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10/06/2016 | FRANCE | N°15/06076

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 10 juin 2016, 15/06076


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2016



N°2016/



Rôle N° 15/06076







[K] [D]





C/



[I] [B]



CGEA AGS DELEGATION REGIONALE DU SUD EST











Grosse délivrée le :



à :



Me Olivia VORAZ, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Copie certifiée conforme délivrée aux pa

rties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section E - en date du 15 Février 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/423.





APPELANT



Monsieur [K] [D], demeurant [Adresse...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2016

N°2016/

Rôle N° 15/06076

[K] [D]

C/

[I] [B]

CGEA AGS DELEGATION REGIONALE DU SUD EST

Grosse délivrée le :

à :

Me Olivia VORAZ, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section E - en date du 15 Février 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/423.

APPELANT

Monsieur [K] [D], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Olivia VORAZ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Maître [I] [B], mandataire liquidateur de la SARL ECLOSIONS DEVELOPPEMENT DURABLE, demeurant [Adresse 2] E - [Adresse 3]

représenté par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

CGEA AGS DELEGATION REGIONALE DU SUD EST, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2016

Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL ECLOSIONS DEVELOPPEMENT DURABLE, qui exerçait l'activité de cabinet de conseil, a été formée entre M. [N] [D], gérant (150 parts), Mme [F] [D] (48 parts) et M. [K] [D] (2 parts).

M. [K] [D] était gérant d'une société de conseil VOXIGN, qu'il avait créé en 2007, qui partageait les locaux de la société ECLOSIONS DEVELOPPEMENT DURABLE, et dont l'objet social était semblable.

M. [K] [D] a été embauché par la SARL ECLOSIONS DEVELOPPEMENT DURABLE, dont le gérant était son frère, selon contrat à durée indéterminée en date du 2 mars 2009 pour exercer les fonctions de directeur de site, statut employé, coefficient 210, position 3-2 de la convention collective nationale applicable au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils. Son salaire mensuel était fixé à 1 321,05 €.

Par jugement du 17 juin 2010, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la société ECLOSIONS DEVELOPPEMENT DURABLE.

L'appelant a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement par lettre recommandée du 5 octobre 2010 et licencié selon lettre du 30 octobre 2010 ainsi rédigée : "Nous vous avons reçu le 20 octobre 2010 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisageons de prononcer à votre encontre. Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier. Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants : « Divergences de point de vue sur la stratégie de l'entreprise » Nous considérons que cela constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Vos fonctions prendront fin à l'expiration d'un délai de préavis d'une durée de trois mois, que nous vous dispensons d'effectuer. Vous vous abstiendrez de vous rendre à Carry le [Localité 1] mais vous percevrez une indemnité de préavis non travaillé qui correspondra au salaire que vous auriez perçu si vous aviez travaillé. Nous vous informons que vous avez acquis 20 heures au titre du droit individuel à la formation. Vous pouvez demander, pendant votre préavis que nous vous dispensons d'effectuer, à utiliser ces heures pour bénéficier d'une action de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l'expérience. Votre salaire vous sera versé aux dates normales de paie, et, à l'expiration du délai de préavis, nous vous remettrons votre certificat de travail, votre solde de tout compte, ainsi que les sommes qui pourraient vous être dues."

Le 22 mars 2011, le tribunal de commerce d'AIX-EN-PROVENCE a prononcé la liquidation judiciaire de l'employeur et a désigné Maître [I] [B] en qualité de liquidateur.

Sollicitant le statut de cadre, le paiement de ses salaires, et contestant son licenciement, M. [K] [D] a saisi le 7 avril 2011 le conseil de prud'hommes de MARTIGUES, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 15 février 2012, a :

dit que le demandeur était bien salarié de statut cadre ;

constaté le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

fixé les créances du salarié comme suit :

'18 150 € à titre de rappel de salaires et de congés payés ;

' 200 € au titre de l'irrégularité de procédure ;

' 1 321 € au titre du préjudice subi ;

refusé l'exécution provisoire mais ordonné les intérêts légaux sur les créances ;

dit que le liquidateur devra établir le bordereau de créances ;

déclaré le jugement opposable au liquidateur et au CGEA-AGS de MARSEILLE dans la limite des plafonds légaux ;

dit que les créances de plein droit devront être avancées par le CGEA-AGS de MARSEILLE en application de l'article L. 3253-20 du code du travail ;

condamne l'employeur pris en la personne de son liquidateur aux entiers dépens de l'instance.

