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19/04/2016 | FRANCE | N°15/03422

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 19 avril 2016, 15/03422


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2016

A.V

N° 2016/













Rôle N° 15/03422







[N] [O]





C/



[H] [M] épouse [U]

Société VETPROVENCE





















Grosse délivrée

le :

à :Girard

Rousseau

















Décision déférée à la Cour :
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Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 29 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00398.





APPELANT



Monsieur [N] [O]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Christian GIRARD, avocat au barreau de TOULON, plaidant

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2016

A.V

N° 2016/

Rôle N° 15/03422

[N] [O]

C/

[H] [M] épouse [U]

Société VETPROVENCE

Grosse délivrée

le :

à :Girard

Rousseau

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 29 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00398.

APPELANT

Monsieur [N] [O]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christian GIRARD, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTIMEES

Madame [H] [M] épouse [U]

née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP ROUSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Olivier TOURNU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Bastien FINET, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

SOCIETE VETPROVENCE , anciennement SELARL VETERINAIRE LES PALMIERS exerçant sous le nom commercial 'Clinique Vétérinaire [Établissement 1] - Clinique Vétérinaire [Établissement 2]' prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège social sis [Adresse 3]

représentée par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP ROUSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Olivier TOURNU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Bastien FINET, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 Février 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame VIDAL, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2016,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte sous seing privé du 28 mai 2010, M. [N] [O] a cédé à Mme [H] [M] 99 des 100 parts sociales de la SELARL Vétérinaires Les Palmiers qu'il avait constituée en octobre 2009 en lui apportant sa clientèle, moyennant un prix de cession de 990 euros et le paiement par la cessionnaire d'une somme de 115.000 euros au titre du compte courant d'associé. Il était convenu que M. [N] [O] resterait cogérant de la SELARL jusqu'au 31 décembre 2010.

Se plaignant du non-respect par Mme [H] [M] des conditions de la cession qui prévoyaient qu'il percevrait jusqu'au 31 décembre 2010 une rémunération en qualité de mandataire social égale à 100% du résultat net, payée par acomptes mensuels de 15.000 euros, le solde devant être payé à la remise de la situation comptable du 31 décembre 2010, et soutenant qu'il n'a jamais démissionné ni été valablement révoqué de ses fonctions de gérant, il a fait assigner Mme [H] [M] et la SELARL Vétérinaires Les Palmiers, devenue la société VETPROVENCE, devant le tribunal de grande instance de Toulon pour obtenir leur condamnation à lui verser la somme de 128.585 euros outre les intérêts au taux de 0,75% par mois sur les acomptes de 15.000 euros dus depuis le 30 septembre 2010, ainsi que celles de 12.778 euros et de 10.000 euros de dommages et intérêts.Par jugement en date du 29 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Toulon a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par Mme [H] [M] à défaut de grief résultant du fait que l'assignation ne reposerait sur aucun fondement juridique,

- débouté M. [N] [O] de sa demande principale dirigée contre la SELARL Vétérinaires Les Palmiers en considérant que sa rémunération a été prévue et fixée au contrat de cession en considération de son obligation d'accompagnement et de présentation de clientèle à l'égard de Mme [H] [M], or celui-ci, en raison de l'accident de la circulation de juillet 2010, n'a plus exercé aucune activité au sein de la clinique, ni activité d'accompagnement et de présentation, ni acte de gestion, de sorte que Mme [H] [M] a pu mettre un terme immédiat à ses fonctions et arrêter corrélativement toute rémunération,

- donné acte à la société VETPROVENCE de ce qu'elle reconnaît devoir la somme de 6.992 euros au titre de charges sociales,

- débouté Mme [H] [M] et la société VETPROVENCE de leur demande de dommages et intérêts,

- condamné M. [N] [O] à payer à Mme [H] [M] et à la société VETPROVENCE la somme de 1.500 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

