La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2016 | FRANCE | N°14/09691

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 27 mai 2016, 14/09691


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 27 MAI 2016



N°2016/















Rôle N° 14/09691







[Q] [T]





C/



Société METRO CASH & CARRY FRANCE















Grosse délivrée le :



à :

Me Fabienne MIOLANE, avocat au barreau de LYON



Me Inès CHALAOUX, avocat au barreau de PARIS





Copie certifiée conforme dél

ivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 24 Mars 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1089.





APPELANT



Monsieur [Q] [T], demeurant [Adresse 1]



compa...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 27 MAI 2016

N°2016/

Rôle N° 14/09691

[Q] [T]

C/

Société METRO CASH & CARRY FRANCE

Grosse délivrée le :

à :

Me Fabienne MIOLANE, avocat au barreau de LYON

Me Inès CHALAOUX, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 24 Mars 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1089.

APPELANT

Monsieur [Q] [T], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Fabienne MIOLANE, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

Société METRO CASH & CARRY FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Inès CHALAOUX, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 Avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2016, prorogé au 27 mai 2016 .

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2016

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 11 novembre 1995, M. [Q] [T] a été engagé par la société METRO libre-service de gros, devenue la SAS METRO CASH & CARRY France, en qualité d'attachée commercial, statut agent de maîtrise, coefficient 200, moyennant une rémunération mensuelle brute de 8.500 Francs pour un horaire hebdomadaire de 39 heures. Le salarié a été affecté auprès de l'établissement situé à [Localité 1]. Le 1er décembre 1998, le salarié a été muté au sein de l'entrepôt METRO de [Adresse 3] puis réaffecté auprès de l'établissement de [Localité 1] le 1er août 2002. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait un salaire brut de base de 2.016 €, outre diverses primes. Les relations des parties étaient régies par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Le salarié a été élu délégué du personnel le 22 mars 2007.

Il a bénéficie d'un congé individuel de formation d'octobre 2008 à avril 2009.

Après convocation le 5 mars 2010 à un entretien préalable fixé au 22 mars, l'employeur a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire d'un jour par lettre du 20 avril 2010, rédigée en ces termes : «['] En votre qualité d'attaché commercial, votre raison d'être dans l'organisme (cf. guide des emplois) est de :

-assurer, sur un secteur géographique déterminé, le suivi du fichier clients et du CA

-contribuer à la prise de part de marché.

Or, nous avons à déplorer des carences importantes dans l'exécution de ces missions.

En effet, nous nous sommes aperçus le 25 janvier 2010 que vous aviez bloqué de nombreux clients de votre portefeuille T2, en cessation d'activité pour des raisons non conformes aux procédures Métro.

À titre d'exemple :

*client n° 18-19539 'Presse Beaucart' : bloqué en cessation d'activité le 28/12/2009 pour branche d'activité différente par rapport au fichier. De plus, vous avez indiqué en commentaire : 'refaire une carte confiserie'.

*client n° 18-50636 'Zmen' : bloqué en cessation d'activité le 28/12/2009 pour absence de numéro de SIRET alors que la société existe et possède un numéro de SIRETdepuis juin 2007.

*client n° 18- 61896 'Allo Gateaux' : bloqué en cessation d'activité le 28/12/2009 pour absence de numéro de SIRET alors que la société existe et possède un numéro de SIRETdepuis 1986. De plus, vous avez indiqué en commentaire 'client inexistant'.

*client n° 18-100397 'l'épi d'Or' : bloqué en cessation d'activité le 28/12/2009 pour mise en vente. Le client s'est présenté à l'accueil de l'entrepôt. Sa carte était bloquée alors qu'il n'avait pas vendu son affaire.

*client n° 18-66958 'Alk' : bloqué en cessation d'activité le 30/12/2009 pour changement de gérant alors que M. [Z] [O] est gérant depuis 2002.

*client n° 18-43031 'Sabour Elalaoui' : bloqué en cessation d'activité le 28/12/2009 pour changement de gérant alors que le gérant est la même personne depuis 2003.

Vos agissements consistant à bloquer les clients de votre portefeuille T2 sans avoir effectué les vérifications nécessaires et respecté les procédures Métro sont inadmissibles.

En effet, vous n'êtes pas sans ignorer que vous devez respecter la procédure PROCO159-02 qui indique clairement les cas de blocage d'un compte client à savoir :

'Le blocage cessation d'activité est positionné quand :

-le personnel d'accueil est directement informé par le client qu'il a cessé ou changé d'activité ;

-un responsable de zone est informé directement ou indirectement de la cessation ou d'un changement d'activité de l'un des clients MCCF

-un attaché commercial constate sur le terrain ou est informé directement ou indirectement de la cessation d'activité ou du changement d'activité de l'un des clients MCCF.

Par ailleurs la PROCO159-01 précise qu'est considéré comme modification majeure non autorisée, nécessitant la résiliation du compte client et si besoin la création d'un nouveau compte client le changement d'activité accompagné d'un changement de secteur non alimentaire vers alimentaire et vice versa (voir clients n° 18-19539).

Vous n'êtes pas autorisé à bloquer un compte client sans avoir la certitude du motif de la cessation d'activité.

De tels agissements sont très graves puisqu'ils portent préjudice à l'image de marque de Métro vis-à-vis des clients qui se sont vus refuser l'accès à l'entrepôt sans raison valable et donc n'ont pu effectuer leurs achats, non sans préjudice potentiel sur le chiffre d'affaires de l'entrepôt. Ils ont donc été contraints de justifier de l'existence de leur commerce pour certains ouverts depuis 1986 afin d'y accéder.

De plus, ces blocages ont impacté directement la progression de votre chiffre d'affaires portefeuille T2 et donc le montant de votre prime de conditionnement. En effet, une partie du calcul de votre commissionnement est basé sur le taux de progression de CA du portefeuille clients T2.

Or, la liste des clients bloqués en cessation d'activité, vous a permis d'améliorer de manière significative votre progression de CA.

Les arguments que vous avez mis en avant lors de l'entretien, ne nous permettent pas de modifier l'appréciation des faits qui vous sont reprochés.

En conséquence et après réflexion, nous vous notifions une mise à pied à titre disciplinaire d'un jour avec retenue correspondante de salaire en date. Cette décision prendra effet le 5 mai 2010.[']».

Le salarié a contesté cette sanction par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mai 2010. Après s'être présenté sur son lieu de travail le 5 mai et avoir été expulsé de l'entreprise, il a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 6 mai 2010.

Le 22 septembre 2010, se plaignant de harcèlement moral et sollicitant la résiliation judiciaire du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section commerce, lequel s'est déclaré en partage de voix le 28 juin 2012.

À l'issue des deux visites médicales de reprise en date des 22 juin et 9 juillet 2012, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail. Après avoir été convoqué à un entretien préalable, il a été licencié, par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 septembre 2012, pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement. Il a quitté l'entreprise le 2 novembre 2012.

Par jugement du 24 mars 2014, le juge départiteur a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à payer à l'employeur la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.

Le 6 mai 2014, le salarié a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Vu les écritures déposées par M. [Q] [T], le 20 avril 2016, aux termes desquelles il demande à la cour de :

-juger que les éléments qu'il a évoqué à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail justifiaient le prononcé de celle-ci ;

-constater que l'employeur s'est rendu coupable de harcèlement moral ;

-constater que l'employeur a notamment dissimulé des heures qu'il a réalisées ;

en conséquence,

-juger nul son licenciement sans qu'il y ait besoin d'analyser le fondement même de ce licenciement;

-condamner l'employeur à lui payer les sommes de :

*57.023 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

*4.751,84 € bruts à titre de préavis ;

*475,18 € bruts à titre de congés payés sur préavis ;

*28.511,04 € nets à titre de dommages-intérêts pour violation de son statut protecteur ;

*14.256 € nets à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

*14.256 € nets à titre d'indemnité pour dissimulation d'emploi ;

*3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;

-condamner l'employeur aux entiers dépens.

Dans le corps de ses écritures il demande également la condamnation de l'employeur à lui régler la somme de 831,34 € bruts correspondant au solde restant dû au titre du FONGECIF.

Vu les écritures de la SAS METRO CASH& CARRY France déposées le 20 avril 2016, par lesquelles elle demande à la cour de :

-confirmer purement et simplement le jugement déféré ;

-condamner l'appelant à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 20 avril 2016.

