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26/04/2016 | FRANCE | N°14/24142

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 26 avril 2016, 14/24142


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 26 AVRIL 2016

A.D

N° 2016/













Rôle N° 14/24142







[I] [X]

[L] [X]

SARL LE CHALET DES JUMEAUX





C/



SARL CEGEXCO MEDITERRANEE





















Grosse délivrée

le :

à :SCP GUEDJ

Me Colombet

















Déci

sion déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 04 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/06829.





APPELANTS



Monsieur [I] [X]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 2]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]



représenté par la SCP DAVAL-GUEDJ, avoca...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 26 AVRIL 2016

A.D

N° 2016/

Rôle N° 14/24142

[I] [X]

[L] [X]

SARL LE CHALET DES JUMEAUX

C/

SARL CEGEXCO MEDITERRANEE

Grosse délivrée

le :

à :SCP GUEDJ

Me Colombet

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 04 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/06829.

APPELANTS

Monsieur [I] [X]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 2]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par la SCP DAVAL-GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Laure GENETY, avocat au barreau de LYON substitué par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Monsieur [L] [X]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par la SCP DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Laure GENETY, avocat au barreau de LYON substitué par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

SARL LE CHALET DES JUMEAUX au capital de 50.000 €, immatriculée au RCS de FREJUS sous l e N° 334 474 103, poursuites et diligences de son représenta nt légal en exercice y domicilié, [Adresse 2]

représentée par la SCP DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Laure GENETY, avocat au barreau de LYON substitué par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMEE

SARL CEGEXCO MEDITERRANEE, dont le siège social [Adresse 1]

représentée par Me Anne-sophie COLOMBET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Mars 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : MadamePatricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Avril 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Avril 2016,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE :

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan le 4 décembre 2014, ayant débouté la société le chalet des jumeaux, M. [I] [X] et M. [L] [X] de toutes leurs demandes, les ayant condamnés à supporter les dépens et à verser à la société Cegexco Méditerranée la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 23 décembre 2014 par la société le chalet des jumeaux, M. [I] [X] et M. [L] [X].

Vu les conclusions des appelants en date du 2 décembre 2015.

Vu les conclusions de la société Cegexco Méditerranée en date du 1er décembre 2015 .

Vu l'ordonnance de clôture du 16 février 2016.

Motifs

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la Cour à le faire d'office.

Attendu que l'appel sera donc déclaré recevable.

Attendu que la société le chalet des jumeaux exploite un restaurant à [Localité 3], que [I] [X] est gérant associé et que [L] [X] est associé de cette société ; que la société intimée est chargée de la tenue de la comptabilité en vertu d'une mission signée le 30 juin 1991 qui charge la société Cegexco Méditerranée de la comptabilité, de la présentation des comptes annuels, de l'établissement des bulletins de paye, ainsi que des déclarations fiscales et sociales, de conseil en matière de gestion et d'organisation administrative et comptable, et de l'assistance à contrôle (fiscal et social) .

Attendu que la société le chalet des jumeaux occupe des locaux donnés à bail par la société les Gémeaux ; que les loyers ont été enregistrés comme payés par le biais d'écritures comptables consistant à imputer les sommes dues sur les comptes courants d'associés de M. [I] et [L] [X] au titre des exercices 2006, 2007 et 2008 ; que les appelants prétendent que ces écritures sont le fait de l'expert-comptable.

Attendu que la société le chalet des jumeaux a fait l'objet d'un redressement fiscal pour les années 2005 à 2008, pour l'essentiel ultérieurement validé par les tribunaux, l'administration ayant estimé que la substitution de créanciers opérée dans le paiement des loyers dus constituait un abandon de créances augmentant l'actif net imposable de la société le chalet des jumeaux, ce qui l'a amenée à augmenter le résultat imposable et ayant de ce chef considéré que les associés ne démontraient pas la réalité effective de leur paiement, qu'il n'y avait pas eu de quittance ou facture , ni de signification conforme à l'article 1690 du Code Civil , ce qui caractérisait l'abandon de créances reproché; que par ailleurs, l'administration a retenu que les sommes portées au crédit des comptes courants étaient des revenus imposables distribués par la société, ce qui l'a aussi amenée à un redressement de ses associés au titre des années 2006 et 2007 pour 96'817 € ([I] [X]) et 62'951 € ( [L] [X]), hors pénalités,et ensuite, à diligenter des procédures d'exécution à leur encontre; qu'enfin, elle a également opéré un redressement au titre des charges d'un bateau type Zodiac, non justifiées.

