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08/09/2016 | FRANCE | N°14/05864

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 08 septembre 2016, 14/05864


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2016



N°2016/580



JPM











Rôle N° 14/05864







[P] [X]





C/



SCI ETOILE DU NORD













































Grosse délivrée le :

à :

Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON<

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Me Dominique IMBERT-REBOULavocat au barreau de TOULON



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section AD - en date du 07 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/228.





APPELANTE



Madame [P] [X],...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2016

N°2016/580

JPM

Rôle N° 14/05864

[P] [X]

C/

SCI ETOILE DU NORD

Grosse délivrée le :

à :

Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

Me Dominique IMBERT-REBOULavocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section AD - en date du 07 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/228.

APPELANTE

Madame [P] [X], demeurant Chez Mme [K] - [Adresse 1]

comparante en personne, assistée par Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉE

SCI ETOILE DU NORD, prise en la personne de son gérant en exercice, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Estelle VALENTI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2016

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, pour le président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [P] [X] a été embauchée par la Sci Etoile du Nord en qualité d'assistante de direction dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 30 août 2010 pour un salaire brut de 2864,77€ par mois

La salariée a été en arrêt de travail pour accident du travail du 4 octobre 2010 au 7 octobre 2010.

La salariée a été en arrêt de travail pour 'un état anxio-dépressif' du 5 mai 2011 jusqu'au 26 octobre 2011.

Le 27 octobre 2011, à l'issue de la visite de reprise, le médecin du travail a émis l'avis suivant:'inaptitude faite en une seule visite. Pas de reclassement envisageable dans l'entreprise'. Par lettre du 24 novembre 2011, le médecin du travail a confirmé que sa déclaration définitive ne nécessitait qu'une seule visite en application de l'article R 4624-31 du code du travail.

Par lettre du 22 décembre 2011,l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement et, par lettre du 10 janvier 2012, il l'a licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Invoquant divers manquements de l'employeur et contestant son licenciement, la salariée a saisi, le 25 mai 2012, le conseil de prud'hommes de Fréjus lequel, par jugement du 7 février 2014, a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté la salariée de ses demandes en nullité du licenciement, en licenciement abusif, en dommages-intérêts, en rappel de salaire pour la période du 27 novembre 2011 au 10 janvier 2012, a condamné l'employeur à lui payer les sommes de :

-136,14€ au titre du rappel de salaire pour le complément accident du travail;

-954,92€au titre de la prime de 13ème mois pour l'année 2010;

-954,92€ au titre de la prime de 13ème mois pour l'année 2011;

-95,49€ au titre des congés payés se rapportant à la prime 2010;

-95,49€ au titre des congés payés se rapportant à la prime 2011;

-250€ à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche;

-500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile;

et a ordonné la remise des bulletins de salaire rectifiés.

C'est le jugement dont Madame [P] [X] a régulièrement interjeté appel.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [P] [X] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer diverses sommes, le réformer en ce qu'il a débouté la salariée de ses autres demandes, de constater l'atteinte à sa dignité, de dire son licenciement nul, de condamner la société intimée à lui payer la somme de 34377,24€ à titre de dommages-intérêts pour le licenciement nul, en tout état de cause, de dire que l'employeur en refusant de lui faire bénéficier de ses congés payés avait participé au manquement à l'obligation de sécurité, de dire que l'employeur avait retiré les éléments afférents à l'exécution du contrat, de dire qu'il n'avait pas recherché son reclassement, de dire en conséquence que le licenciement était abusif, de condamner la société intimée à lui payer la somme de 34377,24€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, dans tous les cas de condamner la société intimée à lui payer les sommes de:

-163,14€ (cf page 25 des conclusions réitérées) au titre du rappel de salaire pour le complément accident du travail;

-954,92€au titre de la prime de 13ème mois pour l'année 2010;

-954,92€ au titre de la prime de 13ème mois pour l'année 2011;

-95,49€ au titre des congés payés se rapportant à la prime 2010;

-95,49€ au titre des congés payés se rapportant à la prime 2011;

-183,66€ au titre du rappel de salaire pour la période du 27 novembre 2011 au 10 janvier 2012;

-18,36€ au titre des congés payés s'y rapportant;

-2864,77€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

-286,48€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents;

-250€ à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche;

-2500€ à titre de dommages-intérêts pour déloyauté dans l'exécution du contrat de travail;

-2500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile;

-35€ au titre du timbre.

