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30/06/2016 | FRANCE | N°15/01049

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 30 juin 2016, 15/01049


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2016



N° 2016/538

GP











Rôle N° 15/01049





Société SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL





C/



[O] [T]

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Philippe DANESI, avocat au barreau de PARIS



Me Clémence BARBIER, avoc

at au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section C - en date du 15 Décembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 14/191.







APPELANTE



Société S...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2016

N° 2016/538

GP

Rôle N° 15/01049

Société SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL

C/

[O] [T]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Philippe DANESI, avocat au barreau de PARIS

Me Clémence BARBIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section C - en date du 15 Décembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 14/191.

APPELANTE

Société SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe DANESI, avocat au barreau de PARIS

([Adresse 2])

substitué par Me Stéphanie SCHINDLER, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [O] [T], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Clémence BARBIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Amandine ORDINES FENOGLIO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Mai 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2016.

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [O] [T] a été embauché en qualité de coursier le 8 janvier 2007 par la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX).

Au mois de mai 2013, l'agence de [Localité 1] a connu une grève de l'ensemble du personnel coursier protestant contre leurs conditions de travail.

La SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) a mis en place une cellule psychologique après la tentative de suicide d'une salariée. C'est dans ce contexte que Monsieur [O] [T] a été entendu par Monsieur [M], psychologue, le 16 juillet 2013 et qu'il a tenu des propos ensuite sanctionnés.

Par courrier du 18 juillet 2013, Monsieur [O] [T] a été convoqué à un entretien préalable pour le 30 juillet à une mesure de licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire, puis il a été licencié pour faute grave le 2 août 2013 en ces termes, exactement reproduits :

« Au cours de cet entretien, nous avons recueilli vos explications sur votre comportement, le non respect des procédures, ainsi que les menaces répétées que vous avez proférées à l'encontre de votre encadrement.

Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier.

Ainsi que nous vous l'avons expliqué lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

-Non respect des procédures internes

-Non respect des instructions données par votre hiérarchie et comportements inappropriés à son égard

-Menaces de mort répétées à l'encontre de votre encadrement.

Sur le non respect des procédures internes :

En votre qualité de coursier, il vous appartient de connaître et de respecter les procédures internes en place, notamment au moment du chargement de votre camion.

Ainsi, vous devez annoncer à votre manager le nombre de colis chargés dans le camion.

Or, le 10 juillet 2013, aux alentours de 09h05 vous avez faussement annoncé à votre manager une capacité (nombre de colis chargés dans le camion) à 18, alors que vous n'en aviez réellement pris que 16.

Le 11 juillet 2013, vous n'avez à nouveau pas respecté votre obligation d'annoncer votre capacité à votre manager et avez quitté la station sans l'informer de celle-ci.

Lors de l'entretien, vous avez d'ailleurs reconnu les faits.

Compte-tenu de votre ancienneté et de votre expérience dans le poste, vous ne pouvez ignorer que le fait d'annoncer une fausse capacité a des conséquences préjudiciables et nuit au bon déroulement des opérations.

Sur le non respect des instructions données par votre hiérarchie et comportement inapproprié à son égard

En votre qualité de salarié de l'entreprise, il vous appartient exécuter loyalement votre contrat de travail. Dans ces conditions vous vous devez d'exécuter les instructions de votre hiérarchie entrant dans le cadre de vos fonctions.

Or, le même jour, vous avez refusé de prendre des colis supplémentaires malgré les instructions de votre manager et ce alors même que votre capacité le permettait et qui était parfaitement justifié eu égard à votre départ en livraison une heure plus tôt.

Par ailleurs, nous vous rappelons que l'article 28 du Règlement intérieur précise : « Tout salarié doit respecter les procédures de travail en vigueur dans l'entreprise pour chacune de ces activités et obéir aux instructions données ».

Enfin, le 12 juillet 2013, vous avez refusé de présenter votre permis de conduire valide à votre manager, et ce alors même que celui-ci était nécessaire pour procéder à la demande d'accréditation indispensable pour entrer sur la zone de l'aéroport [Localité 2].

Ce refus est d'autant plus inacceptable que l'entreprise a une obligation de contrôle des permis de conduire des salariés afin de vérifier qu'ils sont valables et adaptés aux véhicules qu'ils vont être amenés à conduire dans le cadre de l'exécution de leur fonction.

Par ailleurs, vous ne pouvez ignorer les mesures de sûreté qui s'imposent à toute personne entrant en zone d'accès sécurisé des emprises aéroportuaires et qui obligent celles-ci à disposer d'une accréditation délivrée par le Préfet de police.

