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19/05/2016 | FRANCE | N°12/04842

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 19 mai 2016, 12/04842


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2016



N° 2016/ 338













Rôle N° 12/04842







[Q] [B] épouse [Y]





C/



[M] [Y]

[B] [C]

DIRECTION GENERALE DES IMPOTS





















Grosse délivrée

le :

à :LATIL

JAUFFRES

















Décision déféré

e à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 04 Juillet 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 340.





APPELANTE



Madame [Q] [B] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1] (78), demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2016

N° 2016/ 338

Rôle N° 12/04842

[Q] [B] épouse [Y]

C/

[M] [Y]

[B] [C]

DIRECTION GENERALE DES IMPOTS

Grosse délivrée

le :

à :LATIL

JAUFFRES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 04 Juillet 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 340.

APPELANTE

Madame [Q] [B] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1] (78), demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [M] [Y]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [B] [C]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 2] demeurant [Adresse 3]

représenté et assisté de Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Direction Générale des Impôts prise en la personne de Monsieur le Receveur Principal des Impôts

domicilié sis [Adresse 4]

représentée par Me Jean-marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Laetitia MAGNE, avocat au barreau de TOULON substituant Me Emmanuel PLATON, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Mars 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Hélène COMBES, Président

Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2016 après prorogation du délibéré

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2016,

Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SCEA [Localité 3], qui avait pour activité principale la viticulture, exploitait les terres appartenant au GFA [Localité 3].

Cette activité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour les années 1992, 1993 et 1994, au terme de laquelle un rappel de TVA d'un montant de 218.810,99 euros, assorti d'une pénalité de 87.524,49 euros, a été notifié à la société.

Ce rappel a été authentifié par un avis de mise en recouvrement du 23 juillet 1996, alors que la SCEA [Localité 3] avait été déclarée en redressement judiciaire selon jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 24 novembre 1995.

Suivant réclamation reçue par les services fiscaux le 16 octobre 1996, la société a contesté les rappels de TVA mis à sa charge au titre des années 1992 et 1993.

Le 30 décembre 1996, ont été signés trois actes de cautionnement aux termes desquels chacun des trois associés de la SCEA, [M] [Y], [B] [C] et [U] [Q] [B] épouse [Y], a fourni un engagement personnel à garantir en qualité de caution le passif contesté de la société.

Après examen, la réclamation de la SCEA a fait l'objet d'une décision de rejet de la part de l'administration, notifiée le 5 juillet 1997.

La société a porté le litige devant le tribunal administratif de Nice, lequel a rejeté cette contestation par jugement du 21 mars 2000, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 mai 2004, puis par arrêt du Conseil d'État du 15 novembre 2006.

L'administration a alors obtenu l'admission à titre définitif de sa créance au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SCEA [Localité 3].

Les impositions étant devenues exigibles suite au jugement du 21 mars 2000, le comptable des impôts de Brignoles a délivré une mise en demeure de payer à chacun des associés, en exécution de leur engagement de caution.

Par exploit du 6 septembre 2005, [M] [Y], [B] [C] et [U] [Q] [B] épouse [Y] ont fait assigner la Direction Générale des Impôts devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de voir notamment prononcer la nullité des engagements de caution.

Par exploit du 7 novembre 2006, le groupement foncier agricole « GFA [Localité 3] » a fait assigner la Direction Générale des Impôts devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de voir notamment prononcer l'inexistence d'un cautionnement que lui opposait cette dernière et la nullité d'une hypothèque légale inscrite au profit du Trésor Public sur ses biens.

Les deux instances ont été jointes, et par jugement rendu le 4 juillet 2008, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

- débouté [M] [Y], [B] [C] et [U] [Q] [B] épouse [Y] de toutes leurs demandes,

- constaté que le GFA [Localité 3] n'est pas caution de la SCEA [Localité 3] au profit de l'inspecteur départemental des impôts de Brignoles,