M. [K] [D] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 11 mai 2012.

La cause a été retirée du rôle à la demande des parties suivant ordonnance du 7 novembre 2014 puis enrôlée à nouveau suivant demande du 23 mars 2015.

Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles M. [K] [D] demande à la cour :

confirmer dans son principe le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu son statut de salarié ainsi que son statut cadre et a considéré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

le réformer pour le surplus, et notamment les quanta alloués ;

constater la réalité des fonctions exercées et la subordination dans le cadre de l'exercice de ces fonctions ;

dire qu'il avait la qualité de salarié ;

dire qu'il aurait dû bénéficier du statut cadre correspondant pendant toute la relation contractuelle ;

fixer son salaire brut de base mensuel à la somme de 3 998,40 € pour la période du 2 mars 2009 au 29 juin 2010 ;

fixer son salaire brut de base mensuel à la somme de 4 078,20 € pour la période du 29 juin 2010 à la fin de la relation contractuelle ;

dire que son absence de réclamations écrites ne vaut nullement renonciation aux salaires qui lui étaient dus ;

dire que les sommes réclamées ont bien la nature juridique de salaires devant être fixés au passif de l'employeur et être garantis par l'AGS.

fixer au passif de l'employeur les rappels de salaires et congés payés suivants :

'55 977,60 € à titre de rappels de salaires et 5 597,76 € à titre de congés payé y afférents pour la période du 2 mars 2009 au 29 juin 2010 ;

'16 312,80 € à titre de rappels de salaires et 1 631,28 € à titre de congés payés y afférents pour la période du 29 juin 2010 au 30 octobre 2010 (date du licenciement) ;

dire qu'au 17 juin 2010, date du redressement judiciaire, sa créance salariale devant être garantie par l'AGS s'élève à la somme de 52 306,93 € à titre de rappels de salaires ainsi que 5 230,69 € à titre de congés payés y afférents ;

dire que pour la période du 17 juin 2010, date du redressement judiciaire, au 30 octobre 2010, date du licenciement, sa créance salariale devant être garantie par l'AGS s'élève à la somme de 6 117,30 € ainsi que 611,73 € à titre de congés payés y afférents ;

constater l'absence de mention de l'adresse de la mairie sur la convocation à entretien préalable ;

dire irrégulière la procédure de licenciement ;

fixer au passif de la société la somme de 4 078,20 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;

constater l'absence de motivation de la lettre de licenciement ;

dire abusif le licenciement prononcé ;

fixer au passif de la société les sommes suivantes :

'12 234,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) ;

'  1 223,46 € à titre de congés payés afférents ;

'  3 231,97 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;

'  6 337,88 € à titre de rappels de congés payés (33 jours) ;

'24 469,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

ordonner la rectification de l'attestation Pôle Emploi ;

dire l'ensemble des condamnations salariales, indemnitaires et de remise de documents à intervenir, opposable à l'AGS ainsi qu'aux organes de la procédure ;

dire que l'inscription en compte courant d'associé ne se présume pas ;

constater que l'AGS ne démontre nullement l'inscription en compte courant d'associé des salaires ;

dire que la novation ne se présume pas ;

constater que l'AGS ne démontre nullement la novation des créances salariales en créance civile de prêt ;

débouter l'AGS de sa demande de restitution des salaires réglés dans le cadre de l'exécution du jugement entrepris ;

débouter l'AGS de l'ensemble de ses demandes ;

ordonner les intérêts légaux à compter du jour de la demande en justice et leur capitalisation ;

condamner [sic] aux entiers dépens.

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil par lesquelles Maître [I] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ECLOSIONS DEVELOPPEMENT DURABLE, demande à la cour de :

à titre principal,

infirmer le jugement entrepris et débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes tendant la fixation de créances salariales sur la liquidation judiciaire de l'employeur ;

à titre subsidiaire,

dire qu'il est établi qu'eu égard aux liens familiaux étroits qui le liaient avec la société ECLOSIONS DEVELOPPEMENT DURABLE, et afin d'éviter d'obérer la trésorerie de l'entreprise, l'appelant a décidé, de son propre aveu, de ne pas solliciter le paiement de la rémunération lui restant normalement due, d'autant qu'en sa qualité de frère du gérant et d'associé, et de gérant de la société VoXign, il était confronté directement la situation financière difficile des deux entreprises travaillant en étroite collaboration ;

débouter l'appelant de ses demandes de rappels de salaires laissés à disposition de l'entreprise durant toute l'exécution des relations contractuelles, pour ne pas compromettre la trésorerie de la société en faisant prévaloir sa qualité d'associé solidairement responsable, sur celle de salarié ne supportant pas le risque d'exploitation de l'entrepreneur ;

dire que la garantie AGS ne s'applique pas à ce type de créance et mettre hors de cause l'AGS au titre de cette créance ;