Attendu que les appelants reprochent à la société Cegexco Méditerranée d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'être responsable des condamnations fiscales dont ils ont été l'objet.

Attendu que les appelants font, en premier lieu, état d'un aveu judiciaire de la société intimée qui aurait écrit dans ses conclusions devant la Cour : « l'expert-comptable a donc décidé de régler les loyers dus par la société le chalet des jumeaux par abandon à due concurrence de leurs comptes courants », ce qui ,selon eux, démontrerait bien que l'opération a été effectuée à l'initiative de l'expert-comptable.

Mais attendu que si cette assertion démontre que la société d'expert comptable a bien passé l'écriture litigieuse au titre des loyers, ce qui s'inscrit d'ailleurs dans l'exécution de sa mission, elle ne contient cependant pas un aveu de responsabilité quant à la faute présentement reprochée.

Attendu qu'ils affirment, en outre, qu'alors qu'ils lui manifestaient leur inquiétude, la société d'expertise comptable leur a écrit, en 2006, qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter et que 'les opérations effectuées étaient normales et légales';

Mais attendu que les échanges qui résultent des pièces versées à ce sujet ne permettent pas, eu égard à la généralité des termes y retenus et à leur caractère imprécis, de considérer qu'ils sont relatifs aux faits reprochés.

Attendu que la responsabilité de l'intimée est recherchée sur le plan délictuel par les deux associés et sur le plan contractuel par la société le chalet des jumeaux au titre de son devoir de conseil, d'information et de mise en garde.

Attendu que cette obligation s'analyse en une obligation de moyens ; que son étendue dépend de l'étendue de la mission donnée qui peut aller de la seule tenue de la comptabilité à une mission de suivi fiscal et de conseil en gestion comptable, ce qui est le cas en l'espèce, et ce qui conduit à retenir qu'elle inclut l'établissement de la comptabilité ainsi que la délivrance d'informations et conseils de sorte que le client soit mis à l'abri d'un redressement fiscal ou à tout le moins, que son attention soit attirée sur les conséquences de certaines décisions.

Attendu, enfin, qu'il appartient à l'expert-comptable dont la responsabilité est mise en cause, de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation de conseil .

Attendu que deux fautes sont reprochées à la société d'expertise comptable :

- la réintégration de charges injustifiées relatives à un bateau Zodiac dont il a été retenu par le fisc qu'il n'était pas indispensable à l'exploitation commerciale, les appelants reprochant de ce chef de ne pas avoir été alertés du risque de redressement encouru;

- les écritures passées en compensation en comptes courants des associés pour les loyers dus à la société propriétaire des murs pour lesquelles l'administration fiscale a donc retenu qu'il y avait eu une substitution de créanciers augmentant l'actif net imposable, les appelants prétendant à ce propos que ces écritures qui n'ont pas été soumises à leur approbation sont la conséquence de l'initiative de leur expert-comptable.

Attendu que l'irrégularité des écritures relatives aux loyers a été reconnue par les juridictions; qu'en revanche, le redressement n'a pas été entériné en ce qui concerne la question des charges déductibles relatives au Zodiac, dont la cour administrative d'appel a finalement jugé qu'il s'agissait d'un véhicule utilitaire, utilisé pour les besoins de l'exploitation de la société.

Attendu, par suite, que seul est susceptible d'être retenu comme un manquement de la société Cegexpo Méditerranée, de nature à constituer tant une faute contractuelle à l'égard de la société le chalet des jumeaux qu'une faute délictuelle à l'égard de [I] et [L] [X], le défaut de conseil et d'information relatif aux écritures passées quant au paiement du loyer ; qu'en effet, même si l'allégation du paiement de ce loyer a pu relever de l'initiative des associés, il appartenait néanmoins à l'expert comptable, avant de passer les écritures en compte courant, soit d'exiger notamment la preuve de la réalité de ce paiement , soit d'aviser son client des risques encourus en l'absence d'un paiement effectif et de preuve du respect des formalités prévues à l'article 1690 du Code Civil .

Attendu qu'à cet égard, la société intimée affirme vainement que les pièces 'justifiant ... le non paiement des loyers' ou encore les pièces 'nécessaires à l'exécution de sa mission' lui avaient été produites, puisque, d'une part, elle n'en rapporte pas la preuve, et que, d'autre part, elle affirme seulement qu'il en résultait que la SCI Les gémeaux était propriétaire des locaux occupés par la SARL le chalet des jumeaux et que cette dernière était en retard de paiements, sans aucunement préciser qu'il lui avait été justifié que les paiements avaient été réellement pris en charge par les associés.