Vous avez également adopté un comportement particulièrement inapproprié à l'égard de votre manager en totale contradiction avec la politique et la philosophie interne de l'entreprise.

Nous vous rappelons qu'il est énoncé à l'article 34 du Règlement intérieur : « Le personnel salarié par l'entreprise ou y travaillant à quelque titre que ce soit est tenu de :

-Faire preuve de correction et de respect d'autrui dans ses propos et attitude, sauf à s'exposer à des sanctions, (') ».

Ainsi, le 11 juillet 2013, lorsque votre manager est venu vous saluer, vous avez refusé de lui serrer la main et vous lui avez demandé de vous vouvoyer, alors que la politique de la société permet le tutoiement entre tous.

Sur les menaces à l'encontre de votre encadrement

De plus, à plusieurs reprises, vous avez proféré des menaces de mort à l'encontre de votre encadrement, et en particulier à l'encontre de votre manager M. [S] [U].

Ceci est particulièrement grave et inacceptable.

À cet égard, le fait de proférer de telles menaces constitue une infraction et est pénalement répréhensible en application des dispositions des articles 222-17 et 222-18 du code pénal.

Ainsi, le mardi 16 juillet 2013, aux alentours de 8h35, votre Senior Manager, Madame [Z] [J] est venue vous saluer. Lorsque celle-ci vous a demandé si vous alliez bien, vous avez répondu « non », puis vous vous êtes emporté et avez dit « si ça continue comme ça, je pars, mais j'en emmène avec moi ». Madame [J] vous a alors demandé de préciser vos propos, cela quoi vous avez répondu qu'ils étaient très clairs. Vous avez à nouveau réitéré ces propos, puis vous lui avez dit « de toute façon, vous verrez ».

Le même jour, mardi 16 juillet aux alentours de 17h55, vous vous êtes présenté spontanément auprès de M. [M], consultant externe à la société, qui était présent dans nos locaux afin de réaliser un audit social sur la station de NCEA.

Vous lui avez expliqué en avoir « marre des pressions de votre manager », puis vous avez expliqué que si cela continuait, vous mettriez fin à vos jours.

Vous avez également précisé que vous possédiez des armes à feu et qu'avant, vous viendriez « faire le ménage » sur la station, en parlant notamment de votre manager M. [S] [U].

Compte tenu de la gravité et de la violence de vos propos, M. [M] vous a alors informé qu'il ne pourrait pas maintenir la confidentialité de l'entretien. C'est dans ces conditions que vous avez décliné votre identité et donné votre identifiant FedEx et avez terminé en disant : « Voilà M. [M], vous êtes au courant et faites ce que vous avez à faire ».

Le comportement et propos que vous avez tenus sont graves et d'une extrême violence. En effet, vous menacez directement votre manager et l'encadrement de la station en général.

Ces propos que vous avez même réitérés devant témoins montrent que vous mettez en danger non seulement les personnes que vous visez directement, mais également toutes les personnes présentes sur la station de NCEA, ainsi que vous-même.

Nous considérons que l'ensemble de ces faits constitue une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire dans l'entreprise' ».

Contestant la licéité de la mesure ainsi prise à son encontre et réclamant le paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement abusif, Monsieur [O] [T] a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 15 décembre 2014, le Conseil de prud'hommes de Grasse a requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [O] [T] en licenciement pour cause réelle et sérieuse, a condamné la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) à payer à Monsieur [O] [T] :

-3869,24 € correspondant à deux mois de préavis,

-386,92 € de congés payés sur préavis,

-3094,77 € d'indemnité de licenciement,

-1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

a débouté Monsieur [O] [T] de ses autres demandes, a débouté la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) de sa demande reconventionnelle et a condamné cette dernière aux entiers dépens de l'instance.

