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11/07/2016 | FRANCE | N°15/00314

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 11 juillet 2016, 15/00314


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 11 JUILLET 2016



N°2016/449

CB













Rôle N° 15/00314







SAS BRISACH

[S] [K]

[E] [T]





C/



[O] [X]



AGS CGEA DE [Localité 1]



















Grosse délivrée le :

11/07/2016

à :



Me Laurent BELJEAN, avocat au barreau de LYON



Me Yves LE

MAUT, avocat au barreau de NICE



Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON



Maître [S] [K]



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le : 11/07/2016





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section C - en date du 15 Janvi...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 11 JUILLET 2016

N°2016/449

CB

Rôle N° 15/00314

SAS BRISACH

[S] [K]

[E] [T]

C/

[O] [X]

AGS CGEA DE [Localité 1]

Grosse délivrée le :

11/07/2016

à :

Me Laurent BELJEAN, avocat au barreau de LYON

Me Yves LE MAUT, avocat au barreau de NICE

Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON

Maître [S] [K]

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le : 11/07/2016

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section C - en date du 15 Janvier 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/13.

APPELANTS

SAS BRISACH, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurent BELJEAN, avocat au barreau de LYON (SCP FROMONT - BRIENS & ASSOCIES [Adresse 2]) substitué par Me Xavier VINCENT, avocat au barreau de LYON

Maître [S] [K], mandataire judiciaire de la Société BRISACH, demeurant [Adresse 3]

non comparant

Maître [T] [E], administrateur judiciaire de la Société BRISACH, demeurant [Adresse 4]

non comparant, ayant constitué Me Yves LE MAUT, avocat au barreau de NICE , absent

INTIMEE

Madame [O] [X], demeurant [Adresse 5]

comparante en personne, assistée de Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de [Localité 1]

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

AGS CGEA DE [Localité 1], demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Josette PIQUET, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Chantal BARON, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2016

Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement du conseil des prud'hommes de [Localité 2] du 15 janvier 2015, notifié aux parties le 19 janvier 2015, la juridiction a jugé que n'était pas fondé sur un motif économique le licenciement, prononcé par lettre du 12 novembre 2013 par son employeur, la SAS Brisach, à l'encontre de [O] [X], qui exerçait dans l'entreprise, par contrat à durée indéterminée conclu le 12 septembre 1989, et pour une rémunération mensuelle brute de 2301,55 euros, les fonctions d'assistante de gestion commerciale.

La juridiction a accueilli la demande en paiement formée par [O] [X] en lui accordant les sommes de 55.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement infondé, et 750 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée du surplus de sa demande.

Par acte du 29 janvier 2015, dans le délai légal et par déclaration régulière en la forme, la SAS Brisach a régulièrement relevé appel général de la décision.

Par jugement du 2 mai 2016 du tribunal de commerce de Fréjus, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la SAS Brisach, Maître [T] étant désigné en qualité d'administrateur, et Maître [K] en qualité de mandataire judiciaire.

Soutenant,

par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions :

' que la SAS Brisach fabriquait des cheminées en pierre, alors que ce marché était en baisse au profit de la commercialisation de poêles ou de cheminées cadre métal, son chiffre d'affaires comme son bénéfice n'ayant cessé de diminuer entre 2007 et 2011,

' que le licenciement est donc bien fondé sur le motif économique de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, le déclin du marché de la cheminée entraînant une baisse importante de la logistique et de l'animation commerciale, baisse accrue par les évolutions informatiques permettant aux concessionnaires de saisir directement les commandes, tout cela dans un contexte de concurrence agressive, de baisse de la marge opérationnelle (nettement diminuée sur les ventes de poêles) et tous ces facteurs rendant indispensable une restructuration de l'entreprise et donc une réduction des effectifs du service administration des ventes, par le licenciement de cinq salariés, dont [O] [X],

' qu'il ne saurait être soutenu, comme le fait [O] [X], que son poste n'a pas été supprimé, alors que les deux salariées embauchées l'ont été plus d'une année avant la rupture du contrat, d'ailleurs sur de nouveaux emplois d'une nature différente, s'agissant d'emplois de commerciales sédentaires, et non d'assistante administrative,

' qu'ont été proposés à [O] [X] plusieurs postes de reclassement, parmi lesquels elle a accepté celui de chef de service secteur menuiserie, niveau V échelon III, poste auquel elle a été déclarée apte, avec une réserve concernant le port de charges lourdes, par le médecin du travail, dans le cadre d'une visite de reprise après un arrêt de travail,

