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30/06/2016 | FRANCE | N°14/05478

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 30 juin 2016, 14/05478


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2016



N° 2016/534

JPM











Rôle N° 14/05478





CLINIQUE SAINT JEAN





C/



[L] [E]

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau d'AVIGNON



Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON
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Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section AD - en date du 10 Décembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/713.







APPELANTE



CLINIQUE SAINT JEAN, demeurant [Adre...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2016

N° 2016/534

JPM

Rôle N° 14/05478

CLINIQUE SAINT JEAN

C/

[L] [E]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau d'AVIGNON

Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section AD - en date du 10 Décembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/713.

APPELANTE

CLINIQUE SAINT JEAN, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau d'AVIGNON

([Adresse 2]

[Adresse 2])

substitué par Me Hélène GOSSELIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

Madame [L] [E], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Mai 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2016.

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Madame [L] [E] a été embauchée, le 1er octobre 2004, par la Sa Clinique Saint Jean dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'auxiliaire de puériculture.

A compter du 15 mars 2008, la salariée a été en arrêt maladie. Elle ne reprendra pas le travail.

Reprochant à son employeur de ne pas avoir déclaré l'accident du travail dont elle se déclarait avoir été victime, dans la nuit du 13 au 14 mars 2008, et lui imputant en outre de multiples manquement, la salariée a saisi, le 7 juin 2011, le conseil de prud'hommes de Toulon aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes.

En cours d'instance, le 23 novembre 2011, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement de départage du 11 février 2014, le conseil de prud'hommes de Toulon a:

*condamné la société Clinique Saint Jean à payer à Madame [E] les sommes de:

-1500€ à titre de dommages-intérêts pour le non respect de l'obligation relative à la surveillance médicale renforcée des travailleurs de nuit;

-500€ à titre de dommages-intérêts du fait de la perte de chance d'obtenir un classement en groupe;

-500€ à titre de dommages-intérêts de fait de l'absence de contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage;

-781,43€ à titre de rappel de salaire;

-9000€ à titre de dommages-intérêts du fait de la perte de chance de bénéficier de la réglementation spécifique relative aux accidents du travail;

*prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la Clinique Saint Jean;

*condamné la Clinique Saint Jean à payer à Madame [E] les sommes de :

-631,11€ au titre du solde de l'indemnité de licenciement;

-3558€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

-20000€ à titre de dommages-intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile*statué sur les intérêts légaux;

*condamné la Clinique Saint Jean a rembourser à pôle -emploi les indemnités ce chômage versées à Madame [E] dans la limite de trois mois d'indemnités.

C'est le jugement dont la Sa Clinique Saint Jean a régulièrement interjeté appel

PRETENTIONS DES PARTIES

La Sa Clinique Saint Jean demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat , l' a condamnée à payer diverses sommes au titre de l'exécution du contrat, a statué sur les intérêts légaux, sur le remboursement des indemnités de chômage et sur les dépens, statuer à nouveau et débouter Madame [E] de toutes ses prétentions et condamner celle-ci à lui payer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Madame [L] [E] demande à la cour de :

Au principal, confirmer le jugement par adoption de motifs , à défaut la recevoir en son appel incident et statuer à nouveau;

Constater que l'employeur n'a pas déclaré l'accident du travail, qu'il n'a pas satisfait à son obligation d'assurer la sécurité , qu'il a commis une faute inexcusable, et condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer les sommes de:

-2500€ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice lié à l'absence de déclaration d'accident du travail;

-10000€ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice lié au manquement à l'obligation de sécurité et à la faute inexcusable;

Constater qu'elle a perdu une chance de se voir octroyer le bénéfice du classement en position B dès le mois de juillet 2003 et condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer la somme de 1500€ à titre de dommages-intérêts de ce chef;

Condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer la somme de 2000€ à titre de dommages-intérêts pour absence d'heures de récupération;

Condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer la somme de 500€ à titre de dommages-intérêts sur le fondement des articles L 3141-17 et suivants du code du travail et des articles 54 et 57 de la convention collective du 18 avril 2002;

Dire que la première visite de reprise date du 13 septembre 2010 et la seconde visite de reprise date du 8 février 2011 et condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer la somme de 12943,59€ au titre du salaire de substitution pour la période du 8 mars 2011 au 15 octobre 2011 ou celle de 12476,10€ au titre du salaire pour la période du 18 mars 2011 au 15 octobre 2011;

Condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer la somme de 500€ à titre de dommages-intérêts pour les temps d'habillage et de déshabillage;

Condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer la somme de 1000€ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice lié au non respect de la visite médicale pour les travailleurs de nuit;

Fixer son salaire pour le calcul des indemnités de rupture à la somme de 1882,86€, son ancienneté à la date du 23 novembre 2011 à 7 ans, 19 jours soit 7,052 ans décimalisés et son indemnité légale de licenciement à la somme de 2655,57€;

Constater que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et prononcer la résiliation du contrat aux torts de l'employeur;

Condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer les sommes de:

-3354,16€ au titre du doublement de l'indemnité de licenciement et de rappel d'indemnité;

-3564,60€ au titre de l'indemnité se substituant à l'indemnité compensatrice de préavis;

-22594,32€ à titre de dommages-intérêts;

A titre subsidiaire, constater que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement, dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer les sommes de:

-3354,16€ au titre du doublement de l'indemnité de licenciement et de rappel d'indemnité;

-3564,60€ au titre de l'indemnité se substituant à l'indemnité compensatrice de préavis;

-22594,32€ à titre de dommages-intérêts;

A titre très subsidiaire, constater que l'employeur a manqué à son obligation de receherche préalable de reclassement et condamner la société Clinqiue Saint Jean à lui payer la somme de 11000€ àt itre de dommages-intérêts

A titre infiniment subsidiaire, vu les articles R 1234-4 et R1234-2 du code du travail condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer la somme de 698,59€

En tout état de cause, condamner la société Clinique Saint Jean à lui payer les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées au titre de la rupture à compter du 7 juin 2011 et celles prononcées au titre de l'exécution provisoire à compter du 2 janvier 2013, confirmer la condamnation au titre de l'article 700 du code procédure civile et y ajouter celle de 1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile pour la procédure d'appel.

SUR CE

Il résulte des dernières conclusions déposées et réitérées oralement à l'audience par la société Clinique Saint Jean que celle-ci demande à la cour de réformer les dispositions du jugement l'ayant condamnée. Il résulte également des dernières conclusions déposées et réitérées oralement à l'audience par Madame [E] que celle-ci demande à la cour 'au principal confirmer le jugement par adoption de motifs , à défaut la recevoir en son appel incident et statuer à nouveau' Il s'en suit que les dispositions du jugement ayant débouté Madame [E] de ses demandes ne sont pas querellées au principal par cette dernière et que la cour n'en est pas saisie.

I - Sur les visites médicales périodiques

Madame [E] , qui revendique avoir eu la qualité travailleur de nuit, soutient que l'employeur avait manqué aux obligations des articles L 3122-42 et R 3122-18 du code du travail (anciennement articles L 213-5 et R 216- 6 du code du travail) qui exigent une surveillance médicale tous les six mois. La société Clinique Saint Jean réplique qu'elle avait toujours veillé à établir une surveillance médicale stricte de son personnel, que Madame [E] avait été soumise, comme tout le personnel, à un examen périodique, que notamment, elle avait bénéficié d'une visite médicale quelques jours avant le 15 mars 2008 et avait même été déclarée apte lors de la visite médicale du 25 février 2008.