Ayant relevé appel, la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) conclut à l'infirmation du jugement rendu aux fins de voir constater l'absence de tous faits de harcèlement à l'encontre de Monsieur [O] [T], de voir constater l'absence de manquement par FedEx de son obligation de sécurité de résultat, de voir constater que le licenciement pour faute grave du salarié est justifié, de voir constater que Monsieur [O] [T] n'apporte aucun élément de preuve de nature à justifier l'existence d'un quelconque préjudice, à la condamnation de Monsieur [O] [T] à lui rembourser les sommes payées en exécution provisoire du jugement rendu le 15 décembre 2014, à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [O] [T] du surplus de ses demandes, au débouté de Monsieur [O] [T] de toutes ses demandes, fins et prétentions et à la condamnation de Monsieur [O] [T] au paiement de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) fait valoir que Monsieur [O] [T] se contente d'allégations quant au prétendu harcèlement moral exercé par son supérieur hiérarchique sans jamais apporter la moindre preuve matérielle probante, qu'il ne justifie pas d'un lien entre son état de santé et son travail, qu'il évoque la situation d'un collègue, Monsieur [Z], sans rapport avec sa situation personnelle, qu'il produit l'attestation de Madame [B] [Q] qui est en conflit prud'homal avec la société, ce qui remet dès lors en cause l'impartialité de son témoignage, que le salarié n'a jamais communiqué le courrier adressé en mars 2010 au médecin du travail et à l'inspection du travail, lesquels n'ont pas jugé utile de réserver une quelconque suite, que la société concluante n'a pas eu connaissance des éléments d'ordre médical qui ne figurent pas sur les feuillets d'arrêt de travail remis à l'employeur, que l'audit social mené en toute indépendance par Monsieur [M] n'a relevé aucune situation de harcèlement, qu'aucun fait de harcèlement à l'encontre de Monsieur [O] [T] n'a existé, que le licenciement pour faute grave du salarié est justifié et que Monsieur [O] [T] doit être débouté de ses réclamations.

Monsieur [O] [T] conclut à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'existence d'un harcèlement moral et considéré que le motif justifiait un licenciement pour faute simple, par conséquent, à ce que soit constaté le harcèlement moral dont il a fait l'objet, à ce qu'il soit jugé que la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) a manqué à son obligation de sécurité de résultat, à ce qu'il soit jugé que les griefs reprochés au salarié à l'appui de son licenciement sont infondés, à ce qu'il soit jugé que son licenciement est nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse et abusif, à la condamnation de la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) à lui payer :

-25 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement nul ou à défaut abusif et sans cause réelle et sérieuse,

-5000 € à titre de dommages intérêts pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,

à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) au paiement de 3869,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 386,92 € au titre des congés payés y afférents et de 3094,77 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et à la condamnation de la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) au paiement de la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Monsieur [O] [T] fait valoir que les responsables hiérarchiques affectés au pôle livraison exerçaient des pressions sur les coursiers pour accroître leur rentabilité, que ces pressions constantes ainsi que le peu de respect avec lequel la hiérarchie s'adressait aux salariés ont eu raison de son état de santé, qu'il a été contraint de suspendre son contrat de travail le 4 septembre 2009 du fait d'un état dépressif, que la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) avait déjà reçu des plaintes d'autres salariés de l'établissement quant aux conditions de travail déplorables et aux propos déplacés sans cesse tenus par le manager, Monsieur [U], qu'immédiatement après sa reprise de travail la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) l'a convoqué à un entretien préalable à un licenciement, que consciente de la précipitation de son action et de l'absence de motif de licenciement, la société a fini par renoncer à cette procédure, que son état de santé va continuer à se dégrader le contraignant à suspendre régulièrement son contrat de travail, qu'il était suivi par un médecin psychiatre et se trouvait sous traitement médicamenteux, qu'il a alerté l'inspection du travail ainsi que la médecine du travail sur ses conditions de travail, qu'au mois de mai 2013 à la suite d'une grève de l'ensemble du personnel coursier, la société a fini par mettre en place une cellule psychologique, mais seulement après la tentative de suicide d'une salariée, qu'il a été victime de harcèlement moral, que la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) a manqué à son obligation de sécurité de résultat, que son licenciement est nul et non fondé et qu'il doit être reçu en ses demandes.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE :

Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité :

Monsieur [O] [T], qui soutient avoir été victime de harcèlement moral, produit les éléments suivants :

-son arrêt de travail initial du 4 septembre 2009 et un avis de prolongation d'arrêt de travail du 18 septembre 2009 jusqu'au 2 octobre 2009, tous deux mentionnant un état dépressif ;

-un certificat médical du 18 septembre 2009 du Docteur [D] [B], médecin généraliste, certifiant que « l'état de santé de [O] [T] justifie un traitement entraînant une baisse de vigilance » ;

-un courrier du 2 novembre 2009 de convocation du salarié à un entretien préalable pour le 13 novembre 2009 à 14h30 à un éventuel licenciement ;

-un arrêt de travail initial du 17 mars 2010 mentionnant un syndrome dépressif et des avis de prolongation d'arrêt de travail du 25 mai 2010 et du 29 juin 2010 mentionnant un état dépressif non stabilisé ; des prescriptions médicamenteuses du Docteur [W] [L], médecin psychiatre, des 16 avril 2010, 29 juin 2010 et 6 août 2010 ;