' que [O] [X] a pris ce poste le 21 octobre 2013 ; qu'elle s'est immédiatement révélée comme n'ayant pas les compétences nécessaires et a donc été, après un entretien préalable tenu le 29 octobre 2013, licenciée par lettre du 12 novembre 2013 pour motif économique ; qu'il ne saurait être reproché à l'employeur de n'avoir pas assuré, non pas une formation d'adaptation, mais l'acquisition d'une qualification complètement nouvelle,

' qu'elle a donc accepté, le 16 novembre 2013, le contrat de sécurisation professionnelle qui lui était proposé et a perçu une somme de 15'828,65 euros à titre d'indemnité de licenciement,

' que l'offre d'emploi dont elle avait été informée, chez l'un des concessionnaires du groupe, par lettre du 17 septembre 2013, ne pouvait, le concessionnaire étant juridiquement indépendant du groupe Brisach, constituer une offre de reclassement au sens juridique du terme, et qu'il ne saurait être par conséquent reproché à l'employeur de n'avoir pas communiqué suffisamment d'éléments sur cette offre, transmise à titre de simple information,

' qu'aucun autre salarié licencié en même temps que la salariée n'appartenait à sa catégorie professionnelle (assistante gestion commerciale), de sorte qu'il n'y avait pas lieu à mise en application de critères d'ordre de licenciement,

' que la demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral n'est fondée sur aucun élément, [O] [X] n'ayant jamais eu d'attribution commerciale et ses attributions n'ayant jamais évolué, alors que son activité diminuait du fait de l'évolution économique de l'entreprise ; que le fait que celle-ci ait été privée de son bureau, le 25 octobre 2013, se justifie par l'absence de solution de reclassement, déjà entérinée à cette date,

' que, s'il est exact qu'une somme de 25,62 euros représentant un rappel de primes d'ancienneté pour le mois d'octobre 2013 est bien dû à la salariée, cette somme doit se compenser avec un trop-perçu sur la même prime de 46,26 euros, de sorte que la salariée lui est redevable de la différence, soit 20,64 euros,

l'employeur demande à la Cour d'infirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions, subsidiairement, de diminuer les dommages-intérêts alloués, de débouter [O] [X] de toutes ses demandes en paiement et de lui allouer en définitive le paiement de la somme de 3500 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Répliquant,

par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions :

' que la réalité des difficultés économiques alléguées par l'employeur n'est pas démontrée par les pièces comptables produites aux débats,

' qu'en décembre 2012, la SAS Brisach a embauché deux commerciaux sédentaires aux fins de réaliser les tâches précédemment attribuées à [O] [X], son poste n'ayant ainsi nullement été supprimé, puisqu'elle exerçait précisément des attributions commerciales, et non seulement administratives ; qu'il ne saurait davantage être soutenu que les concessionnaires saisissaient eux-mêmes leurs commandes ; que la salariée aurait dû être affectée au service après-vente, à la place de la standardiste, elle-même remplacée par une plate-forme téléphonique,

' que la SAS Brisach n'a pas rempli son obligation de recherche de reclassement, en lui refusant toute formation à son nouveau poste de travail de chef de service menuiserie, s'agissant d'un poste administratif, et non technique,

' que l'employeur n'a pas davantage respecté les critères d'ordre de licenciement, alors que la salariée avait plus de 24 ans d'ancienneté,

' que la modification et la suppression de ses fonctions, qui ont été attribuées à deux autres salariées à compter du 14 décembre 2012, la suppression de sa ligne directe, l'attribution de son bureau à un autre salarié le 25 octobre, alors que l'entretien préalable au licenciement n'avait pas encore eu lieu, constituent des agissements s'analysant en harcèlement moral,

' qu'enfin lui est dû un rappel sur sa prime d'ancienneté du mois d'octobre 2013, à hauteur de 25,62 euros,

la salariée demande à la Cour de confirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions et de lui allouer en définitive paiement des sommes de :

-82'836 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-25'738 euros au titre de dommages-intérêts pour harcèlement,

