COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 08 SEPTEMBRE 2016
N° 2016/528
Rôle N° 14/09650
[M] [A]
SCA [Adresse 2]
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE
Grosse délivrée
le :
à : Me SARAGA-BROSSAT
Me MATHIEU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 30 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11/00861.
APPELANTS
Monsieur [M] [A]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 14/16688 du 09/10/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de la COUR D'APPEL AIX-EN-PROVENCE sur recours du bureau d'aide juridictionnelle d'AIX-EN-PROVENCE n° 2014/6373 du 10/07/2014)
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 2] (13)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Michel BEL, avocat au barreau de LYON
SCA [Adresse 2], représentée par Me DOUHAIRE, mandataire ad'hoc, actuellement en liquidation judiciaire avec Me [C] comme liquidateur judiciaire,
dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Michel BEL, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE, représentée par son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée et assistée de Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Juin 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme DEMORY-PETEL, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Hélène COMBES, Président
Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2016,
Signé par Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller pour le Président empêché, et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 3 décembre 1979, [O] [Q] et la SCI la Vérane ont vendu à la [Adresse 2], représentée par [M] [A], éleveur, une propriété rurale sise à [Localité 1] comprenant des bâtiments d'exploitation à usage de porcherie, et des terrains en nature de vergers d'oliviers, de vignes, pins, chênes verts et bois, moyennant le prix total de 4.224.600 francs réglé pour partie comptant, au moyen d'un prêt de 2.100.000 francs consenti par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Bouches-du-Rhône, pour partie à terme, et à hauteur de 1.375.000 francs au moyen de la prise en charge de quatre prêts précédemment consentis aux vendeurs par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Bouches-du-Rhône.
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La mère de [M] [A], [H] [I] veuve [A], s'est portée caution solidaire et hypothécaire des engagements de la SCA dans l'acte du prêt consenti par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel le 3 décembre 1979, ainsi que dans un acte sous-seing privé du même jour caution solidaire de la société en garantie du remboursement des prêts initialement consentis aux vendeurs du domaine.
Antérieurement, elle s'était déjà engagée auprès de la même banque en qualité de caution solidaire en garantie de divers emprunts à court terme contractés par la SCA matérialisés par trois billets à ordre, deux émis le 8 novembre 1979 payables le 10 mai 1980, le troisième émis le 25 février 1980 payable le 28 février 1981.
Le prêt de 2.100.000 francs ayant enregistré des impayés, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel a fait vendre courant 1983 un certain nombre de terrains appartenant à la caution et s'est fait remettre la totalité du prix des réalisations, soit la somme de 2.100.000 francs, cette somme étant en janvier 1985 affectée au règlement de trois prêts à court terme matérialisés par les billets à ordre, des échéances et intérêts de retard afférents au prêt de 2.100.000 francs, des échéances et intérêts de retard concernant les prêts à moyen terme.
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Sur saisine d'office, par jugement du 8 mars 1990, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SCA [Adresse 2]. Ce jugement a été infirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 17 avril 1991.
Sur assignation du Crédit Agricole, par jugement du 10 janvier 1994, a été ouverte une procédure de redressement judiciaire de la SCA [Adresse 2], jugement confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 8 novembre 1996.
Par arrêt du 26 avril 2000, la Cour de Cassation a cassé cet arrêt confirmatif et, statuant sur renvoi, a déclaré irrecevable la demande en ouverture de redressement judiciaire de la SCA, au motif que le créancier n'avait pas suivi la procédure préalable tendant à la désignation d'un conciliateur.
Par exploit du 25 janvier 2002, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence a fait assigner la société civile agricole [Adresse 2] en redressement judiciaire devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence.
Par jugement du 28 février 2002, dont la société a interjeté appel, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la SCA [Adresse 2], Maître [C] étant désignée comme représentant des créanciers, Maître Douhaire en qualité d'administrateur.
Par jugement du 26 septembre 2002, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a prononcé la liquidation judiciaire de la société [Adresse 2], Maître [E] [C] étant désignée en qualité de liquidateur.
La SCA [Adresse 2] a relevé appel de cette décision.
Les jugements des 28 février et 26 septembre 2002 ont été confirmés en appel par arrêts du 5 octobre 2004, et les pourvois formés contre ces arrêts rejetés par la Cour de Cassation les 14 février et 25 avril 2006.