-un courrier du 24 mars 2010 adressé par Monsieur [O] [T] à l'inspection du travail en ces termes : « je fais l'objet depuis plusieurs mois déjà de pressions assimilables à du harcèlement moral de la part de mon responsable hiérarchique Mr [W] manager FEDEX à [Localité 3], au sujet de mes pauses déjeuner obligatoires que je devrais écourter selon ses envies, soit disant d'une mauvaise humeur permanente de ma part à son égard et de ne pas faire un travail correctement. Je vais travailler tous les jours avec une boule au ventre et je sens que je vais faire une grosse bêtise. J'ai fait une première dépression en septembre 2008 d'une durée de 10 semaines, suivie d'une deuxième en septembre 2009 de 14 semaines et à ce jour, le 17 mars 2010, une troisième d'une durée indéterminée' », ainsi qu'un courrier identique daté du 24 mars 2010 adressé au médecin du travail ;

-une décision du 20 mai 2011 de l'inspectrice du travail refusant l'autorisation de licenciement de Monsieur [C] [Z], délégué du personnel suppléant travaillant dans le même établissement que Monsieur [O] [T] et auquel il était reproché « d'avoir fait preuve de violence verbale et physique et d'un comportement provocant et agressif à l'égard de plusieurs de ses collègues », l'inspectrice du travail considérant qu'un lien entre la mesure envisagée et le mandat détenu ne pouvait être écarté et évoquant que Monsieur [Z] s'était « plaint à plusieurs reprises de pressions d'un collègue et de son responsable hiérarchique depuis sa première élection comme délégué du personnel, ayant engendré plusieurs arrêts de travail et une situation de souffrance au travail' » ;

-un courriel du 13 novembre 2012 de Monsieur [A] [O], délégué du personnel, décrivant les violences subies par certains salariés sur la station NCEA et les menaces (refus de vacances, accord de congés acceptés à la dernière minute, changement de route, refus d'heures supplémentaires, changement de poste) ;

-un extrait du site nicematin.com sur un article publié le 21 mai 2013, intitulé « les salariés de FedEx en grève à [Localité 1] » et relatant : « Depuis ce mardi matin, quelques vingt salariés du site FedEx à [Localité 1] sont descendus dans la rue et ont cessé toute livraison. Ils protestent notamment contre l'absence de management depuis 6 mois. Les syndicats évoquent aussi une surcharge de travail due à l'augmentation de la zone de couverture des livraisons de colis (désormais internationale et nationale), sans augmentation des effectifs en contrepartie. Un mouvement qui arrive après qu'un ancien cadre de la société a déposé plainte le 20 avril à [Localité 4], révélant l'existence d'un fichage illégal du personnel, et notamment de syndicalistes, dans plusieurs services du géant américain de la messagerie » ;

-un tract de la CGT du 31 mai 2013 intitulé « tentative de suicide d'une salariée Fedex » ;

-l'attestation du 20 octobre 2013 de Madame [B] [Q] invoquant des pressions et des intimidations de la direction envers notamment les délégués CGT ;

-le « compte rendu de la journée noire du vendredi 19 juillet 2013 » établi par Monsieur [A] [O] ;

-le courrier du 25 juillet 2013 de Monsieur [A] [O], délégué du personnel, adressé à la médecine du travail, à l'inspection du travail, à la direction des ressources humaines FEDEX et au syndicat CGT, pour les informer qu'il mettait en 'uvre le droit d'alerte, en précisant : « En effet, plusieurs salariés sont venus vers moi pour se plaindre de problème relationnel avec leur hiérarchie. Il existe un mal-être, de souffrance, de stress au travail, dû à la relation de pouvoir qu'entretient la direction sur place' les attaques du geste professionnel liées à la surcharge du poste de travail sur certaines périodes, mais aussi les sanctions tacites punitives avec la mise de l'employé en situation de justification en permanence (mails, convocations dans le bureau') Et surtout les actions persécutives dues à la surveillance sans cesse des faits et gestes (se laver les mains, etc.) instaurant de ce fait la peur de représailles, l'angoisse, la crainte de parler, de s'exprimer, etc. Je vous fais part donc de mon inquiétude sur les méthodes de management, une nouvelle fois puisque cela fut évoqué en réunion DP, CE et CHSCT extraordinaire. Vous ne pouvez ignorer notre mal-être, une grève, des négociations ont eu lieu en interne, demandant une vraie organisation de travail, à ce jour il n'en est rien' Je constate que les employés Mr [Z] [C], Mr [T] [O], Mr [A] [J], Mr [N] [N] font l'objet d'une mesure discriminatoire menant à une atteinte aux libertés individuelles et visant à la liberté d'opinion syndicale' Mr [O] [T] sous l'ordre de son manager devait prendre seulement 35 minutes de pause et surcharger sa capacité sous prétexte qu'il manquait d'effectifs' Mr [O] [T] ne pouvait plus se rendre au travail sans un courrier dans sa bannette, lui reprochant des faits injustes de la veille. Tous les jours, il se rend sur les lieux de l'entreprise avec une boule au ventre' » ;