M. [N] [O] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 4 mars 2015.

------------------

M. [N] [O], suivant ses dernières conclusions signifiées le 13 janvier 2016, demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, au visa de l'article 1134 du code civil, de :

débouter Mme [H] [M] et la société VETPROVENCE de toutes leurs prétentions,

condamner la société VETPROVENCE à lui payer les intérêts au taux de 0,75% par mois

- sur la somme de 15.000 euros depuis le 30 septembre 2010,

- sur la somme de 15.000 euros depuis le 31 octobre 2010,

- sur la somme de 15.000 euros depuis le 30 novembre 2010,

- sur la somme de 15.000 euros depuis le 31 décembre 2010,

la condamner à lui payer la somme de 128.585 euros augmentée des intérêts au taux de 0,75% par mois à compter du 31 janvier 2011 et celle de 12.778 euros avec intérêts au taux légal depuis le 31 décembre 2010 en deniers ou quittances,

condamner Mme [H] [M] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

condamner Mme [H] [M] et la société VETPROVENCE solidairement à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que le tribunal a fait une mauvaise analyse de l'article 9 de la convention de cession dont les clauses sont claires sans qu'il soit besoin de les interprêter et de rechercher la commune intention des parties.

Il ajoute que les éléments retenus par le tribunal pour relier, ce qui n'est pas prévu par le texte de l'article 9, le versement de la rémunération à une mission d'accompagnement et de présentation de la clientèle, sont discutables :

- le mail du 20 janvier 2010 ne peut servir à interprêter l'acte de cession des parts sociales de la SELARL Vétérinaires Les Palmiers alors qu'il intervenait dans le cadre de négocations portant sur une simple cession de clientèle et non sur une cession des parts sociales ;

- les indemnités reçues de la MACSF à la suite de son accident de la circulation du 12 juillet 2010 sont sans incidence sur l'économie du contrat, s'agissant de prestations qui ne sont que la contrepartie des primes qu'il a payées personnellement au titre du contrat de prévoyance souscrit auprès de cet organisme, qui lui étaient dues à titre personnel et dont il n'avait pas à informer la SELARL Vétérinaires Les Palmiers ;

- M. [N] [O] n'a jamais eu la qualité de salarié de la SELARL Vétérinaires Les Palmiers et si la rémunération convenue avait été fixée en contrepartie d'une activité de vétérinaire, un contrat de collaboration libérale aurait été prévu, comme cela a été fait pour M. [E] [U], époux de Mme [H] [M] ;

- M. [N] [O] n'a jamais reconnu avoir cessé son activité au sein de la clinique le 2 septembre 2010 mais a indiqué que l'accès à la clinique lui a été refusé après qu'il eut visé les factures du mois de septembre, Mme [H] [M] lui ayant adressé le 29 septembre 2010, une lettre lui signifiant qu'elle mettait un terme immédiat à ses fonctions au sein de la société et cessait tout versement de rémunération, alors que la révocation de son mandat de gérant ne pouvait résulter que d'une décision de l'AG ;

- M. [N] [O] n'a pas été révoqué, n'a pas démissionné et a donc droit à sa rémunération de gérant jusqu'au 31 décembre 2010.

Il ajoute que, lors de la cession de parts, une provision sur le résultat arrêté au 30 avril 2010 qui devait lui revenir a été comptabilisée pour permettre à la SELARL Vétérinaires Les Palmiers de régler les cotisations sociales, et qu'il résulte du rapport d'expertise de M. [B] que la SELARL Vétérinaires Les Palmiers est redevable d'une somme de 12.778 euros, sous déduction de la somme de 6.992 euros payée en suite du jugement dont appel.

Il termine en justifiant sa demande en dommages et intérêts contre Mme [H] [M] en raison des fautes commises par elle en sa qualité de cessionnaire des parts sociales et de gérante.