Il n'est pas discuté que Madame [E] effectuait un travail de nuit. Or, s'il est établi que Madame [E] avait passé des visites médicales les 2 juin 2005, 4 décembre 2006 et 25 février 2008, la société Clinique Saint Jean, sur laquelle pèse la charge de la preuve du bon accomplissement de ses obligations en matière de sécurité, ne justifie cependant pas avoir soumis Madame [E] à un contrôle médical renforcé, notamment à des visites médicales régulières et espacées chacune d'un délai maximal de six mois. Ce manquement a causé un préjudice à la salariée puisque celle-ci a été privée de la faculté de faire médicalement constater, comme le texte légal susvisé le lui permettait, les éventuelles conséquences du travail de nuit sur sa santé et sa sécurité. Le jugement a exactement réparé ce préjudice en condamnant la société Clinique Saint Jean à payer la somme de 1500€ à titre de dommages-intérêts de ce chef. Il sera donc confirmé.

II - Sur la perte de chance de se voir octroyer un classement en position B

Madame [E] fait valoir que l'article 90-6 de la convention collective du 18 avril 2002imposait un entretien individuel avant toutchangement de groupe de classification professionnelle , que lorsqu'il existait un délégué syndical dans l'entreprise, ce qui était le cas, les conditions de mise en oeuvre des entretiens individuels devaient donner lieu à l'ouverture de la négociation d'un accord collectif, que l'employeur n'avait pas convoqué les organisations syndicales, qu'il y avait même fait obstacle et qu'il n'avait mis en place les premiers entretiens individuels qu'à compter du premier semestre 2005 alors qu'ils auraient dû intervenir dès le dernier trimestre 2002. Elle considère,dans ces conditions, qu'elle avait perdu la chance de bénéficier plus tôt de son passage de groupe A au groupe B.

La société Clinique Saint Jean réplique que l'accord d'entreprise avait été conclu le 10 juin 2005, qu'il avait prévu l'obligation pour le salarié d'avoir une ancienneté d'au moins un an pour prétendre passer un entretien individuel, que la salariée avait été embauchée le 4 octobre 2004, qu'elle avait été convoquée à un entretien dès le mois de janvier 2006, qu'elle n'avait donc subi aucun retard préjudiciable, que le passage au groupe B était déjà acquis avant le second entretien du mois d'août 2007, qu'au demeurant, la salariée ne bénéficiait d'aucun droit à l'avancement s'agissant d'une procédure de promotion laissée à l'appréciation discrétionnaire de l'employeur.

Les parties n'ont pas cru utile de préciser à la cour la date exacte à laquelle Madame [E] était passée du group A au groupe B. En réalité, il résulte de la comparaison des rapports d'entretien individuels produits aux débats que ce passage avait eu lieu entre l'entretien du 21 août 2007 (à cet égard, l'affirmation de la Clinique Saint Jean selon laquelle à la date du 21 août 2007, Madame [E] avait déjà intégré la groupe B est totalement contredite par les mentions figurant sur le compte-rendu d'entretien dressé à cette date) et l'entretien du 11 mars 2008. Si l'accord d'entreprise conclu le 10 juin 2005 prévoyait une durée d'ancienneté d'au moins un an pour pouvoir être convoqué, à l'initiative de l'employeur, à un entretien individuel, il n'en demeure pas moins que l'accord d'entreprise prévoyait aussi un entretien devant se tenir au plus tard le 31 décembre 2005 et que la convocation de Madame [E], qui avait acquis un an d'ancienneté le 4 octobre 2005, ne lui avait été adressée que postérieurement au 31 décembre 2005 pour un entretien s'étant tenu finalement le 2 février 2006. Au surplus, alors que le compte rendu dressé à cette date avait indiqué que le passage de groupe était possible, l'employeur, qui n'avait pas accordé ce passage, avait manqué à l'obligation prévue par l' accord d'entreprise d'en aviser la salariée par une réponse motivée adressée dans le délai d'un mois. Ainsi, c'est à bon droit qu'il est soutenu par Madame [E] qu'elle avait perdu une chance de bénéficier plus vite de ce changement de groupe. Le jugement a exactement réparé ce préjudice en condamnant la société Clinique Saint Jean à payer la somme de 500€ à titre de dommages-intérêts de ce chef. Il sera donc confirmé.