-la lettre de licenciement du 11 septembre 2013 de Monsieur [C] [Z] pour non respect des procédures internes et comportement inapproprié et menaces de mort répétées à l'encontre de son encadrement ;

-l'attestation du 5 septembre 2013 de Monsieur [J] [A], indiquant avoir été reçu le 9 juillet 2013 par Monsieur [M] en même temps que Monsieur [A] [O] et Monsieur [C] [Z] et qui indique que ce dernier a pris « à son tour la parole difficilement car il se voyait revivre déjà ce qu'il avait subi quelques années auparavant par la direction qui avait déjà tenté de le licencier par tous les moyens l'entraînant même à une triste tentative de suicide' Certes il y a eu des mots un peu poussés (l'envie de se suicider) mais en aucun cas il n'a fait des menaces envers quelqu'un et encore moins envers Mr [U] [S] ou Mme [J] [Z] comme ils l'ont prétendu par la suite' Pour finir mon tour arriva, je prends la parole en me sentant assez détendu vu que ça faisait déjà un petit moment que nous partagions nos ressentis à Mr [M]. C'est alors que j'expose tout ce que j'ai subi et enduré depuis que je suis chez Fedex (embauché depuis janvier 2006). J'ai subi de la pression régulièrement, j'étais toujours stressé en permanence et sur la route, à plusieurs reprises, j'ai eu des pertes de points de mon permis suite aux différents excès de vitesse de peur de ne pas finir mon travail à temps et d'éviter de me faire convoquer dans le bureau de mon supérieur hiérarchique. J'allais travailler avec le mal de ventre en culpabilisant de mal faire les choses. Mon manager [K] [W] me manipulait comme il le voulait en me tenant par les sentiments ou en me pénalisant par des refus de congés ou autres jusqu'au jour où j'ai fini par le voir et ne plus me laisser faire. Alors là les choses s'empiraient encore plus. J'ai reçu un avertissement qui à ce jour n'est même pas justifié et basé sur de fausses accusations. J'ai été changé de ma route ainsi que de secteur pour me rendre le travail pénible et me pousser à bout. Suite à toute cette pression, je suis passé par une dépression et des difficultés dans mon couple' »;

-un procès-verbal de notification d'un rappel à la loi par le Procureur de la République [Localité 5] notifié à Monsieur [O] [T] en date du 19 juillet 2013 ;

-le procès-verbal de la réunion extraordinaire du CHSCT POXA du 22 juillet 2013.

Il ressort des éléments ainsi versés par Monsieur [O] [T] qu'il existait, au sein de l'établissement FEDEX de [Localité 1], un climat de pressions exercées par la hiérarchie sur les coursiers, que dans ce contexte, Monsieur [T] a été en arrêt de travail du 4 septembre au 2 octobre 2009 pour un état dépressif, qu'il a été, un mois après sa reprise de travail, convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement sans aucune suite, qu'il a été à nouveau en arrêt de travail plusieurs semaines en 2010, qu'il a été suivi par un médecin psychiatre et a bénéficié d'un traitement médicamenteux, qu'il a dénoncé le 24 mars 2010 auprès de l'inspection du travail et de la médecine du travail être victime de harcèlement moral de son supérieur hiérarchique, qu'une grande majorité des coursiers ont entamé une grève en mai 2013 pour dénoncer leurs conditions de travail, qu'une salariée a fait une tentative de suicide sur son lieu de travail à la même période, que la société a alors mis en place une cellule psychologique et que Monsieur [T] a été mis à pied après s'être entretenu avec le psychologue de la cellule psychologique et licencié pour faute grave.

