COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre D
ARRÊT AU FOND
DU 11 MAI 2016
F.T.
N° 2016/126
Rôle N° 15/00985
[T] [W]
C/
SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON & ASSOCIES
Grosse délivrée
le :
à :
Me Robert BUVAT
SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 12 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00453.
APPELANTE
Madame [T] [W] épouse [S],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Laurent VILLEGAS de la SELARL VILLEGAS LAURENT, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Sandra GUARISE, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE, plaidant.
INTIMEE
SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON & ASSOCIES
dont le siège social est sis [Adresse 1]
prise en la personne de représentant légal en exercice.
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Jean Daniel DECHEZELLES, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Sophie BONIFAS, avocat au barreau de PARIS, plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Avril 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Florence TESSIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller
Mme Florence TESSIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2016,
Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
[F] [G] est décédée à [Localité 3] le [Date décès 1] 2012, sans laisser d'héritiers à réserve.
Le 6 avril 2012, Maître [C] [Q], notaire associée à [Localité 1], a donné mandat au cabinet de généalogie, la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES, de procéder à la recherche des héritiers de la défunte.
Par courrier en date du 20 avril 2012, la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES a proposé à Madame [T] [W] épouse [S] de conclure un contrat de « révélation de succession », en sa qualité d'héritière de [F] [G] pour être sa cousine au sixième degré dans la ligne maternelle de la défunte.
Une seconde proposition a été formulée par le cabinet de généalogie auprès de Madame [T] [W] épouse [S] le 3 juillet 2012.
Cette dernière a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 juillet 2012, informé Maître [P], notaire associé à Maître [C] [Q], de sa qualité d'héritière de [F] [G] et a refusé de régler la note d'honoraires qui lui a été présentée par la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES.
Par acte d'huissier en date du 27 mars 2013, la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES a fait assigner Madame [T] [W] épouse [S] devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains en paiement de la somme de 30% hors taxes des sommes perçues ou à percevoir dans la succession de [F] [G], outre le paiement de la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et celle de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sollicitant enfin sa condamnation aux dépens.
Par jugement en date du 12 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a :
-condamné Madame [T] [W] épouse [S] à payer à la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES une somme correspondant à 30% hors taxes, TVA 19,6%, en sus des sommes perçues ou à percevoir par elle au terme du règlement de la succession en cause, après l'ensemble des déductions fiscales, en ce compris tous éventuels capitaux d'assurance vie,
-condamné Madame [T] [W] épouse [S] à payer au cabinet de généalogie la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties de leurs autres demandes,
-condamné Madame [T] [W] épouse [S] aux dépens.
Le tribunal a considéré pour l'essentiel que :
-Madame [T] [W] épouse [S] était munie des informations relatives à l'ouverture de la succession de [F] [G] lorsqu'elle a saisi l'étude notariale en charge du règlement de celle-ci, de laquelle elle n'a pu se rapprocher que par l'intervention déterminante du généalogiste,
-les honoraires réclamés, conformes aux usages, sont dus en l'état de l'ensemble des recherches effectuées par la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES.
Madame [T] [W] épouse [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 23 janvier 2015.
Madame [T] [W] épouse [S], aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 avril 2015, demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de :
-débouter la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES de ses demandes, contraires aux dispositions de l'article 36 de la loi du 23 juin 2006, et dont l'intervention a été inutile,
-subsidiairement, réduire la rémunération de l'intimée à la somme de 5% de l'actif net de la succession lui revenant, après paiement des frais et droits fiscaux, en raison de la limitation de la mission qui lui a été confiée par le notaire et de la rapidité des recherches diligentées,
-condamner la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Madame [T] [W] épouse [S] a fait valoir les moyens suivants :
-aucun contrat n'a été signé entre les parties, le comportement du cabinet de généalogie étant abusif, pour l'avoir harcelée malgré son état de faiblesse,
-elle n'a jamais eu de contact téléphonique avec la partie intimée, aucun élément ne la contraignant à signer le contrat proposé,
-s'il est constant que le cabinet de généalogie peut exciper du mandat du notaire en date du 6 avril 2012, aux fins de recherche d'héritiers, ce dernier n'avait pas à se décharger, dès cette date, de cette recherche, alors qu'il venait d'être saisi de la succession de [F] [G] et qu'il aurait pu prendre attache avec les six cousins de la défunte désignés par son tuteur,
-elle s'est manifestée d'elle-même auprès de l'étude notariale saisie de la liquidation de la succession de [F] [G] dès les 26 et 30 juillet 2012,
-à titre subsidiaire, dans le cadre du quasi-contrat existant, l'intimée ne démontre pas l'utilité des recherches accomplies,
-elle a eu connaissance du décès de sa cousine par sa fille, Madame [U] [D], qui a rencontré une connaissance, Madame [I] à la mi-juillet 2012, à [Localité 3], qui l'en a informée,
-elle n'a reçu aucune information de la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES au moment où elle prend contact avec l'étude de Maître [P],
-plus subsidiairement, sur le quantum des honoraires dus, ceux-ci doivent être réduits, le généalogiste n'ayant été chargé que de la recherche des héritiers, et non de l'établissement de la dévolution successorale, recherche qui s'est avérée rapide et simple.
La SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES, dans ses dernières écritures signifiées le 19 juin 2015, sollicite de la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il ne lui a pas octroyé de dommages et intérêts.
Elle demande paiement de la somme d'un euros à ce titre ainsi que celle de 3.500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles en cause d'appel, outre la condamnation de l'appelante aux entiers dépens.
Elle soutient principalement que :
- les recherches par elle effectuée dans le cadre du mandat confié par le notaire, consistant en la vérification tant de la ligne paternelle que de la ligne maternelle de la défunte, ont permis de déboucher sur l'identification de Madame [T] [W] épouse [S] en sa qualité d'héritière de [F] [G],
-l'appelante a contacté le notaire en charge de la succession de la défunte trois mois après que le cabinet de généalogie lui ait adressé un courrier d'information de ses droits le 20 avril 2012, Madame [T] [W] épouse [S] ne démontrant pas l'antériorité de son intervention,
-le travail de l'intimée a consisté, non seulement en la recherche d'héritiers, mais également en la mise en 'uvre de compétences et de diligences permettant d'établir et de certifier la dévolution successorale, de faire recevoir l'acte de notoriété et de permettre la liquidation de la succession,
-l'ensemble de cette intervention justifie le montant des honoraires réclamés, qui ne sont pas excessifs ni disproportionnés.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 9 mars 2016.
MOTIVATION DE LA DECISION
Attendu qu'il est constant que Madame [T] [W] épouse [S] n'a pas signé le contrat de révélation de succession qui lui a été proposé par deux fois, les 20 avril et 3 juillet 2012, par la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES, mandatée par Maître [C] [Q], notaire en charge de la liquidation de la succession de [F] [G] ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1372 du code civil, les quasi-contrats sont des faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, ou un engagement réciproque des parties ;
Attendu que si le généalogiste mandaté pour rechercher l'existence d'héritiers est en droit de leur réclamer une rémunération, sur le fondement de la gestion d'affaires en application de l'article 1375 du code civil, ce n'est qu'à la condition qu'il démontre être seul à l'origine de la révélation aux héritiers de l'ouverture d'une succession à leur profit ;
Attendu que le cabinet de généalogie intimé soutient que son travail a permis de rétablir et les branches familiales de la de cujus et de découvrir la vocation héréditaire de l'appelante, tandis que cette dernière conclut au contraire que la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES ne lui a rendu aucun service, estimant sa participation inutile ;
Attendu, d'une part, qu'il y a lieu de relever que les deux courriers émanant de l'intimée, en date des 20 avril et 3 juillet 2012, ne font pas état de l'identité de la défunte ni de celle du notaire en charge de sa succession ;
Attendu, d'autre part, que Madame [T] [W] épouse [S] verse aux débats une attestation émanant de Madame [B] [I], dressée le 12 novembre 2013, dans laquelle elle affirme avoir rencontré la fille de l'appelante, Madame [U] [S] et son mari, au mois de juillet 2012, alors qu'ils allaient se recueillir sur la tombe familiale située dans le cimetière de [Localité 2], et leur avoir appris le décès de [F] [G] survenu dans sa maison de retraite de [Localité 3] ;
Attendu que cette attestation, certes non conforme aux dispositions de l'article 202 in fine du code de procédure civile, en ce qu'elle ne comporte pas la photocopie de la pièce justificative d'identité du témoin, présente des garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour, dans la mesure où elle contient des indications précises quant à l'information donnée à la fille de l'appelante sur le décès de la de cujus ;
Attendu en outre que Madame [T] [W] épouse [S] communique une attestation de la défunte, en date du 8 juillet 1995, aux termes de laquelle cette dernière déclare vendre à Madame [I] et à son mari sa maison située [Adresse 3], dont ils étaient locataires jusqu'alors, au prix de 160.000 francs, document qui démontre l'existence de relations anciennes entre [F] [G] et le témoin, dont la signature est identique sur les deux attestations produites ;
Attendu que le courrier adressé par Madame [T] [W] épouse [S] à Maître [V] [P] le 30 juillet 2012 précise le saisir de sa qualité d'héritière de la défunte, sachant qu'il est en charge « depuis longtemps de la gestion patrimoniale de sa famille et de la vente de la maison [Adresse 3] » et avoir appris le décès de [F] [G] « par des connaissances de Générac » ;
Que cette correspondance contient des indications très précises sur son lien de parenté avec la défunte, sur le placement de celle-ci sous tutelle, avec mention de l'identité du tuteur, sur le lieu de son inhumation, informations qui ne lui ont pas été délivrées par la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES à la lecture des documents produits par cette dernière ;
Attendu en conséquence que le mérite de la découverte de la vocation successorale de Madame [T] [W] épouse [S] ne peut être attribué à la partie intimée ;
Attendu qu'il convient d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de débouter la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES de l'ensemble de ses demandes;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du code de procédure civile ;
P A R C E S M O T I F S
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déboute la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES à payer à Madame [T] [W] épouse [S] la somme de 2.000 euros en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES ;
Condamne la SARL ETUDE GENEALOGIQUE VEYRON ET ASSOCIES aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT