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21/07/2016 | FRANCE | N°13/18442

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 21 juillet 2016, 13/18442


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 21 JUILLET 2016



N° 2016/523













Rôle N° 13/18442







[T] [Z]



[D] [U]





C/



SCP [H] [V] & [S] [O]









































Grosse délivrée

le :

à :



- Me Paul LE GALL, avocat au barreau d'

AIX-EN-PROVENCE



- Me Jean-marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- MINISTERE PUBLIC











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 05 Septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2013L01398.





APPELANTS



Monsieur [T] [Z]

né le [Date naissance 1] 1967 à [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUILLET 2016

N° 2016/523

Rôle N° 13/18442

[T] [Z]

[D] [U]

C/

SCP [H] [V] & [S] [O]

Grosse délivrée

le :

à :

- Me Paul LE GALL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Jean-marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- MINISTERE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 05 Septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2013L01398.

APPELANTS

Monsieur [T] [Z]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Paul Le Gall, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [D] [U]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Paul Le Gall, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

LA SCP [H] [V] & [S] [N]

représentée par M. [H] [V]

ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ABRI 7

dont le siège social est [Adresse 3]

Cedex 1

représentée par Me Jean-Marie Jauffres, avocat au barreau d'Aix-en-Provence

assistée de Me Eric Semelaigne, avocat au barreau de Marseille,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Juin 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Hélène COMBES, Président

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2016 après prorogation du délibéré

L'affaire a été communiquée au ministère public

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2016,

Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Abri 7 exerçant l'activité de conception et de commercialisation d'abris de piscines et de jardins, immatriculée le 16 octobre 2008 et gérée par M. [D] [U], a été placée en redressement judiciaire par jugement du 8 décembre 2010 sur l'assignation de l'URSSAF puis en liquidation judiciaire par jugement du 27 janvier 2011.

Par exploit d'huissier en date du 18 avril 2013, la SCP [H] [V] & [S] [N] a fait assigner M. [D] [U] et Monsieur [T] [Z], directeur commercial de la société, à l'effet de les voir condamner au paiement de la somme de 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ainsi qu'à une mesure de faillite personnelle.

Le juge commissaire a rendu son rapport le 18 juin 2013.

Par jugement contradictoire du 5 septembre 2013, le tribunal de commerce de Marseille a :

- condamné conjointement et solidairement M. [D] [U] et Monsieur [T] [Z] à payer à la SCP [H] [V] & [S] [N], mandataire de justice de la SARL Abri 7 la somme de 250 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la SARL Abri 7 et la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcé à l'encontre de M. [D] [U] une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale pour une durée de 10 ans,

- prononcé à l'encontre de Monsieur [T] [Z] une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale pour une durée de 10 ans,

- ordonné la publicité légale et l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 18 septembre 2013, Messieurs [D] [U] et [T] [Z] ont relevé appel de la décision.

Par ordonnance du 11 avril 2014, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a prononcé l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement sur la condamnation au titre de la participation des dirigeants à l'insuffisance d'actif et a rejeté les autres demandes.

Par arrêt avant dire droit du 11 février 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné la réouverture des débats et invité la SCP [H] [V] & [S] [N] prise en la personne de Me [V] liquidateur de la SARL Abri 7 à :

- préciser l'état de la procédure de vérification du passif et le montant du passif admis notamment à titre privilégié,

- justifier le cas échéant du passif définitif de la société Abri 7 purgé de tout recours et de l'état des créances déposé et publié au Bodacc,

- formuler toutes observations sur les relations de la société Abri 7 avec d'autres sociétés gérées par Monsieur [Z] dont la société Archimède.

Dans leurs dernières conclusions du 7 juin 2016, M. [D] [U] et Monsieur [T] [Z] demandent à la cour :

- in limine litis, de déclarer la demande de la SCP [V] & [N] irrecevable,

- d'infirmer le jugement,

- de débouter la SCP [V] & [N] de leurs conclusions, fins, prétentions et la condamner à payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de Me Le Gall.

Ils invoquent le principe d'estoppel à l'appui de l'irrecevabilité soulevée.

Ils font valoir l'irrégularité de la procédure de vérification du passif eu égard à l'absence de convocation par lettre recommandée de M.[U] le 10 octobre 2011 et du non-respect des délais alors que cette vérification est impérative pour engager une action en comblement de l'insuffisance d'actif.

