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28/04/2016 | FRANCE | N°14/03374

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 28 avril 2016, 14/03374


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2016



N°2016/



SB/











Rôle N° 14/03374







SARL JESANA





C/



[J] [N]



SARL SICAELLE



































Grosse délivrée le :

à :

Me Cedrick DUVAL, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Nicolas MERGE

R, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE-EN-PROVENCE-EN-

PROVENCE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE-EN-PROVENCE-EN-PROVENCE - section C - en date du 21 Janvier 2014, enregistré au répertoire général sous le ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2016

N°2016/

SB/

Rôle N° 14/03374

SARL JESANA

C/

[J] [N]

SARL SICAELLE

Grosse délivrée le :

à :

Me Cedrick DUVAL, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Nicolas MERGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE-EN-PROVENCE-EN-

PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE-EN-PROVENCE-EN-PROVENCE - section C - en date du 21 Janvier 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/338.

APPELANTES

SARL JESANA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cedrick DUVAL, avocat au barreau de MARSEILLE

SARL SICAELLE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Cedrick DUVAL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [J] [N], demeurant [Adresse 3]

comparante en personne, assistée de Me Nicolas MERGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE-EN-PROVENCE-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BLUME, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Madame Sylvie BLUME, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2016

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [N] a été engagée par contrat à durée indéterminée du 5 janvier 2010 par la Sarl Jesana exploitant un établissement de restauration sous l'enseigne 'dominos pizza' à [Localité 1].

Elle a tout d'abord été employée en qualité d'équipier puis d'assistante manager à compter du 1er juillet 2010, pour un horaire mensuel de 151,67h et un salaire mensuel brut de 1 415,08 €.

Les 19 décembre 2012 et 27 février 2012 la salariée a été successivement victime d'une agression physique en quittant son lieu de travail vers 1h30 puis d'une tentative de vol à main armée dans l'établissement à 00h15.

le 28 février 2012 elle a signé un nouveau contrat de travail avec la Sarl Sicaelle, établissement de restauration situé à [Localité 2], exploité par le même gérant M.[H] [Q].

Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur par un courrier recommandé avec avis de réception du 20 mars 2012.

Soutenant que la prise d'acte de rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes d'[Localité 1] le 29 mars 2012 d'une demande tendant à la condamnation de la Sarl Jesana et de la Sarl Sicaelle au paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire ainsi qu'à la remise sous astreinte des documents sociaux.

Par jugement du 21 janvier 2014 le conseil de prud'hommes a:

- dit que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- condamné la société Jesana à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

. 2 830,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 283,01 € d'indemnité correspondante de congés payés ;

. 369,92 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

. 4 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 442 € à titre de rappel de salaire de janvier à novembre 2011 et 44,20 € d'indemnité compensatrice de congés payés ;

. 271 € au titre d'une retenue sur salaire injustifiée et 27,10 € d'indemnité compensatrice de congés payés;

. 1 080 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.

- rejeté le surplus des demandes.

La Sarl Jesana et la Sarl Sicaelle ont respectivement interjeté appel de ce jugement le 11 février 2014 et sollicitent son infirmation.

Elles demandent à la cour de :

- dire que la prise d'acte rupture produit les effets d'une démission ;

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [N] au paiement de la somme de 2 830,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- condamner Mme [N] au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.

Mme [N] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à son infirmation pour le surplus.

Elle demande à la cour de:

- dire que le contrat de travail signé avec la Sarl Sicaelle le 28 février 2012 est nul pour vice de consentement pour avoir été signé sous la violence ;

- dire que le licenciement pour faute grave est nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la Sarl Sicaelle à lui payer 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Jesana à lui payer les sommes suivantes :

. 2 830,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis au titre des congés payés correspondants;

. 369,32 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

. 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

. 442 € à titre de rappel de salaire de janvier 2011 à novembre 2011 et 44,20 € à titre de congés payés correspondants ;

. 240 € à titre de rappel de prime conventionnelle annuelle pour 2010 et 2011 ;

. 271 € à titre de rappel d'acomptes et 27,10 € de congés payés correspondants ;

. 5 592,40 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2010-2011-2012;

et 559,24 € à titre d'indemnité de congés payés correspondante ;

. 8 490,48 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

. 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour violation de la vie privée ;

- condamner in solidum les Sarl Jesana et Sicaelle au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles en sus des entiers dépens.