III -Sur les temps d'habillage et de déshabillage

Madame [E] fait valoir que le temps d'habillage et de déshabillage dans l'entreprise n'avait pas fait l'objet d'une contrepartie déterminée par un accord collectif en méconnaissance des dispositions légales de l'article L 3121-3 du code du travail (anciennement article L 212-4 du code du travail).

Pour s'opposer à cette demande, la société Clinique Saint Jean réplique que la salariée ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle était tenue de s'habiller et de se déshabiller sur le lieu de travail, qu'au demeurant, les temps consacrés à ces opérations étaient comptés dans le temps de travail effectif et payés comme tel à raison de 5 minutes pour l'habillage et 5 minutes pour le déshabillage

Toutefois, il sera relevé tout d'abord que la société intimée ne peut pas soutenir sans se contredire que la salariée n'aurait pas été obligée de s'habiller et de se déshabiller sur les lieux du travail alors que l'employeur reconnaît expressément dans ses écritures reprises oralement à l'audience que le temps d'habillage et de déshabillage avait été compté et payé , à l'initiative de l'employeur, comme du temps de travail effectif ce dont il se déduit que ces opérations s'effectuaient bien sur les lieux du travail à sa demande ou à tout le moins avec son accord. Il sera d'ailleurs ajouté que tant les fonctions exercées par la salariée que l'activité de la clinique imposaient à l'évidence à la salariée de s'habiller et de se déshabiller sur les lieux du travail pour porter une tenue de travail adaptée . Par ailleurs, alors qu'aucun décompte sur la durée du travail n'est produit, les bulletins de salaire ne mentionnent aucun temps d'habillage et déshabillage payé comme du temps de travail effectif ni même qu'une contrepartie quelconque aurait été accordée. Il s'en suit que la salariée est fondée à invoquer le manquement de l'employeur sur le fondement du texte légal susvisé et , compte tenu de la nature du manquement et de sa durée, l'existence d'un préjudice de ce chef. Ce préjudice a été justement indemnisé par le jugement qui a alloué la somme de 500€ à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

IV- Sur le salaire de substitution

Pour faire juger que la société Clinique Saint Jean aurait dû reprendre son obligation de payer son salaire à compter du 8 mars 2011, Madame [E] fait valoir que la visite médicale du 13 septembre 2010 devait être requalifiée de première visite de reprise et celle du 8 février 2011 de seconde visite , qu'en outre, dès le 26 juillet 2010, la salariée avait informé son employeur de son intention de passer une visite médicale en vue de reprendre le travail , que subsidiairement , cette date de reprise du salaire devait être fixée au 18 mars 2011, date de la fin du paiement des indemnités journalières, ce dont elle avait avisé son employeur.

Pour s'opposer à ces demandes, la société Clinique Saint Jean renvoie aux diverses fiches de visites médicales et soutient que la première visite de reprise avait eu lieu le 22 mars 2011 et la seconde visite de reprise, le 8 avril 2011.