Ils soutiennent que la seconde vérification de passif, débutée le 18 février 2016, soit quatre ans plus tard après la fin du délai imparti, est nulle et à tout le moins inopposable.

Ils ajoutent qu'elle a été engagée postérieurement au jugement ayant condamné Messieurs [U] et [Z] et ne peut couvrir l'irrégularité.

Ils exposent que l'état des créances n'a été ni déposé ni publié au Bodacc.

Ils contestent l'insuffisance d'actif et affirment que l'essentiel des actifs matériels a été volé du fait de la non surveillance des locaux après la liquidation judiciaire et arguent d'un procès verbal de constat d'huissier en date du 31 janvier 2011 faisant apparaître la présence de six abris de piscine représentant une valeur totale de 180 000 euros alors que l'inventaire du 7 février 2011 ne mentionne qu'un abri de piscine évalué à 1 500 euros.

Ils relèvent, en outre, que le montant des créances à recouvrer s'élevait à plus de 400 000 euros et mettent en cause le liquidateur qui aurait pu recouvrer la somme qu'il réclame et qui a refusé de poursuivre en justice les litiges en cours.

Ils contestent avoir commis des fautes et rappellent que l'exercice 2009 a été bénéficiaire tandis que l'exercice 2010 n'était pas achevé au jour de l'ouverture du redressement judiciaire.

Ils expliquent que le montant des charges de la société Abri 7 était cohérent avec son activité et l'emploi de 10 salariés.

Ils ajoutent que la société était confrontée à une clientèle volatile et qu'elle a du faire face à des impayés et accorder des délais de règlement. 

Ils affirment que la comptabilité de la société Abri 7 a été tenue.

Dans ses dernières conclusions du 27 mai 2016, la SCP [H] [V] & [S] [N] prise en la personne de Me [V] liquidateur de la SARL Abri 7 demande à la cour :

- de déclarer recevable l'action en application des dispositions de l'article R 651-2 du code de commerce et rejeter la demande de nullité ;

- de confirmer le jugement entrepris sur la mesures d'interdiction de diriger, gérer, administrer contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale pendant une durée de 10 ans,

- de réformer partiellement le jugement et condamner M. [D] [U] et Monsieur [T] [Z] à payer la somme de 500 000 euros au titre de leur contribution à l'insuffisance d'actif,

- de condamner M. [D] [U] et Monsieur [T] [Z] à payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de Me Jauffres.

La SCP [H] [V] & [S] [N] expose que le gérant de droit, M.[U], a laissé la gestion et la direction de la société à son directeur commercial, M. [Z], lequel avait été antérieurement le gérant de droit de la société Archimède mise en liquidation judiciaire le 27 mai 2010.

Elle allègue de la réalisation d'actifs pour un montant de 35 112,39 euros alors que le passif vérifié s'élève à la somme de 654 893,22 euros.

Elle précise que M. [D] [U] et M.[T] [Z] n'ont pas répondu à la convocation en vue de la vérification du passif le 29 février 2016 et s'y sont même opposés alors qu'ils s'étaient soustrait à la première vérification du passif en 2011.

Elle indique que les dispositions des articles L. 621-1 et R. 624-1 du code de commerce n'imposent pas de convoquer le dirigeant par lettre recommandée avec accusé de réception et que la convocation du dirigeant n'est plus un préalable obligatoire de la procédure en responsabilité pour insuffisance d'actif depuis le décret 2009-160 du 12 février 2009.

Elle soutient avoir déposé l'état des créances au greffe.

Elle explique que les pièces nécessaires au recouvrement du compte clients n'ont jamais été remises au liquidateur malgré ses demandes et que les dirigeants ont communiqué le nom de six débiteurs pour un montant total de 6 626 euros, ajoutant que les clients étaient en réalité des créanciers compte tenu des décisions de justice rendues en leur faveur.

Elle invoque au titre des fautes de gestion notamment les faits suivants : endettement excessif de l'entreprise sans rapport avec ses capacités et avec son niveau d'activité, rémunération du personnel et charges sociales supérieure au chiffre d'affaires, fonds propres insuffisants, poursuite d'une activité sans reconstitution des fonds propres, moyens de financement insuffisants, non recouvrement du compte clients.

Elle soutient que Messieurs [U] et [Z] n'ont pas respecté les obligations comptables qui leur incombaient.