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A la requête de Maître [E] [C], laquelle entendait assigner la SCA [Adresse 2] afin de voir reporter la date de cessation des paiements au maximum prévu par la loi, un mandataire ad hoc de la société a été désigné en la personne de Maître Gillibert par ordonnance du président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 23 juillet 2003.
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Entre-temps, par assignation du 20 février 2002, la SCA [Adresse 2], contestant le bien fondé de l'affectation par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence des fonds provenant de la réalisation des biens appartenant à [H] [I] veuve [A], au motif en particulier que cette dernière ne s'était en réalité engagée en qualité de caution qu'à hauteur de la somme de 500.000 francs, a saisi d'une action en responsabilité à l'encontre de la banque le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.
[M] [A], qui avait auparavant déposé plainte avec constitution de partie civile contre la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel, laquelle plainte aboutira à une décision de non-lieu confirmée en appel par arrêt du 24 février 2003, est intervenu volontairement à l'instance.
Par exploit du 3 juin 2004, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel a mis en cause Maître Gillibert et Maître [C] es qualité respectivement de mandataire ad hoc et de liquidateur de la SCA et demandé au tribunal de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire.
Par jugement du 5 octobre 2004, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a constaté que [M] [A] n'intervenait plus à l'instance, rejeté comme irrecevables en application des articles L622-9 et L 110-4 du code de commerce les demandes de la SCA, et admis la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel.
[M] [A] et Maître Gillibert es qualité ont interjeté appel de cette décision le 14 février 2005.
Par arrêt, devenu définitif, du 15 mars 2007, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :
confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite la demande tendant à la mise en 'uvre de la responsabilité de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence en raison d'une affectation fautive d'une somme provenant de la réalisation d'un immeuble appartenant à [H] [I] [A],
infirmé le jugement sur le surplus, et statuant à nouveau, déclaré recevable l'intervention volontaire de [M] [A] et dit que cette intervention s'est maintenue pendant toute la durée de l'instance devant les premiers juges, dit que la SCA [Adresse 2] est recevable, en vertu de son droit propre, à mettre en cause la responsabilité de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel, dit que la demande de la SCA et de [M] [A] tendant à la mise en cause de la responsabilité de la Caisse en raison de sa mise en liquidation judiciaire n'est pas nouvelle en cause d'appel et par suite recevable, débouté la SCA [Adresse 2] et [M] [A] de leurs demandes sur ce point, et dit n'y avoir lieu à fixation de la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence au passif de la procédure collective de la SCA [Adresse 2].
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Par ordonnance du 1er octobre 2007, le juge-commissaire du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, statuant sur les créances déclarées par le Crédit Agricole, en présence de la SCA représentée par Maître Michel Gillibert mandataire ad hoc et en présence de [M] [A] ancien dirigeant social, a, notamment, dit que la SCA est valablement obligée par l'acte de prêt de 2.100.000 francs, dit que le Crédit Agricole est en droit de se prévaloir de l'acte par lequel la SCA s'est obligée à poursuivre l'amortissement des prêts souscrits par les époux [Q], et avant dire droit sur le montant de la créance, ordonné une expertise confiée à un expert judiciaire en comptabilité.
Appel de cette décision a été relevé par [M] [A] et Maître Gillibert es qualité de mandataire ad hoc de la SCA.
Par arrêt avant dire droit du 22 mai 2008, la cour a déclaré l'appel recevable, puis par arrêt partiellement infirmatif du 30 octobre 2008, a, statuant à nouveau, fixé à la somme de 2.085.292,86 euros la créance chirographaire de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence au passif de la procédure collective de la SCA [Adresse 2], avec intérêts à compter du 28 février 2002.
[M] [A] ayant souhaité inscrire un pourvoi contre cet arrêt et Maître Gillibert ayant refusé de s'y associer, par ordonnance du 3 février 2009, le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a désigné la SCP Douhaire et plus particulièrement Maître Douhaire en qualité de mandataire ad hoc de la SCA [Adresse 2].
Par arrêt du 26 mai 2010, la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 30 octobre 2008 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dit n'y avoir lieu à renvoi, infirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 1er octobre 2007, et déclaré prescrite la demande d'admission de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence.