à titre plus subsidiaire,

réformer le jugement entrepris en qu'il a reconnu la qualité de cadre à l'appelant ;

le confirmer en ce qu'il a retenu que le salaire contractuel mensuel était bien de 1 321 € ;

dire qu'il résulte de l'étude des relevés bancaire un encaissement d'au moins 6 959,07 € (sous réserve de plus ample analyse) ;

réformer le jugement appelé qui n'en n'a pas tenu compte dans la fixation du rappel de salaire ;

rectifier le montant du rappel de salaire comme suit : 18 150 € - 6 959,07 € = 11 190,93 € incidence congés payés incluse ;

confirmer le jugement entrepris pour le surplus sur les indemnités de rupture ;

à titre encore plus subsidiaire,

confirmer le jugement entrepris et débouter le salarié des fins de son appel ;

mettre hors de cause Maître [I] [B], en qualité de liquidateur de la SARL ECLOSIONS DEVELOPPEMENT DURABLE, pour les demandes au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

déclarer l'arrêt opposable à l'AGS au titre des créances garanties aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5) ;

dire que son obligation de garantie s'exécutera que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire en application des articles L. 3253-19 et suivants du code du travail ;

dire que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (article L. 622-28 du code de commerce) ;

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles l'AGS, CGEA de MARSEILLE, demande à la cour de :

à titre principal,

réformer le jugement entrepris et débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes tendant la fixation de créances salariales sur la liquidation judiciaire de l'employeur ;

à titre subsidiaire,

dire qu'il est établi qu'eu égard aux liens familiaux étroits qui le liaient avec la société ECLOSIONS DEVELOPPEMENT DURABLE, et afin d'éviter d'obérer la trésorerie de l'entreprise, Monsieur [K] [D], a décidé, de son propre aveu, de ne pas solliciter le paiement de la rémunération lui restant normalement due, d'autant qu'en sa qualité de frère du gérant et d'associé, et de gérant de la société VoXign, il était confronté directement la situation financière difficile des deux entreprises travaillant en étroite collaboration ;

débouter l'appelant de ses demandes de rappels de salaires laissés à disposition de l'entreprise durant toute l'exécution des relations contractuelles, pour ne pas compromettre la trésorerie de la société en faisant prévaloir sa qualité d'associé solidairement responsable, sur celle de salarié ne supportant pas le risque d'exploitation de l'entrepreneur ;

dire que la garantie AGS ne s'applique pas à ce type de créance et mettre hors de cause l'AGS au titre de cette créance ;

à titre plus subsidiaire,

réformer le jugement entrepris en qu'il a reconnu la qualité de cadre à M. [K] [D] ;

le confirmer en ce qu'il a retenu que le salaire contractuel mensuel était bien de 1 321 € ;

dire qu'il résulte de l'étude des relevés bancaire un encaissement d'au moins 6 959,07 € (sous réserve de plus ample analyse) ;

réformer le jugement appelé qui n'en n'a pas tenu compte dans la fixation du rappel de salaire ;

rectifier le montant du rappel de salaire comme suit : 18 150 € - 6 959,07 € = 11 190,93 € incidence congés payés incluse ;

confirmer le jugement entrepris pour le surplus sur les indemnités de rupture ;

à titre encore plus subsidiaire,

confirmer le jugement appelé et débouter le salarié des fins de son appel ;

mettre hors de cause l'AGS pour les demandes au titre des frais irrépétibles visé à l'article 700 du code de procédure civile, des dépens, de l'astreinte, des cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité ;

dire que l'obligation de l'AGS de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-19 du code du travail ;

dire que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (article L. 622-28 du code de commerce).

SUR CE

1/ Sur l'existence d'un contrat de travail

Le liquidateur judiciaire ainsi que l'AGS contestent l'existence d'un contrat de travail au motif que l'appelant n'était pas engagé dans un lien de subordination.

