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16/06/2016 | FRANCE | N°14/05524

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 16 juin 2016, 14/05524


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 16 JUIN 2016



N°2016/479



SP











Rôle N° 14/05524







[N] [X]





C/



SARL ESIME



[Y]

[A] [V]

AGS - CGEA DE MARSEILLE











Grosse délivrée

le :

à :

Me Yann PREVOST, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

r>
Me Josette PIQUET, avocat au barreau de TOULON







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section E - en date du 07 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 1...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 16 JUIN 2016

N°2016/479

SP

Rôle N° 14/05524

[N] [X]

C/

SARL ESIME

[Y]

[A] [V]

AGS - CGEA DE MARSEILLE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Yann PREVOST, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Josette PIQUET, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section E - en date du 07 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1023.

APPELANT

Monsieur [N] [X], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Yann PREVOST, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Fatma FERCHICHI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

SARL ESIME, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

Maître [Y] agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société ESIME, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [A] [V] agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société ESIME, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

AGS - CGEA DE MARSEILLE, demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Josette PIQUET, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2016

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [N] [X] a été engagé par la société Esime le 2 janvier 2007 selon contrat à durée indéterminée en qualité d'ingénieur Chargé d'affaires statut cadre.

La société Esime exerce une activité de réalisation d'installations électriques. Elle a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire le 4 février 2015 suivi d'un plan de redressement selon jugement du 9 mars 2016.

Aux termes du contrat de travail, les attributions de Monsieur [X] étaient les suivantes :

« 'démarchage de la clientèle tant en chantier de particuliers qu'en marchés privés ou publics, suivi complet des affaires amenées et ce jusqu'à sa bonne fin

'un chiffre d'affaires annuel de 1 750 000 € assorti d'une marge nette de 10 % est à atteindre

'suivi complet de tous ses chantiers sous la seule autorité du gérant de la société auquel il doit rendre compte de son activité

'développement dans la partie courant faible et prise d'affaires

'suivi du marché à bon de commande Hôtel de région PACA et autres »

Le 27 mars 2008, Monsieur [X] a été victime d'un accident du travail qui n'a pas été suivi d'un arrêt de travail.

Il a par la suite été placé en arrêt maladie à compter du 9 juillet 2009.

Apres saisine du conseil des prud'hommes en janvier 2010, M. [X] a obtenu la condamnation en référé de son employeur à lui régler un rappel de salaire au titre du complément de salaire.

Par courrier recommandé du 31 août 2010, Monsieur [X] a fait parvenir à la société Esime une lettre de prise d'acte de la rupture du contrat en ces termes :

" Monsieur le gérant de la société Esime,

après avoir vainement tenté d'attirer l'attention de l'entreprise Esime, particulièrement, vous-même, en son représentant, et au travers de votre assistante personnelle Madame [J], sur la dégradation de mes conditions de travail et ses conséquences préjudiciables pour ma santé, je déplore qu'aucune démarche n'ait jamais été entreprise pour remédier à la situation conformément à l'article 4124-1 du code du travail :(...)

A mon embauche en janvier 2007, l'entreprise ne m'a pas prévenu que 2 sociétés (Esime et Siem) avec le même code APE se partageaient les mêmes locaux et le même personnel sous votre direction. L'entreprise Esime m'a bâti un contrat commercial avec un objectif de 1 750 000 € avant perception de primes, mais elle ne réalisait en fait qu'un chiffre d'affaires de moins de 500 000 € avant mon arrivée. Au gré des instructions qui m'étaient formalisées par votre gérance, j'ai suivi les chantiers Esime et Siem avec professionnalisme et sérieux.

Le contrat de travail me confiait la responsabilité du chantier à bons de commande du Conseil régional PACA (400 000 €/an). Dès février 2007, il m'est ordonné de récupérer 207 310 € de facturation pour la trésorerie de l'entreprise et là je m'aperçois que 70 % des travaux facturés ne sont pas effectués. J'effectuerai donc ces travaux avec des équipes non motivées et atteindrai les objectifs fixés, à savoir, le paiement des factures anticipées.

L'entreprise Siem en juin 2007 par décision de justice, sera liquidée. De ce fait beaucoup de personnel aussi.

Bien pire, très rapidement le directeur technique Monsieur [O] [R] sera congédié.

À ce moment, j'aurais tout à faire, pas mon métier, mais tous les métiers : direction technique, études, schémas techniques, conduction des travaux et même câbleur ...SEUL.

J'aurais souvent à vous rappeler que je suis ingénieur d'affaires et non substitut de travaux connexes. Je le sais, vous n'avez pas apprécié ma sincérité.

J'ai toujours été attristé et profondément choqué d'avoir exercé mon métier dans « les règles de l'art » contre votre volonté.

Les surcharges de travail, le harcèlement sur des tâches qui ne m'incombaient pas, les brimades et les humiliations que j'ai endurées chaque jour sont devenues insupportables et elles ont attenté gravement à ma santé physique et morale. J'irai pour la première fois fin 2007, voir mon médecin pour un traitement anti dépressif.

Les discours que vous tenez, en permanence, en tant que gestionnaire de la société Esime, à partir de cette époque, au vu de ma résistance à exercer des métiers qui ne sont pas les miens, même si j'en ai les capacités, sont :

« je perds de l'argent »

« vous n'êtes pas fait pour une entreprise comme la nôtre' »

-et le soir après 10 à 12 heures de travail, des allusions insensées par des messages vocaux tels que « vous partez déjà !!'''' »

Et bien d'autre encore phrase évocatrices intérieurement significatives'

Par ailleurs, vous avez en tant que responsable de la société Esime, très souvent confondu la société Siem avec ses qualifications avec la société Esime qui n'en possédait aucune, mettant en danger les clients et ma probité dans mon relationnel professionnel.

Pour m'aider, en qualité de chef d'entreprise, vous réaliserez les études de très nombreux chantiers obtenus simultanément par la société Esime ( IEP d'Aix en Provence, stade [Localité 1], la bibliothèque de [Localité 2], la maison des arts à [Localité 3], le lycée [Établissement 1], les docks à [Localité 4] ' dont j'assure pour l'entreprise Esime toutes les réunions de préparation de chantiers, " AUCUNE NE SERONT JAMAIS ACCEPTEE PAR LES DIFFERENTS BUREAUX DE CONTROLE" m'obligeant à un travail supplémentaire. Et tout cela, en plus des travaux au Conseil régional et de toutes ses antennes en région PACA.

Tous ces chantiers, en réalisation simultanée, se feront avec le même personnel, 4 à 5 électriciens, sans bureau d'études, vous refusant en permanence à embaucher et me mettant ainsi face à de réelles problématiques de réalisation et de respect des délais vis-à-vis des clients.

Vous ne souhaitez pas résoudre les problèmes, mais seulement les faire porter par votre collaborateur, moi-même.

Vous avez toujours imposé, en qualité de mon responsable hiérarchique, de défendre dans les dossiers d'appel d'offres, la société Esime comme étant la société Siem avec les ex qualification électriques et sa qualité Iso 9000, ce que ne possédait pas la société Esime.

« mais cela ne vous a pas suffi »,

A l'arrivée d'un nouveau chargé d'affaires, en janvier 2009, M. [J] [W], vous avez fait preuve de discrimination salariale, un salaire supérieur au mien et un objectif moindre porté à 500 000 € pour ce nouvel arrivant.

