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29/07/2016 | FRANCE | N°14/12210

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 29 juillet 2016, 14/12210


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 29 JUILLET 2016



N°2016/



Rôle N° 14/12210







[O] [O]





C/



Société CSF FRANCE











Grosse délivrée le :



à :



Me Patrick JOLIBERT, avocat au barreau de TOULOUSE





Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Déci

sion déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 20 Mai 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/847.





APPELANTE



Madame [O] [O], demeurant [Adresse 1]



représentée p...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUILLET 2016

N°2016/

Rôle N° 14/12210

[O] [O]

C/

Société CSF FRANCE

Grosse délivrée le :

à :

Me Patrick JOLIBERT, avocat au barreau de TOULOUSE

Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 20 Mai 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/847.

APPELANTE

Madame [O] [O], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Patrick JOLIBERT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Société CSF FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2016, prorogé au 29 Juillet 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juillet 2016

Signé par Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant lettre d'embauche du 28 avril 1997, Mme [O] [O] a été engagée, à compter du 5 mai 1997, par la société CONTINENT, devenue la SAS CSF FRANCE, en qualité de responsable service administratif, statut agent de maîtrise, coefficient 210, à [Localité 1]. Elle a accédé au statut de cadre le 1er octobre 2000, puis elle a été promue au poste de contrôleur de gestion niveau 7, suivant avenant du 1er octobre 2008. Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle percevait un salaire mensuel de 2.700 € bruts. Les relations des parties étaient régies par la convention collective nationale des magasins de vente d'alimentation et d'approvisionnement général du 29 mai 1969.

La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 25 février 2012.

Le 10 août 2012, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

À l'issue des deux visites médicales de reprise en date des 4 et 19 février 2013, la salariée a été déclarée inapte à son poste de travail.

Après convocation le 15 juillet 2013 à un entretien préalable fixé au 24 juillet, l'employeur a licencié la salariée par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juillet 2013, rédigée ainsi : «['] Nous avons débuté, conformément à nos obligations légales, toutes les recherches de possibilités de reclassement utiles.

Après avoir effectué des recherches au sein des différents établissements du Groupe, nous vous avons proposé les postes suivants tenant compte des restrictions émises par le médecin du travail :

-Manager de rayon en formation en vue de devenir manager de rayon au sein de la direction opérationnelle Sud-Est. Statut cadre, niveau 7, forfait jour, salaire inchangé. Cette position reprenait différentes formations prévues et indiquait l'affectation, durant la formation, au sein de différents magasins de la DO Sud-Est, proches du domicile dans la mesure du possible ainsi que l'affectation, à la fin de la formation au sein de la direction opérationnelle Sud-Est.

-Manager méthode et process, Carrefour Finance France, poste localisé à [Localité 2] (91), niveau 7, forfait jour, rémunération inchangée.

-Responsable administratif, Carrefour Finance France, poste localisé à [Localité 3] puis à [Localité 2] (91), niveau 8, forfait jour, salaire de 3.287 €.

-Comptable fournisseur, Carrefour siège Groupe, poste localisé à [Localité 4] (92), niveau 7, forfait jour, rémunération inchangée.

-Assistante contrôle de gestion ' front de vente, Carrefour Proximité France, poste localisé à [Localité 5] (26), niveau 5, durée hebdomadaire de 39 heures avec octroi de 12 JRTT par an, salaire de 1.700 € sur 13 mois.

Par courrier daté du 7 juin 2013, nous vous avons adressé ces propositions de reclassement.

Vous les avez refusées par courrier en date du 24 juin, motivant notamment votre refus par l'éloignement géographique de ces postes.

Aussi, afin que nous puissions continuer nos recherches de reclassement en prenant compte les critères correspondant à vos attentes, tant de point de vue géographique que de qualification, nous vous avons adressé, par courrier du 26 juin, un bilan professionnel que nous vous demandions de bien vouloir nous retourner complété.

Vous nous avez adressé ce bilan par courrier du 4 juillet, y précisant ne pas accepter une modification de votre durée actuelle du travail, ni un poste d'une qualification inférieure et la baisse de rémunération qui en résulterait. Vous avez par ailleurs indiqué votre absence de mobilité géographique.

Les recherches complémentaires de reclassement effectuées n'ont pas permis de trouver un poste correspondant tant à votre aptitude qu'à vos attentes.

En conséquence, malgré le fait que nous avons mené toutes les recherches de possibilités de reclassement utiles en adéquation avec l'avis du médecin de travail, il n'existe pas dans notre structure d'autre poste compatible avec les avis d'inaptitude dressés par le médecin du travail.