Mme [H] [M] et la société VETPROVENCE, en l'état de leurs dernières écritures signifiées le 29 janvier 2016, demandent à la cour de :

Sur les demandes formées contre Mme [H] [M], au visa de l'article 1382 du code civil,

dire que M. [N] [O] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute détachable de ses fonctions de gérante et rejeter en conséquence l'ensemble de ses demandes contre Mme [H] [M] comme manifestement irrecevables,

Sur les demandes formées contre la société VETPROVENCE au titre d'un complément de rémunération, au visa des articles 1134 et 1156 et suivants du code civil,

dire qu'il convient d'interprêter la convention afin de cerner le périmètre des obligations de M. [N] [O] postérieurement à la cession,

dire que les stipulations contractuelles conditionnent le versement d'une rémunération versée à M. [N] [O] à l'exercice d'une activité réelle et effective, constater que M. [N] [O] a cessé définitivement toute activité au sein de la clinique vétérinaire à compter du 1er septembre 2010 et qu'il n'ignorait pas l'impossibilité physique et matérielle de Mme [H] [M] de pouvoir reprendre la clinique sans son assistance active, en l'état notamment de sa grossesse avancée (elle accouchera le jour du départ sans préavis de M. [N] [O]), obligeant son époux à venir en urgence pallier la défection de M. [N] [O],

dire que l'intention des parties, qui découle notamment des correspondances préalables à la cession, prévoyait expressément une assistance active de M. [N] [O] en contrepartie de la rémunération de ce dernier et juger qu'en toute hypothèse la rédaction de l'acte de cession de parts sociales interdit à M. [N] [O] de percevoir une rémunération à compter du 2 septembre 2010, date de sa cessation volontaire et unilatérale d'activité,

dire que faire droit au raisonnement de M. [N] [O] conduirait à analyser la clause, soit comme un complément de prix non prévu, soit comme constitutive d'un abus de biens sociaux,

débouter en conséquence M. [N] [O] de ses demandes formées à ce titre,

Sur le contrat de prévoyance MACSF et les sommes perçues directement par M. [N] [O],

dire que M. [N] [O] ne pouvait percevoir en juillet et août 2010 des indemnités de prévoyance tout en bénéficiant d'une rémunération de la clinique vétérinaire sous peine de bénéficier d'un enrichissement sans cause,

dire en outre que le régime de prévoyance MACSF n'a pas pour objet de couvrir l'arrêt d'exercice de quelque mandat social que ce soit, mais bien un arrêt de travail et que le contrat MACSF ne lui permettait pas de percevoir des indemnités journalières dans la situation querellée,

Sur la comptabilisation des charges sociales afférentes à la rémunération de M. [N] [O],

dire que M. [N] [O] ne rapporte pas la preuve de l'acceptation par la société VETPROVENCE de la prise en charge de ses cotisations sociales et que c'est à ce dernier de payer ses cotisations et non à la clinique vétérinaire,

dire que le calcul de l'expert apparaît sur ce point discutable et lui donner acte de ce qu'elle reconnaît devoir la somme de 6.992 euros à M. [N] [O],

Sur la demande en dommages et intérêts,

constater qu'elle n'est aucunement justifiée et que c'est M. [N] [O] qui a manqué à ses obligations et le débouter de cette demande,

En tout état de cause,

confirmer le jugement en toutes ses dispositions et condamner M. [N] [O] à payer aux concluantes une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles développent leur argumentation autour des points suivants :

- la complexité et l'imbrication résultant de la convention entre la rémunération et les résultats de la société, comme le caractère particulier d'une clause qui prévoit que le cédant qui ne reste propriétaire que d'1% des parts sera rémunéré en recevant 100% du chiffre d'affaires, justifient qu'il soit procédé à l'interprétation de l'acte de cession au regard de la commune intention des parties ;