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Par exploit du 10 janvier 2011, [M] [A] et la SCA [Adresse 2] représentée par Maître Douhaire, mandataire ad hoc, ont fait assigner en responsabilité la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence.
Par jugement du 30 janvier 2014, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, après avoir par jugement du 20 décembre 2012 réouvert les débats en invitant les parties à s'expliquer sur le point de savoir qui représentait la SCA dans la procédure, a déclaré irrecevable l'action engagée par [M] [A] et la SCA [Adresse 2], et les a condamnés à payer la somme de 4.000 euros à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence à titre d'indemnité par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant déclaration du 13 mai 2014, [M] [A] et la SCA [Adresse 2] représentée par Maître Douhaire, mandataire ad hoc, ont relevé appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 16 septembre 2014, auxquelles il convient le cas échéant de se reporter en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les appelants demandent à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté contre le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 30 janvier 2014 et le réformer,
- condamner, au visa de l'article 1382 du code civil, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence à les indemniser du préjudice causé par la liquidation judiciaire de la société et à verser :
1. à la SCA [Adresse 2] représentée par Maître Douhaire :
- au titre du préjudice financier sur la base d'une marge nette annuelle de 300.000 francs la première année pendant 12 ans : 550.000 euros,
- au titre de la perte de bénéfice pendant 18 ans jusqu'à l'arrêt d'activité de [M] [A] : 1.000.000 euros,
- au titre de la perte des agréments d'exploitation et de l'impossibilité de revendre le fonds : 1.000.000 euros,
ces sommes à parfaire ou à diminuer,
- au titre du préjudice immobilier : 1.097.745,21 euros,
- au titre des parts sociales souscrites pour 16.861 euros et remboursées pour 13.913,50 euros,
vu l'article 1844-I du code civil, ordonner la communication sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, des bilans et résultats comptables du Crédit Agricole Alpes Provence depuis 1979 jusqu'à ce jour,
- au titre des frais de justice de Maîtres [C] et Douhaire, condamner le Crédit Agricole à prendre en charge le montant correspondant quand il sera liquidé,
- subsidiairement, ordonner une expertise confiée à tel expert qui sera désigné avec mission de :
- prendre connaissance des documents et faits de la cause, et entendre les parties,
- se rendre sur les lieux litigieux,
- déterminer la valeur actuelle de la SCA [Adresse 2] tant sur le plan économique dans le cadre d'une évaluation de fonds de commerce que sur le plan foncier s'agissant de l'état matériel du domaine,
- dire quelle aurait pu être la valeur de ces deux données si la SCA [Adresse 2] n'avait pas été soumise à la liquidation judiciaire engagée par le Crédit Agricole,
- déterminer également le manque à gagner et la perte par exercice subie par la SCA [Adresse 2] pendant les années où elle a été soumise à la liquidation judiciaire,
- donner tous éléments sur le préjudice subi par la SCA [Adresse 2] tant actuel que futur notamment lors de la vente ou de la cession du domaine,
- dans ce cas, condamner le Crédit Agricole à verser une provision de 1.000.000 euros,
2. condamner le Crédit Agricole à verser à [M] [A] :
- au titre du préjudice moral : 100.000 euros,
- au titre du préjudice matériel personnel résultant de la perte du compte courant :
- au 31 décembre 2012 : 984.115,72 euros,
- de 1994 à 1999 : 404.190,06 euros,
=1.388.305,78 euros,
- subsidiairement, ordonner une expertise pour déterminer le préjudice subi au titre de la perte de ses comptes courants et condamner dans ce cas le Crédit Agricole à verser une provision de 150.000 euros,
- au titre du coût des procédures qu'il a supportées 80.000 euros,
- au titre de la retraite perdue : lui donner acte qu'il chiffrera sa demande quand la retraite de la MSA lui sera versée,
- au titre de l'article 700 du code de procédure civile 40.000 euros,