Monsieur [O] [T] établit ainsi des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) réplique que, si Monsieur [O] [T] est suivi pour dépression, il n'apporte pas la moindre preuve du lien entre son état de santé et son travail, que les arrêts de travail reçus par la société ne font pas apparaître les éléments d'ordre médical, que les prescriptions médicales versées aux débats sont personnelles et n'ont jamais été communiquées à l'employeur, que Monsieur [O] [T] ne peut donc reprocher à la société de ne pas avoir pris la mesure de son état de santé, que le salarié soutient que la société tenterait d'évincer les salariés absents pour maladie sans apporter la moindre preuve, qu'il ne peut être reproché à la société d'avoir convoqué le salarié un entretien préalable en novembre 2009, cette allégation revenant à dire qu'une société ne pourrait pas renoncer à la possibilité de sanctionner un salarié sans courir le risque que le seul envoi d'une lettre de convocation à entretien préalable puisse être qualifié d'acte de harcèlement, ce qui est ridicule, que l'accusation du salarié qui déclare avoir fait l'objet d'un acharnement de la part de son supérieur hiérarchique dans l'indifférence totale de la société est purement gratuite, que la mesure dont le salarié a fait immédiatement l'objet démontre que la société ne lésine en rien avec la santé de ses salariés lorsqu'elle est mise en danger, par exemple par des comportements comme ceux dont s'est rendu coupable Monsieur [O] [T], qu'en outre, l'audit social mené par Monsieur [M] en toute indépendance n'a relevé aucune situation de harcèlement dont aurait prétendument été victime Monsieur [O] [T], que les faits allégués concernant Monsieur [Z] sont sans rapport avec la situation personnelle de Monsieur [O] [T], que Madame [B] [Q] est en litige prud'homal avec la société, ce qui remet en cause l'impartialité de son attestation, qu'aucune des deux lettres adressées au médecin du travail et à l'inspection du travail en mars 2010 n'a été envoyée à la société pour information, que Monsieur [O] [T] ne peut reprocher à la société son inaction alors même qu'il ne l'a jamais informée de ces prétendus faits, que ni le médecin du travail ni l'inspection du travail n'ont jugé utile de réserver une quelconque suite, ce qui implique qu'ils ont considéré que la situation de harcèlement moral alléguée par Monsieur [O] [T] n'existait en rien, que l'inspection du travail n'a pas réagi au courriel de Monsieur [O] du 21 juillet 2013, arrivant sans doute à cette même conclusion, que suite à la grève et à la tentative de suicide de Madame [Q], Monsieur [O] [T] reconnaît lui-même que l'employeur a pris des mesures en demandant un audit social afin d'identifier les facteurs de risques psychosociaux au sein de l'agence et qu'il ressort de ce qui se précède qu'aucun fait de harcèlement à l'encontre de Monsieur [O] [T] n'a existé.

La SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) produit les éléments suivants :

-un courrier de convocation de Monsieur [T] à entretien préalable du 5 juin 2007 et une lettre d'avertissement du 13 juillet 2007 pour « un échange houleux » avec un collègue ;

-un courrier de convocation pour le 1er avril 2010 et une lettre d'avertissement du 20 avril 2010 pour non exécution des consignes données et pour avoir critiqué la société durant une formation ;

-un courrier de convocation du 3 juin 2010 et une lettre d'avertissement du 29 juin 2010 pour non prévenance de son absence dans les délais ;

-un courrier de convocation du 7 novembre 2011 et une lettre de rappel du 12 décembre 2011 pour ne pas avoir ni codé, ni procédé à l'occupation de « dim weight » des 40 colis dans son van, tout en reconnaissant que le salarié avait bien prévenu l'adjoint au responsable occupations qu'il avait ce soir-là un impératif familial ;

-un courriel du 18 juillet 2013 de Monsieur [X] [M] adressé à la direction pour faire un résumé des deux entretiens « dont le contenu, menaces de mort et menaces de suicide m'a amené à vous interpeller immédiatement' Par ailleurs pour compléter nos échanges, je vous confirme qu'il faut solliciter le médecin du travail si un employé menace de se suicider, mais aussi qu'il est nécessaire d'appeler immédiatement la police et les pompiers, s'il menace de le faire sur-le-champ' », puis suit son compte rendu : « dans le cadre d'une mission d'audit social (identifier les facteurs de risques psychosociaux à l'origine d'un climat de travail tendu) réalisée sur la station Fedex de [Localité 1], je suis intervenu les 9, 10 et 16 juillet pour rencontrer, sur la base du volontariat, un maximum des salariés du site. Des entretiens individuels étaient planifiés, d'autres ont eu lieu à la demande. Pendant cette intervention 2 salariés ont tenu des propos suffisamment inquiétants pour que soit levés la confidentialité et l'anonymat des échanges : des menaces de suicide et menaces de porter atteinte à la vie d'autrui. Je me devais donc de vous rapporter ces contenus afin que vous preniez les dispositions nécessaires pour protéger ces personnes ainsi que les salariés du site (ceux directement visés par les menaces et ceux qui pourraient être exposés'

2ème entretien : mardi 16 juillet (entre 17h55 et 18h05 environ)

L'événement est très court, ne dure que quelques secondes.