En l'espèce, par lettre du 21 juillet 2010, Madame [E] avait informé son employeur de ce que ses droits à indemnités journalières cesseraient le 13 mars 2011 et qu'elle envisageait par conséquent de reprendre le travail 'dans les mois à venir' dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Il est établi que la salariée, suite à cette lettre, avait été convoquée à la médecine du travail, le 13 septembre 2010. Contrairement à ce que soutient Madame [E], cette visite ne doit pas recevoir la qualification de première visite de reprise qui aurait interrompu la période de suspension . En effet, en premier lieu, Madame [E] n'envisageait pas encore à la date du 13 septembre 2010 de reprendre effectivement le travail, la reprise du travail n'étant envisagée par elle qu' à compter du mois de mars 2011, comme elle le confirmera ultérieurement dans une lettre du 31 janvier 2011. En second lieu, la fiche dressée par le médecin du travail mentionne que la visite du 13 septembre 2011 était une visite de 'pré-visite'. En troisième lieu, cette visite pouvait d'autant moins être qualifié de première visite que le médecin du travail ne s'était pas prononcé sur l'aptitude de la salariée et qu'il avait mentionné sur la fiche de visite ' pas d'avis d'aptitude délivré ce jour car en arrêt de travail... à revoir à la reprise du travail'. En dernier lieu, les autres mentions du médecin du travail figurant sur cette fiche montrent que cette visite n'avait pour objet que de préparer la reprise ultérieure du travail. Ainsi, la visite du 13 septembre 2010 n'avait pas le caractère d'une visite de reprise mais de pré-reprise comme d'ailleurs rappelé par l'inspection du travail dans sa décision du 20 juillet 2011 ayant statué sur le recours exercé par la salariée contre les avis d'inaptitude des 22 mars 2011 et 8 avril 2011.

Il est produit ensuite une fiche de visite médicale du 8 février 2011, qualifiée de visite de reprise, par le médecin du travail lequel avait conclu à 'l'inaptitude définitive au poste au bloc et au travail de nuit . Reprise à mi -temps thérapeutique' . Or, compte tenu des restrictions formulées par le médecin du travail dans son avis du 8 février 2011, qui faisaient obstacle à une reprise effective à mi-temps thérapeutique, l'employeur avait sollicité les préconisations du médecin du travail. Ce dernier avait répondu, le 17 février 2011, dans les termes suivants: ' étant donné qu'il s'agissait d'une reprise au titre d'un mi-temps thérapeutique, je considère de ce fait qu'elle ne peut reprendre le travail et doit retourner en arrêt maladie. Je reverrai Madame [E] [L] au terme de son arrêt de maladie en visite de reprise.' Il n'est pas contesté que la salariée avait alors produit un arrêt de travail initial du 9 février 2011 au 22 février 2011 et une prolongation de cet arrêt de travail du 21 février 2011 au 13 mars 2011. Ainsi, cette visite médicale n'avait pas pu constituer la première des deux visites médicales obligatoires. Celle -ci avait eu lieu en réalité le 22 mars 2011. En effet, la fiche afférente à la visite du 22 mars 2011, telle qu'elle avait été renseignée par le médecin du travail, mentionnait expressément qu'il s'agissait de la 'première visite en référence à l'article R 4624-31 du code du travail', le médecin du travail concluant 'inapte au poste apte à un autre. Revoir dans les délais réglementaires après étude du poste car contre indication médicale horaires de nuit.' C'est donc cette première visite qui avait mis fin à la suspension du contrat de travail. La seconde visite avait eu lieu le 8 avril 2011 et la fiche y afférente , telle qu'elle avait été renseignée par le médecin du travail, mentionnait expressément qu'il s'agissait de la ' 2ème visite en référence à l'article R 4624-31 du code du travail' le médecin du travail concluant à une 'inaptitude définitive au poste anciennement occupé à savoir auxiliaire puéricultrice de nuit(...) Serait apte à un poste auxiliaire puéricultrice en horaires de jour (...)' C'est cette seconde visite qui avait donc déclenché l'obligation légale d'un mois pour reclasser la salariée ou la licencier et à défaut reprendre le paiement du salaire. Il n'est pas contestable au vu des bulletins de salaire produits que le salaire de Madame [E] lui avait été versé à l'issue du délai légal d'un mois soit à compter du 9 mai 2011. Il convient enfin de rappeler que pour rejeter le recours de Madame [E], qui contestait son inaptitude, l'inspecteur du travail avait relevé dans les motifs de sa décision du 20 juillet 2011, non contestée devant les juridictions administratives et donc aujourd'hui définitive , que l'inaptitude de Madame [E] avait été régulièrement constatée par le médecin du travail à l'issue de la première visite du 22 mars 201I et de la seconde visite du 8 avril 2011. Il s'en suit que Madame [E] est mal fondée en ses demandes de rappel de salaire, tant principales que subsidiaires, et que le jugement qui lui a alloué une somme de ce chef de 781,43 doit être réformé.