Aucun autre poste conciliant les restrictions du médecin du travail et les critères que vous avez définis, n'étant disponible, les motifs s'opposant à votre classement vous ont donc été notifiés par courrier du 12 juillet 2013.

Il résulte donc de ce qui précède que les avis d'inaptitude émis par le médecin du travail, le refus des postes de reclassement proposés ainsi que l'absence de tout autre poste disponible et compatible avec votre état de santé s'opposent à votre reclassement et justifient votre licenciement pour inaptitude physique consécutive à une maladie d'origine non professionnelle'»

Par jugement du 20 mai 2014, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence a :

-jugé qu'il n'y a pas lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail ;

-débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes ;

-débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle ;

-condamné la salariée aux entiers dépens.

Le 13 juin 2014, la salariée a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Vu les écritures déposées par Mme [O] [O], le 25 mai 2016, aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1184 du code civil, L 1152-1, L 1152-4, L 1222-1, L 1222-6, L 1235-3 et L 1232-2 du code du travail, de :

-réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

-constater les manquements de l'employeur ;

-juger qu'ils sont constitutifs de faits réprimés par les dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-4 du code du travail ;

à titre principal,

-prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ;

à titre subsidiaire,

-juger le licenciement nul ou, à titre infiniment subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

en toute hypothèse,

-condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

*8.910 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

*891 € au titre de l'indemnité de congés payés y afférents ;

*70.000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

*20.000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires en application des dispositions de l'article L 1222-1 du code du travail et pour violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

-condamner l'employeur à lui remettre l'ensemble des documents afférents à la rupture du contrat de travail rectifiés dans un délai de 8 jours suivant le prononcé de la décision à intervenir sous astreinte éventuelle de 100 € par jour de retard ;

-condamner l'employeur à lui payer la somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner l'employeur aux dépens de l'instance.

Vu les écritures de la SAS CSF FRANCE déposées le 25 mai 2016, par lesquelles elle demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

-débouter purement et simplement la salariée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusion tant principales, subsidiaires que très subsidiaires ;

-condamner la salariée au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la salariée au paiement des entiers dépens.

Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 25 mai 2016.

SUR CE

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l'employeur d'une gravité suffisante et, dans le cas contraire, doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

En l'espèce, la salariée soutient que lorsqu'elle a été placée, en 2010, sous la subordination de M. [Q], son supérieur hiérarchique, elle a été victime de faits de harcèlement moral qui ont eu un impact direct sur sa santé.

Au soutien de ses allégations, elle produit les avis d'arrêt de travail établis du 25 février 2012 jusqu'au 3 février 2013 pour syndrome anxio-dépressif, ainsi que le courrier que le Docteur [B], psychiatre, a adressé au médecin du travail, le 29 janvier 2013, rédigé en ces termes : «Je, soussignée, certifie suivre Mme [O] [O] pour syndrome anxio-dépressif grave, réactionnel à ses difficultés professionnelles. En effet, Mme [O] n'avait présenté aucune difficulté psychologique avant cette date : février 2012, date où a débuté son arrêt de travail. Son état actuel comporte des troubles du sommeil importants, une asthénie, une inhibition avec clinophilie. L'humeur est triste avec des idées noires et sentiment d'incurabilité. Il existe également des troubles alimentaires. Son traitement comporte un anti-dépresseur et un hypnotique, ainsi qu'un suivi psychiatrique. La patiente ressent une impression de préjudice due à son contexte professionnel. Cette symptomatologie la rend inapte à la reprise de son activité.»

À l'issue des deux visites médicales de reprise en date des 4 et 19 février 2013, le médecin du travail a rendu son avis rédigé en ces termes : « suite à l'étude de poste et enquête sur les solutions potentielles de reclassement effectuée le 11/02/2013 avec la DRH Salon, il convient d'envisager un transfert-reclassement de Mme [O] sur une autre entité du Groupe Carrefour, en dehors de l'établissement SAS CSF de Salon-de-Provence, sans autre déterminant limitatif. »

La salariée indique ensuite que l'employeur lui a proposé une modification substantielle de son contrat de travail en lui demandant de prendre position dans les 8 jours ; qu'il a procédé à une modification de son contrat de travail en l'affectant dans un département distinct ; qui lui a notifié une mise à pied injustifié et qu'il lui a imposé une charge de travail supérieure à celle de ses collègues.