Le ministère public auquel le dossier de l'affaire a été communiqué a pris le 23 mai 2016 des conclusions régulièrement notifiées aux parties par voie de communication électronique dans lesquelles il déclare, sous réserve d'éventuels nouveaux éléments susceptibles d'être encore produits, demander l'application de la loi et s'en rapporte à la décision de la cour.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 08 juin 2016.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées ;

Attendu qu'avant d'examiner l'argumentation développée par les parties, il convient de faire le rappel chronologique suivant :

- le tribunal de commerce de Marseille a ouvert le redressement judiciaire de la SARL Abri 7 par décision du 8 décembre 2010, procédure convertie en liquidation judiciaire par décision du 27 janvier 2011 ;

- ce tribunal a été saisi d'une action en responsabilité à l'encontre de M. [U] et M. [Z] ès qualités de gérants de droit et de fait suivant assignation délivrée à la demande du mandataire judiciaire le 18 avril 2013 conformément à l'article R 651-2 du code de commerce; ;

- les défendeurs ont comparu en première instance et ont relevé appel de leur condamnation ;

- Après l'arrêt avant dire droit rendu le 11 février 2016, Maître [V] a convoqué Messieurs [U] et [Z] et a procédé à la vérification du passif ;

Que c'est donc à ce stade de la procédure que la cour doit statuer ;

Sur la recevabilité de la demande du mandataire judiciaire

Attendu que Messieurs [U] et [Z] invoquent in limine litis et avant toute défense au fond l'irrecevabilité de la demande en vertu du principe d 'estoppel ; qu'ils soutiennent que Me [V] ne peut, sans se contredire, alléguer que la procédure de vérification du passif était en cours avant l'arrêt du 11 février 2016 et justifier de cette vérification du passif avec des documents postérieurs à l'arrêt du 11 février 2016 ;

Attendu que le mandataire judiciaire conclut à la recevabilité de l'action ;

Attendu qu'au moment de la délivrance de l'acte introductif d'instance, l'action était recevable alors même que les opérations de vérification du passif n'étaient pas terminées ;

Que force est de constater qu'une seule procédure de vérification du passif a eu lieu, en l'occurrence postérieurement à l'arrêt du 11 février 2016 ;

Que l'argumentation du mandataire judiciaire ne contient aucune contradiction tandis que ses prétentions sont demeurées inchangées ;

 

Qu'en effet, l'actualisation de la situation au regard de la convocation aux fins de vérification du passif, adressée le 18 février 2016 aux dirigeants lesquels n'ont pas déféré, ne génère aucune contradiction rendant applicable le principe d'Estoppel qui n'est pas utilement invoqué ;

Que la demande du mandataire judiciaire est recevable ;

Sur la nullité du jugement

Attendu que la vérification du passif n'a pas été faite en 2011 ;

 

Que dès lors, les appelants soutiennent en vain que M. [U] n'ayant pas été valablement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception le 10 octbre 2011, le jugement encourt la nullité ;

Que toute la discussion sur l'absence de convocation du dirigeant de droit en 2011 aux fins de vérification du passif est superfétatoire alors que cette vérification du passif a été effectuée en 2016 après que les dirigeants aient été dûment convoquées (cf lettres du 18 février 2016 et réponse du 25 février 2016) ;

Qu'à l'appui de leur demande de nulité, les appelants ne peuvent davantage arguer de l'absence de vérification du passif avant ou pendant l'instance devant le tribunal de commerce de Marseille saisi régulièrement d'une action recevable ;

Qu'aucune nullité du jugement n'est encourue ;

 

Sur le fond

Sur l'action en paiement au titre de l'insuffisance d'actif

Attendu qu'aux termes de l'article L 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables ;

Que l'action est ainsi subordonnée à la démonstration de l'existence de fautes de gestion et de la contribution de ces fautes à l'insuffisance d'actif laquelle doit être établie et certaine au moment où la juridiction statue ;

Sur l'insuffisance d'actif

Attendu que l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce le 31 mai 2016 et signé par le juge commissaire fait ressortir un passif de 654 893,22 euros réparti de la manière suivante :

- superprivilège échu : 32 338,18 euros 

- privilège échu : 207 666,37 euros 

- chirographaire échu : 392 273,73 euros

- à échoir : 22 614,94 euros 

Que le détail des créances et l'accord sur les décisions d'admission figurent sur les tableaux récapitulatifs joints ;