Monsieur [O] [T], que j'ai rencontré la semaine précédente souhaite me parler, il refuse de s'asseoir parce qu'il n'a qu' « une chose à dire » : il en a « marre des pressions du manager », « si ça continue » il mettra « fin à ses jours ». Il précise qu'il a des armes chez lui et qu'avant il viendra sur le site « et fera le ménage ». Il vise notamment le manager [S] [U] dans ses propos. Je l'interroge sur la violence de ce qu'il dit, et lui indique, à lui aussi, que l'entretien ne pourra rester confidentiel. Tout comme son collègue il ne me donne ses nom, prénom et numéro de matricule. Il termine l'échange en me disant : « voilà M. [M], vous êtes au courant et faites ce que vous avez à faire »' » ;

-le procès-verbal d'audition du 18 juillet 2013 de Madame [Z] [J], Responsable régional des opérations FEDEX, déposant plainte pour menaces de mort et précisant que le mardi 16 juillet 2013 à 8h35, lorsqu'elle a serré la main à Monsieur [O] [T] et lui a demandé si ça allait, il a répondu non, a commencé à s'énerver et lui a dit clairement « si ça continue, je pars mais j'en emmène avec moi », elle lui a demandé de préciser ses propos, il a dit que c'était très clair et qu'elle verrait de toute façon. Madame [Z] [J] indique également que lundi dernier, Monsieur [O] [T] l'avait appelé par téléphone en lui disant qu'il en avait marre qu'on lui manque de respect et que si cela continuait, il se mettrait contre un mur, ils ont échangé un peu et ensuite il lui a raccroché au nez ;

-le procès verbal d'audition du 19 juillet 2013 de Monsieur [S] [U] qui fait surtout état de conflits avec Monsieur [Z] ;

-le procès-verbal de synthèse de la gendarmerie du 15 août 2013, dans lequel il est indiqué que Monsieur [O] [T], entendu le 19 juillet 2013, a confirmé les propos tenus devant l'auditeur (M. [M]) et à la hiérarchie, ajoutant cependant « avoir agi de la sorte pour avoir une réaction de sa hiérarchie auprès de laquelle il se plaint depuis plusieurs années d'un malaise social au sein de la société, pour lequel il n'est pas entendu. Il indique qu'il n'avait absolument pas l'intention de mettre ses menaces à exécution mais que de proférer ce genre de propos était la seule façon pour lui d'être entendu par sa hiérarchie » ;

-le procès-verbal du 19 juillet 2013 d'audition de Monsieur [O] [T] indiquant qu'il n'avait pas parlé d'armes au psychologue, qu'il avait simplement prononcé un « cri d'alarme », qu'il n'avait pas l'intention de tuer quelqu'un, qu'il avait dit ça au psychologue pour faire réagir la direction qu'il était allé voir plusieurs fois un psychologue suite aux pressions de son ancien manager, que sur une année il avait été arrêté plus de 6 mois et que la direction mettait un peu plus la pression depuis qu'ils avaient fait grève ;

-la plaquette d'information de la société PRÉSENCE CONSEIL, spécialisée dans la prévention des risques psychosociaux ;

-l'audit social établi par Monsieur [X] [M], suite à ses interventions sur site les 9, 10 et 16 juillet 2013, qui mentionne l'arrêt maladie de l'ancien manager de la station et son absence depuis plusieurs mois, l'incompréhension des salariés face à la direction qui ne remplace pas le manager, la disparition d'un cadre de fonctionnement et la multiplication de comportements inadaptés dans ce contexte professionnel, une dégradation de la communication entre collègues, un mode de communication qui n'est pas adapté à un contexte professionnel (beaucoup trop familier et parfois même vulgaire) la tentative de suicide d'une collègue (en mai 2013) perçue comme une diversion face à une convocation pour une sanction, l'arrivée d'un nouveau manager en juin, lequel tente de réinstaurer un cadre de travail, un système qui consiste à utiliser des propos extrêmes comme des menaces de suicide, voire de meurtre, pour pouvoir être entendus et obtenir ce qu'ils veulent ;

-le courrier du 18 juillet 2013 adressé à la société FEDEX à [Localité 3] par la médecine du travail aux fins de convocation à une visite médicale de Monsieur [O] [T] pour le 19 juillet 2013.

