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23/06/2016 | FRANCE | N°13/20548

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 23 juin 2016, 13/20548


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2016



N° 2016/ 298













Rôle N° 13/20548







SAS GEL PECHE

SA ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY





C/



SA CMA - CGM





















Grosse délivrée

le :

à :



Me TOLLINCHI



Me SIMON-THIBAUD













cision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 27 Septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F00340.







APPELANTES





SAS GEL PECHE,

demeurant [Adresse 1]



SA ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY

demeurant [Adresse 2]



toutes deux représentées par Me Karine TOLLI...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2016

N° 2016/ 298

Rôle N° 13/20548

SAS GEL PECHE

SA ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY

C/

SA CMA - CGM

Grosse délivrée

le :

à :

Me TOLLINCHI

Me SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 27 Septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F00340.

APPELANTES

SAS GEL PECHE,

demeurant [Adresse 1]

SA ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY

demeurant [Adresse 2]

toutes deux représentées par Me Karine TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistées et plaidant par Me Gildas ROSTAIN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Marie BUZULIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SA CMA - CGM

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée et plaidant par Me André JEBRAYEL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Mai 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, madame AUBRY CAMOIN, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2016,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Selon connaissement à ordre émis le 29 novembre 2009 à Tomasina (Madagascar), la société CMA CGM a transporté un conteneur réfrigéré n° CGMU 2821733 contenant 600 cartons de crabes surgelés, chargé sur le navire CMA CGM CRISTINA au départ du port de Tomasina (Madagascar) à destination du port de Livourne (italie).

Le connaissement mentionne la société SOPEMO comme chargeur, la société GEL PECHE comme notify, et spécifie que les marchandises voyagent en conteneur frigorifique à température égale à - 22°C.

Selon facture du 21 décembre 2009, la société GEL PECHE a vendu ce lot de crabes surgelés en morceaux à la société italienne Mobilpesca Surgelati, pour la somme de 22.320 euros TTC.

La société GEL PECHE est assurée auprès de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY pour 'tous produits du commerce de l'assuré principalement produits de la mer, frais ou congelés exposés à un risque de transport aérien ou maritime, de tout point du globe à tout point du globe, y compris voyages complémentaires par voie terrestre et enfin, période de séjour en entrepôts frigorifiques'.

Le 29 décembre 2009 les services vétérinaires ont notifié leur décision de refus d'admission sur le territoire communautaire des marchandises jugées impropres à la consommation à la suite d'une inspection vétérinaire du 28 décembre 2009 qui a constaté une rupture de la chaîne du froid, et de destruction.

Par acte sous seing privé du 22 janvier 2010 la société Mobilpesca Surgelati SPA a cédé ses droits comprenant le droit de poursuite, à la société GEL PECHE,

Le 13 avril 2010, la marchandise convoyée sous escorte douanière, a été transférée du terminal Darse Toscane du port de Livourne aux installations de transit de déchets animaux de la société Petrachi Roberto à Livourne aux fins de destruction.

Selon quittance subrogative du 12 mai 2010, la société GEL PECHE a reconnu avoir reçu à la même date la somme de 26 784 euros par chèque bancaire tiré sur le compte Crédit Lyonnais de la société Cabinet Besse transports-risques divers, mandatée par la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY, et a subrogé cette dernière dans ses droits.

La société GEL PECHE a conservé à sa charge la somme de 2 488 euros correspondant aux frais de destruction de la marchandise, selon facture de la société Mobil pesca du 25 mai 2010.

Par acte du 22 décembre 2010, la société GEL PECHE et la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY ont assigné la société CMA CGM devant le Tribunal de commerce de Marseille aux fins d'obtenir sa condamnation à leur payer respectivement les sommes de 28 211,73 euros et de 2 488 euros.

Par jugement contradictoire du 27 juillet 2013, le Tribunal de commerce de Marseille a :

- dit irrecevable l'action de la société GEL PECHE SAS et de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE&SPECIALTY à l'encontre de la société CMA CGM.,

- condamné conjointement la société GEL PECHE et la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE &SPECIALTY à payer à la société CMA CGM, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné conjointement la société GEL PECHE et la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE&SPECIALTY aux dépens,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions des parties contraires aux dispositions du présent jugement

- ordonné pour le tout l'exécution provisoire.

