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19/05/2016 | FRANCE | N°13/11086

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 19 mai 2016, 13/11086


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2016



N° 2016/ 240













Rôle N° 13/11086







Société MAN NUTZFAHRZEUGE AKTIENGESELLSCHAFT





C/



SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT

SARL YACHTING CONSEIL

SOCIETE PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL

Cie d'assurances GENERALI IARD ASSURANCES













Grosse délivrée

le :

à :



Me SASSATELLI





Me SCHRECK



Me TAYLOR-SALUSSE



Me JUSTON



Me BOULAN













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 02 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2007F00102.





APPELANTE



Société MAN NUTZFAHRZEUGE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2016

N° 2016/ 240

Rôle N° 13/11086

Société MAN NUTZFAHRZEUGE AKTIENGESELLSCHAFT

C/

SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT

SARL YACHTING CONSEIL

SOCIETE PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL

Cie d'assurances GENERALI IARD ASSURANCES

Grosse délivrée

le :

à :

Me SASSATELLI

Me SCHRECK

Me TAYLOR-SALUSSE

Me JUSTON

Me BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 02 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2007F00102.

APPELANTE

Société MAN NUTZFAHRZEUGE AKTIENGESELLSCHAFT

société par actions de droit allemand, immatriculée au registre du commerce du Tribunal d'instance de Munich sous le n° 86 963,

demeurant [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Jean-claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT,

demeurant [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Philippe SCHRECK de la SCP SCHRECK, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

SARL YACHTING CONSEIL

représenté par son gérant Monsieur [H] [X] [X], demeurant [Adresse 3]

représentée et plaidant par Me Catherine TAYLOR-SALUSSE, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Ouahab BOUREKHOUM, avocat au barreau de TOULON

SOCIETE PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL,

demeurant [Adresse 4]) GRANDE BRETAGNE

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée et plaidant par Me Malka MARCINKOWSKI du Cabinet UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Compagnie d'assurances GENERALI IARD ASSURANCES,

demeurant SARL [Adresse 5]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée et plaidant par Me Hervé ZIEGLER de la SCP BELDEV, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 31 Mars 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, monsieur PRIEUR, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2016,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DE L'AFFAIRE

La SAS BRENGUIER DEVELOPPEMENT, qui a notamment pour objet social la location de bateaux, a fait l'acquisition le 1er juin 2006 auprès de la SARL YACHTING CONSEIL d'un navire dénommé PRINCESS 61 moyennant un prix TTC de 707 600 €.

Ce navire a été fabriqué par la société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL, société de droit anglais.

La société MAN NUTZFAHRZEUGE AKTIENGESELLSCHAFT (société MAN) est le constructeur du moteur du navire.

La SAS BRENGUIER DEVELOPPEMENT faisant état de divers désordres, (fuites d'huile au moteur bâbord), ce navire a été pris en charge par la société DB PLAISANCE pour réparations.

Les désordres perdurant, la société MAN a décidé de faire procéder à l'échange standard du moteur du bateau monté par son importateur, la société DB PLAISANCE.

La coût de ce changement a été payé par la SAS BRENGUIER DEVELOPPEMENT à la société DB PLAISANCE, soit la somme de 15 265.74 € T.T.C.

Par acte du 11 octobre 2006, la SAS BRENGUIER DEVELOPPEMENT a fait assigner la société YACHTING CONSEIL devant le tribunal de commerce de Toulon pour voir ordonner une expertise.

Selon ordonnance du 20 novembre 2006, Monsieur [A] était désigné en qualité d'expert.

Par ordonnance du 10 octobre 2007, les opérations de Monsieur [A] ont été étendues à la compagnie GENERALI, assureur de la société YACHTING CONSEIL, puis par décision du 19 décembre 2007, à la société MAN.

La SARL Yachting Conseil a assigné la société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL devant le juge des référés du tribunal de commerce de Toulon pour que l'expertise se déroule au contradictoire de cette dernière société.

Par ordonnance de référé du 8 avril 2009, la SARL Yachting Conseil a été déboutée de sa demande.

Le 26 janvier 2007, la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT a fait assigner au fond, devant le tribunal de commerce de TOULON, la SARL Yachting Conseil, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil pour obtenir des dommages et intérêts.

La société GENERALI a été mise en cause le 16 juillet 2007.

La SARL YACHTING CONSEIL a fait assigner la société MAN pour qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées à son encontre ainsi que la société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL.