L'existence du contrat de travail est subordonné à la réalité du lien de subordination lequel se trouve caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Par lettre du 15 décembre 2011 adressée à l'AGS, l'appelant décrivait ainsi, précisément et spontanément, son activité : "J'ai été salarié d'Éclosions de Mars 2009 à juin 2010. Mais j'avais préalablement créé, en 2007, une entreprise, VoXign, qui en tant que cabinet de conseil a également subi la crise et se trouve aussi en redressement judiciaire. Éclosions et VoXign ont commencé par travailler ensemble sur des projets communs. Il s'agissait de missions réalisées pour le compte de nos clients, et les deux structures se refacturaient nos interventions réciproques. Puis j'ai commencé à m'impliquer dans la gestion d'Éclosions, dans le même temps où [N] [D], gérant d'Eclosions, a commencé à assumer aussi un rôle interne au sein de VoXign : nos profils sont très opposés mais très complémentaires, et notre interaction était fortement encouragée par le fait de partager les mêmes locaux. C'est ainsi, qu'en plus de manager l'équipe d'Éclosions lorsqu'il était en déplacement, j'ai également géré une partie de l'administratif et de la comptabilité d'Éclosions. Sur ces aspects, l'implication étant quotidienne, nous avons remplacé la facturation de VoXign à Éclosions par mon embauche. L'intérêt était également de permettre aux collaborateurs d'Éclosions de mieux m'identifier comme faisant partie de l'équipe. Cela nous a semblé d'autant plus pertinent que, selon notre lecture, des liens de subordination existant sur ces tâches de gestion interne, et les outils moyens de ces missions étant donnés par Eclosions, la réalité d'un contrat de travail aurait sans doute été établie (et notre contrat de soustraitance aurait pu être requalifié en contrat de travail) si nous n'avions pas pris cette initiative. Pour autant, pour les projets et missions clients où les compétences de mon entreprise, VoXign étaient clairement identifiées, nous avons continué à fonctionner sur le mode de la prestation facturée. En tant que frère du gérant et possédant quelques parts dans la société, même en tant que salarié, il m'a paru difficile de faire pression sur le Gérant d'Éclosions, [N] [D], pour exiger de lui le versement de mes salaires alors que les autres salariés n'avaient pas non plus tous été payés. De son côté, mon entreprise n'a pas dégagé suffisamment de résultat pour pouvoir sortir un salaire pour moi. Le bilan annonce un revenu mais qui a en réalité servi à financer le travail de préparation (recherche et développement) des projets en cours qui doivent voir le jour prochainement (en particulier un service de e-Learning de la Langue des [Localité 2] Française). Ces revenus ont donc été réinjectés directement dans l'entreprise et apparaissent en compensation au compte courant du gérant, moi. Si j'ai pu, jusqu'ici, patienter, c'est en partie parce que mon épouse s'est installée récemment (septembre 2008) en tant que médecin libéral et nous espérions que la situation d'Éclosions finirait par être redressée avant l'arrivée de la première notification de la régulation des cotisations de l'URSSAF faisant suite à l'installation en tant que médecin libéral ; 2009 étant la première année de réels revenus libéraux de mon épouse, année sur la base de laquelle ladite notification doit être calculée et portée à notre connaissance lors de l'appel provisionnel du dernier trimestre 2010. Si la demande de bénéfice du fond de garantie des salaires n'a pas été effectuée en même temps que pour les autres salariés, c'est parce que mon cas a été oublié. En effet, mon contrat étant terminé, je n'étais plus dans les locaux et le comptable qui a pris le relais au moment de la mise en redressement judiciaire d'Éclosions ne me connaissait pas. Le temps de réaliser la chose, une fois que les autres salariés eurent bénéficié du rappel versé pas le FGS, j'ai demandé des explications et c'est là que j'ai su que j'avais été oublié. Nous vous avons alors à nouveau sollicité pour mon cas et vous avez demandé les relevés de mes comptes bancaires pour la période relative au contrat. Vu le nombre de documents à retrouver puis à fournir, j'ai à nouveau pensé pouvoir patienter, le temps qu'un gros client, le Conseil Régional PACA, règle sa facture à Éclosions, facture de plusieurs dizaines de milliers d'Euros pour laquelle la date de paiement était déjà dépassée. Le règlement doit donc arriver « incessamment sous peu » depuis septembre ! Il faut savoir qu'Éclosions est, depuis le début de son redressement, en essor économique mais tout juste en équilibre de trésorerie, en particulier parce que le règlement de le Conseil Régional PACA, se fait désirer. En attendant, le ménage tirait toujours sur la corde des rentrées d'argent de mon épouse sans pouvoir préparer la réserve nécessaire à la notification de la régulation des cotisations 2009 de l'URSSAF dont l'échéance approchait. Cette échéance vient de tomber : l'URSSAF réclame à ma femme quelques 6200 €. Par ailleurs le compte en banque du ménage est à découvert depuis plus de 31 jours, pour un montant de -1.499,52, avec un prévisionnel affiché de -2.065,77 pour le 1er décembre. Compte tenu des rentrées d'argent venant de l'activité de mon épouse et des échéances de prêts qui arrivent début décembre, nous allons encore nous retrouver bien en deçà de l'autorisation de découvert, avec une période en négatif dépassant 50 jours, avec toutes les échéances de début de mois qui arrivent. En attendant, en plus de gérer mon entreprise et de tenter de la redresser, de gérer la famille tous les soirs, puisque le travail de mon épouse ne lui permet pas de le faire, je fais des missions d'intérim en tant que manutentionnaire de 6h à 13h lorsqu'elles se présentent pour essayer de joindre les deux bouts et éviter que la situation ne s'aggrave trop vite. Le Conseil Régional PACA, doit payer un jour ! Et le montant de la facture permettra à Éclosions de rembourser les avances faites pour la prise en charge des salaires faites par le FGS, y compris pour moi si vous l'accepter. Aussi je vous demande de bien vouloir porter un avis favorable sur mon dossier pour me permettre de retrouver une situation financière assainie vis-à-vis de ma banque et vis-à-vis des autres créanciers du ménage."