Elle demande en outre les intérêts légaux capitalisés.

La Sci Etoile du Nord demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté une partie des demandes de Madame [X], le réformer en ce qu'il a condamné l'intimée à payer des sommes, de statuer à nouveau, de débouter l'appelante de toutes ses prétentions; de la condamner à lui payer les sommes de 5000€ à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 2500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Il est renvoyé pour plus amples développements aux conclusions déposées et réitérées oralement à l'audience.

SUR CE

I -Sur le licenciement

Pour faire juger, à titre principal, la nullité de son licenciement, Madame [X] fait valoir que son employeur, en la personne de Monsieur [D], avait porté atteinte de manière caractérisée à sa dignité , qu'elle entendait sur cette notion faire référence à la fois au harcèlement moral et au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité , que son inaptitude avait pour origine une organisation du travail qui avait été anxiogène, alimentée par un stress et des formes de violences au travail mises en place par la direction, qu'elle avait subi en effet un dénigrement permanent sur la qualité de son travail, des sarcasmes, des outrances, un manque de respect et des critiques incessantes, que l'accès à sa messagerie avait été bloqué dès le 6 mai 2011, premier jour de son arrêt de travail, que le refus de son employeur de lui faire bénéficier de son droit à congés annuels avait participé au manquement à l'obligation de sécurité. Au soutien de son moyen, elle verse aux débats des mails de Monsieur [D] des 24 septembre 2010, 28 février 2011 et 6 mai 2011, rédigés en anglais et accompagnés d'une traduction libre, contenant selon la traduction proposée des propos tels que 'les documents importants ne sont pas laissés aux philippins illettrés ou aux jardiniers (...) Mes employés sont incompétents, sourds comme la pierre à de simples instructions, qui souffrent d'incontinence verbale(...) Je vous rappelle que votre semaine de vacances du lundi 9 mai au 16 mai était subordonnée à la condition que votre travail soit à jour ce vendredi aujourd'hui. De toute évidence, ce ne sera pas le cas'.

Elle verse aussi aux débats:

-l'attestation de sa mère laquelle rapporte avoir, le 6 mai 2011 à16h56, téléphoné à Monsieur [D] pour l'informer de l'arrêt de travail de sa fille, que ce dernier ne l'avait pas laissé parler, avait crié en anglais et lui avait 'raccroché au nez', qu'elle l'avait rappelé une dernière fois à 17h59, qu'il l'avait enfin laissé parler pour finir par lui dire 'votre fille recevra une lettre de mon avocat';

-les arrêts de travail et prolongations à compter du 5 mai 2011 mentionnant un syndrome dépressif réactionnel;

-un certificat médical d'un médecin généraliste, en date du 20 février 2012, indiquant que le 5 mai 2011, la salariée présentait un 'tableau clinique évoquant un 'burn out' psychologique associé à un épuisement physique (consécutif à deux accidents de la circulation, trauma du rachis cervical et courbatures diverses, sur trajets domicile -travail longs). L'état émotionnel de la patiente était particulièrement inquiétant avec obnubilations, auto-dépréciation, troubles du sommeil, aboulie. Mêlé à une forte crainte de son employeur, son état clinique répondait aux critères d'un syndrome dépressif caractérisé, consécutif à un très probable harcèlement professionnel. Une prise en charge médicale et psychologique ainsi qu'un arrêt de travail furent réalisés au décours de cette consultation. Cinq jours après, le 10 mai 2011, l'employeur réclamant clés et tout support permettant l'accès à son travail, la patiente se sentant licenciée de fait se trouva plongée dans une forte angoisse, nécessitant le renforcement de la prise en charge médicamenteuse'.

-des certificats médicaux des 4 et 8 septembre 2011 confirmant ce syndrome dépressif;

-la fiche d'inaptitude délivrée par le médecin du travail, le 27 octobre 2011.