- condamner le Crédit Agricole Alpes Provence aux dépens avec application au profit de la SELARL Gobaille Saraga-Brossat, avocat, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées et déposées le 3 septembre 2014, auxquelles il y a également lieu de se reporter, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence demande à la cour, au visa des dispositions des articles 122 du code de procédure civile, 2224 et suivants du code civil, 1382 et suivants du code civil, de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence le 30 janvier 2014 en toutes ses dispositions,
à titre principal :
- constater que la SCA [Adresse 2] ne rapporte toujours pas la preuve de sa représentation par Maître Douhaire dans le cadre de cette procédure,
- déclarer la SCA [Adresse 2] irrecevable en ses demandes à son encontre,
- constater que la SCA [Adresse 2] avait introduit le 19 septembre 2001 une assignation par devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence à son encontre ayant le même objet que les demandes formulées dix ans plus tard par assignation du 10 janvier 2011,
- dire que l'instance née de cette première assignation de 2001 ayant été périmée, la SCA [Adresse 2] et [M] [A] sont irrecevables à soulever, par assignation du 10 janvier 2011, les mêmes demandes,
- dire que les demandes de la SCA [Adresse 2] et [M] [A] sont prescrites et donc irrecevables,
- dire que la prescription des dites demandes est au surplus recouverte par l'autorité de la chose jugée en l'état d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 mai 2007 entre les parties ayant déclaré les demandeurs prescrits en leurs revendications,
- déclarer en conséquence [M] [A] et la SCA [Adresse 2] irrecevables en leurs demandes,
à titre subsidiaire :
- dire qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard de [M] [A] et de la SCA [Adresse 2],
- dire que les faits allégués à son encontre ne sont en aucun cas la cause des préjudices revendiqués,
- dire qu'en l'état de ce qui précède, il est inutile de prescrire une mesure d'expertise judiciaire,
- débouter en conséquence [M] [A] et la SCA [Adresse 2] de toutes leurs demandes,
en tout état de cause :
- condamner in solidum [M] [A] et la SCA [Adresse 2] au paiement de la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Gilles Mathieu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2016.
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence conclut à l'irrecevabilité des demandes de la SCA [Adresse 2] au motif que celle-ci ne rapporte pas la preuve de sa représentation par Maître Douhaire dans le cadre de la présente procédure.
Cependant, au vu des ordonnances sur requête des 23 juillet 2003 et 3 février 2009, désignant respectivement Maître Michel Gillibert puis, en remplacement de ce dernier, Maître Douhaire en qualité de mandataire ad hoc de la SCA [Adresse 2], il apparaît que celle-ci est valablement représentée dans le cadre de la présente instance et ne saurait donc être à ce titre déclarée irrecevable en ses demandes.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence fait par ailleurs valoir que l'action engagée par les appelants, ayant pour objet de mettre en cause sa responsabilité pour les mêmes motifs que ceux qui figuraient dans une assignation qui lui a été délivrée le 19 septembre 2001, est prescrite et se heurte à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 15 mars 2007.
[M] [A] et la SCA [Adresse 2] répliquent que l'argument de l'autorité de la chose jugée ne peut être retenu car les faits ne sont pas identiques et les conséquences non plus.
Ils exposent que dans l'arrêt du 15 mars 2007 il s'agit du détournement des fonds d'[H] [I] veuve [A] du 3 janvier 1985 ; qu'en revanche le jugement critiqué devait statuer sur le fait qu'ils ne pouvaient exercer leur activité depuis le premier jugement de redressement judiciaire du 28 février 2002 car la SCA avait été mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par le Crédit Agricole qui n'était titulaire d'aucune créance depuis le 17 avril 2001, dix ans après la première annulation du 17 avril 1991 comme le retenait l'arrêt de la Cour de Cassation du 26 mai 2010 ; que les faits étant différents, le détournement de 1.600.000 francs effectué le 9 juillet 1983 et déclaré prescrit le 15 mars 2007 ne pouvait pas rendre irrecevable une demande reposant sur une procédure de liquidation dont le caractère abusif n'est apparu que par l'arrêt de la Cour de Cassation du 26 mai 2010.