- le mail du 20 janvier 2010, au-delà de la forme juridique des actes qui sera retenue ultérieurement, pose les points essentiels de la négociation, à savoir que M. [N] [O] entendait percevoir sa rémunération jusqu'à son départ effectif et que Mme [H] [M], enceinte et jeune vétérinaire, entendait être accompagnée effectivement dans ses débuts à la clinique, et M. [N] [O] ne peut prétendre que la rémunération prévue à son profit dans le contrat ne correspondait pas à une activité effective ; il a d'ailleurs continué d'exercer ses fonctions de vétérinaire jusqu'au 2 septembre, hors un arrêt de travail de 8 jours à la suite de son accident, puis il a disparu sans raison ni explication à compter du 1er septembre 2010, ce qu'il ne conteste pas, n'assurant ainsi pas même la gestion de la société ; or, Mme [H] [M] ne pouvait exercer dans la clinique puisqu'elle était en congé maternité comme salariée vétérinaire jusqu'au 24 novembre 2010 ;

c'est dans ces conditions qu'elle a signifié à M. [N] [O], par courrier du 29 septembre 2010, la cessation de ses fonctions au sein de la clinique et du versement de sa rémunération;

- la notion de rémunération implique une contrepartie, faute de quoi l'obligation serait dépourvue de cause et la clause devrait être déclarée nulle ;

- M. [N] [O] a perçu une somme équivalente de la MACSF alors même que le régime de prévoyance de la MACSF n'est pas destiné à couvrir l'arrêt d'exercice d'un mandat social mais bien l'arrêt d'exercice d'une activité porfessionnelle ; sa demande aboutirait à un cumul illégal entre les indemnités reçues de la MACSF et la rémunération réclamée à la société VETPROVENCE.

Elles ajoutent, concernant les charges sociales, qu'il n'est pas démontré que la société VETPROVENCE serait redevable des charges sur la rémunération versée à M. [N] [O] au-delà du 30 avril 2010 et que, dans cette hypothèse, il convient de constater que les cotisations dues jusqu'à cette date s'élevant à 35.083 euros et les acomptes versés à 28.121 euros, il ne reste dû qu'une somme de 6.992 euros, comme l'a retenu le tribunal.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 février 2016.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les demandes au titre de la rémunération prévue au contrat de cession :

Attendu que M. [N] [O] et Mme [H] [M] ont signé, le 28 mai 2010, un acte de cession de parts sociales aux termes duquel le premier cédait 99 parts sociales sur les 100 parts de la SELARL Vétérinaire Les Palmiers, le cessionnaire ayant droit, à compter de la date de la cession fixée au 1er mai 2010, à la distribution de dividendes, répartition de réserves, de primes ou autres éléments des capitaux propres pouvant être attribués à ces parts sociales, le résultat du 1er novembre 2009 au 30 avril 2010 étant attribué en totalité au cédant ;

Qu'il y est prévu que M. [N] [O], le cédant, est nommé co-gérant à compter de la date de la cession jusqu'au 31 décembre 2010 moyennant le versement d'une rémunération indiquée en article 9, Mme [H] [M], cessionnaire, étant nommée co-gérante pour une durée indéterminée, sans rémunération jusqu'au 31 décembre 2010 (article 5.3) ;

Que l'article 9 est ainsi libellé :

'Le CEDANT sera co-gérant de la SOCIETE jusqu'au 31 décembre 2010. Sa rémunération en qualité de mandataire pendant la période allant de la DATE DE LA CESSION au 31 décembre 2010 sera égale à 100% du résultat net (hors variation de stock sous déduction du montant déjà appréhendé au 30 avril 2010). La rémunération de M. [O] sera payée au moyen d'un acompte mensuel de QUINZE MILLE (15.000) euros et le solde à la remise de la situation comptable du 31 décembre 2010 par le CESSIONNAIRE.

En cas de non-paiement à l'échéance, le solde de la rémunération portera un intérêt de 0,75% par mois de retard.

En cas de démission ou de révocation de son mandat de gérant avant le 31 décembre 2010, le montant de sa rémunération sera égal aux acomptes qu'il a perçus pour solde de tout compte.

A cet effet, une situation comptable sera établie au 31 décembre 2010 selon les principes comptables de la comptabilité d'engagement en tenant compte des stipulations suivantes : (...).

Si cette situation comptable fait apparaître une situation nette négative de la SOCIETE, le CEDANT s'engage à indemniser la SOCIETE d'un montant égal à la perte.