Par courrier transmis à la cour le 3 mars 2016 le conseil des sociétés Jesana et Sicaelle a sollicité la réouverture des débats et communiqué des pièces complémentaires.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues oralement par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 29 février 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de réouverture des débats et la communication en cours de délibéré

L'avocat des sociétés Jesana et Sicaelle a été mis en mesure de faire connaître ses observations à l'audience après que la parole ait été donnée à la salariée, de sorte que le principe du contradictoire a été respecté et qu'il n'y a pas lieu à réouverture des débats.

Mais, par ailleurs, la note écrite et les pièces communiquées à la cour en cours de délibéré par le conseil des appelantes sans autorisation préalable du président, sont irrecevables de plein droit en application de l'article 445 du code de procédure civile.

Sur le contrat de travail conclu avec la Sarl Sicaelle le 28 février 2012

Il résulte des éléments de l'espèce qu'en l'état d'une relation contractuelle en cours entre Mme [N] et la la société Jesana, un contrat de travail a été conclu entre Mme [N] et la Sarl Sicaelle le 28 février 2012, le lendemain d'une tentative de vol à main armée survenue dans l'établissement où travaillait la salariée au service de la société Jesana alors que celle-ci était en arrêt de travail pour accident du travail en vertu d'un certificat médical établi le même jour en raison d'un état dépressif.

La salariée affirme, sans être formellement démentie sur ce point, qu'elle a signé ce contrat de travail à 22h dans le bureau de l'employeur, au sein de l'établissement de restauration où elle venait de travailler le matin et le soir, dans un état émotionnel fortement fragilisé par l'incident survenu la veille ainsi qu'en atteste la salariée Mme [F] en ces termes: '(...)Je crois que je me souviendrai toujours du moment où je suis arrivée au magasin et que tu pleurais tellement qu'il a fallu que tu t'isoles avant de pouvoir reprendre le service ...tellement il t'avait mis la pression pour que tu signes tes papiers de mutation!!'

C'est en vain que l'employeur dénie toute valeur probante à ce témoignage en soutenant que Mme [V] [F] ne travaillait pas le 28 février 2012 et ne pouvait donc décrire l'état moral de Mme [N] à cette date alors que le planning qu'il produit pour la semaine du 27 février au 4 mars 2012 (pièce 56) suffit à établir que cette salariée travaillait de façon effective de 18h à 21h.

Il résulte des circonstances ci-dessus décrites que le contrat de travail a été signé dans un contexte marqué d'une part, par la fragilisation de cette jeune salariée de 23 ans qui avait assisté la veille à une tentative de vol à main armée, événement qui a aggravé un état dépressif préexistant consécutif à une agression dont elle avait été victime le 19 décembre 2011 et dont atteste la prescription d'antidépresseurs le 24 février 2012, éléments qui ne sauraient être remis en cause par des informations extraites du compte facebook de Mme [N] auquel l'employeur n'avait pas d'accès autorisé, d'autre part, par une situation de contrainte exercée par l'employeur qui a soumis ce contrat à la signature de la salariée à 22h dans son bureau, après une journée de travail alors que la salariée était moralement éprouvée.

La cour considère en l'état de ces circonstances qu'il est justifié d'un contexte de violence morale viciant le consentement de la salariée et justifiant que soit déclaré nul le contrat de travail signé le 28 février 2012.

Il sera alloué à la salariée la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la nullité de son contrat de travail.