SUR CE

Sur la demande de rappel de salaire au titre du FONGECIF :

Le salarié soutient que l'employeur reste lui devoir la somme de 831,34 € bruts au titre des sommes qu'il a perçues du FONGECIF.

Cependant, l'employeur établit qu'il a réglé l'intégralité des sommes revenant au salarié au titre du FONGICIF après déduction des charges patronales calculées au taux de 48 %.

Le salarié sera donc débouté de ce chef de demande.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Lorsque, comme en l'espèce, un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l'employeur d'une gravité suffisante et, dans le cas contraire, doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

En l'espèce, le salarié soutient que l'employeur lui a imposé une modification de sa rémunération, alors qu'il bénéficie de la protection des salariés titulaire d'un mandat électif, d'une part et qu'il s'est rendu coupable de harcèlement moral à son encontre, d'autre part. Il convient d'examiner ces deux griefs:

-Sur la modification de la rémunération :

Le salarié ne saurait valablement soutenir que la mise à pied disciplinaire d'un jour qui lui a été notifiée le 20 avril 2010 constitue une modification de sa rémunération, alors qu'il s'agit d'une suspension du contrat de travail pour motif disciplinaire.

En conséquence, le fait que l'employeur ait maintenu cette sanction, en dépit du refus du salarié de l'exécuter, ne saurait justifier à lui seul le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

-Sur les faits de harcèlement moral :

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail «aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.»

La reconnaissance du harcèlement moral suppose trois conditions cumulatives : des agissements répétés ; une dégradation des conditions de travail ; une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l'avenir professionnel du salarié.

En application de l'article L.1154-1 du code du travail, il appartient au salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral, d'établir des faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de ses allégations , le salarié invoque les faits suivants :

-Le refus de l'employeur de lui reverser l'intégralité des sommes payées par le FONGECIF pendant son congé formation : le salarié établit par les éléments qu'il produit qu'il a bénéficié d'un congé individuel de formation du 20 octobre 2008 au 7 avril 2009 et qu'il a dû faire plusieurs démarches auprès de son employeur pour obtenir le paiement de l'intégralité des sommes versées par le FONGECIF.

C'est ainsi qu'il ressort du suivi de rémunération pendant la formation que le montant du salaire maintenu ne correspondait pas tout à fait au remboursement versé par le FONGECIF, de sorte que l'employeur a dû régler au salarié un rappel de rémunération, le dernier étant intervenu en juin 2009.

Ce grief n'existait donc plus lorsque le salarié a saisi le conseil des prud'hommes le 22 décembre 2010 aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail.

-Un isolement opérationnel dont il a fait l'objet : Avant de partir en congé individuel de formation, en octobre 2008, le salarié travaillait dans la branche d'activité 'spécialiste café bar'. À son retour dans l'entreprise, en avril 2009, son poste n'étant plus disponible, il a été affecté dans la branche d'activité 'boulangerie pâtisserie'.

Le salarié ne rapporte pas la preuve que l'employeur s'était engagé à ce qu'il puisse réintégrer son poste à son retour de congé formation, de sorte que l'employeur n'a pas commis de faute en l'affectant sur une autre branche d'activité, la seule obligation pesant sur lui étant de lui fournir un poste équivalent.

Le salarié se plaint de n'avoir bénéficié d'aucune formation sur les clients de cette branche d'activité, alors que l'employeur est tenu d'assurer l'adaptation du salarié à son nouveau poste de travail. Cependant, à aucun moment au cours de la relation contractuelle, il n'a indiqué avoir des difficultés à s'occuper de ce nouveau secteur. En outre, il a été embauché en qualité d'attaché commercial. Or la classification des emplois au sein de l'entrepôt métro ne prévoit aucune spécificité des postes d'attachés commerciaux. Au contraire, cet emploi exige une certaine polyvalence pour assurer, le cas échéant, le remplacement temporaire de collègues absents.