Par ailleurs, votre apporteur d'affaires principal, le Bureau d'études Battier en son représentant Monsieur [Z] que vous recevez secrètement dans votre bureau ne m'ont jamais permis d'exercer mon métier avec intégrité et respect, car de ces aspects de transaction conventionnelle conclus dans votre bureau, vous en gardez le plus grand secret avec votre collaboratrice de la société Siem, Madame [J].

J'ai souffert de cette discrimination après toute l'énergie mise à la disposition de votre entreprise et après le succès de plusieurs reconductions de votre contrat avec le Conseil régional avec des marges très confortables.

En 2008, je tomberais malade d'une grosse grippe me clouant au lit, votre assistante personnelle, me précisera que je ne toucherai jamais ma compensation de salaire comme le voudraient les conventions collectives des cadres du bâtiment. Ainsi, l'entreprise ne me rémunère jamais de ma semaine de maladie.

Puis, il me sera expliqué par votre assistante Madame [J] que l'entreprise a des conventions internes (que je n'ai jamais signées) qui ne permettent pas aux cadres de prendre des RTT. À partir de ce moment-là, ces RTT disparaîtront comme par magie de mes bulletins de paye.

Dès alors,

'vous ne me calculerez même plus'

'plus de bonjour' plus de au revoir'

'vous m'ignorerez'

et vous me dites, quand je reçois un fournisseur que j'ai convoqué pour des devis : « vous ne vous occupez plus des fournisseurs »' c'est Monsieur [W] qui devient responsable de ce secteur entre autre et par ailleurs vous devrez lui présenter les membres du Conseil régional afin qu'il en connaisse les décideurs'

J'étais dans un bocal vitré devant le bureau du gérant de l'entreprise Esime, vous-même, à travailler et vous avez alors bafoué ma dignité professionnelle.

Étonnamment, fin 2008 malgré les reproches et les plaintes à mon égard sur les résultats financiers, vous augmenterez le capital de l'entreprise de près de 50 000 € par incorporation des bénéfices'

« mais cela ne vous a pas suffi »,

Je consulterai alors mon médecin traitant qui, au vu de l'état dépressif auquel j'ai été réduit, a prescrit les arrêts de travail que je vous ai régulièrement adressés à ce jour, depuis plus d'un an.

Dès le premier jour de mon arrêt de travail, vous avez fait couper ma ligne téléphonique professionnelle, puis une semaine après, vous avez fait « récupérer » mon véhicule professionnel par Monsieur [J] [W] avec double infraction et cela dans ma résidence privée à mon domicile, j'ai donc porté plainte au commissariat de Sanary sur mer.

Alors, dès fin juillet, les brimades financières ont commencé, un premier bulletin de paie à 380 € et les suivants à 0 euro.

L'entreprise Esime a été jugée responsable par le tribunal des prud'hommes de Toulon le 21 mai 2010 et condamnée à me verser mes compléments de salaire ainsi que de corriger les faux bulletins de paye émis depuis 6 mois.

Elle n'en a pas tenu compte et j'ai été contraint de prendre des huissiers de justice afin de faire bloquer son compte bancaire professionnel.

À ce jour, par votre intermédiaire, les brimades financières persistent toujours et n'ai toujours pas perçu mes complément de salaire dus.

Je suis contraint de constater que dans votre entreprise, les principes de prévention du harcèlement moral et de préservation de la santé des employés sont bafoués. Vous êtes donc principalement responsable des conséquences préjudiciables qui ont résulté de vos agissements sur mon état de santé physique et psychique. Bien sûr, il est hors de question que je démissionne, mais au travers de vos agissements, je ne pourrai plus reprendre l'activité dans votre établissement, car je considère que mon contrat de travail est rompu de votre fait à compter du jour de la première présentation de la présente lettre. Bien entendu, j'ai saisi la juridiction compétente pour qu'il soit jugé que la rupture de mon contrat de travail, causé par votre comportement fautif, vous soit imputable. Et là, au tribunal devant la justice, tous mes dires seront prouvés.(...)"

M. [X] a saisi le conseil des Prud'hommes de Toulon de différentes demandes le 14 octobre 2010, lequel par jugement du 7 mai 2012 les a rejetées, et reconventionnellement a condamné l'intéressé à verser à la société Esime les sommes de 6631, 04 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

M. [X] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [X] appelant, demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, juger qu'il a fait l'objet d'un harcèlement moral de la part du gérant de la Sarl employeur, et juger qu'aucune convention de forfait n'a été établie par écrit et signée entre les parties, et en conséquence de condamner la Sarl Esime à lui régler les sommes suivantes :

'10 941,21 euros au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents,

'4011,77 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

'2431,37 euros au titre de l'indemnité de licenciement

'19 893,12 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'41 738,92 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées outre 4173,90 euros au titre des congés payés y afférents

'7338,14 euros au titre des repos compensateurs que le salarié n'a pas pu prendre outre 733,81 euros au titre des congés payés y afférents

'23 899,0 4 € au titre de l'intéressement qu'il aurait dû percevoir pour les années 2007 à 2009

'20 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral subi.

Monsieur [X] sollicite de voir ces sommes majorées des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2010 date de la saisine du conseil des prud'hommes, et sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le corps de ses écritures, oralement reprises, Monsieur demande également le paiement de la somme de 195 489,60 euros au titre de l'intéressement qu'il aurait dû percevoir pour les années 2007, 2008 et 2009.

A cet effet, M. [X] fait valoir en substance que :

'il a débuté son activité avec beaucoup de motivation mais qu' à la surcharge de travail s'est ajoutée une pression constante exercée par le gérant concernant notamment le fait qu'il n'avait pas atteint le chiffre d'affaire escompté prévu au contrat

'en pratique 2 sociétés se partageaient les mêmes locaux et les mêmes moyens, et avec les départs de Messieurs [R] et [M] il s'est retrouvé à compter de fin 2009 à exercer plusieurs fonctions et a ainsi été victime d'un accident du travail le 27 mars 2008

'les conditions de travail se sont tellement dégradées que son médecin a décidé de lui prescrire un traitement anti dépressif

'l'embauche d'un nouveau chargé d'affaires a constitué en janvier 2009 une humiliation.

M. [X] invoque l'absence d'exécution de bonne foi du contrat de travail par l'employeur pour n'avoir pas notamment disposé des moyens humains nécessaires à l'exécution de son contrat de travail et avoir été trompé sur la situation financière de la société lors de la signature du contrat. Il invoque également l'existence d'un harcèlement moral concernant notamment les objectifs commerciaux non atteints, diverses humiliations financières, une discrimination salariale, des agissements vexatoires et humiliants, ces agissements ayant eu pour conséquence selon l'appelant, une dégradation de sa santé mentale.