Par déclaration au greffe de la Cour du 21 octobre 2013, la SAS GEL PECHE et la SA ALLIANZ GLOBAL CORPORATE &SPECIALTY ont régulièrement relevé appel de cette décision

Dans leurs dernières conclusions du 18 avril 2016, la société GEL PECHE et la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE &SPECIALTY demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant de nouveau,

- dire l'action de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE &SPECIALTY et de la société GEL PECHE recevable et bien fondée,

- condamner la société CMA CGM à payer à la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY la somme de 28.211,73 euros sauf à diminuer ou à parfaire, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, lesdits intérêts capitalisés par application de l'article 1154 du code civil

- condamner la société CMA CGM à payer à la société GEL PECHE la somme de 2 488 euros sauf à diminuer ou à parfaire outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, lesdits intérêts capitalisés par application de l'article 1154 du code civil,

- condamner la société CMA CGM au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au remboursement de la somme de 3 000 perçue par la société CMA CGM sur le fondement de l'article 700 du CPC au titre du jugement de première instance,

- condamner la société CMA CGM aux entiers dépens de l' instance.

Dans ses dernières conclusions du 15 avril 2016, la société CMA CGM demande à la Cour de:

- confirmer le jugement entrepris

- rejeter la pièce 12 adverse intitulée 'certificats sanitaires' comme étant totalement illisible et inexploitable,

- rejeter la pièce 13 adverse intitulée 'frais de destruction refacturés par Moblpesca à Gel Pêche' comme étant en langue italienne non traduite en français,

- déclarer irrecevable l'action de la société GEL PECHE et de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY,

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

- dire la demande de la société GEL PECHE et de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY infondée,

- constater l'absence de réserves adressées à la concluante,

- constater l'absence de convocation de la concluante à expertise

- constater l'absence de rapport d'expertise versé aux débats alors que les appelantes réclament le remboursement de frais d'expertise pour un montant de 1 427, 73 euros,

- dire que la société GEL PECHE et la compagnie ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY n'établissent pas l'existence du dommage allégué et son étendue,

- dire que ce prétendu dommage n'a pas été établi au contradictoire de la concluante,

- dire que les relevés temptale ne se réfèrent pas à la cargaison,

- dire qu'aucune preuve de destruction de la marchandise n'est produite aux débats,

- mettre hors de cause la CMA CGM

- débouter de plus fort les appelantes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

Sinon à titre encore plus subsidiaire,

- dire que la société GEL PECHE et la compagnie ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY ne justifient pas du quantum du préjudice allégué,

- les débouter de plus fort de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Sinon

- limiter la réclamation à la somme de 22 320 euros,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire la société CMA CGM au bénéfice des cas exceptés exonératoires de responsabilité de l'article 4.2 et ou de la convention de Bruxelles amendée par les protocoles de 1968 et de 1979

A titre encore plus infiniment subsidiaire

- ramener à juste proportion la demande des appelantes relative au montant de l'article 700 réclamé si par extraordinaire la Cour devait entrer en voie de condamnation à l'encontre de la concluante,

En tout état de cause,

- condamner les appelantes à payer à la CMA CGM la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les appelantes aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel avec distraction.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action de la société GEL PECHE

La société GEL PECHE soutient :

- qu'elle figure sur le connaissement en qualité de notify, et qu'elle bénéficie de la cession des droits du destinataire réel des marchandises, la société Mobilpesca,

- que la concluante étant le dernier endossataire du connaissement et donc l'ayant droit à la marchandise, elle est titulaire de l'action contre le transporteur,

- que la société Mobilpesca étant le destinataire réel de la marchandise, elle a qualité à agir à l'encontre de la société CMA GM, et que la concluante est devenue détenteur du droit d'action de la société Mobilpesca par l'effet d'une cession de droits,

- que la société GEL PECHE justifie être la seule société qui a subi le préjudice et qui a intérêt à agir, dès lors qu'elle n'a pas été réglée de sa facture de vente de la marchandise et a supporté les frais de destruction de celle-ci,

- que la concluante fournit la traduction de la facture de destruction de la marchandise dans ses conclusions,

- que la société GEL PECHE justifie du refus d'admission de la marchandise par les autorités sanitaires italiennes et du certificat de destruction, ainsi que de son préjudice complémentaire consistant dans les frais de destruction.

