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16/06/2016 | FRANCE | N°15/11891

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 16 juin 2016, 15/11891


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT AU FOND

DU 16 JUIN 2016



N° 2016/489

GP











Rôle N° 15/11891





[T] [P]





C/



SA CLINIQUE SAINT JEAN

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON



Me Sk

ander DARRAGI, avocat au barreau d'AVIGNON



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Arrêt en date du 16 juin 2016 prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 17 Juin 2015, qui a cassé l'arrêt rendu le 26 novembre 2013 par la Cour...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 16 JUIN 2016

N° 2016/489

GP

Rôle N° 15/11891

[T] [P]

C/

SA CLINIQUE SAINT JEAN

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

Me Skander DARRAGI, avocat au barreau d'AVIGNON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Arrêt en date du 16 juin 2016 prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 17 Juin 2015, qui a cassé l'arrêt rendu le 26 novembre 2013 par la Cour d'appel D'AIX-EN-PROVENCE (17è)

APPELANTE

Madame [T] [P], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SA CLINIQUE SAINT JEAN, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Skander DARRAGI, avocat au barreau d'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Avril 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2016.

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [T] [P] a été embauchée en qualité de sage-femme le 2 novembre 2004 par la SA CLINIQUE SAINT JEAN.

Elle a fait valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 2013.

Par requête du 4 février 2013, elle a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Toulon de diverses demandes à titre provisionnel de rappel de salaire et de dommages intérêts.

Par ordonnance de référé du 12 avril 2013, le Conseil de prud'hommes de Toulon s'est déclaré incompétent, a invité les parties à mieux se pourvoir sur l'ensemble des demandes et a réservé les dépens.

Sur appel interjeté par Madame [T] [P], la 17ème Chambre de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a, par arrêt du 26 novembre 2013, confirmé l'ordonnance déférée, dit n'y avoir lieu à référé et condamné Madame [T] [P] aux entiers dépens.

Sur pourvoi interjeté par Madame [T] [P], la Cour de cassation a, par arrêt du 17 juin 2015, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 26 novembre 2013 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a renvoyé les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée et a condamné la SA CLINIQUE SAINT JEAN à payer à Madame [T] [P] 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [T] [P] conclut à la réformation de l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :

-vu les articles L.3122-42 et R.3122-18 à 22 du code du travail, à ce que soit constaté le manquement et à ce que la SA CLINIQUE SAINT JEAN soit condamnée à titre provisionnel à lui payer 500 € de dommages intérêts,

-vu l'article 2 de l'accord du 27 janvier 2000 et l'article D.2231-4 du code du travail, à ce que soit constatée l'absence d'accord d'entreprise opposable et à ce que la SA CLINIQUE SAINT JEAN soit condamnée à titre provisionnel à lui payer 2500 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation des durées quotidiennes maximales légales du travail de jour et de nuit,

-vu l'article 53-7 de la CCU, à ce que la SA CLINIQUE SAINT JEAN soit condamnée à titre provisionnel à lui payer 500 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l'obligation conventionnelle de mettre à la disposition des personnels de nuit des locaux et mobiliers (fauteuils relax ergonomiques) permettant d'organiser le temps d'activité et de pause,

-vu l'article 82-1 de la CCU, à ce que la SA CLINIQUE SAINT JEAN soit condamnée à titre provisionnel à lui payer la somme de 603,83 € à titre de rappel de salaire outre celle de 60,38 € au titre de l'indemnité afférente pour congés,

-vu l'article 3121-33 du code du travail et l'article 53-2 de la CCU, à ce que la SA CLINIQUE SAINT JEAN soit condamnée à titre provisionnel à lui payer la somme de 1500 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence totale de pause,

-vu l'article R.3122-12 du code du travail et l'article 53-2 de la CCU, vu la réponse ministérielle, à ce que la SA CLINIQUE SAINT JEAN soit condamnée à titre provisionnel à lui payer la somme de 7718,87 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'octroi du repos compensateur,

-vu l'article 90-6 de la CCU, à ce qu'il soit constaté que la concluante n'a jamais bénéficié d'un entretien individuel en vue de son passage en groupe B, que la DUP n'a jamais été consultée sur les modalités de ce passage et qu'il n'existe aucun accord collectif d'entreprise permettant de bénéficier du passage du groupe A au groupe B, et à ce que la SA CLINIQUE SAINT JEAN soit condamnée à titre provisionnel à lui payer la somme de 7000 € à titre de dommages intérêts en réparation de la perte d'une chance d'avoir pu bénéficier de cet avantage,