- ordonné la radiation, aux frais de l'inspecteur des impôts de Brignoles, de l'hypothèque légale inscrite pour un montant de 306.335,48 euros le 19 décembre 1996 à la conservation des hypothèques de Draguignan, volume 1996 n°5146, sur les biens propriété dudit GFA, sis commune de [Localité 4], savoir :

une propriété dénommée « Les Esclaveaux » en nature de vignes, terres labourables, oliviers et bois, cadastrée section K n° [Cadastre 1] lieudit « [Localité 5] », section L n° [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], lieudit « [Localité 3] » et section M n° [Cadastre 14] et [Cadastre 15], lieudit « [Localité 6] », pour une surface totale de 39 hectares, 1 are et 53 centiares,

une propriété dénommée « [Localité 5] » comprenant un mas usage d'habitation, un hangar et parcelles de terre, cadastrée section K n° [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 20], [Cadastre 21], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 22], lieudit « [Localité 5] », pour une surface totale de 16 hectares, 86 ares et 45 centiares,

un domaine agricole en nature de taillis, labour, lande et vergers dit « Domaine [Localité 7] », cadastré section K n° [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 25], [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 29], lieudit « [Localité 7] » et section L n° [Cadastre 30], [Cadastre 31], [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 25], [Cadastre 32], [Cadastre 33], [Cadastre 26], [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 36], lieudit « [Localité 8] », pour une surface totale de 23 hectares, 93 ares et 60 centiares,

- débouté le GFA [Localité 3] de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle aura exposés, dont distraction au profit des avocats,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Suivant déclaration du 14 mars 2012, [Q] [B] épouse [Y] a interjeté appel de cette décision à l'encontre de [M] [Y], [B] [C] et la Direction Générale des Impôts.

Par ordonnance du 16 janvier 2014, le conseiller de la mise en état a :

- rejeté la fin de non-recevoir présentée par la Direction Générale des Impôts tirée de l'irrecevabilité de l'appel interjeté par [U] [Q] [B] épouse [Y] et des appels incidents successifs d'[M] [Y] et d'[B] [C],

- déclaré irrecevables les conclusions d'intervention volontaire et l'appel incident du GFA [Localité 3],

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens de l'incident à la charge du GFA [Localité 3].

Par arrêt du 26 février 2015, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties, la cour a, avant-dire droit, ordonné une mesure d'expertise afin de rechercher si [U]-[Q] [B] épouse [Y] a elle-même porté les mentions manuscrites et les signatures figurant sur les actes de cautionnement attribués à [M] [Y] et [B] [C] ou si ces derniers sont bien, chacun, le scripteur de l'acte le concernant, et désigné en qualité d'expert [Q] [S].

L'expert en écritures a déposé son rapport au greffe le 7 décembre 2015.

Au terme de son rapport, l'expert conclut de la manière suivante :

« - l'examen physique des trois actes de cautionnement solidaire établis en date du 30 décembre 1996 et cotés par nous Q1, Q2 et Q3 a montré qu'il n'y a pas eu de manipulation et que l'hypothèse d'une forgerie par calque, par décalque ou chimique est à exclure,

- les trois actes de cautionnement du 30 décembre 1996 cotés Q1-Q2-Q3 ont été rédigés par [U]-[Q] [B] épouse [Y],

- [U]-[Q] [B] épouse [Y] est la signataire de l'acte de cautionnement du 30 décembre 1996 coté par nous Q1. En outre, elle est l'auteur des signatures apposées dans la case « signature de l'obligé » des actes Q2 et Q3,

- [B] [C] n'est pas le signataire de l'acte de cautionnement du 30 décembre 1996 coté par nous Q2. Vu l'architecture des lettres « A », « M », « on » similaires aux lettres de [U]-[Q] [B] épouse [Y], il existe donc une très forte probabilité voisine de la certitude pour que cette signature puisse être attribuée à [U]-[Q] [B] épouse [Y],

- les diverses études analytiques de la signature Q3 avec les signatures de comparaison émanant de la main de [M] [Y] présentent des similitudes d'aspect général et des divergences (hésitation du geste graphique dans la construction de la lettre finale et de son articulation avec le paraphe contrastant avec le geste vif des lettres initiales, geste vif faisant apparaître des traces d'encre et grande taille de la signature dans un espace graphique réduit),

- ces constatations ne permettent pas de se faire une opinion fondée quant à l'authenticité de la signature Q3. In fine, l'ensemble de nos études analytiques laisse à penser qu'il pourrait exister

une forte probabilité pour que la signature Q3 ne puisse pas être attribuée à la main de [M] [Y]. »

Par leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 4 mars 2016, [Q] [B] épouse [Y], [M] [Y] et [B] [C] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement déféré, en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes tendant à voir annuler les actes de cautionnement supposés souscrits par eux le 30 décembre 1996 vis-à-vis de la Direction Générale des Impôts,

et statuant à nouveau :