Attendu que la faute de la société d'expertise comptable est ainsi suffisamment caractérisée et qu'il résulte des redressements infligés par l'administration fiscale qu'elle est directement à l'origine de la situation préjudiciable en découlant pour la société qui a subi une taxation de ses bénéfices avec les majorations y afférentes et pour les associés qui ont été redressés au titre de l'impôt sur les revenus et des prélèvements sociaux, étant précisé que compte tenu de la non validation du redressement sur les charges du Zodiac, ce préjudice ne sera donc retenu que pour les incidences générées par les écritures afférentes aux loyers.

Attendu sur l'évaluation du préjudice, que la société Le chalet des jumeaux réclame la condamnation de l'intimée à lui verser la somme de 106 358€ correspondant au montant total du redressement effectué, déduction faite du dégrèvement dont elle a bénéficié pour les charges injustifiées (4610€) ; que [I] [X] réclame la somme de 127 207,51€ et que [L] [X] réclame celle de 80 126,47€.

Attendu que la société intimée qui a sollicité le rejet de l'ensemble des demandes comme mal fondées, a fait notamment valoir que la démonstration d'une faute , d'un préjudice indemnisable et d'un lien de causalité, sont des 'éléments cumulatifs' exigés pour que sa responsabilité professionnelle soit engagée, et que la preuve n'en est pas rapportée.

Or, attendu que si l'existence d'une faute tant à l'égard de la société qu'à l'égard des associés, ainsi que celle d'un lien de causalité entre ces fautes et le préjudice invoqué ont été ci dessus retenus , il y a cependant lieu de rappeler que seules sont indemnisables, non pas les sommes réclamées au titre des impôts et prélèvements sociaux qui, en toute hypothèse, sont dus par le contribuable, mais les seules majorations et pénalités y afférentes, soit en l'état des pièces utilement produites de ces chefs les sommes de :

- 5231 € et 2447 € au titre de l'impôt sur les revenus 2006 et 2007, outre 678 € et 1326 € au titre des prélèvements sociaux pour [I] [X], soit au total 9682€, aucun document ne permettant de chiffrer les sommes exigées de ces chefs pour l'année 2008;

- 1520 et 3345 € au titre de l'impôt sur les revenus 2006, 2007, outre 463 € et 968 € au titre des prélèvements sociaux pour [L] [X], soit au total 6296€.

Attendu que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt , outre capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil .

Attendu que sur les sommes que réclame la société le chalet des jumeaux , il est versé par les appelants un document fiscal en date du 25 février 2015, dont il résulte que les pénalités se sont élevées à 4588 € , 3286 €, 1695 €, soit au total 9569€ pour les années 2006 à 2008, avec un dégrèvement au titre de ces mêmes pénalités de 113, 100 et 118€, ce qui fait un préjudice indemnisable de 9238€, assortie des intérêts au taux légal à compter de ce jour, outre capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil .

Attendu que les frais liés à l'exécution forcée ne résultent que de la résistance des débiteurs à payer spontanément et ne sont donc pas un préjudice directement imputable à la société d'expertise comptable .

Attendu qu'il reste le préjudice issu des tracas générés par le contrôle et les procédures de constestation qui ont suivi, qui sera évalué à la somme de 2500€ pour chacun des appelants.

Attendu qu'en raison de sa succombance, la société Cegexco Méditerranée supportera les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, y compris le coût des timbres fiscaux et versera, en équité, ensemble aux trois appelants la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

reçoit l'appel,

infirme le jugement et statuant à nouveau :

Dit que la société Cegexco Méditerranée a commis une faute dans l'exécution de sa mission à l'égard de la société le chalet des jumeaux ainsi qu'une faute au préjudice de M. [I] [X] et [L] [X],

En conséquence, la condamne à payer :

* à la société le chalet des jumeaux la somme de 9238 €, outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour et capitalisation,

* à M. [I] [X] la somme de 9682€, outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour et capitalisation,

* à [L] [X] la somme de 6296€, outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour et capitalisation,

condamne la société Cegexco Méditerranée à payer à chacun des trois appelants la somme de 2500 € à titre de dommages et intérêts,

condamne la société Cegexco Méditerranée à payer ensemble aux trois appelants la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

rejette les demandes plus amples,

Condamne la société Cegexco Méditerranée à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 14/24142
Date de la décision : 26/04/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°14/24142 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-26;14.24142 ?
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