V- Sur l'absence de déclaration de l'accident du travail

Madame [E] fait valoir qu'elle avait été victime d'un accident du travail dans la nuit du 13 au 14 mars 2008 pendant son travail, que l'employeur avait refusé de le déclarer en tant qu'accident du travail, que le juge prud'homal était compétent pour réparer la perte de la chance de bénéficier du régime protecteur de la législation sur les accidents du travail. La société Clinique Saint Jean s'oppose à cette demande en faisant valoir que la salariée avait des antécédents reconnus par elle d'une longue et ancienne maladie, que les céphalées de la nuit du 13 mars 2008 au 14 mars 2008 n'avaient pas donné lieu à un arrêt de travail immédiat mais avaient été relatées dans le registre des accidents bénins, que l'employeur avait été destinataire d'un arrêt de travail le 19 mars 2011 pour maladie à compter du 18 mars 2008, que la salariée n'avait pas respecté pendant trois ans ses propres obligations déclaratives auprès de son employeur ce qui avait placé ce dernier dans l'impossibilité de faire une déclaration auprès de la caisse, qu'au demeurant, la salariée pouvait faire elle-même la déclaration auprès de cet organisme, qu'en tout cas, ne l'ayant pas fait dans le délai de deux ans, son action était irrecevable et prescrite, que le juge prud'homal ne pouvait pas se prononcer sur le caractère d'accident du travail ce qui relevait de la compétence du Tass.

Il convient de relever tout d'abord que l'action indemnitaire de Madame [E] trouve son fondement dans l'omission par l'employeur de déclarer comme tel l' accident survenu sur les lieux et pendant le travail et d'avoir ainsi privé la salariée d'une chance de bénéficier de la législation protectrice afférente. Le juge prud'homal est compétent pour statuer sur une telle demande découlant de l'exécution du contrat de travail. De même, au jour de la saisine du conseil de prud'hommes, la demande d'indemnisation de la perte d'une chance n'était pas prescrite.

Il est constant que Madame [E] avait été victime, dans la nuit du 13 au 14 mars 2011 sur les lieux de son travail et pendant celui-ci, d'une altération soudaine de son état de santé par dont l'employeur avait eu immédiatement connaissance puisque Madame [I], sage femme, l'en avait prévenu par lettre du 15 mars 2008 jointe au dossier et qu'il est reconnu par lui qu'il avait mentionné l'événement sur son registre des accidents bénins. Il est par ailleurs établi par les pièces produites qu'après la fin de son service, Madame [E] avait été hospitalisée à [Localité 1], le 14 mars 2008 au matin , qu'elle n'avait plus repris le travail dans la clinique Saint Jean à compter de cette date et que l'affection ayant donné lieu à son arrêt de travail délivré à compter du 18 avril 2008 était bien celle qui s'était manifestée dans la nuit du 13 au 14 mars 2011 en sorte que l'argumentation de l'employeur, visant à contester le lien de causalité entre les faits de cette nuit-là et l'arrêt de travail est inopérante. D'ailleurs, les bulletins de salaire délivrés par l'employeur mentionnaient eux mêmes que l'absence pour maladie de Madame [E] avait débuté le 14 mars 2008. En l'état de ces éléments objectifs, peu important de connaître si les conditions de reconnaissance d'un accident du travail étaient ou non réunies, ce dont il n'appartenait pas à l'employeur de préjuger, la société Clinique Saint Jean, qui avait été destinataire de l'arrêt de travail de Madame [E] dans les jours suivants l'accident survenu dans la nuit du 13 mars au 14 mars 2008, était tenue impérativement, en application des articles L 441-2 et L 441-4 du code de la sécurité sociale, de déclarer cet accident à la sécurité sociale comme un accident du travail. Il est constant que la société Clinique Saint Jean n'avait jamais procédé à la déclaration de cet accident dont elle avait pourtant eu connaissance et qu'elle s'était sciemment abstenue d'y procéder malgré les lettres de Madame [E] dont la première était datée du 26mars 2008. Si la salariée avait la faculté de procéder elle-même à la déclaration d'accident du travail, il n'en reste pas moins que cette obligation pesait d'abord sur l'employeur et que la résistance de ce dernier était fautive. Indépendamment là encore de savoir si le caractère professionnel de l'accident aurait été ou non reconnu par la sécurité sociale, l'omission fautive de l'employeur, qui n'avait en réalité comme seul but que de faire échec à la présomption d'imputabilité découlant de la survenue de l'accident pendant l'exécution du contrat de travail, avait privé la salariée, d'une part, de la possibilité de faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure d'instruction de la déclaration et, d'autre part, en cas de reconnaissance de l'accident du travail, du bénéfice du régime légal protecteur des accidents du travail. Le préjudice découlant de cette perte d'une chance été exactement indemnisé par l'allocation d'une somme de 9000€ à titre de dommages-intérêts en sorte que le jugement sera confirmé.