Il déplore également le fait de ne plus avoir été invité aux réunions commerciales et notamment à la réunion du 15 mars 2010 à laquelle il n'a jamais été convoqué. Or, l'employeur établit par les pièces qu'il produit que le salarié était systématiquement mis en copie des courriels de sa hiérarchie et qu'il figurait dans la liste de diffusion. En ce qui concerne la réunion du 15 mars 2010, il apparaît qu'il s'agissait d'une demande de renfort d'équipe temporaire basée sur le volontariat dans le cadre de l'ouverture de nouvelles antennes MÉTRO à [Localité 2] et [Localité 3] et que lorsque l'employeur a été informé que le salarié ignorait que cette réunion devait avoir lieu, il lui a immédiatement confirmé sa possible participation.

Il reproche également à l'employeur d'avoir géré systématiquement avec retard ses demandes de congés et de RTT ou de les avoir rejeté. Il apparaît cependant que le salarié a déposé ses demandes de congés tardivement et/ou pour des périodes en totale contradiction avec les directives de l'employeur. C'est ainsi que par courriel du 4 mars 2010, l'employeur a informé les attachés commerciaux, dont le salarié, du fait que de nouveaux véhicules allaient être livrés le vendredi 2 avril 2010 à l'entrepôt des [Localité 1] et leur a demandé de préparer leur véhicule pour ce jour-là. Or, le 10 mars, le salarié a déposé des congés du 31 mars au 2 avril 2010. C'est donc de manière légitime que l'employeur lui a rappelée que le 2 avril était prévu pour la réception et l'échange des véhicules automobiles et que la présence des attachés commerciaux était requise, sauf pour ceux qui avaient posé des congés avant de connaître cette date. L'employeur n'a donc commis aucune faute en refusant que le salarié se mette en congé ce jour-là.

Il regrette aussi de ne pas avoir eu son entretien annuel d'évaluation en 2009 et 2010, ce que l'employeur ne conteste pas. Cependant, il convient tout d'abord de rappeler que le salarié était en formation d'octobre 2008 à avril 2009, de sorte qu'aucun entretien d'évaluation n'a pu être programmée avant son retour. Il apparaît ensuite que l'entretien devait avoir lieu le 27 avril 2009, à [Localité 4], mais qu'il a été annulé sans être reprogrammé. Enfin, l'employeur établit que le salarié a bénéficie le 23 avril 2010 d'une augmentation individuelle, ce qui démontre que l'absence d'entretien annuel d'évaluation n'a eu aucune incidence sur sa carrière.

Enfin, il se plaint du fait que le système de géolocalisation de son véhicule ne pouvait pas être désactivé, notamment lorsqu'il l'utilisait pendant ses heures de délégation dans le cadre de son mandat électif et ce, en violation des règles applicables.

L'employeur ne peut valablement soutenir qu'il s'agit d'un véhicule de service et que le salarié ne pouvait l'utiliser que dans le seul cadre de son activité professionnelle, alors que le contrat de mise à disposition du véhicule ne limite pas son utilisation à cette seule activité et que le salarié l'utilisait pour se rendre sur son lieu de travail et en repartir.

Conformément à l'article 6 de la délibération de la CNIL du 4 juin 2015, le salarié étant investi d'un mandat électif ne pouvait faire l'objet d'une opération de géolocalisation lorsqu'il agissait dans le cadre de l'exercice de son mandat. Cependant, le salarié n'a engagé aucune démarche pour que son véhicule soit équipé d'un système lui permettant de désactiver la géolocalisation pendant ses heures de délégation. Il ne saurait obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail pour ce seul motif, alors qu'il n'a adressé aucune mise en demeure à l'employeur.

-La sanction disciplinaire du 15 avril 2010 : Le salarié soutient tout d'abord que la procédure est irrégulière en ce que la lettre de convocation mentionne qu'il peut se faire assister d'une personne de son choix appartenant au personnel de l'entrepôt, alors qu'en vertu de l'article L 1232-4 du code du travail, il pouvait se faire assister par une personne appartenant au personnel de l'entreprise. Néanmoins, cette omission n'a eu aucune conséquence, puisque le salarié été assisté par un délégué syndical pendant l'entretien.

Il considère ensuite que cette sanction disciplinaire n'est pas fondée en faisant valoir qu'il n'a fait qu'appliquer la procédure imposée par l'employeur. Cependant, il reconnait que sur les 17 blocages auxquels il a procédé, 6 n'étaient pas justifiés.