Pour s'opposer à la demande de nullité du licenciement pour atteinte à la dignité de la salariée , la société intimée réplique que les mails ci-dessus produits par l'appelante étaient rédigés en anglais , que leur traduction en français n'avait pas été faite par un expert assermenté, que la traduction proposée n'avait aucune valeur juridique, que le mail du 28 février 2011 n'était pas adressé à la salariée, que la société intimée produisait au contraire aux débats la traduction d'autres mails faite par un expert assermenté , notamment ceux des 5 octobre 2010, 20 octobre 2010, 22 octobre 2010, 25 octobre 2010, 26 octobre 2010, 11 décembre 2010, 16 janvier 2011, 25 mars 2011 dans lesquels Madame [X] reconnaissait , selon l'intimée, 'la sollicitude et la bienveillance' de Monsieur [D] à son égard notamment à la suite d'événements tels qu'une chute après un rendez-vous ou une dispute entre Madame [X] et son petit ami ce qui avait amené la salariée à demander et obtenir trois jours de congés pour déménager. La société intimée produit aussi les attestations de:

- Madame [N] assistante personnelle de Monsieur [D] en Angleterre laquelle rapporte qu'il est un employeur 'juste et respectueux';

- Madame [Z], un autre salariée, qui rapporte avoir 'construit une relation professionnelle solide' avec Monsieur [D] qui est présenté comme ayant toujours été élogieux au sujet de son travail et 'bienveillant (...) intéressant et agréable'

Si les trois mails des 24 septembre 2010, 28 février 2011 et 6 mai 2011 produits aux débats par la salariée sont rédigés en anglais, il y a lieu toutefois de constater, en premier lieu, que les parties, compte tenu de la nationalité anglaise de Monsieur [D] et de ce que Madame [X] était bilingue, avaient pris pour habitude de communiquer entre elles en anglais comme le démontrent tous les mails produits aux débats et, en second lieu, que la société intimée se limite à critiquer la traduction libre proposée par la salariée, au motif qu'elle n'émanait pas d'un traducteur assermenté, mais sans pour autant dire en quoi cette traduction libre aurait dénaturé le sens de tous les mails écrits en anglais ou serait inexacte, voire partiale. La traduction libre proposée est d'autant moins sujette à caution que certains des mots utilisés par Monsieur [D] dans son mail du 28 février 2011 tels que 'staff members (...) incompetent ' apparaissent si compréhensibles en français qu'aucune autre traduction que celle donnée librement par Madame [X] n'est suggérée par la société intimée. Ces mails et leur traduction libre, laquelle apparaît loyale et sincère, seront retenus par la cour.

Le mail du 24 septembre 2010 avait été adressé à Madame [X] par Monsieur [D] dans les termes suivants:'franchement, ce n'est pas simplement de cette manière que j'ai ou dont j'ai besoin que l'on gère mes affaires ou ma vie. Les documents importants (et c'était un DHL PAS un chronopost et Vous l'auriez vu quand vous l'avez ouvert sans ma permission ) ne sont pas laissés aux philippins illettrés ou aux jardiniers.' Ce mail de reproches adressés à la salariée use de termes qui se voulaient délibérément blessants et/ou péjoratifs , manifestement de nature à porter atteinte à la dignité de Madame [X]. En outre, l'usage des gros caractères pour le pronom 'VOUS' renforçait encore plus la volonté affichée d'atteindre la personne de la salariée.

Le mail du 28 février 2011 avait été adressé par Monsieur [D] à un prénommé [S] dans les termes suivants: 'et oui, je peux confirmer que j'ai un tempérament vicieux quand je suis confronté à mes employés qui sont incompétents, 'sourds comme la pierre' à de simples instructions, qui souffrent 'd'incontinence verbale' interminable et totalement inappropriée.' Les termes ci-dessus utilisés sont à la fois menaçants, en ce qu'ils laissent supposer que l'employeur était prêt à user de moyens déloyaux pour sanctionner n'importe quel salarié jugé incompétent, et injurieux, à tout le moins outranciers, comme le révèlent les mots 'incontinence verbale' . Ce mail avait été adressé en copie à Madame [X] par Monsieur [D] lui-même au moment de son envoi au prénommé [S] . Si aucun salarié n'était nommé par le mail, pour autant le caractère général des termes ci-dessus reproduits autorisait chacun des salariés de l'employeur à se sentir visé surtout quand, comme cela avait été le cas pour Madame [X], l'employeur avait volontairement pris la peine de la rendre destinataire en copie dans l'intention évidente qu'elle n'ignore pas ce qu'il pensait de tous ses salariés, elle y compris.