-4688,66 euros à titre d'indemnité de préavis,

-468,87 euros à titre de rappel de congés payés sur préavis,

-25,62 euros à titre de primes,

outre 4000 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Le [Adresse 7] ( C.G.E.A.) de [Localité 1], Délégation régionale UNEDIC - AGS SUD - EST, en sa qualité de gestionnaire de l'Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés (AGS), conclut à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a accueilli les demandes de la salariée et, subsidiairement, à la réduction des dommages-intérêts alloués ; demande à la Cour de de prononcer sa mise hors de cause pour les demandes aux titres des frais irrépétibles, astreinte, cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité ; de dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253 ' 6 à 8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253 ' 15 et L3253 ' 17 dudit code ; enfin, de dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 12 novembre 2013 indique en substance que la société, spécialisée dans la vente de cheminées en pierre, connaît une baisse récurrente et très importante de ses commandes, en raison des aides fiscales attribuées aux particuliers pour l'achat de poêles ; que, si, à compter de 2009, elle a tenté d'évoluer pour proposer à la clientèle des cheminées avec cadre métal, elle n'a pu mettre en place une activité de fabrication de poêles, et a donc dû recourir à des fabricants externes pour pouvoir proposer ce type de produit, diminuant ainsi considérablement sa marge bénéficiaire, par rapport à des produits fabriqués par l'entreprise ; qu'elle a dû en outre, compte tenu de cette évolution de l'activité, étoffer ses services achats, logistique, recherche et développement, et qualité, en faisant appel à des intermédiaires, et donc augmenter ses charges ; ainsi que financer, de façon très coûteuse, les pertes de sa filiale BVH, spécialisée dans la fabrication des cheminées ; et que ces réformes ont été apportées dans un but de compétitivité et d'adaptation au marché en mutation totale depuis cinq ans.

La lettre conclut : « Dans ce contexte, et afin de sauvegarder la compétitivité économique de l'entreprise par la préservation d'une marge suffisante, nous n'avons d'autre choix que de procéder à une restructuration, ramenant ainsi les charges de personnel à un niveau en rapport avec le volume d'activité, de façon à adapter l'évolution des charges à celle de son chiffre d'affaires. Cette restructuration emporte malheureusement la suppression de votre poste d'assistante gestion commerciale. »

En droit, l'article L 1233 ' 3 du code du travail dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Constitue encore un licenciement économique le licenciement décidé en raison d'une réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

L'article L 1233 ' 16 du code du travail dispose que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Il revient à la Cour d'apprécier, au vu notamment des pièces comptables de l'entreprise, l'existence des difficultés économiques qu'allègue l'employeur, dont celui-ci ne peut se borner à affirmer l'existence, ou de la nécessité de restructuration de l'entreprise pour en sauvegarder la compétitivité.

En l'espèce, il ressort de l'examen attentif des bilans de la SAS Brisach, produits aux débats pour toute la période comprise entre le 31 décembre 2008 et le 31 décembre 2013, que la situation de l'entreprise s'est considérablement aggravée, notamment entre 2011 et 2013. En effet, l'endettement financier de l'entreprise est passé de 763'013 € en 2011, à 1'610'179 € en 2012, puis à 2'207'034 € en 2013. Dans le même temps, le résultat de l'exercice est passé de 789'185 € en 2011, à 1'276'818 €en 2012, pour accuser une perte très importante de 9'665'519 €en 2013. Si l'actif immobilisé de l'entreprise est resté à peu près stable, passant de 8'648'452 € en 2011 à 9'016'778 € en 2012, et à 9'786'485 € en 2013, il ressort que, pour cette dernière année, le rapport entre l'actif immobilisé et les capitaux propres diminués du résultat de l'exercice est extrêmement défavorable à l'entreprise, les capitaux propres, qui représentaient en 2011 la somme de 11'485'506 € étant passés à 12'762'324 € en 2012 , pour ne plus représenter que 3'096'805 € en 2013.

La SAS Brisach produit en outre le bilan de la société BVH, autre société du groupe dont l'activité est exclusivement la fabrication de cheminées en pierre, qui fait apparaître un résultat négatif, pour l'année 2011, de 3'035'808 €, et, pour l'année 2012, de 3'568'232 €, les capitaux propres, absorbés par les pertes, présentant un montant négatif.

Ces résultats s'expliquent d'ailleurs très logiquement par l'évolution du marché de la cheminée en pierre tel qu'exposé ci-dessus. Il s'ensuit à l'évidence que le licenciement de [O] [X], et, en même temps qu'elle, de huit autres salariés, à raison de quatre en 2012 et quatre en 2013, est motivé à bon droit par l'employeur par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, dans le seul but de diminuer les charges salariales de l'entreprise et revenir ainsi à meilleure fortune.

La demande en paiement de dommages-intérêts pour défaut de justification par l'employeur du motif économique du licenciement sera donc rejetée.

Sur le respect de l'obligation de recherche de reclassement

En droit, la validité du licenciement économique est subordonnée à l'impossibilité de reclasser l'intéressé. Le licenciement économique ne peut en effet intervenir que si tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et si son reclassement dans l'entreprise est impossible. La recherche s'effectue en priorité dans le cadre de l'entreprise, y compris dans ses établissements situés dans d'autres régions ou au sein de l'unité économique à laquelle elle appartient. S'il n'existe aucune possibilité de reclassement, dans une entreprise qui appartient à un groupe, l'employeur doit étendre sa recherche à toutes les entreprises de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, même n'appartenant pas au même secteur d'activité. La recherche de reclassement doit être effective et sérieuse.

