail en lui retirant le téléphone portable et le véhicule automobile, que l'employeur avait manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail en lui adressant des reproches injustifiés et en allant jusqu'à engager une procédure de licenciement, que l'employeur avait également manqué à son obligation de sécurité en ce qu'il lui avait fait subir, pendant de longs mois, des pressions qui avaient eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et d'altérer sa santé.

Pour faire juger que la prise d'acte avait produit les effets d'une démission, la société Picon Electricité soutient que le non respect du délai de huit jours n'avait pas été visé dans la lettre de prise d'acte, qu'au demeurant, l'article R2421-14 du code du travail n'était pas applicable, que le dépassement de ce délai ne rendait pas la procédure illégale, que le véhicule automobile n'avait pas été supprimé mais son utilisation restreinte au seul trajet entre le siège de la société et les chantiers sur lesquels le salarié devait se rendre, que le téléphone portable ne lui avait été remis que pour un seul chantier et lui avait été retiré à la fin du chantier, que les reproches faits au salarié, à la suite d'un incident ayant eu lieu avec un architecte, étaient fondés et que les pièces produites ne démontraient aucun manquement à l'obligation de sécurité.

Il est établi, en premier lieu, que le 4 septembre 2013, le syndicat CGT avait demandé à l'employeur d'organiser les élections des représentants du personnel et l' avait informé de ce que Monsieur [J] était candidat aux dites élections en sorte que celui-ci avait le statut de salarié protégé. Or, en l'absence de comité d'entreprise, l'article R2421-14 du code du travail, qui ne distingue pas entre les candidats aux élections des représentants du personnel et les représentants élus, faisait obligation à l'employeur de saisir l'inspection du travail, dans un délai de huit jours à compter de la mise à pied, d'une demande d'autorisation de licencier le salarié protégé. En l'espèce, la mise à pied conservatoire avait été notifiée le 16 septembre 2013 et l'inspection du travail n'avait été saisie d'une demande d'autorisation de licencier que par lettre du 18 novembre 2013 reçue le 21 novembre 2013. Ce premier manquement de l'employeur est donc avéré étant précisé que la lettre de prise d'acte évoque l'absence de saisine de l'inspection du travail par l'employeur.

En second lieu, il est constant que Monsieur [J] avait bénéficié de la part de son employeur d'une mise à disposition d'un véhicule de service pour effectuer les trajets entre son domicile et son lieu de travail et que cette mise à disposition lui avait été consentie pendant plusieurs années ininterrompues. Alors que le salarié soutient que le retrait ou les restrictions de l'usage de ce véhicule par l'employeur avaient eu lieu après l'annonce de sa candidature aux élections , l'employeur réplique avoir retiré le bénéfice de ce véhicule à Monsieur [J] plus d'un an auparavant comme le montrerait, selon lui, une lettre qu'il avait adressée au salarié, le 26 mars 2012. Or, cette lettre est motivée de la manière suivante: 'cette sanction ne m'enchante pas mais je suis fatigué du comportement de certains d'entre vous sur le laxisme, le non-respect des horaires et la non reconnaissance de cet avantage. De ce fait, cette décision rentrera en vigueur à partir du 1er juin 2012, si aucune amélioration rapide et probante n'est constatée dans les deux mois qui suivent et cela sans autre préavis. Cela veut dire que vous conservez votre véhicule pour vous rendre sur le chantier mais vous devez le rapporter tous les soirs au siège de l'entreprise pour le reprendre le lendemain matin pour travailler. Je vous invite à vous rapprocher de votre délégué du personnel qui vous confirmera mes droits sur cette sanction '. Ainsi, cette lettre, sans mettre en cause directement le salarié, se limitait seulement à le menacer d'une 'sanction'applicable à compter du 1er juin 2012 si le comportement de certains salariés ne s'améliorait pas. Toutefois, par lettre du 11 octobre 2013 adressée à son employeur, soit cinq jours avant la prise d'acte de la rupture, le salarié s'était plaint de ce que l'employeur lui avait retiré après sa candidature l'usage du véhicule et, par lettre du 23 octobre 2013, l'employeur avait expressément reconnu que le retrait du véhicule ne datait pas de plusieurs mois mais était 'récent'. Ainsi, il résulte de ces correspondances ci-dessus que l'employeur avait effectivement restreint l'usage du véhicule non pas en juin 2012 mais uniquement après l'annonce de la candidature du salarié aux élections des représentants du personnel et que ce retrait était de nature disciplinaire comme l'avait énoncé l'employeur dès le mois de mars 2012. Or, l'employeur ne justifie pas des motifs objectifs pour lesquels il avait soudainement et très curieusement attendu l'annonce de la candidature de Monsieur [J] aux élections pour mettre à exécution la menace, faite plus d'un an auparavant, d'une sanction. Au surplus, aucune des pièces de l'employeur ne vient démontrer la réalité des reproches faits dans la lettre du 26 mars 2012.

En dernier lieu, il est constant, comme l'énonce très clairement la lettre du 7 octobre 2013 notifiant la mise à pied conservatoire , que pour justifier cette mesure, l'employeur s'était fondé sur le refus opposé par le salarié, le 13 septembre 2013, à Monsieur [A] de poser une simple prise. Or, si l'employeur produit aux débats la lettre du 16 septembre 2013 que Monsieur [A], architecte, lui avait adressée en relatant que Monsieur [J] avait refusé, le 13 septembre 2013, malgré l'urgence qui lui était signalée, de poser une simple prise dans un mur, il reste que cette lettre avait aussi énoncé que le refus du salarié n'avait pas été absolu , que celui-ci avait seulement répliqué qu'il ferait le travail sur les instructions de son employeur et que Monsieur [A], qui n'avait pas admis cette position, avait refusé de téléphoner à l'employeur. Les divers témoignages produits par la société intimée ne visent pas les faits ci-dessus ou n'émanent pas de témoins directs de ces faits. Dès lors, les circonstances dans lesquelles les faits avaient été commis rendaient la mise à pied conservatoire totalement injustifiée alors de surcroît que le salarié n'avait jamais reçu le moindre avertissement en dix ans d'ancienneté. En outre, la teneur particulièrement partiale des termes utilisés par Monsieur [A] qui énonçait dans sa lettre, en visant Monsieur [J], 'ce genre de personne propage la gangrène parmi les autres' aurait dû conduire l'employeur à agir avec prudence et objectivité. En notifiant une mise à pied dans ces conditions l'employeur avait exécuté de mauvaise foi le contrat de travail.

Il s'ensuit que les faits ci-dessus, pris ensemble ou séparément, avaient constitué des manquements suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture laquelle, compte tenu du lien existant entre ces faits et la déclaration de candidature aux élections de Monsieur [J], avait produit les effets d'un licenciement nul. Le salarié, qui avait une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise de plus de dix salariés, percevait un salaire de 2257,27€. Il est né en 1972. Il justifie ne pas avoir été indemnisé par pôle-emploi mais ne justifie pas de ses recherches d'emploi. Ces éléments amènent la cour à condamner la société intimée à lui payer la somme de 14000€ au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul à laquelle s'ajoutent celles de 4514,54€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 451,45€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, de 6259,44€ au titre de l'indemnité de licenciement, de 922, 32€ au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied, de 92,23€ au titre des congés payés s'y rapportant. et celle de 10232,95€ au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur.

Il y a lieu également d'ordonner la remise des documents sociaux dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt mais sans qu'une mesure d'astreinte ne soit nécessaire.

L'équité commande d'allouer la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale.

Reçoit Monsieur [D] [J] en son appel.

Réforme le jugement en toutes ses dispositions sauf celles au titre de l'article 700 du code procédure civile et des dépens.

Statuant à nouveau, dit que la prise d'acte a produit les effets d'un licenciement nul , en conséquence, condamne la Sarl Picon Electricité à payer à Monsieur [D] [J] les sommes de :

- 14000€ au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul;

-4514,54€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

-451,45€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents;

-6259,44€ au titre de l'indemnité de licenciement;

-922, 32€ au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied;

-92,23€ au titre des congés payés y afférents;

-10232,95€ au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur;

-1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Ordonne à la Sarl Picon Electricité de remettre les documents sociaux rectifiés et conformes dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Condamne la Sarl Picon Electricité aux dépens.

LE GREFFIER Madame Sophie PISTRE, Conseiller, pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/22360
Date de la décision : 08/09/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/22360 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-08;14.22360 ?
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