La SCP [B] [G], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Esime, et Me [A] [V] en qualité de mandataire judiciaire de la société Esime, intimée, demandent à la cour de confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en son intégralité et de :

'constater que les allégations du salarié ne sont soutenues par aucune preuve objective et constater que le contrat a été exécuté de bonne foi par l'employeur et en conséquence juger que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'une démission et débouter l'intéressé de ses demandes relatives à la rupture

'constater que le contrat de travail prévoyait un préavis de 2 mois et que le salarié n'a pas effectué ce préavis et en conséquence, reconventionnellement, le condamner à payer 6631,04 € de ce chef

'constater que Monsieur [X] n'apporte pas d'éléments probants permettant d'établir des faits de harcèlement moral, et ne démontre pas l'existence d'un lien entre la situation dans l'entreprise et son état médical, et en conséquence le débouter de ses demandes pour cause de harcèlement moral

'constater que l'intéressé était soumis à une convention de forfait et le débouter de ses demandes relatives aux heures supplémentaires, congés payés y afférents et repos compensateur, et à titre subsidiaire, constater qu'il effectuait 162 heures de travail par mois soit 10 heures supplémentaires par mois , et limiter la demande d'heures supplémentaires à la somme de 8587, 02 € et le débouter de ses demandes relatives au repos compensateur

'constater que la société Esime a exécuté le contrat travail de bonne foi et a fait preuve de loyauté dans la phase précontractuelle, que l'intéressement de Monsieur [X] était fixé sur le chiffre d'affaires effectivement réalisé et non sur celui à atteindre, que le chiffre d'affaires réalisé pour les années 2007 à 2009 est nul et en conséquence le débouter de ses demandes relatives à l'intéressement

'en tout état de cause, condamner l'appelant à titre reconventionnel au paiement de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

A cet effet, l'intimée fait valoir essentiellement que Monsieur [X] a été engagé moyennant un salaire représentant 120 % du salaire conventionnel d'un ingénieur d'études de 5 ans d'expérience bien que l'intéressé n'ait aucune expérience dans le domaine du bâtiment à la date de son embauche ; que les compétences commerciales qu'il a fait valoir lors de l'entretien ont convaincu la société de l'employer malgré ce manque d'expérience dans le domaine technique ; que les attributions et objectifs prévus au contrat définitif sont conformes à ceux du projet d'embauche reçu au préalable ; qu'il a été recruté après un processus d'embauche mené avec l'APEC ; que sa tâche principale, l'apport d'affaires, ainsi que les objectifs à atteindre, ont été stipulés au contrat d'un commun accord ; que les tâches relatives au suivi de chantier stipulées au contrat de travail n'ont pas été exécutées de manière satisfaisante mais que l'employeur a choisi de ne pas en tenir rigueur ; que dans le but de l'aider, le gérant a repris en charge la gestion des achats relatifs aux chantiers gérés par Monsieur [X] afin qu'il se consacre entièrement à la tâche qui entre dans ses compétences commerciales à savoir l'apport d'affaires ; que malgré le soutien de l'employeur l'intéressé n'a apporté aucune affaire ; qu'il est resté en maladie plus d'une année et ce jusqu'au 31 août 2010 date de la rupture du contrat et veille de son embauche chez un client d'Esime ; que l'intéressé a transmis ses arrêts de travail très tardivement et a tout mis en 'uvre pendant son arrêt maladie, pour envenimer les relations avec son employeur afin de l'attraire devant la juridiction.

La société Esime réfute les griefs invoqués à l'appui de la prise d'acte.

En ce qui concerne la demande d'heures supplémentaires, la société invoque l'accord du 14 mars 2001 relatif à la réduction du temps de travail et le contrat de travail qui fixe une rémunération forfaitaire.

L'employeur soutient que M. [X] ne rapporte pas la preuve d'une quelconque mauvaise foi de sa part, ni ne justifie que les agissements de harcèlement dont il se dit l'objet sont réels.

Le CGEA AGS de Marseille demande à la cour de débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes, de confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions et en toute hypothèse, de juger qu'en l'état du plan de redressement la garantie de l'AGS ne peut être que subsidiaire, et ne pourra aller au-delà du plafond «  6 » et que l'astreinte et l'article 700 ne rentrent pas dans le cadre de sa garantie.

Subsidiairement, et en tout état de cause, l'AGS demande de voir fixer les créances en quittance ou deniers, juger qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253'6 à 8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253'15 et 17 du code du travail, juger que la garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des 3 plafonds définis par l'article D 3253'5 du code du travail, et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

A cet effet, l'AGS soutient en substance que le salarié n'apporte pas devant la cour, au titre de la rupture et du harcèlement moral, plus d'éléments que ceux apportés devant le conseil des prud'hommes qui ont été jugés insuffisants ; que les indemnités légales de licenciement et conventionnelles ne se cumulent pas ; que compte tenu de son ancienneté M. [X] ne peut prétendre qu'à une indemnité de préavis équivalente à deux mois de salaire ; que la demande de paiement d'heures supplémentaires apparaît pour le première fois en appel et que la production d'un simple tableau non contresigné ne suffit pas à établir l'existence d'heures supplémentaires qui n'ont jamais été réclamées auparavant ; que le salarié ne justifie pas des affaires pour lesquelles il entend être commissionné de sorte que sa demande au titre de l'intéressement est invérifiable.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des demandes et moyens des parties, il convient de se référer aux écritures des parties, oralement reprises.

SUR CE

Sur le harcèlement

Lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

En l'espèce, M. [X], qui soutient avoir été victime de harcèlement moral, invoque les éléments suivants :

- le fait que le gérant de la société employeur ne cessait de lui faire remarquer qu'il n'avait pas atteint ses objectifs commerciaux ; que ces remarques étaient quotidiennes et que se sont ajoutées des « brimades et des humiliations » ; qu'ainsi le gérant a dit « n'avoir jamais vu un chargé d'affaires gagner aussi peu d'argent » et le gérant « à chaque rencontre » lui a rappelé qu'il perdait de l'argent ; que ces remarques étaient d'autant plus vexatoires que le gérant savait pertinemment que M. [X] n'atteindrait jamais les objectifs irréalisables fixés dans le contrat de travail

- des humiliations financières en ce que d'une part il n'a pas perçu le complément de salaire prévue par la Convention collective des cadres du bâtiment lors d'un arrêt de travail du 29 septembre au 5 octobre 2008, en ce que les jours de RTT prévus sur ses bulletins de salaire depuis le début de son activité, vont « disparaître » sans explication et en ce que la société Esime a résister dans le paiement du complément de salaire à la suite de l'arrêt maladie de juillet 2009 le laissant sans solde pendant trois mois, le contraignant à saisir le conseil des prud'hommes et n'exécutant pas la condamnation

- une discrimination salariale en ce que M. [W] a été engagé en décembre 2008 en qualité de « conducteur de travaux avec possibilité d'évolution en tant que chargé d'affaires » avec un objectif fixé de 525 000 € trois fois moindre de l'objectif fixé à M. [A]

- des agissements vexatoires au moment de son placement en arrêt maladie en juillet 2009, en ce que dès le lendemain la ligne téléphonique professionnelle de M. [X] a été suspendue, et le 16 juillet 2009 l'employeur a récupéré le véhicule de fonction à l'insu de m. [X], par effraction dans le parking privé du salarié

- le fait d'ignorer la prise d'acte de la rupture par son salarié et de continuer à luire réclamer les arrêts maladie et attendre le 20 octobre 2010 avant de procéder à l'envoi des documents de fin de contrat

- les répercussions sur son état de santé avec la survenue d'un accident du travail en mars 2008 à la suite duquel il a refusé, par conscience professionnelle, d'être placé en arrêt maladie, et un arrêt maladie à compter d'août 2009 en raison de son état psychologique

En ce qui concerne la discrimination salariale, la lecture du contrat d'embauche de M. [W] versé aux débats par M. [X] , permet de constater que si les objectifs fixés à celui-ci sont en effet trois fois moindre que ceux fixés à M. [X], le poste occupé est en revanche différent, puisque M. [W] est engagé pour exercer les fonctions de «  conducteur de travaux avec possibilité d'évolution en tant que chargé d'affaires » et ne doit pas seulement se consacrer à démarcher la clientèle et à suivre les chantiers, comme M. [X], mais doit également chiffrer les chantiers, négocier avec les clients et les fournisseurs, assurer le suivi du personnel chantier etc.'De plus, M. [W] est engagé moyennant un salaire moindre que celui de M. [X]. (M. [W] est engagé moyennant un salaire fixe annuel de 30 000 € brut/an soit 2500 € mensuels pour 151, 67 heures travaillées par mois, tandis que M. [X] a été engagé moyennant un salaire brut mensuel de 3100 € pour 162 heures mensuelles). Il en ressort que le salarié avec lequel l'appelant se compare, n'était pas placé dans une situation identique.