Si la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) produit des courriers de convocations et de notification de sanctions au salarié, elle ne fournit aucune explication sur la convocation qui lui a été adressée le 2 novembre 2009, peu de temps après le retour de Monsieur [O] [T] suite à son arrêt de travail pour maladie. Des sanctions ont été notifiées au salarié le 20 avril 2010, le 29 juin 2010 et le 12 décembre 2011. Si l'employeur soutient que la notification de sanctions entre dans son pouvoir disciplinaire, elle ne verse aucun élément justifiant du bien fondé de ces sanctions. Il ressort par ailleurs que plusieurs salariés ont évoqué avoir subi des pressions de la part de leur ancien manager, que le climat social s'est dégradé au sein de l'établissement sans réaction de la direction, qui a laissé l'établissement sans manager pendant plusieurs mois, que la direction de la société FEDEX a réagi à la suite d'une grève de la grande majorité des coursiers dénonçant leurs conditions de travail et à la suite d'une tentative de suicide d'une salariée sur le lieu de travail en mai 2013, que la société a alors mis en place une cellule psychologique, que dans le cadre de cet audit, la confidentialité des entretiens devait être garantie, qu'à la suite des propos tenus par Monsieur [O] [T] à l'intervenant psychologue, l'employeur a diligenté une procédure disciplinaire sans s'inquiéter de la santé de Monsieur [O] [T] qui avait également menacé de se suicider, alors que Monsieur [M] lui-même préconisait de saisir le médecin du travail, que Monsieur [O] [T] avait d'ailleurs auparavant indiqué à sa Responsable régional des opérations qu'il « se mettrait contre un mur » sans réaction immédiate de celle-ci, que la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) produit certes une convocation du 18 juillet 2013 du salarié auprès du service de la médecine du travail, sans pour autant justifier que cette convocation a été remise au salarié qui a été mis a pied le même jour et sans justifier qu'elle ait été en contact avec le médecin du travail pour connaître ses préconisations.

Dans ces conditions, il est établi l'existence d'un harcèlement moral exercé à l'encontre de Monsieur [O] [T] avec des répercussions sur son état de santé qui se dégradait depuis plusieurs années, de même qu'il est établi que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en laissant les conditions de travail des salariés se dégrader pendant plusieurs mois et en réagissant, après un audit, uniquement sur un terrain disciplinaire après avoir tardivement pris en compte l'ampleur du malaise social et de la détresse de certains salariés mais sans pour autant s'inquiéter auprès de la médecine du travail des répercussions sur leur état de santé.

Au vu des éléments médicaux versés par le salarié, la Cour accorde à Monsieur [O] [T] la somme de 5000 € de dommages intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Sur le licenciement :

Alors que Monsieur [O] [T] a été mis à pied à la suite des propos qu'il a tenus auprès de Monsieur [M] dans le cadre de la cellule psychologique mise en place par l'employeur et alors que le mal-être exprimé par le salarié même sous forme de menaces, était la résultante du harcèlement subi par lui depuis plusieurs années et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, il s'ensuit que le licenciement du salarié est nul.

La Cour lui alloue la somme de 3869,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 3094,77 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, dont le calcul des montants n'est pas discuté, ainsi que la somme de 386,92 € de congés payés sur préavis.

Monsieur [O] [T] ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle et sur son préjudice.

En considération de son ancienneté de 6 ans dans l'entreprise occupant plus de 10 salariés et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Monsieur [O] [T] la somme de 15 000 € à titre de dommages intérêts.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIÈRE PRUD'HOMALE, PAR ARRÊT CONTRADICTOIRE,

Reçoit les appels en la forme,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) à payer à Monsieur [O] [T] 3869,24 € de préavis, 386,92 € de congés payés sur préavis, 3094,77 € d'indemnité de licenciement et 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Dit que Monsieur [O] [T] a été victime de harcèlement moral et que la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

Condamne la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) à payer à Monsieur [O] [T] :

-5000 € de dommages intérêts pour manquement de son obligation de sécurité de résultat,

-15 000 € de dommages intérêts pour licenciement nul,

Condamne la SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE (FEDEX) aux dépens et à payer à Monsieur [O] [T] 1500 € supplémentaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/01049
Date de la décision : 30/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°15/01049 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-30;15.01049 ?
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