Ces mails démontrent donc comme le soutient Madame [X] que l'employeur s'était livré à son égard à des propos de nature à porter atteinte à sa dignité de salariée.

La société intimée entend invoquer les mails qu'elle a elle-même produits aux débats et qui portent sur des échanges entre Monsieur [D] et Madame [X]. Si la lecture de ces mails montre effectivement que Monsieur [D] avait su se montrer conciliant et aimable avec Madame [X], il n'en demeure pas moins que la différence de ton entre ces mails et ceux évoqués plus haut démontrent les brusques changements de comportement de Monsieur [D] lequel pouvait passer subitement d'une forme bienveillante à une forme qui l'était beaucoup moins. De tels comportements paradoxaux n'avaient fait en définitive que contribuer à la dégradation des conditions de travail telle que dénoncée par Madame [X].

Par ailleurs, il résulte d'autres mails produits aux débats que cette dégradation avait été également alimentée par le différend ayant opposé les parties sur la prise des congés payés par Madame [X]. En effet, Monsieur [D] avait adressé à Madame [X] , le 6 mai 2011, un mail rédigé dans les termes suivants: 'J'attends toujours un compte COMPLET du montant extraordinairement grand de jours de maladie ainsi que tous les rendez-vous médicaux incalculables que vous avez pris en 7-8mois de travail pour nous(...) Je vous rappelle que votre demande du 4 mai relative à une semaine de vacances du lundi 9 mai au 16 mai était subordonnée à la condition que votre travail soit à jour ce vendredi aujourd'hui. De toute évidence, ce ne sera pas le cas'. Or, dans son mail du 4 mai 2011 auquel il était fait référence, Madame [X] s'adressait à l'employeur dans les termes suivants: ' Monsieur [D], je voudrais prendre une semaine de vacances dès que possible, s'il vous plaît. Comme vous le savez je suis très, très, très fatiguée, nerveusement et émotionnellement. J'ai commencé le 30 août dernier et excepté pour Noël , je n'ai pas pris de vacances (des appropriées, je veux dire). Je voudrais prendre la semaine prochaine en congés si possible, merci. Du 9 au 13 mai inclus (...) En France, pour un contrat plein temps à durée indéterminée, le droit aux congés payés est de 2,5 jours par mois multiplié par 12 mois, ce qui fait un total de 30 jours par an'. Dans sa réponse du 4 mai 2011, Monsieur [D] avait écrit ' le résultat final est le suivant: je ne suis pas du tout content des 30 jours de congés payés annuel '. Si l'employeur était libre de fixer les congés de ses salariés, il n'en demeure pas moins, en l'état des échanges de mail ci-dessus et des pièces produites par lui, que:

- il ne pouvait pas se fonder sur le nombre d'arrêts de travail pour maladie pris par la salariée pour autoriser ou non l'octroi de congés payés ce qui revenait à sanctionner la salariée en raison de sa maladie;

-son mail du 6 mai 2011 se livrait à de simples supputations et non à la démonstration d'un manquement de Madame [X] pour justifier un refus de dernier moment d'autoriser les congés du 9 mai au 16 mai 2011;

-il ne justifie pas avoir respecté les articles L 3141-12 et suivants du code du travail concernant les modalités de fixation de la période des congés et de l'ordre des départs ni même des mesures prises par lui pour assurer , au titre de son obligation de sécurité, la protection de la santé de sa salariée qui venait de lui annoncer très clairement un état de très grande fatigue physique et psychique liée, selon elle, à ses conditions de travail.