En ce qui concerne les remarques quotidiennes sur la non réalisation des objectifs commerciaux, Monsieur [X] ne verse aux débats que le propre courrier qu'il a adressé le 31 août 2010 à son employeur de prise d'acte. La matérialité des faits n'est donc pas démontrée.

M. [X] produit en outre :

L'extrait de la convention collective nationale des cadres du bâtiment du 1er juin 2004 dont il résulte qu'en cas de d'arrêt travail pour maladie non professionnelle, de tout cadre justifiant d'une année de présence dans l'entreprise, l'employeur verse pendant les 90 premiers jours l'intégralité de ses appointements mensuels sous réserve de reversement par le salarié des indemnités journalières qu'il perçoit de la sécurité sociale, le bulletin de salaire d'octobre 2008 qui démontre l'absence de maintien de salaire, les bulletins de salaire de janvier 2009, février 2009, et mars 2009 dont il ressort qu'à partir de mars 2009 plus aucune mention des « RTT » (acquis, pris, solde) n'est apposée

Les bulletins de salaire de juillet et août 2009 qui ne tiennent pas compte du maintien de salaire alors que M. [X] était en arrêt maladie à compter du 9 juillet 2009 ; la lettre de réclamation du salarié du 3 septembre 2009 et le bulletin de salaire de septembre 2009 qui porte mention du rappel des sommes dues au titre du maintien de salaire.

La justification que la condamnation prononcée en référé au tire du maintien de salaire (3376, 22 €) par ordonnance du 21 mai 2010 n'a été acquittée par l'employeur que par chèque du 8 septembre 2010

La plainte pour vol de véhicule déposée le 16 juillet 2009 par M. [X] suite à la disparition chez lui du véhicule de fonction, le courrier adressé le 16 juillet 2009 par Esime confirmant que la société a récupéré le véhicule au domicile de l'intéressé

Les échanges de courriers établissant que l'employeur a continué à réclamer les arrêts de travail et n'a remis les documents de fin de contrat que selon courrier du 20 octobre 2010 alors que la réception du courrier de prise d'acte date du 2 septembre 2010

Prescriptions médicales des 14 septembre 2007 et 12 octobre 2007 par le Dr [P] de « seroplex » à M. [X]

Déclaration d'accident du travail du 27 mars 2008 aux termes de laquelle « la victime (M. [A]) aidait un technicien sur une intervention urgente, ce dernier s'est coincé l'épaule lorsqu'il tirait un câble situé entre deux parois »

Arrêts de travail initial et prolongation, à compter du 3 août 2009, pour « état dépressif » par le Dr [T] psychiatre

attestation du Docteur [T] en ces termes : « je certifie suivre Monsieur [X] depuis août 2009. Il a présenté un (illisible) dépressif sévère réactionnel qui a perduré pendant plusieurs mois et qui a nécessité un traitement long et une mise en arrêt de maladie. Le discours de Monsieur [X] tournait autour de sensations très douloureuses en lien avec son travail et notamment l'ambiance qui y régnait. Il a fallu longtemps pour que son état s'améliore et qu'il retrouve une certaine qualité de vie»

Ces pièces sont de nature à établir l'existence d'agissements répétés de la part de l'employeur préjudiciables au salarié notamment en ce qui concerne sa rémunération.

Ces éléments pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Il incombe donc à la société employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement, et que les faits rapportés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société Esime qui conteste que le salarié ait pu subir des agissements de harcèlement moral, verse les éléments suivants :

Arrêt de travail de Monsieur [X] du 10 juillet 2009 de « rechute » d'accident du travail, et sa prolongation, et la décision de refus de l'assurance-maladie de retenir l'existence d'une modification de l'état consécutif à l'accident de travail initial

l'attestation de Monsieur [Q] , expert comptable de la société Esime, du 9 avril 2010 aux termes de laquelle « Monsieur [X] a fait l'objet suite à sa maladie qui a débuté le 9 juillet 2009 d'un maintien de salaire intégral pendant 90 jours sous déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale conformément à l'article 8 de la convention collective des cadres du bâtiment », accompagnée d'un tableau récapitulatif, suivi de la mention «  étant donné que les décomptes sécurité sociale ne nous sont parvenus qu'en septembre 2009 et février 2010, nous avons régularisé les compléments sur les bulletins de salaire de septembre 2009 et février 2010 » (cette dernière mention n'est pas signée)

la demande formée par Esime auprès de proBTP prévoyance le 20 novembre 2009, afin d'obtenir le paiement d'indemnité journalières pour l'arrêt e travail supérieur à 90 jours de M. [X], et le refus de proBTP le 12 janvier 2010 qui indique que la période 7 août 2009-7octobre2009 ne peut être indemnisée par le contrat souscrit par Esime qui fixe le début de l'indemnisation au 8 octobre 2009 (pièce 16)

Copie d'une lettre « recommandée AR » du 16 juillet 2009 (AR non versé) de Esime à M. [X] en ces termes : « Monsieur, suite à notre appel téléphonique 13 juillet 2009 vous informant que nous venions chercher le véhicule de la société que vous utilisez à titre professionnel, nous vous confirmons par la présente que nous nous sommes rendus à votre domicile ce jour et avons récupéré le véhicule Citroën C2. Ce dernier a été récupéré comme stipulé dans la note de service déposée dans votre boîte aux lettres. Enfin, nous vous demandons de nous faire parvenir dans les plus brefs délais :

La carte grise originale

L'assurance originale

Les clés du véhicule (') »

Copie d'une note de service non datée en ces termes : « nous rappelons à l'ensemble du personnel qui utilise un véhicule de société que ces utilisateurs doivent :

Lors de départ en congés payés : restituer le véhicule le soir de départ en congés et récupérer le véhicule de reprise

Lors de maladie ou accident du travail : restituer le véhicule le lendemain du début de l'arrêt de travail, et récupérer le véhicule le jour de la reprise »

'copie du courrier manuscrit non daté reçu par la société Esime émanant de Monsieur [X] en ces termes : «vous trouverez ci-joint la clé volée d'origine, ainsi que le certificat d'immatriculation et les assurances AGF Cannes en cours de validité pour le véhicule C2 Citroën immatriculé(') dont vous m'aviez confié l'usage professionnel depuis janvier 2007. Ce dernier a été dérobé dans le parking privé de ma résidence personnelle le 16 juillet 2009. Tout naturellement, j'ai porté plainte dès constatation (') »

Copie de la lettre « recommandée AR » (AR non versé) de la société Esime à M. [X] datée du 30 septembre 2009 en ces termes : « nous vous demandons par la présente de nous transmettre par voie électronique le code d'accès à votre ordinateur qui a été changé par vos soins. D'autre part, nous souhaitons que vous fassiez parvenir par tout moyen à votre convenance : le téléphone portable de la société utilisée à titre professionnel, le jeu de clés donnant accès à nos locaux et à votre bureau'»