Que la cour dispose de données certaines sur l'état du passif dont le montant échu est élevé ;

Attendu que le rapport établi le 3 janvier 2011 par M. [H], commissaire priseur, met en évidence un inventaire des actifs dont la valeur d'exploitation est de 42 830 euros et la valeur de réalisation de 16 710 euros ;

Que les appelants contestent l'insuffisance d'actif ; qu'ils affirment que l'essentiel des actifs a été volé du fait de la non surveillance des locaux après la liquidation judiciaire et se prévalent d'un procès verbal de constat d'huissier en date du 31 janvier 2011 faisant apparaître la présence de six abris de piscine représentant une valeur totale de 180 000 euros alors que l'inventaire du 7 février 2011 ne mentionne qu'un abri de piscine évalué à 1 500 euros ;

Attendu que le procès-verbal de constat d'huissier du 31 janvier 2011 établi à la requête de M.[Z] mentionne la présence de matériels correspondant aux commandes [Y], [I], [B], [Q], [M] et d'un abri d'exposition ; qu'il précise que les matériels sont prêts à être expédiés aux clients selon les déclarations de M. [Z] ;

Que l'inventaire réalisé le 7 février 2011 par Me [H] fait ressortir des actifs dont la valeur d'exploitation est de 23 880 euros et la valeur de réalisation de 13 560 euros  ;

Que les vols allégués ne sont pas étayés ; que la livraison d'abris « prêts à être expédié aux clients » selon les indications recueillies par l'huissier est de nature à expliquer la présence d'un seul abri ;

Que Messieurs [U] et M.[Z] affirment, par ailleurs, que le montant des créances à recouvrer s'élevait à plus de 400 000 euros et mettent en cause le liquidateur qui aurait pu recouvrer la somme qu'il réclame et qui a refusé de poursuivre en justice les litiges en cours ; qu'ils invoquent les difficultés de la société pour obtenir le paiement des factures ;

Que la SCP [V] & [N] indique que les pièces nécessaires au recouvrement du compte clients n'ont jamais été remises au liquidateur malgré ses demandes et que les dirigeants ont communiqué le nom de six débiteurs pour un montant total de 6 626 euros, ajoutant que les clients étaient en réalité des créanciers compte tenu des décisions de justice rendues en leur faveur ;

Que ses dires sont corroborés par la copie des courriers expédiés au mois de février 2011 à six clients (M. [W], la SCI le Clos Pigonnet, Monsieur [X], Messieurs [T], [R], [P], [S]) et des réclamations en retour qui lui ont été adressées ;

Que dans ces conditions, le compte clients ne pouvait constituer un actif fiable eu égard au nombre restreint des créances, aux contestations et incertitudes qui les caractérisaient ;

Que l'insuffisance d'actif de la société Abri 7 est avérée ;

Sur les fautes de gestion

Attendu que la SCP [V] & [N] expose que le gérant de droit, M.[U], a laissé la gestion et la direction de la société à son directeur commercial, M. [Z], lequel avait été antérieurement le gérant de droit de la société Archimède mise en liquidation judiciaire le 27 mai 2010 ;

Attendu que le rapport établi le 21 janvier 2011 par Me [A], désigné en qualité d'administrateur judiciaire, indique qu'il n'a jamais rencontré le dirigeant de droit qui n'est jamais intervenu dans la gestion de la société Abri 7 ; qu'il relate un entretien avec M. [C], comptable, et M. [Z] faisant ressortir que ce dernier assure de fait les fonctions de dirigeant social dans la mesure où il gère la partie commerciale de l'activité, la partie recherche et développement (conception de nouveaux abris) et la partie communication (foire et publicité) ;

Qu'il précise que M. [Z] a été le dirigeant social d'une société Eden Industrie mise en liquidation judiciaire le 26 juin 2008 ;

Qu'il ajoute que M.[U] lui a adressé un courrier dans les termes suivants « M. [Z] a toute ma confiance concernant la bonne marche de l'entreprise. C'est ainsi que je le délègue à me représenter dans certaines affaires commerciales et administratives où il excelle avec ses compétences. Mon engagement auprès d'une autre société en tant qu'employé grève ma totale disponibilité pour Abri 7 »

Que le jugement du 27 janvier 2011 prononçant la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire relève l'absence de M.[U] à tous les stades de la procédure ;

Que la qualité de gérant de fait de M.[Z] est ainsi acquise et au demeurant non contestée ;