Par jugement assorti de l'exécution provisoire du 2 mai 2013, le tribunal de commerce de Toulon a statué ainsi :

- Homologue le rapport de l'expert M. [A] déposé le 4 janvier 2010,

- Dit que le moteur bâbord était bien affecté d'un vice caché,

- Condamne, vu l'article 1643 du Code civil, la SARL YACHTING CONSEIL à payer à la SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT le préjudice direct et le préjudice indirect subi par elle,

- Déboute la société MAN de sa demande d'irrecevabilité pour incompétence du Tribunal de commerce de Toulon, vu l'article 333 du Code de procédure civile,

- Condamne la société MAN à relever et garantir la SARL YACHTING CONSEIL de sa condamnation à payer le préjudice indirect de perte d'exploitation, à la SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT pour un montant de CINQUANTE CINQ MILLE HUIT CENT SOIXANTE EUROS ( 55 860 EUROS) HT avec les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2007,

- Condamne la Compagnie GENERALI ASSURANCES à relever et garantir la SARL YACHTING CONSEIL de sa condamnation à payer le préjudice direct à la SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT, pour un montant de DOUZE MILLE SEPT CENT SOIXANTE QUATRE EUROS (12 764 EUROS) HT avec les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2007 date d'assignation,

- Dit que la Société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL n'a aucune responsabilité dans le litige,

- Condamne la SARL YACHTING CONSEIL à payer la somme de QUATRE MILLE EUROS (4000 EUROS) à la SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamne partiellement la Société MAN à relever et garantir la SARL YACHTING CONSEIL de sa condamnation à payer la somme de DEUX MILLE EUROS (2000 EUROS) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT,

- Condamne la Compagnie GENERALI ASSURANCES à relever et garantir la SARL YACHTING CONSEIL de sa condamnation à payer la somme de DEUX MILLE EUROS (2000 EUROS) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la Société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL,

- Condamne la Compagnie GENERALI ASSURANCES à relever et garantir la SARL YACHTING CONSEIL de sa condamnation à payer la somme de DEUX MILLE EUROS (2000 EUROS) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT,

- Condamne la SARL YACHTING CONSEIL à payer les frais d'expertise de M. [A]

- Condamne la Compagnie GENERALI ASSURANCES à relever et garantir la SARL YACHTING CONSEIL de sa condamnation à payer les frais d'expertise de M. [A]

- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

La société MAN a relevé un appel « total » de cette décision, mais uniquement dirigé envers la société YACHTING CONSEIL, puis, le 11 octobre 2013, a formé un appel contre les autres parties présentes à l'instance initiale et soutient :

-qu'elle n'a aucun lien contractuel avec la société YACHTING CONSEIL, sous acquéreur du navire « COCO II », que lui a vendu la société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL, société de droit anglais,

-que la société YACHTING CONSEIL exerce donc une action directe envers la société MAN, fondée sur le droit français,

-qu'elle n'est liée contractuellement qu'avec la société de droit anglais PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL et que le contrat initial, au sens du droit international est le contrat de vente des deux moteurs par MAN à la société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL, matérialisé par la facture d'achat des moteurs en date du 1er novembre 2004 et par les conditions générales de vente de la société MAN,

-que le droit allemand est applicable comme le précisent les conditions générales de vente du contrat passé avec la société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL et que ce droit ne reconnaît pas l'action directe engagée par le sous-acquéreur à l'égard du fabricant, en application des paragraphes 477 à 479 du BGB;

-que la loi allemande de modernisation des obligations du 26 novembre 2001, entrée en vigueur le 1er janvier 2002, a réformé les règles de prescription des actions et prévoit que l'action en justice de l'acheteur consécutive à une non-conformité ou à un vice se prescrit par deux ans à compter de la livraison de la marchandise,

-qu'en l'espèce, la société MAN a livré la marchandise à la société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL le 1er octobre 2004, et que le délai de deux années était donc expiré au 2 octobre 2006,

-qu'en cas d'application de la loi française, l'action soumise à la prescription annale ne peut prospérer,

-qu'il n'y a pas de vice caché, les désordres provenant de la société DB PLAISANCE qui n'a pas su en déterminer l'origine.

La société MAN demande de débouter la société YACHTING CONSEIL et la société GENERALI de leurs demandes tendant à être relevées et garanties par elle même de toute condamnation prononcée à son encontre.