Copie de la lettre « recommandée AR » (AR non versé) de la société Esime à M. [X] datée du 13 septembre 2010 en ces termes : « votre dernier arrêt de travail pour maladie daté du 23 août 2010 nous informait d'une prolongation d'arrêt jusqu'au 6 septembre 2010 inclus. À ce jour, nous n'avons reçu aucune prolongation de votre part. Afin que votre dossier soit mis à jour, nous vous demandons de nous faire connaître votre situation vis-à-vis de la sécurité sociale et de notre société' »

Courrier de réponse de la société Esime à la lettre de prise d'acte, du 16 septembre 2010, dans laquelle l'employeur réfute les accusations notamment de harcèlement, et réitère sa demande de restitution des clefs du téléphone mobile

Courrier adressé par Monsieur [X] à la société Esime en réponse dans lequel le salarié indique rester toujours dans l'attente de ses bulletins de salaire rectifiés, de son certificat de travail, de l'attestation pour l'emploi etc.

Courrier adressé par Monsieur [X] à la société Esime le 24 septembre 2010 de restitution du téléphone portable de l'entreprise, de la carte SIM, des clés du bureau etc., et rappelant qu'il reste en attente de ses documents de fin de contrat

Courrier adressé par la médecine du travail à la société Esime le 26 mai 2011 relatif à un courrier qu'aurait adressé M. [X] (non versé aux débats) et par lequel le médecin affirme que des consignes sont données afin qu'aucun commentaire ne soit formulé sur les agissements d'un salarié ou de son employeur

Copie de la « lettre recommandée AR » (AR non versé) datée du 25 janvier 2010 adressée par la société Esime à Monsieur [X], à la suite de la convocation devant le conseil des prud'hommes, dans lequel l'employeur indique « nous tenons à vous faire savoir qu'à ce jour nous n'avons pu procéder au complément de votre salaire pour la période du 9 septembre 2009 au 7 octobre 2009 car vous ne nous avez pas transmis vos décomptes de la sécurité sociale. Nous vous rappelons qu'en date du 4 septembre 2009 nous vous avions déjà envoyé un courrier RAR vous réclamant vos décomptes de sécurité sociale nécessaires à l'établissement de votre complément relatif à la période 13 juillet 2009 au 8 septembre 2009. Nous vous rappelons également que vous êtes dans l'obligation de nous les transmettre à chaque fois, sans cela nous ne pouvons vous établir vos bulletins de salaire régularisé en fonction de ce qui vous a déjà été payé par la sécurité sociale»

* *

En ce qui concerne la suppression des RTT, l'employeur qui affirme seulement que les RTT de Monsieur [X] n'ont pas été supprimées, et que d'ailleurs aucune demande en paiement de RTT n'est formulée par l'intéressé, n'apporte aucune explication sur les éléments objectifs versés aux débats par Monsieur [X], à savoir que :

Plus aucune information concernant les RTT n'apparaît sur le bulletin de salaire de mars 2009, alors que sur les bulletins de salaire précédents une colonne RTT était mentionnée énonçant le nombre de jours acquis, le nombre de jours pris et le solde

le bulletin de février 2009, tout en indiquant qu'aucun jour n'a été pris au cours du mois de février, mentionne un solde restant à prendre de 0,79 jours, alors que le bulletin du mois précédent portait mention d'un solde de RTT à prendre de 18, 96 jours.

Il en résulte que sans explication objective, l'employeur a fait perdre à M. [X] le bénéfice de 18 jours de RTT en début d'année 2009.

La société Esime qui était tenue de compléter le salaire au mois d'octobre 2008 (arrêt de travail du 29 septembre au 5 octobre 2008) ne justifie pas avoir respecté cette obligation. Elle ne produit ni le bulletin de salaire d'octobre 2008 rectifié (alors que le bulletin d'octobre 2008 versé aux débats par le salarié démontre que le complément de salaire n'a pas été versé), ni les demandes qu'elle a pu adresser à M. [X] pour qu'il lui produise d'éventuels documents manquants.

La société Esime qui était tenue de compléter le salaire de M. [X] à compter des mois de juillet 2009, (arrêt de travail à compter du 9 juillet 2009) n'a procédé au versement

qu'avec retard, en deux règlements, survenus respectivement en septembre 2009 et février 2010.

La société Esime ne justifie pas qu'il lui manquait des pièces pour procéder à ces règlements. En particulier le document intitulé dans son bordereau  «  demande de paiement indemnité journalière à Pro BTP » (pièce 16) est en réalité une demande de prise en charge par son propre organisme de prévoyance. Il s'agit en outre d'une demande tardive au regard de son obligation vis-à-vis de M. [X].

La seule demande formée auprès de M. [X], d'avoir à transmettre ses décomptes de sécurité sociale, est celle résultant de la lettre du 25 janvier 2010 (dont d'ailleurs l'AR n'est pas produit) et qui fait suite à la convocation de l'employeur devant le conseil des prud'hommes.

Dans cette lettre l'employeur rappelle avoir adressé un premier courrier RAR le 4 septembre 2009, courrier dont elle ne justifie toutefois pas devant la cour.

Par ailleurs le versement de la régularisation sur le bulletin de salaire de septembre 2009, fait suite à la réclamation de M. [X] du 3 septembre 2009.

En tout état de cause, aux termes de l'article 5.3 de la convention collective nationale des cadres du bâtiment, l'employeur doit, pendant les 90 jours à compter du jour de l'arrêt de travail, verser au cadre l'intégralité de ses appointements mensuels, sous réserve de reversement par l'intéressé des indemnités journalières qu'il percevra de la sécurité sociale.

Il en résulte que l'employeur doit payer l'intégralité du salaire à l'échéance normale et procéder à une régularisation lorsqu'il reçoit les indemnités journalières de la sécurité sociale.

En l'espèce, il est établi que la société Esime n'a pas, à l'occasion des arrêts de travail de M. [X], maintenu l'intégralité du salaire comme elle y était tenue, et n'a régularisé qu'avec retard, après relance puis saisine du conseil des prud'hommes par M.[X].

En ce qui concerne les conditions dans lesquelles la société a récupéré le véhicule de fonction, il n'est pas contesté que l'employeur est venu chercher le véhicule du salarié au domicile de celui-ci. La société Esime ne justifie pas avoir fait précéder cette opération d'une demande préalable, ni avoir obtenu l'accord de son salarié pour pénétrer dans sa propriété. A cet égard, il n'est aucunement justifié de la diffusion de la «  note de service » versée aux débats et le salarié conteste en avoir trouvé copie dans sa boîte aux lettres. Le dépôt de plainte le jour même de la disparition du véhicule par M. [X] démontre que c'est en l'absence d'autorisation de l'intéressé que l'employeur s'est introduit sur son parking personnel pour récupérer le véhicule.

Ces circonstances caractérisent un comportement irrespectueux et attentatoire à la dignité du salarié.

Le fait de continuer à réclamer les arrêts maladie et ne pas délivrer les documents de fin de contrat, alors que le salarié a clairement pris acte de la rupture du contrat selon courrier RAR, révèle également un comportement irrespectueux.

Les pièces médicales versées établissent la corrélation entre les agissements répétés de l'employeur et l'altération de la santé mentale de M. [X].