La société CMA CGM fait valoir :

- que la société GEL PECHE ne justifie pas de son préjudice,

- qu'à cet égard, rien ne démontre que la marchandise a été effectivement détruite,

- que la pièce en langue italienne doit être écartée des débats, et en tout état de cause ne démontre pas que la marchandise a été détruite,

- que la société GEL PECHE verse aux débats un acte de subrogation dans lequel elle indique céder tous ses droits à la société ALLLIANZ de sorte qu'elle n'a plus de droit à agir à l'encontre de la concluante et ne peut lui réclamer le paiement de la somme de 2 488 euros.

*

La société Mobilpesca est le destinataire réel de la marchandise ainsi qu'il résulte de la facture de vente de la marchandise émise par la société GEL PECHE le 21 décembre 2009 à l'ordre de la société Mobilpesca, mentionnant un paiement à échéance du 21 février 2010, de la facture de destruction de la marchandise émise par la société Mobilpesca le 25 mai 2010 à l'ordre de la société GEL PECHE d'un montant de 2 488 euros, et des documents sanitaires établis par les autorités malgaches.

La facture de destruction rédigée en langue italienne ne saurait être écartée des débats dès lors que la société GEL PECHE en fournit une traduction dans ses conclusions, qui n'est pas critiquée par la société CMA CGM.

Par acte sous seing privé du 22 janvier 2010, la société Mobilpesca a cédé à la société GEL PECHE tous les droits et/ou actions comprenant le droit de poursuite afférents à la facture de vente du 21 décembre 2009 d'un montant total de 22 300 euros TTC et à la marchandise constituée de morceaux de crabe surgelés transportés par la société CMA CGM selon connaissement TMMO11830.

Les droits cédés par la société GEL PECHE à la société ALIANZ l'ont été à hauteur de la somme de 26 784 euros, la concluante conservant à sa charge exclusive les frais de destruction de la marchandise

La société GEL PECHE venant aux droits du destinataire réel, a qualité et intérêt à agir dès lors qu'elle subit un préjudice, et est recevable en son action.

Sur la recevabilité de l'action de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE

La société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY soutient :

- que la concluante est recevable à agir par application de l'article L 172-29 du code des assurances dès lors qu'elle est régulièrement subrogée dans les droits et actions de la société GEL PECHE du fait de l'indemnité versée à celle-ci,

- que le non respect des articles 9D, 14 et 15 des conditions particulières de la police d'assurance, à le supposer établi, n'est pas sanctionné, et que la concluante était tenue d'indemniser la société GEL PECHE au titre du contrat d'assurance et est légalement subrogée dans ses droits à l'encontre de la société CMA CGM,

- que la concluante verse au débat copie des certificats vétérinaires établis par le pays d'origine, ainsi que le prévoit l'article 10 des conditions particulières,

- concernant les clauses 16, 17 et 18 des conditions générales, qu'aucun recours n'a été perdu par la faute de la société GEL PECHE,

- qu'en tout état de cause, la perte du recours n'est pas sanctionné par la déchéance du droit à indemnité mais par sa réduction à hauteur du recours perdu,

- que les autorités vétérinaires ayant refusé l'accès de la marchandise sur le territoire communautaire, les critiques concernant l'absence de désignation d'un expert sont inopérantes,

- qu'en tout état de cause, la sanction de déchéance en l'absence de désignation d'un expert n'est pas automatique et dépend de la décision de l'assureur,

- que la concluante bénéficie en conséquence de la subrogation légale, et est recevable à agir,

- si la Cour venait à considérer que les conditions de la subrogation légale ne sont pas réunies, que la concluante demeure fondée à se prévaloir de la subrogation conventionnelle dans les droits de la société GEL PECHE,

- que la concluante justifie en l'espèce de la quittance subrogative concomitante au chèque de règlement,

- que la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré ne dépend pas des termes du contrat d'assurance et de l'obligation contractuelle de garantie,

- qu'ainsi la concluante est régulièrement subrogée dans les droits d ela société GEL PECHE sur le fondement de l'article 127-29 du code des assurances, ou à tout le moins sur le fondement de l'article 1250 du code civil.