Par ailleurs, le poste doit être compatible avec les compétences du salarié. Si l'employeur doit adapter celui-ci à ses nouvelles fonctions, cette obligation est limitée aux formations complémentaires, simples et de courte durée, permettant à l'intéressé d'être rapidement opérationnel. Elle n'impose pas la délivrance d'une formation longue et qualifiante.

En l'espèce, il est constant que n'étaient disponibles, au sein du groupe, que quatre postes, dont un poste de chef de service secteur menuiserie ; un poste d'ouvrier polyvalent secteur Réfractaire ; un poste d'opérateur secteur Réfractaire, et un poste de préparateur de commandes secteur Expédition Préparations. [O] [X] a accepté le poste de chef de service secteur menuiserie, par courrier du 10 septembre 2013.

[O] [X] a accepté le premier de ces postes, sans avoir, selon l'employeur qui lui a fait procéder à un essai d'une matinée, les compétences nécessaires. Elle soutient cependant d'une part qu'elle n'a pas bénéficié de la formation nécessaire ; d'autre part que le poste était à caractère administratif et non technique ; de troisième part que ce poste, s'il était technique, n'aurait pas dû lui être proposé.

Sur ce dernier point, il ne saurait être reproché à l'entreprise d'avoir communiqué à la salariée, à titre d'information, l'existence de tous les postes disponibles dans l'entreprise au jour du licenciement, même ceux auxquels son ancien métier ne la rendait pas, a priori, apte. Une telle information ne constitue pas en effet une faute de l'employeur, qui ne pouvait deviner ou décider a priori des compétences de la salariée à reclasser. Il ne saurait davantage lui être reproché d'avoir mis la salariée en situation d'exercice de l'emploi, pour juger de ses compétences, et de la nécessité d'une éventuelle formation complémentaire, une telle précaution s'avérant parfaitement bienvenue, compte tenu de la nature du poste, ainsi qu'il sera exposé ci-dessous, et ne constituant pas accord des parties valant embauche au nouveau poste.

La fiche de poste fait apparaître par ailleurs le caractère technique de l'emploi, en mentionnant notamment :

« Les principales missions dudit poste sont :

' le process

établir les modes opératoires des produits à fabriquer et les mettre en 'uvre lui-même ou les affecter à son équipe

appliquer ou faire appliquer les procédures existantes (')

' l'organisation

planifier et coordonner les différentes phases de production de la menuiserie à partir des données de la GPAO (gestion de la production assistée par ordinateur)

suivre ses productions en termes de délais et de qualité

provoquer des évolutions dans son secteur en fonction d'événements extérieurs (nouveaux produits, évolution des process)»

Il ne saurait être soutenu par conséquent, au vu de ce document produit par la salariée elle-même, qui fait apparaître le contenu extrêmement technique du poste, qu'une simple formation complémentaire à son expérience antérieure d'assistante de gestion aurait suffi à la mettre au niveau de son nouvel emploi.

[O] [X] ne saurait enfin soutenir qu'il ne lui a pas été fourni d'informations suffisantes sur un autre poste, proposé par courrier du 17 septembre 2013, à [Localité 3] dans les Alpes-Maritimes. Ce courrier précise en effet les coordonnées de la société proposant le poste, ses caractéristiques de contrat à durée indéterminée à temps plein, les avantages contractuels (téléphone et voiture de service) et le lieu de travail, la rémunération étant évidemment à négocier avec le futur employeur. Cette société étant un concessionnaire qui n'a pas de lien juridique avec l'employeur, mais uniquement des liens commerciaux, la SAS Brisach ne saurait se voir reprocher d'avoir proposé une offre de reclassement incomplète, s'agissant uniquement d'une information sur une possibilité qui s'offrait à la salariée.

Il convient donc encore de débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de recherche de reclassement.

Sur le respect des critères d'ordre de licenciement

En droit, il résulte de l'article L 1233 ' 5 que, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel. Ces critères prennent notamment en compte :

1) les charges de famille, en particulier celle des parents isolés,

2) l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise

3) la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celles des personnes handicapées et des salariés âgés,

4) les qualités professionnelles appréciées par catégories.

L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article.

L'article 1233 ' 7 dispose également que, lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l'article 1233 ' 5.