L'ensemble de ces éléments démontre que M. [X] a subi des agissements répétés tendant à des brimades financières et un mépris affiché, constitutifs d'un harcèlement moral, ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail de nature à porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et à altérer sa santé physique et mentale. L'existence d'un harcèlement moral au sens des dispositions de l'article L 1152'un du code du travail est dès lors établie. Le préjudice en résultant sera intégralement indemnisé par l'allocation de la somme de 5 000 €.

Sur les heures supplémentaires, et les repos compensateurs

M. [X] soutient qu'aucune convention de forfait n'a été signée par lui, et que l'employeur, bien qu'ayant indiqué qu'il communiquerait les pièces, n'a jamais rien produit de ce chef ; que les bulletins de salaire ne mentionnent pas plus l'existence d'une convention de forfait et qu'au contraire il est indiqué que le salarié travaillait 157,67 heures. Le salarié ajoute que la convention individuelle de forfait doit nécessairement être passée par écrit et qu'en l'absence de convention de forfait il est fondé à réclamer le paiement des heures supplémentaires effectuées. Il invoque un tableau récapitulatif des heures effectuées, et rappelle qu'il était le seul chargé d'affaires pendant 2 ans et gérait à ce titre 80 % des chantiers de la société Esime ; qu'il détenait les clés des locaux car il était le premier arrivé et le dernier à partir ; que dans les plaquettes de présentation émises par la société Esime pour ses clients, le cadre « équipé d'un portable joignable 24 heures sur 24 » dont parle la société était Monsieur [X].

L'employeur ne conteste pas devant la cour qu'aucune convention de forfait n'a été signée. L'intimée soutient toutefois être signataire d'un accord du 14 mars 2001 relatif à la réduction du temps de travail qui prévoit que les cadres effectuent 162 heures de travail mensuel. La société Esime ajoute que la preuve du consentement au forfait est rapportée lorsque le contrat fixe une rémunération forfaitaire en faisant référence à l'horaire de travail en vigueur dans l'entreprise et dont le salarié a pris connaissance, et que la rémunération est au moins égale à la rémunération que le salarié aurait dû percevoir augmentée des heures supplémentaires ; que l'on déduit l'existence d'une convention de forfait lorsque la durée mentionnée dans le contrat de travail est supérieure à la durée légale du travail hebdomadaire ; qu'il n'est pas démontré que la rémunération perçue par Monsieur [X] n'était pas au moins égale à celle qu'il aurait dû percevoir augmentée des heures supplémentaires. Subsidiairement, la société Esime invoque l'accord du 14 mars 2001 aux termes duquel l'accomplissement d'heures supplémentaires suppose une demande de l'employeur, et soutient que le seul « justificatif » produit par Monsieur [X] , établi par lui-même, n'est pas admissible à titre de preuve ; que l'intéressé ne produit aucune attestation de collègues de travail qui vienne corroborer ses affirmations ; que la cour ne pourra en toute hypothèse faire droit à la demande que dans la limite de 10 heures supplémentaires par mois sur la période réclamée.

* *

Le contrat de travail liant les parties stipule au paragraphe « rémunération » : « en rémunération de ses services Monsieur [X] percevra un salaire fixe égal à 3100 € bruts par mois pour 162 heures travaillées (confer convention individuelle de forfait) »

Il est constant qu'aucune convention individuelle distincte n'a pas été signée.

Il résulte toutefois de la mention du contrat de travail précitée, que les parties se sont entendues au moment de l'embauche, sur une durée de travail forfaitaire en nombre d'heures sur le mois. Le contrat de travail a fixé un certain volume de temps travaillé, et un salaire forfaitaire. En signant le contrat de travail, Monsieur [X] a expressément accepté ce mode de rémunération.

Cette convention de forfait heures ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il effectue des heures supplémentaires au-delà de ce forfait, soit rémunéré de celles-ci dans les conditions légales.

Il en résulte que Monsieur [X] devait être rémunéré au minimum 3100 € brut par mois pour 162 heures travaillées, et que les heures travaillées au-delà devaient être rémunérées en plus selon les dispositions applicables.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, Monsieur [X], qui réclame le paiement d'heures supplémentaires bien au-delà du forfait de 162 heures mensuel, produit seulement au débat un tableau dactylographié mentionnant semaine par semaine, mois par mois, année par année, le nombre d'heures supplémentaires réclamées, sans précision des horaires effectivement accomplis.

La production d'un document récapitulatif dactylographié, non circonstancié, ne constitue pas un élément suffisant de nature à étayer la demande du salarié.

L'affirmation selon laquelle il était joignable 24 heures sur 24 n'est en outre pas étayée. La seule plaquette d'information destinée au client produite aux débats (pièce 14) indique que Monsieur [X] est désigné comme représentant technique et administratif de la société et qu'il a la responsabilité de gérer l'ensemble du dossier. Il n'est pas indiqué qu'il sera joignable 24 heures sur 24.

Le fait que M. [X], cadre de l'entreprise, ait eu les clés du local de cette entreprise de taille modeste (effectif moyen de 9 salariés au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2009 selon l'extrait kbis versé aux débats) ne constitue pas plus un élément suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés.

En revanche, il résulte des quelques bulletins de salaire versés aux débats qu'il était mentionné 151, 67 heures par mois, alors qu'aux termes du contrat de travail, M. [X] effectuait 162 heures mensuelles. Il en résulte que l'intéressé a nécessairement été privé d'une partie de sa rémunération au titre de ses heures résiduelles non incluses dans le contrat. C'est d'ailleurs ce que reconnaît l'employeur dans sa demande subsidiaire tendant à voir chiffrer à la somme totale de 8 587, 02 € le montant des heures supplémentaires dues.

Dès lors la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour arrêter à cette somme de 8587,0 2 € le montant dû au salarié au titre des heures supplémentaires effectuées, outre celle de 858, 02 € au titre de congés payés y afférents.

Le contingent annuel n'ayant pas été dépassé, la demande au titre des repos compensateurs doit être rejetée.

Sur la prise d'acte

La prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués par le salarié la justifiaient, c'est-à-dire si les manquements de l'employeur étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. La lettre de prise d'acte ne fixe pas les limites du litige, et le salarié peut invoquer des faits qu'il aurait omis de mentionner dans sa lettre.

Il appartient au salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail de démontrer que les manquements qu'il invoque à l'appui de la rupture sont réels et suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, Monsieur [X] invoque dans ses écritures oralement reprises:

l'absence d'exécution de bonne foi du contrat de travail l'employeur en ce qu'il n'a pas disposé des moyens humains nécessaires à l'exécution de son contrat de travail et en ce qu'il a été trompé sur la situation financière de la société lors de la signature du contrat

le harcèlement moral dont il a été victime.

En ce qui concerne les informations erronées qu'auraient données la société Esime à M. [X] avant son embauche sur le montant du chiffre d'affaires, Monsieur [X] verse un document (pièce 2) qu'il affirme être la plaquette de présentation de la société qui lui a été remise lors de l'entretien d'embauche. Dans ce document il est indiqué que la société Esime a réalisé en 2004 et 2005 les chiffres d'affaire de 4 687 510 et 4 987 154 €. Or il ressort de l'extrait publié sur « societé.com » que la société a réalisé pour ces mêmes années des chiffres d'affaires respectifs de 584 000 et 433 000 €. La société Esime conteste être l'auteur de ce document. Celui-ci ne porte aucune signature, aucune mention manuscrite, ni même le logo de la société, de sorte que sa valeur probante est insuffisante et que le grief tiré d'une tromperie lors de l'embauche sur la situation financière de l'employeur n'est pas établi.