Ces éléments apparaissent suffisamment précis et concordants pour permettre de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Conformément à l'article L.1154-1 du code du travail, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

-Sur la modification du contrat de travail :

Il ressort des éléments du dossier que par courrier du 14 octobre 2010, l'employeur a soumis à la salariée une proposition d'avenant modificatif de son contrat de travail, en lui précisant que cette proposition s'inscrivait dans le cadre de la mise en 'uvre de l'accord sur la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC).

La salariée n'ignorait pas que le service 'contrôle de gestion' faisait l'objet d'une réorganisation, puisque cette question avait été débattue lors de la réunion du comité d'établissement du 24 août 2010.

Cette modification emportait pour la salariée une perte de son statut de cadre et une réduction de son salaire, ainsi qu'une modification de son temps de travail et rajoutait une clause de mobilité dans la relation contractuelle. Il était également indiqué à la salariée qu'elle devait donner sa réponse pour le 22 octobre dernier délai.

Par lettre du 28 octobre 2010, l'employeur a pris acte du refus de la salariée exprimé oralement le 25 octobre et lui a proposé de rencontrer un des consultants du cabinet BPI, en charge des recherches de reclassement externe des collaborateurs dont le poste est supprimé.

La salariée n'ayant pas donné suite à cette proposition, la relation contractuelle s'est poursuivie sans changement, excepté le fait que la salariée a changé de service pour intégrer la 'cellule de reporting franchisés', créée en 2010, sous l'autorité hiérarchique de M. [Q].

L'appelante ne produit aucun élément établissant que ses fonctions ont été modifiées ou qu'elle a été affectée à des tâches subalternes d'exécution, comme elle le prétend, pas plus qu'elle ne démontre que ses conditions de travail ont été modifiées.

Elle-même a indiqué dans le document qu'elle a rempli le 4 juillet 2013 en vue de son reclassement qu'elle était contrôleur de gestion/fonction de services d'appui auprès des opérationnels depuis octobre 2008, ce qui démontre qu'aucun changement de fonction n'est intervenu en 2010.

-Sur la surcharge du travail par rapport aux autres salariés du même service :

L'appelante verse au débat un tableau intitulé 'Répartition charge de travail de la cellule franchise - situation décembre 2011", duquel il ressort que 8 salariées étaient en charge d'un parc de 415 magasins franchisés et qu'elle même traitait les comptes de 134 magasins dits 'Sud Ouest', alors que le nombre de magasins traités par ses collègues se situait entre 25 et 54.

Il apparaît cependant que sur les 134 magasins, 12 sont 'simulés', de sorte qu'ils ne génèrent aucun traitement de compte, 10 sont 'altis' et ne sont budgétés qu'en février et 59 sont 'affiliés' et ne transmettent aucun compte, le traitement du budget se limitant au CA généré par des formules de calcul.

C'est ainsi qu'il ressort du document de suivi des traitements des comptes 2011 que le nombre de comptes traités mensuellement par la salariée variait entre 35 et 46.

Il apparaît également que les autres salariés de la 'cellule franchise' ne détenaient aucun compte 'affiliés', ni 'altis' et quasiment pas de comptes 'simulés', de sorte que le nombre de magasins qu'ils géraient correspondait à un traitement effectif de compte.

En outre, l'employeur produit les attestations de plusieurs salariés qui travaillaient au sein de la 'cellule franchise' permettant d'écarter la surcharge de travail invoquée par la salariée. C'est ainsi que :

-Mme [W] indique ne pas avoir constaté de répartition inégale de tâches au sein de l'équipe et qu'en sa qualité de délégué du personnel et de représentante du CHSCT, elle n'a jamais eu de doléances sur une quelconque surcharge de travail.

-Mme [Z] qui a repris le service de la salarié relate que sa tâche n'a pas été moindre, car elle a dû reprendre sur de nombreux magasins les gestions de l'année 2011 qui présentaient d'énormes erreurs, mais qu'au bout de cinq mois, elle s'est aperçue que cette région ne comportait pas plus de particularités, ni de complexité que sa précédente région, ou toutes les régions dans leur globalité.

-Mme [S] atteste elle aussi ne pas avoir constaté de discrimination au sein du service tant sur la répartition des tâches que dans le comportement de son chef de service et qu'au vu des horaires de travail de chaque membre de l'équipe et en particulier de la personne en charge des dossiers de Mme [O], elle peut certifier qu'il n'y a pas de surcharge de travail.