- dire, en entérinant les conclusions du rapport d'expertise déposé par Madame [S], que les actes de cautions opposés à [M] [Y] et [B] [C], qui n'ont pas été complétés ni signés de leurs mains, doivent être déclarés inexistants et de nul effet à leur égard, au visa des dispositions de l'article 2292 du code civil,

- constater de surcroît que les conditions stupéfiantes dans lesquelles le receveur principal a fait rédiger et signer, le 30 décembre 1996, trois actes de cautionnement pourtant censés émaner de trois

personnes physiques distinctes, démontrent que leur unique scripteur, [U] [Q] [Y], était manifestement bien sous la dépendance, l'influence et la contrainte du créancier,

- prononcer en conséquence, sur le fondement des articles 1111, 1112 et 1113 du code civil, la nullité des trois actes de caution opposés,

- constater de surcroît que les cautionnements litigieux du 30 décembre 1996 n'ont été arrachés que sous la promesse et l'équivoque entretenue par l'administration fiscale d'accorder à titre exceptionnel à la débitrice principale des délais de paiements sous condition de la fourniture de cautionnements de la part de tiers, alors que, d'une part, la créance invoquée par le Trésor avait déjà été déclarée à titre définitif dès le 31 juillet 1996 (ce qu'ignoraient les cautions pressenties), et que, d'autre part, le sursis à exécution du recouvrement dont a de facto bénéficié la SCEA [Localité 3] ne résultait en réalité que d'un obligatoire sursis à statuer sur l'admission définitive de la créance déclarée par l'administration fiscale au passif de la SCEA, sursis à statuer du fait de la réclamation amiable formulée par la SCEA le 14 octobre 1996 (c'est-à-dire dès avant la fourniture des cautionnements litigieux), et des recours administratifs contentieux qui en ont été la suite,

- dire, en conséquence, que les prétendus cautionnements du 30 décembre 1996 reposaient sur une fausse cause, et donc sur une absence de cause, ce qui entraîne de plus fort, en application des dispositions de l'article 1131 du code civil , la nullité et l'inexistence des actes de caution en cause,

- constater également que le défaut de communication préalable à la caution du règlement n°3751 a vicié le consentement des cautions pressenties puisque celles-ci ne pouvaient savoir que l'engagement qui leur était soumis pourrait correspondre à un cautionnement solidaire avec renonciation aux bénéfices de discussion et de division,

- dire en conséquence que faute de communication préalable du règlement n°3751 et faute de référence expresse à une renonciation aux bénéfices de discussion et de division, les présumées cautions ne disposaient pas le 30 décembre 1996 d'un consentement effectif et éclairé, au sens des articles 1108 et 1109 du code civil, quant à la nature, l'étendue et la portée exactes de l'engagement exigé d'elles,

- dire également que les disproportions flagrantes existant entre le montant du cautionnement exigé et les réelles ressources de [U]-[Q] [B] épouse [Y] et d'[B] [C], disproportions que l'administration fiscale ne pouvait, par définition, ignorer, entraînent de plus fort la nullité des actes en cause,

- constater de surcroit que l'acte de caution du 30 décembre 1996 opposé à [U]-[Q] [B] épouse [Y], tel qu'établi et pré-rempli par l'administration fiscale, comporte une désignation de la supposée caution qui n'est pas conforme aux dispositions de l'article 4 de la Loi du 6 fructidor An II,

et prononcer en conséquence la nullité absolue dudit acte,

- constater que l'article 4 de la Loi du 6 Fructidor An II, toujours en vigueur et donc opposable erga omnes et notamment à l'administration fiscale, est une loi d'ordre public, ce qui interdit d'en refuser l'application impérative au prétexte erroné que ledit article 4 ne serait pas prescrit à peine de nullité de l'acte en cause,

- dire que s'agissant d'une loi d'ordre public, il n'appartient pas, ni à l'administration fiscale, ni même au juge, de l'interpréter en la vidant de sa substance, et donc de la dénaturer, en affirmant qu'elle ne saurait s'opposer erga omnes, faute de prescrire expressément une «nullité» des actes qu'elle vise et qu'elle sanctionne («il est expressément défendu à tous les fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille et les prénoms portés à l'acte de naissance»),