La société YACHTING CONSEIL rétorque :

-que le rapport d'expertise a mis en évidence le vice caché dont était atteint le moteur au niveau d'un raccord d'une conduite d'huile,

-que le moyen soulevé en appel quant à l'application de la loi allemande est nouveau et doit être rejeté,

-que la clause attribuant la compétence à la loi allemande lui est inopposable du fait qu'elle ne l'a pas expressément acceptée,

-que la preuve du contenu de la loi étrangère n'est pas rapportée, et que le litige devra être tranché selon le droit français,

-que contrairement aux affirmations de la société MAN, en droit allemand, le vendeur final n'est pas privé de tout recours contre le vendeur initial,

-que l'action contre la société MAN est recevable.

La société YACHTING CONSEIL conclut à la confirmation du jugement.

La société GENERALI fait valoir :

-que la preuve d'un vice caché n'est pas rapportée puisque le défaut allégué par la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT correspond à une fissure sur un raccord d'une conduite d'huile sous le moteur, et que ce défaut a eu pour simple conséquence l'apparition d'une fuite d'huile, qui n'interdisait pas l'usage du bateau.

-que la fissure du raccord d'une conduite d'huile « ne nécessitait pas le remplacement du moteur, mais une simple réparation » et que l'expert s'est fondé sur la simple conviction de l'anormalité du défaut qu'il n'a pas lui-même constaté ou examiné,

-qu'un défaut réparé par le vendeur interdit toute action à son encontre sur le fondement du vice caché, et que la société MAN avait réparé la fissure avant même les opérations d'expertise.

La société GENERALI conclut à l'infirmation du jugement et subsidiairement, prétend que la somme demandée ne correspond pas au préjudice subi.

Elle précise que la franchise contractuelle de la société YACTHING CONSEIL pour les dommages immatériels s'élève à 10% des dommages avec un minimum de 400 € et un maximum de 4.000 €.

Plus subsidiairement, cette société d'assurances, se prévalant des dispositions contractuelles, soutient que la demande de la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT portant sur les frais exposés pour réparer le bateau ne peut être garantie dès lors qu'elle a pour objet le remboursement de frais exposés pour réparer la livraison défectueuse de la société YATCHING CONSEIL.

Elle ajoute que bien que la société PRINCESS YACHT INTERNATIONAL n'ait pas été présente aux opérations d'expertise, elle devra la relever et garantir in solidum avec la société MAN.

La société PRINCESS YACHT INTERNATIONAL rappelle qu'elle n'était pas partie aux opérations d'expertise et qu'elle doit être mise hors de cause.

Subsidiairement, elle soutient l'irrecevabilité de l'appel en garantie de GENERALI et YACHTING CONSEIL.

La société BRENGUIER DEVELOPPEMENT prétend :

-que l'action principale mettant en prise deux personnes morales de droit français, les appels en cause obéissent et suivent le régime de l'action principale et que celle-ci est régie par le droit français,

-que l'expert a mis en évidence un vice caché résultant d'un défaut inhérent à une pièce d'un raccord d'une conduite d'huile,

-que le bateau était entaché d'un vice caché ce qui entraîne la responsabilité du vendeur de par la loi et, celle du fabricant,

-que la société MAN a reconnu sa responsabilité.

La société BRENGUIER DEVELOPPEMENT demande la confirmation du jugement sauf sur la somme retenue au titre de préjudice d'exploitation pour laquelle elle sollicite la somme de 95 440 € T.T.C (79800 € H.T.) outre intérêts au taux légal à compter du 31.01.2007.

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel de la société MAN

La société YACHTING CONSEIL indique dans le dispositif de ses conclusions qui lie la cour : «SOUS toutes RESERVE de la RECEVABILITE des appels de SA MAN Nutzfahrzeuge Aktiengesellschaft ».

L'article 909 du code de procédure civile donnant au seul conseiller de la mise en état le pouvoir de statuer sur la recevabilité de l'appel, aucun moyen tiré d'une éventuelle irrecevabilité ne peut être accueilli.

En outre, la société YACHTING CONSEIL n'explicite pas les raisons qui rendraient l'appel de la société MAN irrecevable, le fait que dans son acte d'appel du 29 mai 2013, la société MAN n'ait attrait que la société YACHTING CONSEIL en indiquant cependant « appel total » constitue un vice de forme qui a été régularisé ultérieurement par un appel envers toutes les parties présentes en première instance.

Sur l'existence d'un vice caché

La société BRENGUIER DEVELOPPEMENT fonde son action sur l'article 1641 du code civil.