-vu l'article L.3322-2 du code du travail, à ce que la SA CLINIQUE SAINT JEAN soit condamnée à titre provisionnel à lui payer la somme de 500 € à titre de dommages intérêts pour perte d'une chance de se voir attribuer sa quote-part sur la réserve de participation constituée au niveau de l'UES,

-vu l'article L.3121-3 du code du travail, à ce qu'il soit constaté qu'il n'existe aucun accord collectif d'entreprise sur l'indemnisation des temps d'habillage et de déshabillage, et à ce que la SA CLINIQUE SAINT JEAN soit condamnée à titre provisionnel à lui payer 1000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de toute compensation,

-vu l'article 58-4 de la CCU, intitulé « fractionnement des congés », à ce que la SA CLINIQUE SAINT JEAN soit condamnée à titre provisionnel à lui payer la somme de 7382,34 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'obligation conventionnelle d'octroyer des jours de CP pour fractionnement,

-vu l'article 15 de la CCU, à la condamnation de la SA CLINIQUE SAINT JEAN à titre provisionnel à lui payer la somme de 443,31 € au titre des heures de délégation outre celle de 44,33€ au titre d'indemnité pour congés,

et à la condamnation de la SA CLINIQUE SAINT JEAN à lui payer la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SA CLINIQUE SAINT JEAN conclut, vu la contestation sérieuse, à ce qu'il soit dit qu'il n'y a lieu à référé, à la confirmation de l'ordonnance de référé rendue par le conseil de prud'hommes de Toulon en date du 12 avril 2013, en conséquence, au débouté de Madame [T] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et à la condamnation de Madame [T] [P] au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE :

Sur la surveillance médicale des travailleurs de nuit :

Madame [T] [P] invoque un manquement de l'employeur à son obligation de lui faire bénéficier d'une surveillance médicale renforcée, en application des articles L.3122-42 et R.3122-18 à R.3122-22 du code du travail, en soutenant qu'elle n'a pas bénéficié, en sa qualité de travailleur de nuit, d'une visite médicale tous les six mois.

La SA CLINIQUE SAINT JEAN soutient que la salariée a fait l'objet de diverses visites médicales, tous les six mois comme le prévoit la législation en vigueur relative à la surveillance médicale renforcée, que Madame [T] [P] a refusé de s'y rendre s'estimant plus compétente que le médecin du travail pour juger de son aptitude à occuper son poste de travail, qu'elle a refusé de se présenter à une visite médicale organisée par l'employeur en date du 24 avril 2012, que la salariée ne peut donc se prévaloir de sa propre turpitude pour aujourd'hui prétendre avoir subi un quelconque préjudice, que la société a également subi les dysfonctionnements des services de la Médecine du travail et que Madame [T] [P] doit être déboutée de sa demande.

La SA CLINIQUE SAINT JEAN produit trois fiches de visite médicale du 28 avril 2008, du 27 septembre (année illisible sur copie de mauvaise qualité) et du 14 mai 2012, une convocation adressée à Madame [T] [P] pour la visite médicale du 24 avril 2012, un courrier de la société adressé le 24 avril 2012 à Madame [T] [P] pour lui demander de justifier son absence au rendez-vous du 24 avril 2012 à la visite médicale annuelle obligatoire, le courrier en réponse du 3 mai 2012 de Madame [T] [P] expliquant que ce jour-là, alors qu'elle était de garde en salle d'accouchement « probablement soumis à un stress habituel et probablement indignée par une situation, un mot ou une attitude. Et ce jour là, cette visite médicale (qu'elle) effectue chaque année et où il (lui) est délivré un certificat d'aptitude à un travail de nuit après une simple prise de TA, ce jour-là (elle) n'en a pas voulu. Le lendemain après une nuit de sommeil (elle) téléphonait à la médecine du travail afin d'obtenir un autre rendez-vous' », un courrier recommandé adressé le 14 janvier 2011 par l'employeur à l'AIST pour signaler les difficultés rencontrées quant à l'organisation des visites médicales de ses salariés à défaut de délais d'intervention normaux de la part des médecins (depuis le mois de septembre 2010,

plus de médecin titulaire et pas de visite annuelle programmée jusqu'au mois de mars 2011), le courrier en réponse du 21 février 2011 de l'AIST s'excusant des dysfonctionnements générés par la pénurie de médecins du travail et précisant qu'à partir du 7 mars 2011, l'effectif médical du secteur de Toulon-La Pléiade sera au complet et le courrier du 7 avril 2011 de l'employeur adressé à l'AIST dénonçant des retards très conséquents en ce qui concerne les visites annuelles de ses salariés (200 salariés de la clinique n'ont pas bénéficié de leur visite sur l'année 2010, retard qui ne sera pas rattrapé en 2011 au rythme de 4 rendez-vous par convocation).