- constater que l'acte de caution visé par [U]-[Q] [B] au soutien de sa demande en nullité sur le fondement de la loi du 6 Fructidor An II n'étant pas « un acte de procédure » au sens des articles 112, 113, et l14 du code de procédure civile, mais un acte émanant d'un fonctionnaire public

au sens de l'article 4 de la loi du 6 Fructidor An II, la demande en nullité dudit acte de cautionnement ne relève pas des conditions susvisées posées par le code de procédure civile (nullité expresse prévue par la loi, ou nécessité de prouver l'existence d'un grief causé par l'irrégularité),

- déclarer que l'acte visé par [U]-[Q] [B] au soutien de sa demande en nullité est bien contraire aux dispositions impératives et d'ordre public de la loi du 6 Fructidor An II, et se trouve donc frappé de nullité absolue, [U]-[Q] [B] n'ayant commis aucun abus de droit en formant une telle demande,

- constater de surcroît que la mention manuscrite figurant dans les trois actes du 30 décembre 1996, supposés souscrits ne comporte pas l'indication en chiffres de la somme pour laquelle ils étaient censés s'engager, et ce en violation des dispositions de l'article 1326 du code civil,

- dire également qu'en raison de l'irrégularité formelle de ces actes, ils ne valent que commencements de preuve par écrit, et qu'ils ne sont pas complétés par des éléments extrinsèques à l'acte valablement admissibles,

- déclarer à cet égard que la pièce n°2 communiquée par l'intimée, est inopposable tant à l'égard de [M] [Y] et [B] [C], qu'à l'égard de [U]-[Q] [B] épouse [Y], qui n'en est pas la signataire,

- dire en conséquence que ces trois actes de cautionnement sont nuls et de nul effet,

- constater de surcroit que l'administration fiscale n'a pas hésité à employer des man'uvres dolosives :

à l'égard de [U]-[Q] [B] épouse [Y], tant le 27 novembre 1996 en lui affirmant que la substitution d'une hypothèque légale à une précédente .hypothèque conventionnelle ne modifiait en rien la nature et la portée des précédents engagement du GFA, que le 30 décembre 1996 en lui laissant croire que l'engagement qu'on lui demandait de souscrire ne l'était pas à titre personnel, mais en sa qualité de gérante du GFA [Localité 3],

à l'égard de [M] [Y] et [B] [C] et de [U]-[Q] [B] épouse [Y], puisque, d'une part, la prétendue dette fiscale de la SCEA qu'ils étaient supposés cautionner avait été arrêtée et mise en recouvrement par l'administration fiscale au mépris des délais accordés par le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 26 avril 1996, et que, d'autre part, l'administration fiscale avait imaginé de redresser indûment et abusivement [M] [Y] au titre de ses revenus personnels de 1992, dans le but de faire pression sur ce dernier pour l'amener à consentir un cautionnement garantissant la prétendue dette fiscale de la SCEA,

- dire, en conséquence, que lesdits cautionnements du 30 décembre 1996 sont également nuls et de nul effet en application des dispositions des articles 1116 et 1117 du code civil,

- constater enfin que les agissements de la Direction Générale des Impôts ont constitué non seulement un grave manquement à l'obligation de contracter de bonne foi pesant sur tout créancier, mais également, et au préjudice des cautions pressenties, des actes positifs d'abus d'autorité, de violence et de contrainte morale, et d'un dol, toutes choses dont l'administration fiscale doit réparation,

- condamner en conséquence la Direction Générale des Impôts à payer à chacun d'eux, en réparation

des préjudices par eux subis, la somme de 91.975 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner également la Direction Générale des Impôts à payer à chacun d'eux la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner enfin la Direction Générale des Impôts en tous les dépens, tant de première instance que d'appel, dont le recouvrement, pour ceux la concernant, sera assuré par la SCP Jérôme Latil-Pascale Penarroya-Latil, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées et déposées le 26 février 2016, la direction générale des impôts demande à la cour, au visa des articles 528-1, 122, 123, 124 et 125 du code de procédure civile, 1134 du code civil, 700 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement du 4 juillet 2008 en toutes ses dispositions,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs prétentions,

- condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Jean-Marie Jauffres, avocat.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 8 mars 2016.

MOTIFS

Sur les cautionnements d'[M] [Y] et [B] [C]

Invoquant les conclusions du rapport déposé par l'expert en écritures, [M] [Y] et [B] [C] demandent que soit prononcée la nullité des actes de cautionnement du 30 décembre 1996 que leur oppose la direction générale des impôts.