.

VI- Sur la résiliation judiciaire

Madame [E] vient de démontrer que l'employeur en s'abstenant, sciemment et sans motif légitime, de déclarer à la sécurité sociale l'accident survenu dans la nuit du 13 au 14 mars 2008, avait commis un manquement grave à ses obligations ce qui avait eu une incidence sur le régime juridique applicable à la période de suspension du contrat de travail . En outre, ce manquement, qui perdurait au jour de la saisine du conseil de prud'hommes de Toulon, soit le 7 juin 2011, avait aussi une incidence sur le régime juridique applicable à la période postérieure à la déclaration d'inaptitude du 8 avril 2011. La gravité d'un tel manquement de la part de l'employeur, sa réitération et ses effets dommageables pour la salariée, justifiaient pleinement la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Clinique Saint Jean. Le jugement qui a prononcé la résiliation judiciaire à la date du licenciement, soit le 23 novembre 2011, sera donc confirmé.

Au jour de la rupture, la salariée comptait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de dix salariés. Elle percevait un salaire de 1779€. Elle produit pour la période postérieure à la rupture, des contrats de mission temporaire dans sa branche d'activité. Ces éléments ajoutés aux circonstances de la rupture justifient l'allocation de la somme de 20000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. A cette somme s'ajoutent celles de 631,11€ au titre du solde de l'indemnité de licenciement, déduction faite de la somme déjà encaissée à ce titre ,et de 3588€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

VII - Sur les autres demandes

Il y a lieu de rappeler que les sommes de nature salariale emporteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Clinique Saint Jean de la première demande en justice et pour les autre sommes à compter de l'arrêt.

Le jugement qui a condamné la société Clinique Saint Jean à rembourser les indemnités de chômage sera confirmé.

L'équité commande d'allouer la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile à Madame [E].

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale.

Reçoit la Sa Clinique Saint Jean en son appel.

Réforme le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Toulon du 11 février 2014 en ce qu'il a alloué un rappel de salaire de 781,43€ et statuant à nouveau , rejette la demande de rappel de salaire.

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions.

Rappelle que les sommes de nature salariale emporteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Clinique Saint Jean de la première demande en justice et pour les autre sommes à compter de l'arrêt.

Condamne la Sa Clinique Saint Jean à payer à Madame [L] [E] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile et la condamne aux entiers dépens

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/05478
Date de la décision : 30/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/05478 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-30;14.05478 ?
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