Les documents versés par l'employeur établissent indiscutablement que l'obligation de faire passer une visite médicale tous les six mois n'a pas été respectée sur la période d'embauche de Madame [T] [P] du 2 novembre 2004 à décembre 2012.

Si l'employeur justifie s'être heurté à la carence de la médecine du travail de septembre 2010 à avril 2011, il ne démontre pas pour autant avoir saisi la médecine du travail de demandes de visite semestrielle pour les travailleurs de nuit.

Le manquement de la clinique à son obligation n'est pas sérieusement contestable et il convient d'accorder, à titre provisionnel, à Madame [T] [P] la somme de 250 € en réparation de son préjudice.

Sur la violation des durées quotidiennes maximales de travail :

Madame [T] [P] fait valoir que le seuil quotidien maximum du travail est, selon la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 de 8 heures et que la charge de la preuve que ce seuil n'est pas franchi pèse exclusivement sur l'employeur, que celui-ci croyant à tort que les dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail s'appliquaient au litige, pour pallier le rapport de la preuve par les salariés de nuit de l'absence de toute pause au moyen des enregistrements de la pointeuse, la Clinique Saint Jean a cru faire preuve de finesse procédurale en les dispensant de pointer, de sorte qu'il lui est aujourd'hui impossible de rapporter cette preuve et qu'elle doit dès lors être condamnée au paiement de dommages-intérêts. Elle fait valoir que les temps de pause des salariés de nuit doivent être considérés comme du temps de travail effectif alors que l'employeur refuse de les décompter comme du temps de travail effectif.

La SA CLINIQUE SAINT JEAN réplique que, selon la réponse du Pôle Social de la Fédération de l'hospitalisation privée du 20 août 2004, les dépassements au-delà de 8h54 des travailleurs de nuit doivent être restitués en temps de repos non rémunérés, et si les temps de repos existent déjà dans l'organisation des horaires, aucune contrepartie particulière n'est à prévoir, que le second alinéa de l'article 53-2 de la convention collective CCU prévoit que le travailleur de nuit pour lequel il a été fait application de la dérogation à la durée maximale quotidienne de 8 heures du poste de nuit doit bénéficier d'un temps de repos équivalent au temps de dépassement, que Madame [T] [P] omet sciemment de faire référence à l'Accord sur la réduction de la durée du travail conclu par la société concluante avec les partenaires sociaux qui prévoit, à l'article 5-7 « durée quotidienne du travail » que « le service maternité fonctionnera selon une durée quotidienne de travail effectif qui s'échelonnera entre 10h50 et 12 heures (jusqu'à 12h30 la nuit uniquement). Deux jours de repos au moins sépareront les deux jours de travail consécutifs ».

Si Madame [T] [P] sollicite que soit constatée l'absence d'accord d'entreprise opposable, elle ne développe pas pour autant sa position.

Au vu de la contestation sérieuse soulevée par la SA CLINIQUE SAINT JEAN quant à l'existence d'un accord collectif applicable au sein de l'entreprise et prévoyant une durée maximale de travail de nuit de 12 heures au sein du service maternité, il n'y a pas lieu à statuer en référé sur la réclamation de Madame [T] [P].

Sur l'absence de mise à la disposition des personnels de nuit des locaux et mobiliers permettant d'organiser les temps de pause :

Madame [T] [P] ne développe pas sa demande d'indemnisation de ce chef

dans le corps de ses conclusions oralement reprises. Si elle invoque dans le dispositif de ses conclusions l'absence de mise à disposition des personnels de nuit des locaux et mobiliers (fauteuils relax ergonomiques) permettant d'organiser le temps d'activité et de pause, l'employeur réplique que les salariés de nuit ont à leur disposition un plateau repas et des fauteuils ergonomiques leur permettant d'organiser leur temps de pause, lequel est payé et inclus dans le temps de travail.

En l'absence de toute pièce versée par Madame [T] [P] à l'appui de sa réclamation et eu égard à la contestation sérieuse opposée par l'employeur, il n'y a pas lieu à statuer en référé sur cette demande.

Sur la majoration pour travail de nuit :

La salariée soutient que l'indemnité pour travail de nuit, à savoir une majoration de 10 %, s'acquiert pour toutes les heures de travail comprises entre 19 heures et 8 heures, et que la clinique Saint-Jean cantonne pourtant le paiement de cette majoration de 10 % aux heures comprises entre 21 heures et 6 heures, en violation des dispositions conventionnelles.

L'employeur soutient qu'il procède bien au paiement des heures de nuit majorées sur l'amplitude 19h-08h, par garde sur la période de gestion, dont la date figure en haut à gauche de la fiche de paye sous le bandeau « commentaire », et non sur l'horaire théorique mensuel de 151 heures 67 ; que dès lors, selon la date de l'arrêt de la période de gestion, cela représente 4 ou 5 semaines ; que les variables sont arrêtées la semaine du 20, pour pouvoir établir les fiches de paye et effectuer le virement le 27 du mois, et qu'il y a par conséquent toujours un décalage de paiement mais qu'il n'en demeure pas moins que le calcul est bien fait par garde (11h67 à 10 %).

Il est incontestable que « les salariés affectés au poste de travail de nuit percevront pour chaque heure effectuée entre 19 heures et 8h00 une indemnité égale à 10 % du salaire horaire » en vertu de l'article 82 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Les feuilles de paie versées aux débats par Madame [T] [P] ne démontrent pas que l'employeur s'est acquitté du paiement de la majoration de 10 % sur toutes les heures effectuées entre 19 heures et 8 heures, y compris pour les heures entre 19 heures et 21 heures et 6 heures et 8 heures.

Madame [T] [P] produit un décompte (page 8 de ses écritures oralement reprises) précis, non sérieusement contredit par l'employeur.

L'obligation de l'employeur de payer la majoration des heures travaillées entre 19 heures et 8 heures n'étant pas sérieusement contestable, il convient d'allouer à Madame [T] [P], à titre provisionnel, la somme brute de 603,83 € à titre de rappel de salaire, ainsi que la somme brute de 60,38 € au titre des congés payés y afférents.

Sur le préjudice résultant de l'absence totale de pause :

Madame [T] [P] ne développe pas sa demande d'indemnisation de ce chef dans le corps de ses conclusions oralement reprises et se contente de solliciter, dans le dispositif de ses conclusions, l'octroi à titre provisionnel de 1500 € de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence totale de pause.

Elle ne verse aucun élément susceptible de démontrer qu'elle est restée au service de l'employeur durant son temps de pause et qu'elle en était privée.

L'employeur fait observer qu'il est mis gracieusement à la disposition de l'ensemble de son personnel de nuit un plateau repas et qu'il serait judicieux que Madame [T] [P] puisse expliquer comment ledit personnel, dont elle fait partie, pourrait se restaurer

sans prendre de pause.

À défaut de tout élément probatoire versé par la salariée et en l'état d'une contestation sérieuse sur l'absence de pause, il n'y a pas lieu à statuer en référé sur cette demande.

Sur le défaut d'octroi du repos compensateur :

Madame [T] [P] soutient qu'aux termes de l'article 10 de l'accord de réduction et d'aménagement du temps de travail du 27 janvier 2000, les temps de pause des salariés doivent être considérés comme du temps de travail effectif. Elle soutient qu'en l'espèce, l'employeur paye ces temps de pause, mais refuse de les décompter pour l'acquisition des droits au repos.

Elle fait valoir que le droit au repos des salariés de nuit s'acquiert cumulativement :

' de façon continue heure par heure au taux de 0,25 pour toutes les heures de travail comprises entre 21 heures et 6 heures, droit que l'employeur respecte,

' à raison de 100 % des temps de travail de nuit supérieurs à 8 heures, droit qui n'est pas respecté par l'employeur, lequel refuse d'octroyer la majoration de 100 % pour la 9ème heure de nuit.

Elle sollicite, en conséquence, à titre provisionnel, le paiement d'une heure par garde de nuit à titre de dommages et intérêts pour réparer la privation du repos compensateur, pour un total de 7718,87 € selon le décompte qu'elle produit (page 9 de ses conclusions).