La société CMA CGM fait valoir :

Sur le paiement obligé

- que selon jurisprudence constante de la Cour de accastion, il incombe aux assureurs de produire la police d'assurance pour déterminer si le sinistre invoqué ouvre ou non droit à indemnité,

- que l'article 10 des conditions particulières de la police d'assurance prévoit que celle-ci prendra effet postérieurement à la délivrance des certificats sanitaires du pays d'origine, lesquels n'étaient pas produit en première instance,

- que les certificats sanitaires produits en cause d'appel sont de très mauvaise qualité et inexploitables, et ne permettent pas de déterminer s'ils s'appliquent à la marchandise concernée par le présent litige,

- que la société GEL PECHE ne justifie pas avoir pris toutes mesures appropriée pour conserver les droits de recours de l'assureur à l'encontre du transporteur ainsi que le prévoit l'article 9D des conditions particulières,

- qu'à cet égard, la société GEL PECHE ne justifie d'aucune réserve ou convocation à expertise, et que la société GEL PECHE n'a pas satisfait aux obligations des articles 14 et 15 des conditions particulières,

- que la société GEL PECHE ne communique toujours pas en cause d'appel les réserves adressées à la concluante ou une convocation à expertise,

- que les conditions générales produites en appel confirment aux article 16 et 17 l'obligation de l'assuré de préserver les droits au recours contre le transporteur et les tiers responsables,

- que l'article 18 des conditions générales prévoit à titre de sanction la déchéance du droit à l'indemnité en cas d'inexécution de ses obligations par l'assuré,

- qu'alors que l'assureur prétend avoir réglé la somme de 1 427,73 euros au cabinet d'expert Leveque, ce rapport d'expertise n'est pas versé au débat,

- qu'ainsi l'assureur n'était nullement tenu à indemnité,

Sur la subrogation

- que la recevabilité de l'assureur ALLIANZ suppose que la partie dans les droits de laquelle il est subrogé, ait elle même qualité et intérêt à agir,

- que le connaissement ayant été émis à ordre, seul le dernier endossataire du connaissement ou son cessionnaire de droits régulier a qualité pour agir à l'encontre du transporteur,

- qu'il n'est pas justifié que la société GEL PECHE soit le dernier endossataire, que le fait que la société GEL PECHE soit notify ne lui confère aucun droit d'agir contre le transporteur, et qu'il n'est pas démontré que la société Mobilpesca aurait réglé la marchandise et aurait seule subi un préjudice financier résultant du transport pour pouvoir transmettre ses droits à l'assureur,

Sur la subrogation conventionnelle

- que la condition de simultanéité de la subrogation et du paiement n'est pas justifiée.

*

Aux termes de l'article L 172-29 du code des assurances :

'L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l'assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie.'

Selon l'article 10 des conditions particulières de la police d'assurance, les effets de la police d'assurance ne peuvent ' en aucun cas être antérieurs à la délivrance des certificats sanitaires du pays d'origine, et pour autant que ceux-ci soient conforme à la législation et aux normes en vigueur dans l'Union Européenne'.

En cause d'appel, la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY produit un certificat sanitaire délivré par les autorités malgaches le 19 novembre 2009, un visa de conformité relatif aux produits de la mer et d'eau douce destinés à l'exportation du 19 novembre 2009 et un certificat de circulation des marchandises du 24 novembre 2009.

Ces documents, quoique de mauvaise qualité, permettent de s'assurer que la marchandise concernée est celle du présent litige, et que les effets de la police d'assurance sont postérieurs à leur délivrance.

Aux termes de l'article 9D des conditions particulières de la police d'assurance :

'L'assuré s'engage à prendre toutes mesures appropriées pour conserver au profit des assureurs les droits de recours à l'encontre des transporteurs, emballeurs, arrimeurs, entreposeurs, et d'une façon générale tous autres tiers responsables.

En contrepartie de cet engagement, les assureurs acceptent de ne pas se prévaloir des sanctions prévues par les conditions générales en cas de conservation des recours.'

L' articles 14 des conditions particulières spécifie :

'En cas de sinistre, l'assuré ou le bénéficiaire de l'assurance ou leurs représentants devront :

1 °- prendre, provoquer, ou requérir toutes mesures conservatoires ou de sauvetage que nécessite la situation pour protéger les biens assurés ou limiter les dommages dont ils sont atteints

2° - requérir l'intervention du commisaire d'avaries ou du représentant des assureurs le plus rapidement possible, et au plus tard dans les trois joursde la date de survenance du sinistre

[........]'