-Sur la mise à pied disciplinaires du 29 février 2012 :

Cette sanction pronnoncée après un entretien préalable qui s'est tenu le 9 février, est rédigée en ces termes :« [' ] En premier lieu, j'ai été amené à constater que vous n'accomplissez pas vos tâches avec diligence et l'efficacité normalement attendue de votre niveau de responsabilité, ce qui constitue une violation fautive de vos obligations contractuelles.

-Le 10 janvier 2012, j'ai été informée du fait que les secrétaires du directeur opérationnel n'avaient pas pu saisir le chiffre d'affaires de décembre des magasins dont vous avez la charge dans 'performance'. Après vérification, il s'est avéré que vous étiez partie en congé le 23 décembre au soir sans clôturer le mois de décembre du parc que vous gérez et sans prévenir quiconque que cette tâche reste à effectuer. En conséquence, c'est une collègue de travail qui a effectué la clôture à votre place. Vous auriez, à défaut d'avoir terminé votre travail, au minimum dû prévenir vos collègues de votre carence sur ce point.

-Le magasin de [Localité 6] dont le code ID est 893, a été déposé sur notre serveur utilisé pour interfacer les budgets, le 3 janvier 2000 et son intégration été contrôlée le 4 janvier par [W] [Z]. Le 9 janvier, vous avez cependant interfacé le magasin de [Localité 7] sous ce même code ID 893, écrasant par là-même les données du magasin de [Localité 6]. Le 10 janvier, vous avez ré-interfacé le magasin de [Localité 7] sous son bon code ID, sans pour autant modifier des données relatives au magasin de [Localité 6]. En conséquence, le magasin de [Localité 6] est resté avec les données de celui de [Localité 7]. Le chiffre d'affaire global de la France a été remonté comme tel au national, soit avec un écart de 5.544 k€. Là encore, c'est une de vos collègues qui a dû rectifier cette anomalie qu'un simple contrôle de votre part aurait pu éviter.

-Le 30-01, alors que je voulais effectuer la clôture annuelle 2011 des données dans 'performance', cela a été rendu impossible car un magasin était en erreur. Ce blocage provenait du fait que vous aviez déposé le fichier du magasin sur le serveur alors qu'il était 'vérolé'. Ce message était d'ailleurs inscrit à la génération du fichier et l'erreur était donc identifiable sans aucune difficulté, le fichier apparaissant comme étant de 0K0.

Là encore, cela aurait dû vous interpeller si vous aviez pris le temps de contrôler votre travail. Votre erreur a rendu impossible la clôture de l'année et a impliqué une lourde perte de temps pour rechercher un magasin en erreur, pouvoir redéposer un fichier correct et pouvoir clôturer.

L'argument de la surcharge de travail que vous avez invoqué lors de l'entretien ne saurait prospérer et venir justifier ces différents manquements à vos obligations professionnelles.

En second lieu, j'ai été amené à me rendre sur votre messagerie professionnelle, le 13 janvier 2012, afin de récupérer un fichier de nos partenaires marocains.

J'ai pu alors constater que, certains mails non identifiés comme étant personnels et qui étaient donc incontestablement présumés être professionnels, adressés à d'autres salariés de l'entreprise, comportaient des termes irrespectueux à mon égard.

Vous me traitiez, dans ces mails, de 'nain' ('le nain m'a décalé mes congés', 'mon nain ne devait pas être invité...') marquant ainsi un manque de respect plus que prononcé à mon égard et n'hésitant manifestement pas à me décrédibiliser auprès d'autres salariés de l'entreprise et du groupe.

Vous avez manifesté aucun regret sur ces propos, ajoutant même que vous étiez simplement désolée que j'en ai eu connaissance et ironisant sur le fait que si je pensais être le seul à porter un surnom, je vivais dans 'le monde des Bisounours'.

L'ensemble des explications que vous avez souhaité apporter lors de l'entretien n'ont pas été en mesure de modifier mon interprétation des faits' »

La salariée ne conteste pas qu'elle est partie en congé le 23 décembre 2011 jusqu'au lundi 2 janvier 2012 sans avoir clôturé les comptes des magasins du parc Sud-Ouest et sans en avoir averti ses collègues de travail, de sorte que la direction opérationnelle n'a pas pu saisir les chiffres d'affaires du mois.

Il est également établi qu'à son retour de vacances, elle a rentré les chiffres d'un magasin sous le code d'un autre magasin déjà renseigné, de sorte que les chiffres du premier magasin ont écrasé ceux du second.