Celle-ci, qui ne conteste pas les conclusions de l'expertise réalisée dont il résulte clairement que les engagements souscrits au nom respectivement d'[M] [Y] et [B] [C] n'ont été ni rédigés ni signés par ces derniers mais établis par [U]-[Q] [B], allègue, pour s'opposer à la nullité sollicitée, l'existence d'un mandat apparent lui ayant permis de légitimement penser qu'elle traitait avec l'appelante en qualité de mandataire agissant dans l'exercice de ses pouvoirs normaux, [M] [Y] et [B] [C] étant par conséquent engagés à raison de ce mandat apparent.

Une telle argumentation ne saurait être retenue, l'administration fiscale, qui ne peut ignorer que le cautionnement doit en application des dispositions de l'article 2292 du code civil être exprès et que le mandat de se porter caution est comme lui soumis aux exigences de l'article 1326 du même code, et à laquelle il appartenait donc le cas échéant d'opérer toutes vérifications à cet égard, ne peut sérieusement prétendre se prévaloir d'un pouvoir qui ne résulte d'aucun élément produit aux débats.

Aussi, doivent être annulés les actes du 30 décembre 1996 respectivement attribués à [M] [Y] et [B] [C], ces derniers n'en étant pas les auteurs et ne pouvant dès lors être de manière quelconque engagés au titre des dits cautionnements.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le cautionnement de [U]-[Q] [B]

L'appelante soulève à plusieurs titres la nullité de l'engagement qu'elle a personnellement souscrit le 30 décembre 1996.

Elle fait tout d'abord valoir que, dans la mesure où elle a été victime de violence de la part de l'administration qui l'a contrainte à rédiger et signer trois cautionnements pourtant censés émaner de trois personnes physiques distinctes, l'acte alors signé doit être annulé sur le fondement des dispositions des articles 1111, 1112 et 1113 du code civil.

Cependant, la violence qui aurait été déployée à son encontre pour la contraindre à s'engager en qualité de caution, vis-à-vis de la direction générale des impôts représentée par le receveur principal des impôts de Brignoles, de la SCEA « [Localité 3] » dont elle était la représentante légale, en garantie d'un avis de mise en recouvrement du 23 juillet 1996 contesté par une réclamation en date du 14 octobre 1996, ne ressort d'aucune des pièces produites aux débats alors qu'il résulte en revanche d'un courrier adressé à la recette des impôts de Brignoles le 14 octobre 1996 par [U]-[Q] [B] que celle-ci s'est elle-même proposée de se porter caution personnelle des dettes de la SCEA envers le Trésor Public, les actes de cautionnement à compléter par la mention manuscrite et à signer, celui la concernant mais également ceux établis aux noms de son époux et de son fils, lui ayant été adressés par courrier du 27 novembre 1996.

[U]-[Q] [B] doit donc être déboutée de sa demande de nullité pour ce motif.

L'appelante invoque ensuite, pour voir prononcer la nullité de son engagement sur le fondement des dispositions de l'article 1131 du code civil, une absence de cause, liée au fait que les cautionnements litigieux ont été consentis sous la promesse avancée par l'administration fiscale d'octroyer des délais de paiement alors que sa déclaration de créance au passif de la procédure de redressement judiciaire de la SCEA « [Localité 3] » régularisée à titre définitif dès le 31 juillet 1996 ne lui laissait plus cette possibilité d'accorder au débiteur principal des délais, mais que le bénéfice d'un sursis à paiement découlait simplement de l'existence d'une contestation du redressement fiscal notifié à la SCEA le 23 juillet 1996.

A cet égard, il ne peut qu'être constaté qu'aucune promesse de délais qu'aurait pu fallacieusement faire miroiter l'intimée à la caution, comme le prétend cette dernière, n'est établie, alors qu'il ressort en revanche du courrier déjà cité adressé par [U]-[Q] [B] à la recette des impôts de Brignoles le 14 octobre 1996 qu'à cette même date, la SCEA « [Localité 3] » a sollicité le dégrèvement des TVA qui ont été mises à sa charge au titre des années 1992 et 1993 à la suite d'un contrôle, cette réclamation étant assortie d'une demande du bénéfice du sursis de paiement de telle sorte que la gérante de la SCEA apparaît particulièrement mal fondée à soutenir, comme elle le fait dans ses écritures aux termes de longs développements, avoir ignoré que cette contestation était de nature à générer pour le débiteur principal des délais de paiement quand au surplus le cautionnement du 30 décembre 1996 apparaît expressément souscrit en garantie d'un « avis de mise en recouvrement n°96 07 00060 du 23 juillet 1996, contesté par une réclamation en date du 14 octobre 1996 ».