Il est constant que le navire qui était neuf a été acquis le 1er juin 2006 et que les fuites d'huile moteur ont été constatées peu après l'achat.

La société DB PLAISANCE a procédé à deux interventions, début juillet et fin août 2006, puis le navire a été mis sur cale le 21 septembre 2006.

Le 24 octobre 2006, l'importateur français des moteurs marins MAN, la société NANNI INDUSTRIES, a établi un « damage report » ou rapport d'avarie, concernant ladite fuite d'huile sur le moteur bâbord n° 630 0764 223 0201, qui comptabilisait alors environ 400 heures de fonctionnement.

Le 9 novembre 2006, le moteur a été rapatrié en Allemagne, où il a été réceptionné par la société MAN le 24 novembre 2006, selon la fiche de réception du moteur, puis a été renvoyé en France le 18 janvier 2007 et remis en service auprès de BRENGUIER DEVELOPPEMENT le 31 janvier 2007.

Il n'est pas contesté que depuis cette date le navire fonctionne normalement.

L'expert judiciaire indique que « après avoir visité le bateau et aux dires des parties et des documents reçus, nous confirmons que le moteur bâbord était affecté d'un vice situé au niveau d'un raccord d'une conduite d'huile situé dans une zone très peu accessible sous et sur le côté dudit moteur, dans une zone qui n'a apparemment pas été marquée ou touchée par une intervention ou un choc après la livraison du navire neuf. Cette pièce était affectée apparemment d'un vice propre que l'acheteur ne pouvait supposer ni déceler. Ce vice ne nécessitait pas le remplacement du moteur mais une simple réparation sous réserve que la société MAN ait découvert d'autres désordres une fois le moteur dans leur atelier. La société aurait néanmoins remplacé le moteur. La réparation proprement dite du moteur n'a pas été facturée par la société MAN, cette réparation a été prise en charge sous garantie. »

Le vice affectait l'un des éléments essentiels du navire à savoir le moteur, le rendait inapte à naviguer et présentait une gravité suffisante pour pouvoir être qualifié de « caché » peu importe qu'une réparation soit intervenue avant l'expertise judiciaire puisque pendant de nombreux mois, la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT n'a pas utilisé son bien.

La société MAN ne peut sérieusement prétendre que le navire pouvait naviguer alors que l'un des deux moteurs ne fonctionnait pas normalement.

La société YACHTING CONSEIL doit réparer le préjudice subi par le propriétaire du navire.

Sur le montant de l'indemnisation de la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT

Cette société justifie du montant des réparations resté à sa charge pour la somme de 12.764 € HT suivant facture de la société DB PLAISANCE du 31 janvier 2007.

La société BRENGUIER DEVELOPPEMENT a pour objet social la location de ce navire qui a été immobilisé 133 jours entre le 21 septembre 2006 et le 31 janvier 2007 outre une immobilisation pour des réparations antérieures.

Il n'est nullement démontré, comme le soutient la société MAN, que l'immobilisation du navire n'était pas nécessaire alors qu'il ne pouvait naviguer qu'avec un seul moteur.

Les attestations de l'expert comptable de la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT qui affirme que « la location touristique du bateau s'est élevé à 31033euros HT pour la saison 2006 et de 158619 euros HT pour la saison 2007 » ne peut servir de base à la réparation du préjudice de cette société compte tenu des périodes d'immobilisation.

Aucune information n'est d'ailleurs transmise pour des périodes équivalentes au titre des années postérieures.

L'expert judiciaire estime que le nombre de jours potentiels peut être estimé à 4 jours par semaine en septembre et 2 jours par semaine en octobre soit 24 jours et deux semaines en fin d'année soit 14 jours. Il estime le total de jours perdus à 38 jours x 2100 euros soit 79800 euros hors taxes.

Il précise que le chiffre de 2100 euros par jour est une recette brute et que le prix coûtant doit être estimé hors marge pour cette perte d'exploitation. Les frais et charges du navire (hors frais incompressibles et fixes) dus à l'utilisation du navire (entretien, vidange, frais d'équipage...) peuvent être estimés à environ 30 % des recettes, soit une perte d'exploitation de 79800 - 30% = 55860 euros.

Le chiffre d'affaires ne peut être retenu comme base d'évaluation du préjudice compte tenu du fait que certaines dépenses, dont le carburant n'ont pas été exposées durant la période d'immobilisation.

C'est donc à juste titre que le tribunal a fixé le dommage subi par la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT à la somme de 55860 euros HT.