Cette situation comptable sera établie à la diligence et sous la responsabilité du CESSIONNAIRE afin de pouvoir être remise au CEDANT au plus tard le 31 janvier 2011. (...)

Le paiement du solde de la rémunération devra intervenir dans les 5 jours à compter du dépôt de la situation comptable définitive et à défaut portera un intérêt de 0,75 par mois de retard.'

Attendu que, par courrier de son conseil en date du 29 septembre 2010, Mme [H] [M] a informé M. [N] [O] :

- de son intention de 'mettre un terme à effet immédiat à (ses) fonctions au sein de la Société',

- corrélativement, de l'arrêt immédiat de sa rémunération, 'par suite d'absence de tout travail en contrepartie',

en attendant l'arrêt du bilan au 31 décembre 2010 pour, le cas échéant, lui demander la restitution d'un trop perçu compte-tenu des rémunérations déjà encaissées depuis le 1er mai 2010 ; qu'elle lui rappelait qu'il avait exercé dans la clinique jusqu'au 2 septembre 2010 (hors un arrêt de travail de huit jours à la suite de son accident de la circulation du 12 juillet 2010) mais qu'il avait, depuis cette date, cessé toute activité sans la tenir informée de quelque manière que ce soit ;

Attendu que M. [N] [O] demande l'application de l'article 9 de l'acte et donc le versement de la rémunération qui y est prévue à son profit en sa qualité de co-gérant de la SELARL ;

Que, Mme [H] [M] soutient que la rémunération ne pouvait être servie à M. [N] [O] qu'à raison de son activité au sein de la clinique vétérinaire qui en est la contrepartie et qu'à la suite de la cessation de toute activité de M. [N] [O] à compter du 2 septembre 2010, elle était bien fondée à cesser de lui verser l'acompte mensuel de 15.000 euros et que la SELARL n'a pas à lui régler le solde sur le résultat net au 31 décembre 2010 ;

Que le tribunal a estimé nécessaire de procéder à l'interprétation de l'article 9 du contrat pour déterminer ce que le mandat de gestion incluait et quelles étaient les obligations mises à la charge de M. [N] [O] en contrepartie de sa rémunération ; qu'ayant retenu, au regard de divers éléments extérieurs au contrat, que M. [N] [O] devait exercer au sein de la clinique une 'activité d'accompagnement et de présentation de clientèle' et qu'il y avait cessé toute activité à compter du 2 septembre 2010, il a jugé que le maintien de sa rémunération n'avait plus de contrepartie et n'était plus justifié ;

Mais attendu qu'il convient de constater que le texte de l'article 9 de l'acte de cession est très clair en ce qu'il lie le versement de la rémunération de M. [N] [O] à l'exercice de son mandat social de co-gérant et qu'il n'en prévoit la cessation qu'en cas de démission de M. [N] [O] ou de révocation de son mandat de gérant ; qu'il n'est susceptible que d'un seul sens et ne comporte aucune ambiguïté et que son principe est confirmé à plusieurs reprises dans les différents articles de l'acte, Mme [H] [M], co-gérante, ne devant, quant à elle, percevoir aucune rémunération à ce titre jusqu'à la fin de l'année 2010 ; que cette disposition est le résultat des délibérations adoptées par l'assemblée générale de la SELARL du 28 mai 2010 nommant M. [N] [O] et Mme [H] [M] co-gérants ; qu'elle correspond aux statuts qui prévoient, dans leur article 17, que chaque gérant a droit à un traitement fixe ou proportionnel déterminé par décision collective ordinaire des associés ;

Qu'il n'est fait état, en aucun passage de l'acte, comme en aucune délibération de cette assemblée générale, d'une quelconque mission d'accompagnement et de présentation de la clientèle à la charge du cédant ou d'une activité effective de vétérinaire au sein de la clinique;