Sur le contrat de travail conclu avec la Sarl Jesana

Les parties s'opposent sur les conditions de rupture du contrat de travail conclu le 5 janvier 2010 entre Mme [N] et la Sarl Jesana, le gérant de cette société affirmant que la salariée avait accepté la mutation qu'il lui avait proposée dans un autre établissement de restauration qu'il exploite à [Localité 2] en signant un nouveau contrat de travail avec la Sarl Sicaelle le 28 février 2012, alors que Mme [N] indique avoir mis fin au contrat de travail la liant avec la société Jesana par une lettre de prise d'acte de rupture du 20 mars 2012.

Il est de droit que la rupture d'un contrat à durée indéterminée peut intervenir à la demande de l'une ou l'autre des parties, soit sous la forme d'une démission, d'une rupture conventionnelle, d'un licenciement ou d'une prise d'acte de rupture par le salarié.

En l'espèce il n'est justifié ni d'une démission de la salariée, acte qui ne saurait se présumer, ni d'une rupture conventionnelle répondant aux exigences légales de forme, ni d'un licenciement.

Il convient en conséquence d'apprécier si la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par la salariée par courrier notifié à la Sarl Jesana le 20 mars 2012 en raison de faits reprochés à son employeur, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'une démission ; l'ensemble des griefs invoqués par la salariée devant être examinés, y compris ceux ne figurant pas dans la lettre de prise d'acte.

A l'appui de sa prise d'acte de rupture, Mme [N] évoque les faits et circonstances suivants:

- un non-paiement des heures supplémentaires ;

- le non-paiement d'une prime annuelle conventionnelle en 2010 et 2011;

- des sanctions pécuniaires prohibées ;

- un non-respect du salaire conventionnel ;

- une modification des conditions de travail.

Sur les heures supplémentaires

La salariée réclame la somme globale de 5 592,40 € au titre d'heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011.

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce Mme [N] fait valoir dans ses écritures oralement développées par son conseil qu'en sa qualité d'assistante manager elle n'avait pas le droit de badger ses horaires effectifs, l'employeur prenant en compte la concernant les horaires mentionnés sur les plannings alors même qu'elle prenait toujours son service un quart d'heure plus tôt et prolongeait son activité le soir au-delà des horaires de fin de service mentionnés sur les plannings, soit le plus souvent après minuit. Elle explique à cet effet qu'elle ne pouvait fermer l'établissement avant:

- le retour de l'ensemble des coursiers effectuant les livraisons de pizzas ;

- la clôture de la caisse de l'établissement (comptage du fonds de caisse et établissement d'un relevé) et de chacun des coursiers ;

- le nettoyage de l'établissement ;

- la fermeture du magasin.

Pour appuyer ses allégations, la salariée produit :

- 13 attestations de salariés (pièces 7 à 19) ;

- le procès-verbal de dépôt de plainte du 19 décembre 2011( pièce 20) consécutivement à l'agression dont elle a été victime dans la nuit du 19 au 20 décembre entre 1h30 et 1h45 alors qu'elle venait de fermer le restaurant ;

- le procès-verbal de dépôt de plainte du 27 février 2012 (pièce 21) après la tentative de vol à main armée survenu dans l'établissement dans la nuit du 26 au 27 février 2010 vers 0h15 ;

- les plannings de travail hebdomadaires ;

- les relevés de pointage ;

- des SMS échangés avec son employeur à des heures tardives (pièce 25).

Ces éléments matériels préalables peuvent être discutés par l'employeur et sont de nature à étayer la demande de la salariée.

Pour s'opposer à la demande, la Sarl Jesana fait valoir que la salariée n'a jamais formulé d'observation sur un non-règlement d'heures supplémentaires avant la rupture de son contrat de travail, que la salariée ne verse aucun décompte précis des heures supplémentaires qu'elle aurait effectuées, que les attestations produites sont imprécises et émanent en partie de salariés qui n'étaient pas employés pendant la totalité de la période d'activité de Mme [N].