Comme le demande cette société, les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2007.

Sur la garantie de la société GENERALI

La franchise contractuelle est fixée à 10% des dommages avec un minimum de 400 euros et un maximum de 4000 euros.

Selon les conditions générales du contrat souscrit par la société YACHTING CONSEIL :

« La réparation ou le remplacement des ouvrages ou pièces qui ont fait l'objet d'une malfaçon technique ou d'une faute professionnelle de l'assuré et sont à l'origine de dommages matériels ou immatériels, ainsi que l'exécution de prestations de services en remplacement de celles qu'il a effectuées initialement de façon défectueuse que les frais correspondants soient exposés par l'assuré ou par toute autre personne ».

Les clauses d' exclusion de garantie doivent être interprétées strictement.

En l'espèce, la société YACHTING CONSEIL n'est pas à l'origine de la malfaçon technique qui incombe à la société MAN.

La société YACHTING CONSEIL ayant demandé la confirmation du jugement, la société GENERALI doit donc garantir la société YACHTING CONSEIL de la condamnation prononcée à son encontre au profit de la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT à hauteur de la somme 12.764 euros outre les intérêts sous déduction de la franchise contractuelle d'un montant de 1276 euros.

Sur les demandes présentées par la société GENERALI envers la société PRINCESS YACHTS

Le vice caché dont était affecté l'un des moteurs du navire n'étant pas imputable à la société PRINCESS YACHTS, les demandes présentées par la société d'assurances à son encontre sont rejetées et le jugement est confirmé à ce titre.

L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol.

 

La société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL sera déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de l'appelant, de la société GENERALI ou de la YACHTING CONSEIL qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits, et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais de défense exposés.

Sur les demandes présentées envers la société MAN

Devant le tribunal, la société MAN a soulevé l'application de la loi allemande.

Le moyen soulevé devant la cour à ce titre n'est donc pas nouveau et est recevable.

L'expert a retenu que le vice dont était atteint le moteur était imputable à la société MAN laquelle ne produit aucun document probant ou expertise contradictoire pour infirmer les conclusions péremptoires de l'expert selon lesquelles «  le moteur de bâbord était affecté d'un vice situé au niveau d'un raccord d'une conduite d'huile, située dans une zone très peu accessible sous et sur le côté dudit moteur, dans une zone qui n'a apparemment pas été marquée ou touchée par une intervention ou un choc, après la livraison du navire neuf. Cette pièce était affectée apparemment d'un vice propre, que l'acheteur ne pouvait supposer, ni déceler. Ce vice ne nécessitait pas le remplacement du moteur, mais une simple réparation, sous réserve que la société MAN ait découvert d'autres désordres une fois le moteur dans leur atelier.

La société MAN a d'ailleurs reconnu la défectuosité dont était atteint le moteur litigieux puisqu'elle a procédé à son changement.

Il convient de rappeler que la société PRINCESS YACHTS, constructeur de navires, a conçu un bateau de type PRINCESS 61 en janvier 2005 qu'elle a équipé de 2 moteurs provenant de la société MAN et auxquels était attachée une garantie dite GOLD pour une durée de 5 ans.

La société YACHTING CONSEIL a acquis ledit navire auprès de la société SPECTATOR SOLIS, société de droit croate, le 30 mai 2006.

Le contrat de vente passé entre la société PRINCESS YACHTS et la société MAN relatif aux moteurs prévoyait que celui-ci était soumis au droit allemand.

La société MAN n'établit pas l'existence d'un lien contractuel entre elle et la société YACHTING CONSEIL ni de son acceptation de la clause de compétence résultant de la convention passée entre la société PRINCESS YACHTS et la société MAN.

Dans le cadre d'une chaîne internationale de contrats, la clause attributive de compétence incluse dans le contrat passé entre deux vendeurs de la chaîne n'est pas opposable au sous-acquéreur, s'il n'est pas démontré que ce tiers a eu connaissance et a accepté la clause lors de la formation du contrat.

L'action engagée envers la société MAN est soumise au droit français en application du règlement CE n° 864/2007 du 11 juillet 2007.

Le contrat de vente de navire n'est pas envisagé par le droit maritime si ce n'est au regard des exigences de forme (art. L. 5114-1). Il relève donc du droit commun de la vente.

En cas de garantie des vices, qui s'apprécie aussi dans les termes du droit commun, l'action en réparation du préjudice subi par l'acheteur est considérée comme autonome.