Que c'est donc à tort que le tribunal a entendu procéder à une interprétation de ces dispositions en recherchant quelle avait été la commune intention des parties, au surplus en s'appuyant pour ce faire sur le texte d'un mail du 20 janvier 2010 qui s'inscrivait dans un cadre tout à fait différent de celui finalement retenu par les parties ; qu'en effet, s'il était alors envisagé que M. [N] [O] travaille pendant la période estivale avec [E] (l'époux de Mme [H] [M], également vétérinaire), c'était dans le cadre d'une cession de patientèle (et non des titres de la SELARL) à effet du 30 septembre 2010 et donc d'un transfert de jouissance et de propriété à cette date seulement, schéma qui n'a pas été retenu au décours des négociations menées par les parties puisque c'est finalement les titres de la SELARL qui ont été cédés, avec effet au 1er mai 2010 ;

Qu'en outre, le fait que M. [N] [O] ait, à la suite de son accident du 12 juillet 2010, bénéficié d'une prise en charge au titre du contrat de prévoyance conclu à titre personnel auprès de la MACSF est sans incidence sur l'appréciation de la commune intention des parties signataires de l'acte du 28 mai 2010 ; que l'argument selon lequel M. [N] [O] ne pourrait bénéficier d'un cumul de rémunération du fait de la perception d'indemnités versées par la MACSF et de la rémunération prévue au contrat de cession est inopérant, dès lors que cette rémunération contractuelle est indépendante de l'exercice d'un travail de vétérinaire mais correspond, selon les termes du contrat, à la rémunération du mandat social ; qu'enfin, il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur le caractère indu des prestations servies par la MACSF en l'absence de cet organisme à la procédure et à défaut de connaître précisément les conditions de mise en 'uvre de la garantie ;

Que les motifs de l'ordonnance de référé qui n'a pas autorité de chose jugée au fond et les énonciations du pré-rapport de l'expert [B], au demeurant supprimées par celui-ci dans son rapport définitif, ont été à tort pris en considération par les premiers juges pour apprécier quelle aurait été la volonté des parties, contre et outre le texte de l'article 9 sus-rappelé ;

Qu'enfin, le tribunal a pris pour acquis que M. [N] [O] reconnaissait avoir travaillé à la clinique jusqu'au 2 septembre et l'avoir quittée à cette date, alors que ce dernier, déjà dans ses dires à l'expert, contestait avoir exercé une activité de vétérinaire après la cession des parts sociales et qu'aucun élément du dossier ne permet de constater que M. [N] [O] aurait effectivement exercé une activité vétérinaire après la cession de ses parts sociales ;

Attendu qu'il doit être retenu, en application du texte clair et sans équivoque de l'article 9 de l'acte de cession, que M. [N] [O] a droit au versement de la rémunération convenue, liquidée sur la base du résultat net au 31 décembre 2010 et versée sous forme d'acomptes provisionnels mensuels de 15.000 euros, à raison de sa qualité de mandataire social et jusqu'à sa démission ou sa révocation ;

Que les statuts de la SELARL prévoient que le gérant peut être révoqué 'par décision ordinaire de la collectivité des associés prise à la majorité des parts sociales.';

Que Mme [H] [M] ne pouvait donc, en sa qualité de co-gérante, décider de son propre chef et sans réunir une assemblée générale, de mettre fin aux fonctions de co-gérant de M. [N] [O] et de le priver corrélativement de la rémunération qui était liée à ces fonctions et qui avait été votée par l'assemblée générale ;

Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] [O] de sa demande en paiement de la rémunération prévue à l'acte de cession ;

Qu'il ressort des comptes et bilans de la SELARL au 31 décembre 2010 que le résultat net s'est élevé à 128.585 euros, de sorte que M. [N] [O] réclame à juste titre, et sans être contesté sur ce point par les intimées, le versement de cette somme au titre du solde de sa rémunération, indépendamment des acomptes déjà reçus entre mai et août 2010 ;

Que cette somme sera assortie des intérêts au taux de 0,75 % par mois dans les conditions suivantes :

- sur 15.000 euros à compter du 30 septembre 2010,

- sur 15.000 euros à compter du 31 octobre 2010,

- sur 15.000 euros à compter du 30 novembre 2010,

- sur 15.000 euros à compter du 31 décembre 2010,

et sur le solde à compter du 5 février 2011 ;