Ainsi, il résulte de l'ensemble des éléments produits par Madame [X], non combattus utilement par l'employeur, que la salariée avait subi, d'une part, des écrits de nature à porter atteinte à sa dignité de salariée et, d'autre part, des conditions de travail de nature à affecter sa santé notamment les conditions d'octroi des congés payés. Les arrêts de travail produits à compter du 5 mai 2011 mentionnent l'existence d'un 'syndrome dépressif réactionnel harcèlement moral' dont l'apparition se situait dans l'immédiate continuité des faits ci-dessus. Par ailleurs, le certificat médical susvisé mentionne, à la date du 5 mai 2011, un état de 'burn out' sévère dont le tableau clinique permet de retenir qu'il était à tout le moins en lien avec les agissements de l'employeur. Si ce certificat médical mentionne aussi l'existence d'un 'épuisement physique consécutif à deux accidents de la circulation' pour autant, il n'imputait pas le 'burn out' à cette cause. Par ailleurs, Madame [X] produit aux débats les prescriptions médicales d'anti-dépresseurs pendant son arrêt de travail ainsi que les certificats médicaux du 4 septembre 2011 et du 8 septembre 2011, ce dernier émanant d'un médecin -psychiatre, rapportant un état de santé 'qui rend dangereux toute mise en contact avec son employeur et son lieu de travail' et 'un état dépressif réactionnel qui a justifié un arrêt de travail depuis le 5 mai 2011". Il doit être également pris en compte l'avis du médecin du travail lequel avait rappelé à l'employeur, dans une lettre du 24 novembre 2011, qu'en cas de danger immédiat au sens de l'article R 4624'31 du code du travail, une seule visite suffisait à constater l'inaptitude de la salariée et que 'il n' y avait pas de reclassement envisageable en particulier dans votre entreprise pour cette salariée qui reste apte à ses fonctions.' Il s'en suit que l'inaptitude constatée avait pour origine, même partiellement, l'atteinte à la dignité de la salariée et les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité en sorte que le licenciement prononcé doit être déclaré nul.

Compte tenu de la faible ancienneté de la salariée, de son salaire brut mensuel (2864,77€), de son âge (née en 1969) et de ce qu'elle n'a retrouvé un emploi en contrat de travail à durée indéterminée que le 1er avril 2014, la cour condamnera la société intimée à lui payer la somme de 17500€ à titre de dommages-intérêts .A cette somme s'ajoutent celles de 2864,77€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 286,47€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents. Le jugement sera réformé.

II - Sur l'exécution déloyale du contrat

Les manquements ci-dessus analysés de l'employeur ont caractérisé une exécution déloyale du contrat laquelle a causé un préjudice à la salariée qui est fondée à obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 2500€ à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera réformé.

III - Sur le défaut de visite médicale d'embauche

La société intimée n'est toujours pas en mesure de justifier avoir fait passer la visite médicale d'embauche à sa salariée ni même, comme l'intimée le soutient, que la salariée ne s'était pas présentée à la convocation. Ce manquement de l'employeur a causé un préjudice à la salariée qui n' a pas pu faire constater la compatibilité de son état de santé avec son poste de travail. Le jugement qui a alloué la somme de 250€ de dommages-intérêts a justement apprécié ce préjudice en sorte qu'il sera confirmé.

IV - Les demandes de rappels de salaire

a - Sur l'arrêt de travail du 5 octobre 2010 au 7 octobre 2010

Madame [X], qui a été victime d'un accident du travail le 4 octobre 2010 et qui a été en arrêt de travail pour ce motif du 5 octobre 2010 au 7 octobre 2010, invoque les dispositions de la convention collective de l'immobilier lui reconnaissant le droit de percevoir, pendant la période de suspension de son contrat, une indemnisation à concurrence de 90% du salaire. Elle produit les bulletin de salaires desquels il résulte que l'employeur lui avait retiré 3 jours de salaire et les justificatifs des indemnités journalières perçues à concurrence de 180,63€. La société intimée ne conteste pas utilement cette demande. Il convient dès lors de condamner la société intimée à payer la différence entre les 90% du salaire afférents aux jours en arrêt de travail et le montant des indemnités journalières de sécurité sociale, soit la somme de 343,77€- 180,63€ = 163,14€. Le jugement sera réformé sur le quantum.

b - Sur la période du 27 novembre 2011 au 10 janvier 2012

Madame [X] invoque le manquement de l'employeur à l'obligation de reprendre le paiement du salaire dans le délai légal d'un mois de l'article L 1226-4 du code du travail. Pour échapper à cette condamnation, la société intimée fait valoir que le premier avis d'inaptitude délivré n'était pas conforme puisque le médecin du travail avait mentionné, au titre du danger immédiat, l'article 4624-31 du code du travail au lieu de l'article R 4624-31 du code du travail, que le 4 novembre 2011,elle avait dû écrire au médecin du travail lequel, le 27 novembre 2011,avait fait parvenir une nouvelle fiche d'inaptitude visant le texte légal , que dans ces conditions, elle avait eu très peu de temps pour pouvoir dans le délai d'un mois reclasser ou licencier la salariée et qu'elle n'était pas responsable de l'inertie de la médecine du travail.