Elle invoque les dispositions de l'article 53'2 de la convention collective nationale, les dispositions de l'article R.3122-12 du code du travail (ancien article R.213-4) et le courrier du Ministre de l'emploi en date du 21 juin 2006 apportant « des éléments de réponse aux questions relatives à la négociation des contreparties au travail de nuit' ».

Aux termes de l'article 53-2 alinéa 2 de la Convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, « le travailleur de nuit pour lequel il aura été fait application de la dérogation à la durée maximale quotidienne de 8 heures de poste de nuit devra bénéficier d'un temps de repos équivalent au temps de dépassement. Ce temps de repos équivalent permettra, dans le cadre de l'organisation du travail, soit une augmentation du repos quotidien, soit une augmentation de la durée du repos hebdomadaire, soit une augmentation du temps de repos sur 2 semaines' ».

La SA CLINIQUE SAINT JEAN invoque tout au plus que l'article 5-7 de l'Accord sur la réduction de la durée du travail conclu par elle avec les partenaires sociaux, indique que « le service maternité fonctionnera selon une durée quotidienne de travail effectif qui s'échelonnera entre 10h50 et 12 heures (jusqu'à 12h30 la nuit uniquement). Deux jours de repos au moins sépareront les deux jours de travail consécutifs ».

La société ne produit aucun décompte sur la durée des services ni de décompte des repos accordés. Elle ne démontre pas que le repos compensateur de 100 % pour la 9ème heure de travail de nuit est inclus dans les 2 jours de repos séparant les 2 jours de travail consécutifs ou dans la durée du repos hebdomadaire ou dans la durée du temps de repos sur 2 semaines. Elle ne démontre donc pas avoir respecté le repos compensateur de 100 % pour la 9ème heure, alors que cette obligation conventionnelle d'octroi d'un repos compensateur est indiscutable.

Au vu du tableau fourni par Madame [T] [P], listant le nombre de nuits travaillées dans le mois (par exemple 14 nuits en janvier 2008), selon l'horaire 21heures-6 heures, la Cour accorde à Madame [T] [P], à titre provisionnel, la somme de 7718,87€ à titre de dommages intérêts pour privation de repos compensateur.

Sur l'obligation de faire bénéficier la salariée d'un entretien individuel d'évaluation pour changement de classification :

Madame [T] [P] soutient, au visa de l'article 90'6 de la CCU, que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de conclure un accord collectif d'entreprise sur le passage du groupe A au groupe B avant juin 2005, de sorte qu'elle a perdu une chance d'en bénéficier antérieurement à 2005. Elle invoque un préjudice né de la tardiveté de la conclusion de l'accord collectif qui aurait dû être conclu selon elle en 2000.

La SA CLINIQUE SAINT JEAN répond que l'accord d'entreprise du 10 juin 2005 précise l'obligation d'avoir un an d'ancienneté pour passer le premier entretien annuel, que Madame [T] [P] ayant été engagée le 2 novembre 2004, son premier entretien annuel aurait dû avoir lieu à compter du 2 novembre 2005, soit bien après l'effectivité dudit accord signé le 10 juin 2005, qu'il s'avère en réalité que la Direction à qui incombe souverainement de prendre la décision, a purement et simplement reporté le passage de Madame [T] [P] en catégorie B, que la salariée a bénéficié du passage en catégorie B dès le mois de juin 2008 (tel que cela ressort du bulletin de paie de juin 2008), et qu'il existe donc une contestation sérieuse quant au respect par l'employeur de son obligation.

Madame [T] [P] ayant été embauchée le 2 novembre 2004 et ayant acquis un an d'ancienneté en novembre 2005, postérieurement à l'accord conclu le 10 juin 2005, ne peut prétendre qu'elle a subi un préjudice du fait de la tardiveté de la conclusion de l'accord collectif.

Il convient donc de la débouter de sa demande d'indemnisation à titre provisionnel de ce chef.

Sur l'absence de calcul de la réserve de participation au niveau de l'UES :

Madame [T] [P] soutient qu'une « UES » a été reconnue par jugement déclaratif du 10 mars 2011 du tribunal d'instance de Marseille, avec effet rétroactif au 17 mai 2005, que pour la période 2005-2011, la réserve de participation aurait dû être calculée au niveau de l'UES et elle réclame le paiement de la somme de 500 € à titre de dommages intérêts pour perte d'une chance de se voir attribuer sa quote-part sur la réserve de participation constituée au niveau de l'UES.