La société MAN est donc infondée à se prévaloir de la prescription de l'article L. 5113-5 du Code des transports qui ne vise pas le fabriquant de moteur de navire.

L'expert ayant relevé que les désordres dont était affecté le navire provenait d'un vice de l'un des moteurs, par décision du 19 décembre 2007, ses opérations ont été étendues à la société MAN, laquelle ne peut invoquer la prescription de l'article 1648 alinéa 1 du code civil, étant rappelé que la société MAN a été assignée au fond le 3 mai 2007.

La responsabilité de la société MAN, à laquelle est imputable le vice caché dont était affecté l'un des moteurs du navire de la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT, est retenue et elle doit être condamnée à relever et garantir la société YACHTING CONSEIL et la société GENERALI des condamnations prononcées à leur encontre.

Le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a condamné la société YACHTING CONSEIL à payer à la SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT le préjudice direct et indirect subi par elle, et sur le condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et infirmé pour le surplus.

Il convient de relever que la société YACHTING CONSEIL a demandé la confirmation du jugement qui a condamné la société MAN à la relever et garantir uniquement de la somme de 55.860 euros outre les intérêts. La société MAN devra aussi relever et garantir la société YACHTING CONSEIL du montant de la franchise restée à charge soit 1276 euros.

La société MAN devra donc relever et garantir :

-la société YACHTING CONSEIL pour la somme de 55860 euros avec les intérêts, outre la somme de 1276 euros,

-la société GENERALI de la somme de 12 764 euros versée à la société YACHTING CONSEIL sous déduction de la franchise de 1276 euros,

Sur les mesures accessoires

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Qu'il convient de ondamner la société YACHTING CONSEIL relevée et garantie par la société GENERALI, à verser à la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT une somme de 4000 euros,

Qu'il convient de condamner la société MAN à verser :

-à la société YACHTING CONSEIL une somme de 4000 euros,

-à la société GENERALI une somme de 4000 euros,

-à la société PRINCESS YACHT INTERNATIONAL une somme de 4000 euros.

- à relever et garantir la société GENERALI des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais irrépétibles, outre les frais irrépétibles qu'elle doit payer à la société YACHTING CONSEIL dans le cadre du relevé et garanti,

PAR CES MOTIFS

La cour ,

Déclare irrecevable le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel,

Constate que l'invocation de l'application de la loi allemande a été présentée par la société MAN devant le tribunal et rejette le moyen soulevé sur le fondement de l'article 565 du code de procédure civile par la société YACHTING CONSEIL,

Déclare la loi française applicable au présent litige,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la société MAN,

Confirme le jugement attaqué, en ce qu'il a condamné la société YACHTING CONSEIL à payer à la SA BRENGUIER DEVELOPPEMENT le préjudice direct et indirect subi par elle, et a dit que la société PRINCESS YACHTS n'avait aucune responsabilité dans le litige, et sur les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la société YACHTING CONSEIL à payer à la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT les sommes de 12.764 euros HT et de 55.860 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2007,

Condamne la société GENERALI à relever et garantir la société YACHTING CONSEIL de la condamnation prononcée à son encontre au profit de la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT d'un montant de 12 764 euros outre les intérêts. sous réserve de la franchise contractuelle d'un montant de 1276 euros outre la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société MAN à relever et garantir :

-la société YACHTING CONSEIL de la somme de 55.860 euros, outre les intérêts

-la société GENERALI de la somme de 12 764 euros versée à la société YACHTING CONSEIL outre les intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2007 sous déduction de la franchise de 1276 euros,

La condamne à payer à la société YACHTING CONSEIL le montant de la franchise restée à sa charge soit la somme de 1276 euros,

Rejette les demandes présentées envers la société PRINCESS YACHTS INTERNATIONAL,

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société YACHTING CONSEIL, relevée et garantie par la société GENERALI, à verser à la société BRENGUIER DEVELOPPEMENT une somme de 4000 euros,

Condamne la société MAN à verser

-à la société YACHTING CONSEIL une somme de 4000 euros,

-à la société GENERALI une somme de 4000 euros,

-à la société PRINCESS YACHT INTERNATIONAL une somme de 4000 euros.

Condamne la société MAN à relever et garantir la société GENERALI des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais irrépétibles, outre les frais irrépétibles qu'elle doit payer à la société YACHTING CONSEIL dans le cadre du relevé et garanti,

Condamne la société MAN aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 13/11086
Date de la décision : 19/05/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°13/11086 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-19;13.11086 ?
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