Attendu que le liquidateur de la SARL Abri 7 invoque au titre des fautes de gestion notamment les faits suivants : endettement excessif de l'entreprise sans rapport avec ses capacités et avec son niveau d'activité, rémunération du personnel et charges sociales supérieure au chiffre d'affaires, fonds propres insuffisants, poursuite d'une activité sans reconstitution des fonds propres, moyens de financement insuffisants, non recouvrement du compte clients ;

Attendu que M.[U] et M.[Z] répliquent que l'exercice 2009 a été bénéficiaire et que l'exercice 2010 n'était pas achevé au jour de l'ouverture du redressement judiciaire ; qu'ils expliquent le montant des salaires des charges sociales par l'emploi de 10 salariés nécessaires à l'activité de la société Abri 7 ;

Attendu qu'il convient de rappeler que seules les fautes de gestion antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective soit le 08 décembre 2010 peuvent être prises en considération ;

Attendu que les documents comptables pour l'année 2009 font ressortir des dettes à hauteur de 727 230 euros dont 456 056 euros enregistrées « autres dettes » ;

Que par ailleurs, il n'est pas démontré que le recouvrement du compte clients qui représentait un montant de 364 714 euros concernant l'exercice 2009 a été poursuivi en 2010 par les dirigeants ; que ceux-ci ne fournissent aucun élément sur les relances effectuées ; que Me [V] a écrit le 17 février 2011 au conseil des appelants pour indiquer que M.[Z] n'avait pas signalé d'instance dans laquelle la société Abri 7 serait en demande de recouvrement d'une créance ;

Que l'administrateur judiciaire indique dans son rapport du 21 janvier 2011 que la SARL Abri 7 n'a fait aucune déclaration sociale au titre de l'exercice 2010 expliquée par M. [Z] et M.[C] par l'absence de trésorerie nécessaire pour faire face aux paiements ; que la procédure colllective a été ouverte sur l'assignation de l'URSSAF ;

Que Me [A] mentionne l'absence d'assurance au titre de l'activité de la société et la trésorerie d'environ 2 475 euros au crédit d'un compte ouvert dans les livres de la BPPC ;

Que le tribunal de commerce relève, à juste titre, le rôle des dirigeants dans l'endettement excessif de la société, la non reconstitution des fonds propres pour pallier aux besoins de fond de roulement, le compte client au recouvrement douteux, les problèmes d'assurance ;

Que le désintérêt et l'inertie de M.[U] ainsi la mauvaise gestion de M.[Z] constituent autant de fautes ayant contribué à l'insuffisance d'actif ;

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur le montant de la condamnation solidaire prononcée à l'encontre des dirigeants à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 250 000 euros et de débouter, en conséquence, la SCP [H] [V] et [S] [N] de sa demande pour un montant supérieur ;

Sur l'interdiction de gérer

Attendu que le tribunal de commerce a retenu l'absence de remise d'éléments comptables conformes aux normes légales à Me [V] ; que ce dernier maintient en cause d'appel que M.[U] et M.[Z] n'ont pas respecté leurs obligations comptables ce qui est contesté par les appelants ;

Attendu que le prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer suppose la commission par le dirigeant de l'une des fautes énumérées par les articles L 653 - 4 et L 653 - 5 du code de commerce ;

Attendu que les commerçants personnes physiques et les personnes morales sont assujettis à un ensemble d'obligations comptables ;

Que si le défaut de remise de la comptabilité au mandataire judiciaire n'est pas un fait de nature à justifier le prononcé d'une faillite personnelle ou une interdiction de gérer, il appartient au dirigeant de démontrer l'état de la comptabilité qu'il a tenue ;

Qu'en l'espèce, Messieurs [U] et [Z] se contentent de produire quelques documents concernant l'exercice 2010 (compte de résultat du 8 décembre 2010 au 31 décembre 2010 documents intitulés « balance clients, fournisseurs, balance générale » non certifiés) qui confirment le caractère manifestement incomplet de la comptabilité tenue ;

Que les faits prévus par l'article L 653-5 6° du code de commerce étant établis, il convient de confirmer le jugement sur l'interdiction de gérer prononcée à l'encontre des dirigeants ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'aucune considération d'équité ne commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;

Condamne M. [D] [U] et M. [T] [Z] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/18442
Date de la décision : 21/07/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°13/18442 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-21;13.18442 ?
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