Ils font valoir que l'autorité de chose jugée de la décision du 15 mars 2007 ne peut pas s'appliquer à des faits que cet arrêt n'a pas examinés et qui ont été admis par la Cour de Cassation le 26 mai 2010 ; que le reproche fait au Crédit Agricole ne porte pas sur ce détournement mais sur l'engagement le 25 janvier 2002 d'une procédure collective fondée sur une créance nulle depuis le 17 avril 2001 et uniquement sur ce fait ; que la procédure reprochée à la banque est celle qui a conduit au redressement judiciaire du 28 février 2002 et à la liquidation judiciaire du 26 septembre 2002 et non celle des redressement et liquidation judiciaires des 10 janvier et 26 juin 1994, que l'arrêt du 26 avril 2000 qui a annulé sans renvoi les procédures ouvertes en 1994 a eu pour effet de faire revenir in bonis la SCA qui a donc retrouvé son patrimoine, de même que [M] [A], que cependant la liquidation judiciaire de 2002 provoquée par l'intimée qui n'avait pas de créance est toujours effective et les prive définitivement de leur patrimoine.
Ainsi, il apparaît que les appelants, qui aux termes de leur assignation du 10 janvier 2011 indiquaient reprocher à la banque trois fautes essentielles :
- le détournement d'une somme de 1.600.000 francs,
- le refus du Crédit Agricole de liquider les parts sociales de la SCA en 2008,
- l'engagement de la « troisième procédure rejetée par la cour de cassation le 26 mai 2010 »,
n'entendent plus désormais poursuivre leur action en responsabilité que sur ce dernier fondement.
A cet égard, il sera donc considéré que, s'agissant de faits postérieurs à ceux évoqués dans cette décision, l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt définitif du 15 mars 2007 ne peut être retenue, ni l'action prescrite, la précédente assignation du 19 septembre 2001 dont se prévaut l'intimée, qui fait valoir que cette première procédure en responsabilité engagée à son encontre par la SCA [Adresse 2] a été radiée par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 6 décembre 2002 et l'instance périmée, ne concernant que des faits antérieurs à l'année 2000.
Les demandes sont donc recevables et le jugement infirmé de ce chef.
Sur le fond
Les appelants exposent que la faute, seule désormais, reprochée à la banque dans la présente instance consiste dans le fait d'avoir engagé le 25 janvier 2002 une troisième procédure collective, dans laquelle le redressement judiciaire puis la liquidation judiciaire de la SCA [Adresse 2] ont été prononcés respectivement les 28 février et 26 septembre 2002, alors que, ainsi que l'a retenu la Cour de cassation le 26 mai 2010, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence ne disposait d'aucune créance depuis le 17 avril 2001.
Ils font valoir que la responsabilité de l'intimée, qui aurait pu constater comme l'a fait la Cour de cassation que sa prétendue créance était prescrite depuis le 17 avril 2001, dix ans après l'arrêt du 17 avril 1991 qui annulait la première procédure collective de la SCA, doit donc être retenue.
Cependant, ne peut être considéré comme fautif le fait pour un créancier d'avoir, en 2002, engagé une procédure sur le fondement d'une créance admise par le premier juge et confirmée en cause d'appel avant de voir, plus de huit années après l'introduction de l'instance, déclarer prescrite sa demande d'admission, alors au surplus que la procédure en cause a donné lieu à ouverture d'un redressement judiciaire suivi d'une liquidation judiciaire aux termes de deux jugements respectivement des 28 février et 26 septembre 2002 qui sont devenus définitifs suite au rejet par la Cour de cassation des pourvois formés à l'encontre des arrêts confirmatifs du 5 octobre 2004.
Aussi, le caractère fautif du droit d'ester en justice de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence n'étant pas établi, la SCA [Adresse 2] et [M] [A], dont il est d'ailleurs en outre à noter qu'une partie du préjudice qu'ils invoquent se rattache à des éléments antérieurs à la procédure de 2002 puisque s'agissant toujours du détournement d'une somme de 1.600.000 francs et de la précédente procédure collective de 1994 pourtant définitivement jugés, doivent être déboutés de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la banque, dont la créance certes prescrite n'en a pas moins existé.
Sur les frais irrépétibles
En l'espèce, il n'y a pas lieu, [M] [A] bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et la demande formée à ce titre par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déclare la SCA [Adresse 2] et [M] [A] recevables en leurs demandes,
Les en déboute,
Rejette la demande présentée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCA [Adresse 2] et [M] [A] aux dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERP°/LE PRESIDENT EMPECHE