Les critères sont appliqués à l'ensemble des salariés appartenant à la catégorie professionnelle dont relèvent les emplois supprimés. La notion de catégorie professionnelle ne se réduit pas à un emploi déterminé, mais vise l'ensemble des salariés exerçant dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, quel que soit leur domaine d'intervention.

Le non-respect des règles relatives à l'ordre des licenciements ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse. Il s'ensuit que le salarié ne peut prétendre aux indemnités minimales prévues par les textes en cas de licenciement infondé. En revanche, ce non-respect constitue une illégalité causant au salarié un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi. Ce préjudice est évalué souverainement par les juges du fond et doit être intégralement réparé par une indemnité qui ne peut être symbolique mais n'est pas cumulable avec celle allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la SAS Brisach soutient que [O] [X] était la seule salariée de sa catégorie professionnelle, à savoir assistante de gestion commerciale, à être concernée par une mesure de licenciement et que les deux autres salariées précédemment engagées, Madame [S] et Madame [R], avaient des compétences et des qualifications totalement différentes, s'agissant de "commerciales sédentaires".

Il résulte effectivement de l'attestation du directeur du développement (attestation [C]) que l'évolution du service était destinée à mettre en place des fonctions de prospection et de développement commercial pour « être en relation permanente avec les clients, développer les ventes, promouvoir les nouveaux produits et surtout cesser le traitement administratif des commandes (celles-ci étant saisies par les clients eux-mêmes), mettre en place des promotions et des argumentaires de vente sur les nouveaux produits, proposer des actions commerciales aux clients pour doper les ventes' », toutes tâches de prospection et de techniques de vente, très différentes de celles, purement administratives de saisie des commandes et de secrétariat qu'accomplissait la salariée.

Il convient par conséquent là encore de débouter la salariée de la demande présentée sur ce fondement.

Sur la demande en paiement de somme au titre du harcèlement

[O] [X] soutient que la modification et la suppression de ses fonctions, par leur attribution à deux autres salariées à compter du 14 décembre 2012, la suppression de sa ligne directe, l'attribution de son bureau à un autre salarié le 25 octobre, alors que l'entretien préalable au licenciement n'avait pas encore eu lieu, constituent des agissements s'analysant en harcèlement moral.

Cependant, ainsi qu'exposé ci-dessus, la salariée n'a nullement été privée de ses fonctions, les activités du service ayant été réorientées vers des tâches commerciales, et non plus administratives. L'attribution de son bureau à un autre salarié, et la suppression de sa ligne directe, alors que, le 25 octobre, elle avait accepté le principe d'une offre de reclassement faite par l'employeur, ne saurait non plus constituer harcèlement.

[O] [X] n'établissant la réalité d'aucun agissement de l'employeur susceptible de s'analyser en harcèlement, il convient là encore de la débouter de sa demande.

Sur la demande en paiement de primes

[O] [X] sollicite à ce titre paiement de la somme de 25,62 euros à titre de rappel de la prime d'ancienneté du mois d'octobre 2013, pour lequel lui a été versée une somme de 100,64 euros, au lieu de 126,16 euros. L'employeur réplique que, en novembre 2013, la prime d'ancienneté a été calculée sur le mois entier, alors que la salariée avait quitté l'entreprise le 19 novembre 2013, ce que celle-ci ne conteste pas, de sorte qu'il apparaît un trop-perçu de 79,90 euros, à compenser avec la somme précitée.

Aucune disposition contractuelle ou conventionnelle ne prévoit cependant le paiement par quantième du mois de la prime d'ancienneté, qui s'acquiert mois par mois. Il convient donc de débouter la SAS Brisach de sa demande en remboursement, et d'accorder à la salariée la somme qu'elle sollicite de 25,62 euros.

Sur les autres demandes

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu de la situation respective des parties, de laisser à la charge de chacune d'elle la totalité des frais irrépétibles engagés pour la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Réforme le jugement déféré et, statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension,

Dit qu'était fondé sur le motif économique de la sauvegarde de la compétitivité, le licenciement de [O] [X], prononcé par lettre du 12 novembre 2013,

Fixe la créance de [O] [X] dans le redressement judiciaire de la SAS Brisach à la somme de 25,62 euros à titre de rappel de primes d'ancienneté,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Déclare le présent arrêt opposable au [Adresse 7] (C.G.E.A.) et dit que celui-ci devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253 ' 6 à 8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253 ' 15 et L3253 ' 17 dudit code, sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, 

Rappelle que le cours des intérêts sur les créances fixées est arrêté à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective,

Dit que les entiers dépens de la procédure seront passés en frais privilégiés de la procédure collective.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 15/00314
Date de la décision : 11/07/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°15/00314 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-11;15.00314 ?
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