Elle ajoute avoir pris en compte les dépassements d'horaires qu'implique l'activité d'assistant manager en réglant mensuellement à la salariée 13 heures supplémentaires majorées mentionnées sur chaque bulletin de salaire. Elle fait observer que les plannings qu'elle verse aux débats sont dûment signés par la salariée, contrairement aux plannings produits par l'intimée, et que la production de relevés de pointage suffit à démontrer qu'il n'a pas été fait interdiction à la salariée de pointer ; qu'une comparaison entre les plannings et relevés de pointage démontre que la salariée a effectué un nombre d'heures inférieur au temps de travail rémunéré.

Il sera rappelé que le fait pour un salarié de n'avoir pas fait valoir ses droits pendant l'exécution du contrat ne vaut pas renonciation au paiement des heures supplémentaires qu'il soutient avoir effectuées.

Par ailleurs le seul fait que l'employeur ait réglé 13 heures supplémentaires par mois à la salariée implique nécessairement qu'il reconnaît la réalité des dépassements horaires inhérents à l'activité d'assistante manager exercée par la salariée et de fait l'absence de fiabilité des plannings produits.

Les parfaites similitudes entre les horaires mentionnés sur les plannings et relevés de pointage relatifs à Mme [N], alors même que l'employeur admet la réalité d'heures supplémentaires qu'il règle à la salariée, confortent l'affirmation de celle-ci selon laquelle les assistants managers de l'entreprise ne pointent pas, contrairement aux coursiers.

La cour, se référant aux procès verbaux d'audition de la salariée dressés dans le cadre des enquêtes consécutives à l'agression et au vol à main armée dont elle a été victime, constate que le 18 décembre 2011 le planning et le relevé de pointage mentionnent une fin de service à 0h30 alors que l'agression a eu lieu le 19 décembre 2011 à 1h30 lorsque la salariée rejoignait son véhicule après avoir fermé le restaurant. Quant au vol à main armée, il a été commis dans l'enceinte du restaurant dans la nuit du 26 au 27 février 2012 à 0h15 alors que la salariée était censée avoir terminé son service à 22H d'après le planning produit par l'employeur.

Ces éléments matériels objectifs attestent de la réalité de dépassements horaires pouvant atteindre une demi-heure à 2h, temps correspondant aux diverses tâches décrites par la salariée et induites par la fermeture de l'établissement, chaque fois que le temps de service de la salariée lui imposait d'assurer la fermeture.

La cour observe que le volume d'heures supplémentaires réglé mensuellement par l'employeur correspond à 3 heures supplémentaires par semaine et ne couvre pas l'ensemble des heures supplémentaires effectuées par la salariée.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que la demande au titre des heures supplémentaires est fondée à hauteur de 4 732, 25 €, somme au paiement de laquelle la société Segala sera condamnée outre 473,22€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

Le jugement doit être infirmé sur ce point.

Sur les acomptes

La salariée soutient que l'employeur lui faisait supporter, au moyen d'acomptes déduits de son salaire, les écarts de caisse constatés.

Bien que contesté par la société Jesana , ce procédé est confirmé en termes particulièrement circonstanciés par cinq salariés dont les témoignages convergents établissent que les écarts de caisse constatés journellement devaient être remboursés immédiatement en espèces ou donnaient lieu à des retenues sur salaires sous la forme d'acomptes avec la mention 'pour raisons personnelles' sur les bulletins de paye.

L'attestation établie en faveur de l'employeur par le salarié M.[E] qui affirme ne pas avoir été sanctionné financièrement après une erreur de caisse mais avoir reçu notification d'un avertissement écrit versé au débat, a été établie le 3 juin 2012 postérieurement à la prise d'acte de rupture de Mme [N] du 20 mars 2012 et ne saurait donc priver de force probante l'ensemble des témoignages produits par la salariée qui confortent la réalité du procédé ci-dessus décrit pendant la période d'activité de la salariée, susceptible d'avoir été abandonné par l'employeur après la naissance du présent contentieux.

Au vu de ces constatations, les acomptes fréquents et de montants variables (26€, 33€ 35€...) mentionnés sur les bulletins de salaire, constituent des sanctions pécuniaires prohibées en vertu des dispositions énoncées par l'article L1331-1 du code du travail.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a alloué à la salariée la somme de 271€ correspondant aux retenues indues mentionnées sur ses bulletins de salaire outre 27,10 € d'indemnité correspondante de congés payés.