En réponse, la clinique invoque les dispositions de l'article R3322'2 du code du travail et soutient qu'un accord de participation peut se faire soit au niveau de l'unité économique et sociale elle-même, soit au niveau de chacune des entreprises incluses dans son champ. L'intimée soutient qu'il existe un accord de participation au sein de chaque entité composant l'UES, dont la Clinique Saint-Jean (accord de participation du 5 septembre 2006), et ce bien avant la reconnaissance de l'unité économique et sociale, et soutient qu'à ce jour, hormis le GIE, toutes les entités formant l'UES disposent d'un accord de participation.

La SA CLINIQUE SAINT JEAN verse l'accord de participation conclu au sein de la Clinique [Établissement 1] en date du 28 mars 2001, l'accord de participation conclu au sein de la Clinique [Établissement 2] en date du 6 septembre 2006, l'accord de participation conclu au sein de la Clinique [Établissement 3] en date du 7 septembre 2006, l'accord de participation conclu au sein de la clinique [Établissement 4] en date du 13 septembre 2006 et l'accord de participation conclu au sein de la Clinique Saint-Jean en date du 5 septembre 2006.

Si la SA CLINIQUE SAINT JEAN soutient que le périmètre de l'UES a été redéfini et que les sociétés LOGEMED et SOCIÉTÉ DE GESTION SAINTE MARGUERITE ont été exclues du périmètre de l'UES, il ne ressort pas pour autant des pièces versées que la société financière Sainte Marguerite et le GIE Sainte Marguerite aient été exclues de l'UES. Or, la SA CLINIQUE SAINT JEAN ne démontre pas l'existence d'un accord de participation notamment au sein de la société financière Sainte-Marguerite, qui fait partie de l'UES, alors qu'à défaut d'accords distincts de participation couvrant l'ensemble des salariés des entreprises constituant l'unité économique et sociale, l'accord de participation doit être mis en place par un accord unique au sein de l'UES en vertu de l'article R 3322'2 du code du travail. Si la société financière Sainte-Marguerite ne comprend plus de salarié à partir du 13 août 2011, il n'est pas pour autant démontré qu'un accord de participation ait été conclu au sein de cette société antérieurement à cette date.

À défaut pour l'employeur de démontrer qu'il a respecté les dispositions légales relatives à la participation au sein de l'UES, à tout le moins antérieurement à juillet 2011, il est indiscutable que Madame [T] [P] a subi un préjudice résultant d'une perte de chance de bénéficier d'un accord de participation au niveau de l'UES.

La Cour alloue à Madame [T] [P], à titre provisionnel, la somme de 500 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance de bénéficier d'un accord de participation au niveau de l'UES.

Sur la demande au titre des temps d'habillage et de déshabillage :

Madame [T] [P] affirme, sans être contredite par la clinique, que le règlement intérieur prévoit le port d'une tenue obligatoire, et que les tenues ne doivent pas quitter l'établissement, leur nettoyage étant assuré par l'employeur. Elle fait valoir qu'elle pointe sa prise de service une fois habillée et qu'elle pointe à la fin de son service, alors qu'elle n'est pas déshabillée, en sorte que les temps d'habillage et de déshabillage ne sont pas rémunérés par l'employeur.

La SA CLINIQUE SAINT JEAN réplique qu'au sein des cliniques du groupe Sainte-Marguerite, dont fait partie la clinique [Établissement 5], le temps d'habillage et de déshabillage est compris dans le temps de travail et est payé comme tel.

Aux termes des dispositions de l'article L 3121'3 du code du travail, sous réserve de dispositions plus favorables assimilant les temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage doit faire l'objet de contreparties qui sont accordées sous forme de repos ou sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, ou le règlement intérieur et que l'habillage doit être réalisé dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

En l'espèce, il résulte du règlement intérieur du système de gestion des temps (pièce 7 produite par l'employeur) que le salarié doit pointer dans le service en tenue de travail à 8h05, mais que l'heure prise en compte (pour la paye) est 8 heures. Il en résulte nécessairement que les 5 minutes nécessaires à l'habillage sont payées. Il est par ailleurs prévu que le temps de déshabillage de 5 minutes est compris dans le temps de travail.

Il existe donc une contestation sérieuse quant à l'existence du manquement de l'employeur dans le versement d'une contrepartie.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande d'indemnisation des temps d'habillage et de déshabillage.

Sur l'obligation conventionnelle d'octroyer des jours de congés payés pour fractionnement :

Madame [T] [P] fait valoir qu'au cours des années 2008 à 2012, ses congés payés lui ont été accordés de manière fractionnée, soit 27 fractionnements qui lui ouvrent droit à 54 jours de congés soit, à raison de 7 heures de travail au taux horaire de 19,53 €, à la somme de 7382,34 €, soulignant que l'employeur ne justifie pas que le fractionnement est intervenu à sa demande expresse.

La SA CLINIQUE SAINT JEAN fait valoir qu'en aucun cas, la société a obligé la salariée à choisir une période de congés plutôt qu'une autre. Elle produit des notes de service du 31 janvier 2008, du 1er septembre 2008, du 2 mars 2009, du 20 septembre 2010 et du 12 septembre 2011 définissant les critères de priorité pour fixer l'ordre des départs et invitant les salariés à remettre leurs souhaits de congés aux responsables de service. Elle produit également différentes demandes d'autorisation

d'absence établies par Madame [T] [P] sur les années 2011 et 2012. Sur ces demandes, il est mentionné que la salariée renonce expressément aux jours de congés supplémentaires pour fractionnement.

Au vu des éléments versés par l'employeur, il existe une contestation sérieuse sur la réclamation de la salariée. Il n'y a pas lieu dès lors à statuer en référé sur cette demande.

Sur les heures de délégation :

Madame [T] [P] indique avoir été désignée déléguée syndicale de l'UES le 11 mars 2011, que cette désignation a été contestée et annulée par le tribunal d'instance de Toulon le 9 mai 2011, que par arrêt du 26 septembre 2012 la Cour de cassation a anéanti ce jugement, que dans le même temps le SPESM a été dissous en septembre 2011, qu'elle réclame de toute façon des heures de délégation sur la période antérieure à cette dissolution, pour la période du 11 mars au 30 septembre 2011, soit 21 heures représentant la somme de 443,31 € à titre de paiement, outre celle de 44,33 € au titre d'indemnité de congés.

La SA CLINIQUE SAINT JEAN fait valoir que si Madame [T] [P] était la représentante du syndicat SPESM, dissous par la Fédération CGT à compter du 21 septembre 2011, dissolution ne souffrant d'aucune contestation possible depuis l'arrêt du 14 janvier 2013 rendu par la Cour d'appel de Paris, elle ne saurait réclamer le paiement d'une quelconque heure prétendument intervenue entre le 21 septembre et le 30 septembre 2011, et que pour les heures réclamées sur la période du 11 mars au 21 septembre 2011, Madame [T] [P] qui n'a jamais rempli de bon de délégation ne justifie pas de la réalisation d'heures de délégation.

La SA CLINIQUE SAINT JEAN produit une note d'information du 20 août 2004 relative à l'utilisation des nouveaux bons de délégation par les représentants du personnel, prévoyant qu'un bon de délégation doit être rempli par le représentant du personnel et signé conjointement avec son responsable de service.

À défaut de tout bon de délégation produit par la salariée ou de tout autre élément probant, il existe une contestation sérieuse sur sa réclamation en paiement des heures de délégation. Par conséquent, il n'y a pas lieu à statuer en référé sur cette demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIÈRE PRUD'HOMALE, PAR ARRÊT CONTRADICTOIRE,

Reçoit l'appel en la forme,

Réforme l'ordonnance de référé à ce qu'il a dit n'y avoir lieu à référé quant aux réclamations de Madame [T] [P] au titre du défaut de surveillance médicale des travailleurs de nuit, au titre du paiement de la majoration pour travail de nuit, au titre du défaut d'octroi de repos compensateur et au titre de la perte d'une chance de bénéficier d'un accord de participation au niveau de l'UES,

Condamne la SA CLINIQUE SAINT JEAN à payer à Madame [T] [P], à titre provisionnel :

-250 € de dommages intérêts pour défaut de surveillance médicale des travailleurs de nuit,

-603,83 € à titre de paiement de la majoration sur heures de nuit,

-60,38 € à titre de congés payés y afférents,

-7718,87 € de dommages intérêts pour privation de repos compensateur,

-500 € de dommages intérêts pour perte d'une chance de bénéficier d'un accord de participation au niveau de l'UES,

Confirme l'ordonnance de référé pour le surplus,

Condamne la SA CLINIQUE SAINT JEAN aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Madame [T] [P] 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/11891
Date de la décision : 16/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°15/11891 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-16;15.11891 ?
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