La demande de nullité de l'acte au motif allégué d'une fausse cause est en conséquence rejetée.

[U]-[Q] [B] fait encore valoir que, exploitante agricole, elle n'avait à l'évidence aucune conscience de la véritable nature et la véritable portée des actes que lui a « arrachés » l'administration fiscale le 30 décembre 1996.

Elle invoque à cet égard l'absence de communication préalable du règlement n°3751 auquel fait référence le formulaire des cautionnements litigieux.

Mais, aux termes mêmes de l'acte de cautionnement du 30 décembre 1996, en apposant sa signature au bas dudit acte l'appelante a accepté de s'engager aux conditions, auxquelles il est expressément fait référence à plusieurs reprises dans cet acte, du règlement du cautionnement n°3751, lequel « fixe le régime du cautionnement que les redevables sont tenus de constituer vis-à-vis de la direction générale des impôts... », et dont elle ne peut ainsi prétendre ne pas avoir eu connaissance .

En tout état de cause, à supposer même qu'elle n'ait pas eu communication préalable dudit règlement, [U]-[Q] [B], qui par ailleurs n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article L341-3 du code de la consommation, lesquelles entrées en vigueur le 6 février 2004 n'ont pas vocation à régir les contrats souscrits antérieurement et ne sont donc pas applicables en l'espèce, ne saurait obtenir la nullité de son engagement au motif qu'elle n'a pas été, ainsi qu'elle le soutient, pleinement informée des conséquences d'un cautionnement solidaire quant à la renonciation aux bénéfices de discussion et de division.

En effet, seul le caractère solidaire de l'engagement serait alors susceptible d'être remis en cause, mais non la validité du cautionnement lui-même.

Le moyen est écarté.

Pour conclure à la nullité de l'acte du 30 décembre 1996, l'appelante fait ensuite état d'un défaut manifeste de proportionnalité entre le montant de la dette principale garantie et ses propres ressources.

Cependant, outre le fait que les dispositions citées de l'article L341-4 du code de la consommation ne sont pas applicables au contrat litigieux conclu antérieurement à leur entrée en vigueur, et que la sanction d'une éventuelle disproportion entre l'engagement souscrit et les biens et revenus de la caution serait alors, non pas la nullité de l'acte de cautionnement, mais l'allocation de dommages et intérêts dans le cadre d'une action en responsabilité à l'encontre du créancier, il apparaît que, par la seule production de son avis d'imposition sur le revenu 1995, [U]-[Q] [B], gérante de la SCEA « [Localité 3] », dont elle était associée comme elle l'était également des sociétés « Groupement Foncier Agricole des [Localité 3] », « Groupement Foncier Agricole des [Localité 3] [Localité 7] », « [Localité 9] », et « Groupement Forestier des [Localité 3] », ne justifie pas de la réalité de la situation financière, notamment sur le plan patrimonial, qui était la sienne lors de la souscription du cautionnement litigieux.

Son argumentation relative à un défaut de proportionnalité de l'engagement par elle conclu ne peut en conséquence qu'être rejetée.

[U]-[Q] [B] poursuit ensuite la nullité de l'acte au regard des dispositions de l'article 4 de la loi du 6 fructidor an II.

Elle fait ainsi valoir que l'acte établi par le receveur principal des impôts de Brignoles portant pour la désigner la mention « Madame [U] [Q] [Y] », alors qu'il aurait dû indiquer son état civil exact aux termes de son acte de naissance, soit « [U]-[Q], [R], [P], [F] [B] », est nul et de nul effet comme contrevenant aux dispositions impératives et d'ordre public de la loi précitée.

Toutefois, l'appelante, dont il est par ailleurs à noter qu'elle se désigne dans les courriers adressés à l'administration « [U].[Q] [Y] » et signe de manière parfaitement lisible « [U].[Q] [Y] » tous documents, sera également déboutée de sa demande sur ce fondement dans la mesure où la règle prévue à l'article 4 de la loi du 6 fructidor an II selon laquelle « il est expressément défendu à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, les prénoms portés en l'acte de naissance... » n'est pas prescrite à peine de nullité de ces actes.