Elle ne conteste pas davantage avoir utilisé son ordinateur professionnel pour envoyer à ses collègues des courriels dans lesquelles elle traite son supérieur hiérarchique de 'nain'. Ces courriels étant en rapport avec l'activité professionnelle de la salariée ne sauraient être considérés comme ayant un caractère privé. L'employeur peut donc s'en prévaloir et fonder une sanction disciplinaire sur ce motif.

En considération de ces éléments, la sanction infligée à la salariée n'apparaît pas injustifiée

Force est de constater que les agissements dont se plaint la salariée ne caractérisent pas une situation de harcèlement moral. Il convient par conséquent de confirmer la décision déférée qui a débouté la salariée de sa demande tendant à obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur le licenciement pour inaptitude :

Sur la régularité de la procédure de licenciement :

L'employeur établit que la salariée a été convoquée à l'entretien préalable à un éventuel licenciement par courrier du 15 juillet 2013, expédié par Chronopost et reçu par la salariée le jour même.

La salariée ayant été convoquée dans les délais légaux, aucune irrégularité n'affecte la procédure de licenciement. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure irrégulière.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité :

Le harcèlement moral invoqué par la salariée n'étant pas établi, il incombe à cette dernière de rapporter la preuve que la dégradation de son état de santé résulte de faits imputables à son employeur.

Or, la salariée ne produit aucun élément établissant l'existence de ce lien de causalité. Il n'y a donc pas lieu de requalifier le licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle sérieuse pour ce seul motif.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de recherche de reclassement :

Lorsque le salarié est déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ou le groupe dont il fait partie, un autre emploi approprié à ses capacités, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail.

S'agissant d'une obligation de moyen renforcée, l'employeur doit apporter la preuve qu'il s'est trouvé réellement dans l'impossibilité de reclasser le salarié à un poste conforme aux préconisations de la médecine du travail, et ce même après avoir pris toutes les dispositions pertinentes pour tenter de remplir son obligation.

En l'espèce, l'employeur a proposé à la salariée, le 7 juin 2013, cinq postes de reclassement tant au sein de la société CSF qu'à l'intérieur d'autres entreprises du groupe Carrefour. La salariée a refusé ces propositions de poste en l'état de leur éloignement géographique, ce que ne conteste pas l'employeur puisque le 26 juin 2013 il lui a demandé de lui faire connaître ses souhaits concernant les éventuels postes de reclassement.

Le 4 juillet 2013, la salariée a rempli le questionnaire que lui a remis son employeur en indiquant ne pas vouloir de modification de la durée de son travail ou de sa rémunération, ni de mobilité géographique, ni de poste qualification inférieures, ni aucun emploi au sein de Carrefour Market.

Le 12 juillet 2013, l'employeur lui a précisé qu'aucun poste ne pouvait lui être proposé correspondant tant à son inaptitude qu'à ses attentes.

Cependant, faute de produire les registres d'entrées et de sorties du personnel, l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'il a satisfait à son obligation de recherche de reclassement. Par conséquent, il convient de réformer la décision entreprise et de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Tenant l'ancienneté de la salariée (16 ans et 6 mois), son âge au moment de la rupture du contrat (45 ans), son salaire mensuel (2.700 € bruts) et le fait qu'elle n'ait pas retrouvé un travail depuis, il y a lieu de lui allouer l'indemnisation suivante :

-8.190 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) ;

-819 € pour les congés payés afférents ;

-54.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes :

La remise de l'attestation Pôle Emploi et d'un bulletin rectificatif conforme au présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à la salariée à ce titre la somme de 2.000 €.

L'employeur qui succombe doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.

S'agissant d'un salarié de plus de deux ans d'ancienneté et d'une entreprise de plus de onze salariés, il y a lieu de faire application de l'article L 1235-4 du code du travail dans les conditions fixées au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande tendant à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le réforme pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,

Dit que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement du 30 juillet 2013 est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la SAS CSF FRANCE à payer à Mme [O] [O] les sommes suivantes :

-8.190 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-819 € pour les congés payés afférents ;

-54.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne la remise par la SAS CSF FRANCE à Mme [O] [O] de l'attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt.

Rejette toute demande contraire ou plus ample des parties.

Ordonne le remboursement par la SAS CSF FRANCE aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Mme [O] [O] dans la limite de six mois.

Dit que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.

Condamne la SAS CSF FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierPour le Président empêché

Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller ,

En ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/12210
Date de la décision : 29/07/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°14/12210 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-29;14.12210 ?
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