Toutefois, la société intimée ne peut pas se prévaloir d'une simple erreur de plume de la part du médecin du travail alors même qu'elle ne conteste pas, comme cela résulte de sa lettre du 4 novembre 2011, avoir su, dès la remise de la fiche initiale, que le médecin du travail invoquait un danger immédiat et qu'il s'agissait bien d'une situation autorisant à ne faire passer qu'une seule visite en sorte que l'erreur invoquée par elle n'empêchait pas le délai d'un mois de l'article L 1226-4 du code du travail de courir . N'ayant pas reclassé ni licencié la salariée dans le délai d'un mois, elle était tenue de reprendre le paiement du salaire à compter du 27 novembre 2011. La société intimée n'a payé ce salaire que sur condamnation du juge des référés. Toutefois, le décompte produit montre que le salaire dû pour la période du 27 novembre 2011 au 10 janvier 2012, date du licenciement , était de 4106,17€ alors que la société intimée n'avait payé que la somme de 3922,51€ soit un solde restant dû de 183,66€ outre les congés payés s'y rapportant .

c - Sur la prime de 13ème mois

Madame [X] invoque la prime de 13ème mois prévue par la convention collective égale à un mois de salaire, acquise au prorata du temps de présence dans l'année et réglée sur la base du salaire de décembre ou sur la base du dernier mois de présence ainsi que les dispositions de la convention collective prévoyant que les périodes pendant lesquelles les salariés bénéficient du maintien de leur salaire à 90% ou à 100% sont considérées comme temps de présence. Elle fait valoir ne pas avoir perçu cette prime pour 2010 ni pour 2011.

La société intimée ne discute pas cette demande. Dès lors, le jugement qui ,sur la base des dispositions conventionnelles ci-dessus a alloué la somme de 954,92€ ( 2864,77€ x 4/12) au titre de la prime pour la période d'août à décembre 2010 et celle de 954,92€ ( 2864,77€ x 4/12) au titre de la période de janvier à avril 2011, outre les congés payé s'y rapportant, sera confirmé.

V - Sur les autres demandes

Les intérêts légaux sur les sommes allouées de nature salariale courent à compter de la première demande en justice et ceux sur les sommes de nature indemnitaire à compter de l'arrêt.

L'équité commande d'allouer à l'appelante la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

La société intimée qui succombe sur les demandes principales de l'appelante sera déboutée de ses demandes reconventionnelles

Les dépens seront supportés en totalité par la société intimée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale;

Reçoit Madame [P] [X] en son appel.

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus du 7 février 2014 en ce qu'il a condamné la Sci Etoile du Nord à payer à Madame [P] [X] des sommes au titre des primes de 13ème mois pour les années 2010 et 2011, au titre des congés payés s'y rapportant, au titre des dommages-intérêts pour le défaut de visite médicale, au titre de l'article 700 du code procédure civile, au titre de la rectification des bulletins de salaire ainsi qu' en ce qu'il a statué sur les demandes reconventionnelles et sur les dépens.

Le réforme pour le surplus, statuant à nouveau, dit le licenciement de Madame [P] [X] nul et condamne la Sci Etoile du Nord à lui payer les sommes de:

-17500€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul;

-2864,77€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavi;

-286,47€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents;

-2500€ à titre de dommages-intérêts à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

-163,14€ au titre du complément de salaire pour l'arrêt de travail du 5 octobre au 7 octobre 2010;

-183,66€ au titre du rappel de salaire pour la période du 27 novembre 2010 au 10 janvier 2012;

-18,36€ au titre des congés payés s'y rapportant;

-1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Dit que les intérêts légaux sur les sommes allouées de nature salariale courent à compter de la première demande en justice et ceux sur les sommes de nature indemnitaire à compter de l'arrêt.

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Condamne la Sci Etoile du Nord aux entiers dépens.

LE GREFFIER Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/05864
Date de la décision : 08/09/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/05864 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-08;14.05864 ?
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