L'appelant produit l'attestation de Mme [G] selon laquelle il a été recruté comme directeur de site, poste créé à son profit, pour lui permettre, en l'absence du gérant, d'assumer alors la fonction de responsable, l'attestation de M. [P] selon laquelle il était présent au bureau afin de s'occuper de la partie administrative, de M. [M] qui confirme qu'il était chargé de la gestion administrative et comptable et qu'il remplaçait le gérant absent, de Mme [K] dans le même sens, et de M. [Z] qui fait état de l'implication de l'appelant dans l'entreprise en sa qualité de directeur de site.

L'existence d'un lien de subordination ne se déduit d'aucune des pièces qui viennent d'être citées. Bien au contraire, l'appelant apparaît comme un chef d'entreprise partageant les locaux de la société de son frère, partageant aussi les clients et les marchés au gré de refacturations entre deux sociétés parallèles, alors qu'avant tout contrat de travail les deux frères intervenaient chacun dans la société de l'autre.

Le fait qu'un contrat de travail ait été conclu le 2 mars 2009 n'est pas de nature à laisser présumer l'existence du lien de subordination dès lors qu'il n'a pas modifié l'économie des relations antérieures qui n'était pas des relations de salariat mais de collaboration mutuelle entre deux entrepreneurs. Le contrat de travail est d'autant moins probant que l'appelant lui-même en conteste l'économie expliquant qu'il ne pouvait nullement être engagé en qualité d'employé compte tenu des hautes fonctions qu'il exerçait dans l'entreprise. Il est à noter que la modicité du salaire prévu au contrat (1 321 € par mois contre un minimum conventionnel de 4 078,20 €) est bien en rapport avec les difficultés économiques de l'entreprise qui alors ne permettaient nullement la création d'un poste de cadre supplémentaire.

L'existence d'une relation de travail n'est pas plus indiquée par la rémunération puisque l'appelant soutient que cette dernière ne lui a pas été versée, ni par l'existence d'une procédure de licenciement puisque encore M. [K] [D], qui ne bénéficiait que du statut employé, a été licencié pour « Divergences de point de vue sur la stratégie de l'entreprise », le prétendu employeur utilisant lui-même des guillemets pour ce qui n'est nullement un motif de licenciement comme l'explique l'appelant lui-même.

La combinaison de ces éléments fait obstacle à la reconnaissance d'un lien de subordination entre la société ECLOSIONS DEVELOPPEMENT DURABLE et M. [K] [D]. En conséquence, ce dernier sera débouté tant de ses prétentions salariales que de la contestation de son licenciement.

2/ Sur les dépens

L'appelant supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Déboute M. [K] [D] de l'ensemble de ses demandes.

Y ajoutant,

Condamne M. [K] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierPour le Président empêché

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller,

En ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/06076
Date de la décision : 10/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°15/06076 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-10;15.06076 ?
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