Sur le rappel de salaire de janvier à novembre 2011

La Sarl Jesana ne remet pas en cause sa condamnation par le jugement déféré au paiement de la somme de 442 € à titre de rappel de salaire sur le fondement du salaire conventionnel correspondant à la catégorie d'emploi de Mme [N] en application de l'article 2 de l'avenant n°43 de la convention collective nationale de la restauration rapide, outre l'indemnité de congés payés correspondante.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Il n'est pas douteux que le non-paiement par l'employeur des heures supplémentaires effectuées par la salariée ainsi que les sanctions pécuniaires opérées et le non-respect du salaire conventionnel caractérisent des manquements graves de l'employeur aux obligations essentielles du contrat de travail, rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle et justifiant la prise d'acte de rupture par la salariée aux torts de l'employeur.

Cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au versement à la salariée des indemnités de rupture et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont les montants ont été justement arbitrés par le conseil de prud'hommes en l'état de l'ancienneté de 2 ans de la salariée, de son âge, soit 24 ans lors de la prise d'acte de rupture et de son salaire mensuel de 1 415,08 €.

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

Les agissements de l'employeur relatifs à l'absence de règlement intégral des heures supplémentaires dues à la salariée, au non-respect du salaire conventionnel et à l'adoption de sanctions pécuniaires caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail justifiant la condamnation de La société Jesana à payer à Mme [N] la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts.

Sur le travail dissimulé

Les circonstances susvisées établissent suffisamment, compte tenu du caractère récurrent des heures supplémentaires accomplies sur une période de travail de 17 mois en sus du temps de travail rémunéré-situation que l'employeur ne pouvait ignorer- une volonté de dissimulation, au sens de l'article L8221-5 du code du travail, du temps de travail réellement accompli par Mme [N] et justifient sa condamnation à payer à la salariée une indemnité de travail dissimulé d'un montant de 8 490,48 € ( soit 1415,08€ x6).

Sur la violation de la vie privée

Le procès-verbal de constat d'huissier établi le 28 mars 2012 à la demande de la société Jesana rapporte des informations extraites du compte facebook de Mme [N] (pièces n°21) obtenues à partir du téléphone portable d'un autre salarié de la société Jesana. Ces informations étaient réservées aux personnes autorisées et l'employeur ne pouvait y accéder sans porter une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la salariée.

En conséquence le procès verbal de constat d'huissier sera écarté des débats et une somme de 800 € sera allouée à la salariée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à sa vie privée.

Sur les autres demandes

la Sarl Sesana et la Sarl Sicaelle succombent en leur appel et en supporteront les entiers dépens.

L'équité justifie la condamnation de la Sarl Jesana à payer à Mme [N] la somme globale de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel confondus ainsi que la condamnation de la Sarl Sicaelle au paiement de la même somme à la salariée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile ;

Déclare irrecevables les pièces communiquées en cours de délibéré par le conseil des sociétés Jesana et Sicaelle ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en celles ayant débouté Mme [J] [N] de sa demande en rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que celles relatives à l'exécution fautive du contrat de travail, aux frais et dépens;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne la Sarl Sesana à payer à Mme [J] [N] les sommes suivantes:

. 4 732, 25 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 473,22€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés correspondante ;

. 8 490,48 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

. 800 € à titre de dommages pour exécution fautive du contrat de travail ;

. 800 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée ;

Dit nul le contrat de travail conclu le 28 février 2012 entre Mme [N] et la société Sicaelle ;

Condamne la Sarl Sicaelle à payer à Mme [J] [N] la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire ;

Condamne la Sarl Jesana à payer à Mme [N] la somme globale de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel confondus ;

Condamne la société Sicaelle à payer à Mme [N] la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel confondus ;

Condamne la Sarl Sesana et la Sarl Sicaelle aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT

G. BOURGEOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03374
Date de la décision : 28/04/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°14/03374 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-28;14.03374 ?
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