L'article 15 prévoit :

'A l'appui de toutes réclamations présentées aux assureurs, l'assuré ou le bénéficiaire de l'assurance devra fournir les justificatifs suivants :

- copie des factures d'origine de la marchandise et des frais divers engagés

- connaissement, lettre de voiture, ou titre de transport régulier

- certificat d'assurance le cas échéant

En outre, suivant la nature de la réclamation, l'assuré devra fournir les pièces suivantes :

- certificat du commissaire d'avaries, rapport d'expertise, ou constat établi contradictoirement avec le transporteur

- copie des lettres de réserves adressées au transporteur ou autres tiers responsables

- certificat provisoire ou attestation de non livraison.'

Aux termes de l'article 5 des conditions générales de la police d'assurance :

'Sont garantis les dommages et pertes matériels ainsi que les pertes de poids ou de quantité subis par les facultés assurées, y compris lorsque ces dommages et pertes résultent du chargement ou du déchargement effectué par l'assuré ou le bénéficiaire de l'assurance.'

Selon l'article 16 :

'l'assuré, ses représentants et tous les bénéficiaires de l'assurance doivent également prendre toutes dispositions pour conserver les droits et les recours contre les transporteurs et tous autres tiers responsables et permettre à l'assureur, le cas échéant, d'engager et de poursuivre les actions qu'il jugera nécessaires.'

L'article 17 spécifie :

'Ils doivent, lors de l'arrivée des facultés au lieu de destination du voyage assuré et lorsque l'un des événements énumérés à l'article 5 s'est réalisé ou est réputé s'être réalisé, requérir l'intervention du Commissaire d' Avaries du Comité d'Etude et de Service des Assureurs Maritimes et Transports (CESAM) ou, à défaut, de tout organisme indiqué à la rubrique 'commissaire d'avaries' des conditions particulières, en vue de leur expertise contradictoire. La requête doit intervenir dans les trois jours de la cessation de la garantie, jours fériés non compris, telle que fixée au chapitre III. En cas de contre-expertise, celle-ci doit intervenir contradictoirement dans les quinze jours qui suivent l'expertise.'

L'article 18 prévoit que l'inexécution des obligations énumérées aux articles précédents peut entraîner, selon les circonstances, la réduction de l'indemnité (article16) ou la déchéance du droit à indemnité (article 17).

Il est constant qu'aucune des pièces visées aux articles précités, en particulier lettre de réserve, certificat du commissaire d'avaries et/ou rapport d'expertise n'est produite au débat.

Il est toutefois établi en l'espèce par un document officiel de l'office vétérinaire dépendant du ministère italien de la santé en date du 29 décembre 2009, que l'importation de la marchandise sur le territoire communautaire a été refusée comme étant impropre à la consommation en raison d'une rupture de la chaîne du froid.

La sanction de l'inexécution de son obligation par l'assuré n'est pas automatique et est laissée à la discrétion de l'assureur qui peut en faire usage selon les circonstances, lesquelles sont en l'espèce établies par un document officiel.

C'est en exécution des obligations de la police d'assurance dont les conditions particulières et générales sont produites, que la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY a indemnisé la société GEL PECHE.

La société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY est en conséquence fondée à se prévaloir de la subrogation légale dès lors qu'elle justifie avoir indemnisé son assuré

en exécution de la police d'assurance souscrite par ce dernier.

Le jugement déféré sera dès lors infirmé de ce chef.

Sur la responsabilité du transporteur

La société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE soutiennent :

- que la preuve du dommage est établie par l'enregistrement de la température de la marchandise au cours du transport, et la destruction de la marchandise par les autorités sanitaires italiennes,

- que la température mentionnée au connaissement n'a pas été respectée par le transporteur, et que le chargement est arrivé décongelé au port de destination par suite de la rupture de la chaîne du froid ainsi que le mentionne le document de refus d'importation sur le territoire communautaire,

- qu'en application des dispositions de la Convention de Bruxelles de 1924, le transporteur maritime est présumé responsable pour tous dommages et pertes entre la prise en charge de la marchandise et sa livraison,

- qu'en l'espèce, le conteneur n'a pas été livré au destinataire, mais remis aux autorités italiennes qui en ont refusé l'accès sur le territoire de l'Union Européenne, et que la société CMA CGM n'est donc pas déchargée de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle,

- que la société CMA CGM ne rapporte pas la preuve des causes exonératoires prévues aux articles 4.2.g et 4.2.q,

- que la société CMA CGM qui conteste le relevé de température produit par la concluante, ne produit pas les relevés de température qui sont en sa possession,

- qu'une marchandise congelée à - 22°C n'a pu se décongeler et se putréfier en quelques jours seulement après l'arrivée du navire, et que l'avarie est donc bien survenue au cours du transport.

La société CMA CGM fait valoir :

- que la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE ne versent au débat ni rapport d'expertise établissant les prétendus dommages, ni lettre de réserve ni convocation à l'expertise, alors que l'assureur réclame le paiement du coût d'un rapport d'expertise établi par le cabinet Leveque pour une somme de 1 427,73 euros,

- que la lettre de non admission de la marchandise sur le territoire de l'Union Européenne ne permet pas de retenir la responsabilité du transporteur maritime,

- que ce document n'indique pas la température de la marchandise pendant le voyage,

- qu'à aucun moment, la concluante n'a été mise en cause par l'ayant droit à la marchandise à l'occasion de ce refus d'admission de la marchandise,

- qu'à ce jour, aucun constat de destruction de la marchandise n'est produit,

- qu'en l'absence de rapport d'expertise, il est impossible de connaître la cause du prétendu dommage,

- que le temptale produit par la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE porte des références ne correspondant pas aux références d'immatriculation du conteneur, qu'il est impossible de s'assurer qu'il était présent dans le conteneur CGMU282173/3, de vérifier son fonctionnement et son étalonnage, et qu'il n'est nullement établi que ce document ait été fourni par les services vétérinaires.

*

Le transporteur maritime est présumé responsable des dommages à la marchandise entre sa prise en charge et sa livraison.

Le connaissement émis le 29 novembre 2009 mentionne un transport de la marchandise en conteneur frigorifique à une température égale à - 22° C.

Les autorités sanitaires italiennes ont émis le 29 décembre 2009 un refus d'admission de la marchandise sur le territoire de l'Union Européenne fondé sur un contrôle sanitaire effectué le 28 décembre 2009 qui a constaté une rupture de la chaîne du froid.

S'il est acquis que le dommage résulte d'une rupture de la chaîne du froid, il incombe à la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et à la société GEL PECHE qui sont demandeurs à l'instance, de rapporter la preuve que la responsabilité du transporteur maritime est engagée, soit sur le fondement de la présomption de responsabilité en cas de réserves dans les trois jours de la livraison , soit sur le fondement de la faute en l'absence de réserves.

La société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE qui soutiennent l'absence de livraison de la marchandise et donc la responsabilité de plein droit du transporteur, ne produisent aucune preuve au soutien de cette allégation.

La société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et à la société GEL PECHE ne produisent aucune pièce utile en dehors du refus d'admission de la marchandise sur le territoire de l'Union Européenne par les autorités sanitaire italiennes, qui ne peut suppléer un rapport d'expertise et/ou un rapport du commissaire d'avaries.

Aucune pièce du dossier ne renseigne sur la date d'arrivée du navire au port de Livourne, la période pendant laquelle le conteneur est resté à quai ou sous hangar, l'état précis de la marchandise lors de l'ouverture du conteneur, la date de livraison s'il y a lieu.

Il n'est pas justifié que des réserves aient été adressées à la société CMA CGM, ni que la société CMA CGM aurait été convoquée à une expertise alors que le paiement du coût d'une expertise réalisée par le cabinet Leveque lui est demandé.

Le temptale qui est produit par la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE ne supporte aucune référence permettant de le rattacher à la marchandise transportée, et est en conséquence dépourvu de valeur probante.

Il n'est pas non plus justifié que le data logger ait été réclamé à la société CMA CGM par la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE

La société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE ne peuvent qu'être déboutées en toutes leurs demandes faute de démontrer soit que la responsabilité de la société CMA CGM est engagée de plein droit, soit qu'elle a commis une faute au cours du transport.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE qui succombent pour l'essentiel ne sont pas fondées en leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il convient en équité de condamner solidairement la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE à payer à la société CMA CGM la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort

Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces 12 et 13 versés au débat par la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE,

Infirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit irrecevable l'action de la société GEL PECHE SAS et de la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE&SPECIALTY à l'encontre de la société CMA CGM.,

Et statuant à nouveau

Déclare recevables en leur action la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY subrogée dans les droits de la société GEL PECHE, et la société GEL PECHE

Confirme en ses autres dispositions le jugement déféré, en ce compris les dépens,

Ajoutant

Déboute la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE de leurs demandes, fins et conclusions,

Condamne solidairement la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE à payer à la société CMA CGM la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement la société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société GEL PECHE aux dépens d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 13/20548
Date de la décision : 23/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°13/20548 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-23;13.20548 ?
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