En ce qui concerne le grief tiré de l'absence de moyens humains nécessaires à l'exécution de sa mission, Monsieur [X] invoque des faits précis, à savoir les départs non remplacés de Messieurs [R] directeur technique et [M] et la cessation d'activité de la Siem, qui partageait les locaux de la société Esime, et la perte corrélative de ressources humaines.

La société Esime qui est seule en mesure de justifier de l'état des effectifs, ne produit qu'une liste du personnel très insuffisante, en ce que les dates d'embauche et surtout de sortie ne sont pas mentionnées. Elle ne produit aucun organigramme.

L'arrêt de travail de mars 2008 qui relate que M. [X] s'est blessé en aidant un technicien sur une intervention urgente, confirme que l'intéressé a été amené à exercer des taches qui n'entraient pas dans ses fonctions contractuelles.

L'existence d'un harcèlement moral dans les mois ayant précédé la rupture, a d'ores et déjà été retenue par la cour.

Ces agissements répétés tendant à des brimades financières et un mépris affiché, ayant pour effet une dégradation de la santé du salarié, et l'absence de moyens humains nécessaires à l'exécution du contrat de travail, présentent un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

En conséquence la cour juge que la prise d'acte de la rupture notifiée par le salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur est tenu d'indemniser le préavis non effectué. M. [X] sollicite une indemnisation sur la base de trois mois de salaire brut. L'AGS soutient qu'au regard de son ancienneté il n'a droit qu'à deux mois.

Aux termes de l'article 7.1 de la convention collective nationale des cadres du bâtiment,

«   En cas de licenciement autre que pour faute grave, la durée du préavis est fixée à 2 mois si le cadre a moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise et à 3 mois à partir de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise. »

En l'espèce, M. [X] avait plus de 3 ans d'ancienneté dans l'entreprise lorsqu'il a adressé la lettre de prise d'acte de la rupture.

La société Esime doit en conséquence être condamnée à verser la somme de 10 941,21 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, montant au demeurant non contesté par l'employeur qui admet une rémunération brute mensuelle de 3315, 52 € ( page 13 de ses conclusions oralement reprises).

L'indemnité légale de licenciement et l'indemnité conventionnelle ne peuvent se cumuler, et l'employeur est tenu de régler la plus favorable. En l'espèce il s'agit de l'indemnité conventionnelle. La convention collective des cadres du bâtiment prévoit une indemnité de licenciement égal à 3/10 de mois de salaire par année d'ancienneté, à compter de 2 ans d'ancienneté et jusqu'à 10 ans.

Aux termes de l'article 7. 13 de cette convention, les périodes de maladie sont prises en compte dans l'ancienneté.

Compte tenu du préavis de trois mois, et dans la mesure où M. [X] a été engagé le 2 janvier 2007 et a pris acte de la rupture selon courrier réceptionné par l'employeur le 2 septembre 2010, l'ancienneté est de 3 ans et 11 mois.

En conséquence, l'indemnité conventionnelle s'élève au montant suivant :

(3/10 x 3 x 3315, 52) + (11/12 x 3/10 x 3315,52)= 3895, 74 €.

L'employeur qui a la charge de la preuve, ne justifie pas que son effectif habituel au jour du licenciement était inférieur à 11 salariés, de sorte que les dispositions de l'article L 1235'3 du code du travail doivent trouver application.

Il y a lieu dès lors de faire droit à la demande de Monsieur [X] tendant à voir condamner l'employeur à verser la somme de 19 893,12 euros, qui correspond à 6 mois de salaire brut, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande au titre de l'intéressement

Monsieur [X] soutient que la société Esime lui a délibérément menti sur son chiffre d'affaires réel lors de la conclusion du contrat, et qu'elle a engagé ainsi sa responsabilité délictuelle. Il invoque le préjudice résultant de la perte de chance de percevoir la rémunération variable, la fixation d'un objectif irréaliste ou irréalisable ayant abouti selon lui à le priver du versement de sa rémunération variable.

Il ajoute que :

'l'objectif fixé dans le contrat de travail d'un montant de 1 750 000 € correspond à 35 % du chiffre d'affaires de l'année 2005 tel qu'énoncé dans la plaquette de présentation de la société ; que sur la base du chiffre d'affaires réel de l'année 2005, il y a lieu de tenir compte d'un objectif de 151 550 €

'la clause du contrat qui détermine la rémunération variable est imprécise et incompréhensible et doit donc être interprétée en faveur du salarié qui a contracté l'obligation en application des articles 1156 et 1162 du Code civil, et il convient de calculer l'intéressement auquel il a droit sur la base de la part du chiffre d'affaires réalisé par la société dépassant l'objectif, et sur la base de 80 % en 2007 et 2008 car Monsieur [X] réalisait alors près de 80 % du chiffre d'affaires étant le seul chargé d'affaires, et sur la base de 50 % en 2009 compte tenu de l'arrêt maladie à compter de juillet 2009, soit au total la somme de 195 489,60 euros

'la clause ne précise pas que l'intéressement sera calculé sur le chiffre d'affaires relatif aux affaires apportées par le salarié et la cour devra considérer que l'intéressement du salarié devra être calculé sur la base du chiffre d'affaires réalisé par celui-ci dans le cadre de ses fonctions y compris les affaires suivies

'l'attestation versée par l'employeur émanant de Monsieur [C], gérant de la société Esime, n'a aucune valeur probante l'employeur ne pouvant se constituer de preuve à lui-même

'pour être valable une clause de variation du salaire doit être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l'employeur et celui-ci est tenu à une obligation de transparence qui le contraint à communiquer au salarié les éléments servant de base au calcul de son salaire

'en cas de litige sur le paiement de la partie variable de la rémunération, lorsque le calcul dépend d'éléments détenus par l'employeur c'est à celui-ci qu'il appartient de les produire en vue d'une discussion contradictoire

'l'employeur, dans ses écritures, a reconnu que le pourcentage doit être perçu sur le chiffre d'affaires et il s'agit d'un aveu judiciaire dont Monsieur [X] prend acte et M. [X] « modifie en conséquence le quantum de ses demandes »

'l'employeur ne verse aucun élément permettant de déterminer le chiffre d'affaires réalisé par Monsieur [X]

'l'intéressement du salarié doit être calculé sur la base de 80 % du chiffre d'affaires l'intéressement du salarié représente 12 % de la marge de sorte que Monsieur [X] est fondé à solliciter 23 899,0 4 € au titre de l'intéressement que celui-ci aurait dû percevoir pour les années 2007 à 2009.

En réponse, l'intimée conteste le document présenté par Monsieur [X] comme lui ayant été remis avant la signature du contrat et faisant état de chiffres d'affaire erronés. La société ajoute que l'objectif de 1 750 000 € de chiffre d'affaires à atteindre fixé au contrat n'était pas irréalisable pour un ingénieur chargé d'affaires, la société Esime ayant réalisé un chiffre d'affaires de 1 013 000 € en 2007 notamment.