Pour solliciter la nullité de son cautionnement, [U]-[Q] [B] fait aussi valoir que la mention manuscrite figurant dans l'acte du 30 décembre 1996 que lui oppose l'intimée ne comporte pas l'indication en chiffres de la somme pour laquelle elle était censée s'engager, ce en violation des dispositions de l'article 1326 du code civil.

Mais, s'il est exact que la mention manuscrite portée dans l'acte par l'appelante est incomplète au regard des dispositions du texte ainsi visé en ce qu'elle ne comporte la somme pour laquelle elle s'est engagée qu'en toutes lettres et non en chiffres, il reste que l'omission de cette formalité est sans influence sur la validité de l'obligation elle-même.

Les exigences de l'article 1326 constituant de simples règles de preuve, et le montant de son engagement tel que figurant en toutes lettres, qui correspond à la somme mise à la charge de la SCEA « [Localité 3] » en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 1992 et 1993 à la suite du redressement fiscal opéré ainsi que cela résulte des différents documents versés aux débats par [U]-[Q] [B] elle-même, n'étant d'ailleurs pas contesté, le moyen est écarté.

Au soutien de sa demande de nullité du cautionnement souscrit le 30 décembre 1996, l'appelante invoque enfin l'existence de man'uvres dolosives employées par l'administration.

A cet égard, elle fait valoir que le 27 novembre 1996 l'intimée lui a affirmé que la substitution d'une hypothèque légale à une précédente .hypothèque conventionnelle ne modifiait en rien la nature et la portée des précédents engagement du GFA, que le 30 décembre 1996 elle lui a laissé

croire que l'engagement qu'on lui demandait de souscrire ne l'était pas à titre personnel, mais en sa qualité de gérante du GFA [Localité 3], que l'administration fiscale avait arrêté et mis en recouvrement la prétendue dette fiscale de la SCEA qu'elle était supposée cautionner au mépris

des délais accordés par le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 26 avril 1996.

Mais les prétendus agissements, destinés à la déterminer à souscrire l'engagement litigieux, ainsi imputés à la direction générale des impôts ne sont aucunement prouvés au vu des pièces que produit aux débats [U]-[Q] [B], et cette dernière est en conséquence déboutée de sa demande en nullité du cautionnement du 30 décembre 1996 sur le fondement des dispositions des articles 1116 et 1117 du code civil.

Sur la demande de dommages et intérêts

[U]-[Q] [B], [M] [Y] et [B] [C] sollicitent chacun l'allocation d'une somme de 91.975 euros en réparation des différents préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'administration fiscale.

Toutefois, les agissements dolosifs dont ils prétendent avoir été victimes de la part de cette dernière ne sont aucunement établis, alors qu'il résulte en revanche des éléments aux débats que [U]-[Q] [B] est l'auteur des cautionnements souscrits aux noms d'[M] [Y] et [B] [C] dès lors entachés de nullité.

Les demandes de dommages et intérêts formulées de ce chef à hauteur de 50.000 euros chacun à l'encontre de l'intimée sont donc rejetées.

Les appelants invoquent par ailleurs un préjudice lié à leur qualité d'associés du GFA [Localité 3] en raison d'une hypothèque inscrite à tort sur les biens de ce dernier et de l'immobilisation d'une partie du prix de vente ensuite mise sous séquestre du fait de cette inscription..

Cependant, étant observé que, par ordonnance du 16 janvier 2014, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'intervention volontaire et l'appel incident du dit GFA et que celui-ci n'est donc pas dans la cause, [U]-[Q] [B], [M] [Y] et [B] [C] apparaissent irrecevables à solliciter réparation d'un préjudice qui serait celui de la personne morale concernée.

Toutes leurs demandes en paiement de dommages et intérêts sont en conséquence rejetées.

Sur les frais irrépétibles

En cause d'appel, [U]-[Q] [B] sera condamnée à payer à l'intimée une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, toutes autres demandes à ce titre étant rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté [M] [Y] et [B] [C] de leur demande de nullité des engagements de caution établis en leurs noms,

Infirme le jugement de ce chef, et statuant à nouveau,

Dit nul et de nul effet l'acte de cautionnement souscrit le 30 décembre 1996 au nom d'[M] [Y],

Dit nul et de nul effet l'acte de cautionnement souscrit le 30 décembre 1996 au nom d'[B] [C],

Condamne [U]-[Q] [B] à payer à la Direction Générale des Impôts la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne [U]-[Q] [B] aux dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/04842
Date de la décision : 19/05/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°12/04842 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-19;12.04842 ?
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