L'employeur verse au dossier l'attestation de M. [O], supérieur hiérarchique du salarié, rédigée en ces termes : «Employé par la société MÉTRO depuis le 21.01.2001, d'abord en tant qu'attaché commercial puis depuis le 01.09.2008 responsable force de vente, je suis devenu le responsable de M.. [Q] [T] à son retour de CIF en 2009. Concernant les modifications de fichiers effectués, il s'agit de clôtures de compte client anormales. Je m'en suis aperçu en fin d'année, un peu par hasard en consultant les fichiers suite à une progression exagérée de ses résultats commerciaux. Il avait alors effectué des blocages de comptes clients en cessation d'activité alors que ces mêmes clients étaient bel et bien en activité. Je me suis rendu moi-même chez ces clients et ai constaté de visu leur non fermeture. Clients fort mécontents de s'être vu refuser l'accès à notre entrepôt, leur carte étant bloquée.

La règle commerciale que j'ai toujours demandé d'appliquer aux commerciaux et qui est la règle commerciale de la société est qu'on bloque un client en cessation seulement si l'on a constaté sa fermeture définitive ou que son activité est non conforme à savoir que le client détient une carte alimentaire et qu'il n'exerce pas réellement cette activité.

De plus, ces clôtures de comptes ont été réalisés principalement en toute fin d'année, alors que les commerciaux n'étaient pas en activité extérieure pendant la fin d'année, en quantité anormalement importante et visant toutes à améliorer le résultat commercial de l'intéressé. D'autres commerciaux ont réalisées des blocages de cessation mais qui correspondaient bien aux critères de réalisation précités et étaient par là-même justifiés.»

Il est ainsi établi que le salarié a délibérément bloqué des comptes clients dans le but d'augmenter artificiellement son chiffre d'affaires. La sanction qui lui a été infligée apparaît donc fondée et proportionné à la faute reprochée.

Force est de constater que le salarié n'établit pas l'existence de faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il convient par conséquent de confirmer la décision déférée qui a débouté le salarié de sa demande tendant à obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et des demandes subséquentes.

Sur le travail dissimulé :

Selon l' article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait soit de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche, soit de se soustraire à l'obligation d'établir un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

L'article L 8223-1 dudit code dispose que le salarié, auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Pour rapporter la preuve qu'il effectuait des heures supplémentaires non rémunérées et non déclarées et que l'employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé à son encontre, l'appelant verse au dossier les éléments suivants :

-ses bulletins de salaire ;

-des récapitulatifs hebdomadaires des heures réalisées par les attachés commerciaux de la société ;

-l'attestation de Mme [R] [G], rédigée en ces termes : «Employée de la société METRO CASH & CARRY France aux [Localité 1] depuis le 16 août 1999 jusqu'au 14 avril 2010, je confirme par la présente que les plannings horaires de travail que nous signons sont des horaires qui devaient être remplis sur une durée hebdomadaire contractuelle. En aucun cas, les horaires que nous réalisions en plus au cours d'une journée n'était ni payées, ni récupérées. J'ai déjà eu l'occasion de modifier mes horaires de travail lors de surpassement considérable, notre responsable hiérarchique ainsi que le responsable des ressources humaines me demandaient de signer à nouveau le planning avec les horaires fixés par avance.»

Cependant, à aucun moment, il n'a réclamé à l'employeur le paiement des heures supplémentaires et ne formule aucune demande à ce titre.

Ainsi que l'a relevé le juge départiteur, l'élément intentionnel du travail dissimulé n'apparaît pas caractérisé. Il convient par conséquent de confirmer la décision déférée qui a débouté le salarié de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

La décision déférée qui a condamné le salarié à payer à l'employeur la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doit être réformée.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance, ni en cause d'appel.

Le salarié qui succombe doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne la condamnation du salarié au titre des frais irrépétibles de l'employeur.

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,

Déboute M. [Q] [T] de sa demande de rappel de salaire au titre du FONGECIF.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance, ni en appel.

Condamne M. [Q] [T] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/09691
Date de la décision : 27/05/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°14/09691 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-27;14.09691 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award