La société fait valoir en outre que Monsieur [X] a signé son contrat de travail en ayant pris connaissance des objectifs à atteindre qu'il n'a pas contestés ; que cet objectif était simplement indicatif, est indépendant du chiffre d'affaires sur lequel il devait percevoir 12% ; que ce pourcentage devait être perçu sur le chiffre d'affaires effectivement apporté par le salarié, dès le premier euro ; que le fait que la supposée notice accompagnant le contrat de travail comporte des erreurs concernant les chiffres d'affaires n'avait donc aucune incidence sur le montant de la prime d'intéressement ; que le chiffre d'affaires réalisé par Monsieur [X] s'élève en tout état de cause pour les années 2007 à 2009 à zéro euro, et c'est à juste titre que Monsieur [X] n'a pas perçu d'intéressement ; que la demande formulée est fondée sur une lecture erronée du contrat.

* *

La cour a d'ores et déjà retenu que le document produit aux débats par Monsieur [X], présenté par lui comme étant une plaquette remise au cours de l'entretien d'embauche, ne présente pas de valeur probante dès lors qu'il ne comporte aucune signature, aucune mention manuscrite, ni même le logo de la société, contrairement aux autres documents produits par les partie. Le moyen selon lequel la société Esime a délibérément menti sur son chiffre d'affaires réel lors de la conclusion du contrat, et qu'elle a engagé ainsi sa responsabilité délictuelle, doit en conséquence être rejeté.

Dans ses écritures, oralement reprises, la société Esime indique :

« Il ressort de la lecture du contrat, que l'objectif de chiffre d'affaires, non obligatoire mais simplement indicatif, énoncé dans les attributions, est indépendant du chiffre d'affaires sur lequel (le salarié) doit percevoir 12 % »

Dès lors que l'employeur reconnaît expressément l'absence de corrélation entre l'objectif fixé au contrat, et le montant de l'intéressement dû au salarié, le moyen tiré de l'existence d'un objectif irréalisable est sans incidence sur l'appréciation des sommes dues au titre de la clause d'intéressement.

La clause litigieuse est ainsi libellée :

« Rémunération :

En rémunération de ses services, Monsieur [X] percevra un salaire fixe égal à'

Sur la base de son chiffre d'affaires et de sa marge, il sera alloué à Monsieur [X] un intéressement de 12 % sur ladite marge nette après une facturation correspondant au prorata du chiffre d'affaires, encaissement de la facture et calcul de la consolidation affaire par affaire »

L'employeur soutient que ce pourcentage devait être perçu sur le chiffre d'affaires effectivement apporté par le salarié.

Monsieur [X] soutient au contraire que la clause ne précise pas que l'intéressement sera calculé sur le chiffre d'affaires relatif aux affaires apportées par le salarié et demande à la cour de considérer que l'intéressement devra être calculé sur la base du chiffre d'affaires réalisé par le salarié dans le cadre de ses fonctions, compris les affaires suivies.

L'emploi du possessif ( «  sur la base de son chiffre d'affaires et de sa marge ») implique toutefois qu'il s'agit du chiffre créé personnellement par le salarié.

La cour retient dès lors que l'assiette de calcul porte sur le chiffre d'affaire des seules affaires apportées par M. [X].

Cette clause de variation du salaire est valable pour être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l'employeur.

Celui 'ci est tenu de communiquer au salarié les éléments servant de base au calcul de son salaire. En cas de litige sur le paiement de la partie variable de la rémunération, lorsque le calcul dépend d'éléments détenus par l'employeur c'est à celui-ci qu'il appartient de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

En l'espèce, l'employeur affirme que M. [X] n'a pas réalisé le moindre chiffre d'affaires et, pour en justifier, verse seulement une attestation émanant de son gérant lui-même. Cette pièce, qui émane de l'employeur lui-même ne présente pas de valeur probante.

M. [X] verse aux débats (pièce 12) 8 fiches synthétiques relatives aux prestations effectuées pour différents clients (lycée [Établissement 1] de [Localité 4], commune de [Localité 3] '). Ces documents ne sont pas contestés par l'employeur, et sont donc relatifs à des travaux réalisés par Monsieur [X]. L'employeur qui a la charge de la preuve, n'apporte aucun élément de nature à établir que ces chantiers, réalisés pour la plupart en 2008 2009, alors que Monsieur [X] a été engagé en janvier 2007, n'auraient pas été apportés par l'intéressé. Il n'est par ailleurs pas contesté que Monsieur [X] jusqu'à l'embauche de Monsieur [W] en décembre 2008, était le seul cadre apporteur d'affaires de l'entreprise.

Il se déduit de ces éléments que Monsieur [X] a nécessairement démarché de la clientèle et amené des affaires, de sorte que l'affirmation de l'employeur selon laquelle il n'aurait, pendant 3 ans, apporté aucun chiffre d'affaires, ne peut être retenue. En l'absence de pièces versées par l'employeur, qui pourtant détient les éléments qui permettraient le calcul du montant de la part variable de la rémunération, il y a lieu de condamner la société Esime à régler à Monsieur [X] la somme de 20 000 €.

Sur les autres demandes de M. [X]

Les sommes de nature salariale, en ce compris la somme allouée au titre de l'intéressement qui est une part variable du salaire, produisent intérêts à compter de la notification de la demande en justice, et les demandes indemnitaires à compter du présent arrêt.

Il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [X] charge des frais irrépétibles par lui exposée à l'occasion de la présente procédure, tant en première instance qu'en appel. La société Esime sera condamnée à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes et les dépens

Dès lors que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande reconventionnelle de la société Esime tendant à voir condamner Monsieur [X] à verser une somme au titre du préavis non effectué, sera rejetée.

Aucune considération d'équité ne commande de faire droit à la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile par l'employeur. Cette demande sera rejetée.

L'intervention du CGEA de Marseille,  en qualité de gestionnaire de l'AGS, est recevable.  

Il y a lieu dès lors de  juger opposable à l'AGS  la présente décision. En conséquence, l'AGS sera tenue à garantir les sommes allouées dans les limites et plafonds légaux

En revanche, il y a lieu  de  juger que le CGEA ne garantit pas la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens tant de première instance que d'appels seront mis à la charge de la société employeur.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale

Reçoit M. [X] en son appel

Sur le fond,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 7 mai 2012 en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Juge que la prise d'acte de la rupture par le salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamne la société Esime Sarl à payer à M. [N] [X] les sommes suivantes :

'5000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral

'10 941,21 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

'3895, 74 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

'19 893,12 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse

'8587,0 2 € au titre des heures supplémentaires effectuées, outre celle de 858, 02 € au titre des congés payés y afférents

'20 000 € au titre de l'intéressement que Monsieur [X] aurait du percevoir pour les années 2007 à 2009

'3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les sommes de nature salariale, en ce compris la somme allouée au titre de l'intéressement, produisent intérêts à compter de la notification de la demande en justice,

Dit que les sommes indemnitaires produisent intérêts à compter du présent arrêt

Déboute M. [X] de sa demande au titre des repos compensateurs et congés payés y afférents

Déboute la société Esime de sa demande reconventionnelle au titre du préavis non effectué par Monsieur [X]

Juge  opposable au CGEA de Marseille en qualité de gestionnaire de  l'AGS, à la SCP [B] [Y] administrateur judiciaire de la société Esime et à Me [A] [V] mandataire judiciaire de la société Esime,  la présente décision

Juge en conséquence que  l'AGS est tenue à garantir les sommes allouées dans les limites et plafonds légaux

Dit que  le CGEA ne garantit pas la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Esime aux dépens de première instance et d'appel

Rejette toutes autres prétentions.

LE GREFFIER   LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/05524
Date de la décision : 16/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/05524 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-16;14.05524 ?
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