Sur la demande au titre de la régularisation sur les charges sociales :

Attendu que M. [N] [O] réclame également le versement d'une somme de 12.778 euros au titre de la régularisation des comptes de charges, en l'état de la provision de 28.000 euros conservée par la SELARL lors de l'arrêté des comptes au 30 avril 2010 ;

Que l'expert judiciaire a émis sur ce point deux hypothèses :

- la première, si la cour décidait qu'il appartient à la SELARL de prendre en charge les cotisations sociales de M. [N] [O], aboutissant à un supplément de rémunération dû par la SELARL d'un montant de 19.109 euros,

- la seconde, si la cour retenait qu'il incombe à M. [N] [O] de régler ses propres cotisations sociales à partir du 1er mai 2010, à défaut de toute stipulation expresse prévoyant leur prise en charge par la société, aboutissant à une créance de M. [N] [O] de 12.778 euros ;

Que la demande de M. [N] [O] s'inscrit donc dans le cadre de la seconde hypothèse proposée par l'expert qui retient que la provision de 28.000 euros, conservée par la société au titre d'une provision sur les charges, ayant été annulée dès le 1er mai 2010, doit être réintégrée dans le bénéfice de l'exercice clos au 30 avril 2010, au bénéfice de M. [N] [O], sous déduction du montant des cotisations versées par la SELARL après le 1er mai 2010 pour le compte de M. [N] [O] pour 16.465 euros, et en y ajoutant le solde du compte courant d'associé de 1.243 euros ;

Que Mme [H] [M] et la société VETPROVENCE valident l'hypothèse selon laquelle les charges sociales devaient être prises en charge par M. [N] [O] et non par la SELARL mais proposent un autre calcul que celui de l'expert, basé sur le fait que les cotisations dues par M. [N] [O] seraient d'un montant de 35.083 euros sur la base d'une rémunération versée au 30 avril 2010 de 105.401 euros et concluant que, compte tenu de la provision de 28.121 euros constituée, le reliquat à verser ne serait que de 6.992 euros ; mais que cette proposition, soumise par voie de dire à l'expert, a été écartée par celui-ci aux motifs qu'il n'existe pas de troisième voie en dehors des deux hypothèses qu'il a formulées, que le calcul des charges sociales opéré par le conseil des intimées est imprécis et qu'il n'est pas tenu compte de l'incidence du profit exceptionnel de 28.000 euros qui a obéré le résultat au 30 avril 2010 ;

Qu'il convient en conséquence de retenir le calcul proposé par l'expert dans sa seconde hypothèse et de faire droit à la demande de M. [N] [O] à hauteur de la somme de 12.778 euros, laquelle somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation valant mise en demeure de la régler, sous déduction de la somme de 6.992 euros versée en exécution du jugement ;

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts contre Mme [H] [M] :

Attendu que M. [N] [O] sollicite la condamnation de Mme [H] [M] à titre personnel en soutenant qu'elle aurait commis une faute en mettant fin à ses fonctions et à sa rémunération, sans convoquer une assemblée générale, en le laissant figurer comme gérant au-délà du 31 décembre 2010 et en prétendant mensongèrement que c'était la SELARL qui avait réglé les cotisations à la MACSF ; que la faute ainsi reprochée à Mme [H] [M] ne peut s'inscrire que dans l'exercice de ses fonctions de gérant de la SELARL ;

Mais que l'action individuelle contre le gérant par une personne qui subit personnellement un préjudice ne peut être exercée valablement que si le gérant a commis une faute détachable de ses fonctions, s'analysant comme une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ;

Que les griefs formulées contre Mme [H] [M] ne peuvent recevoir une telle qualification et que M. [N] [O] sera donc débouté de sa demande en dommages et intérêts ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement

et en dernier ressort,

Statuant dans la limite des dispositions discutées en appel ;

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [N] [O] à l'encontre de Mme [H] [M] ;

L'infirme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société VETPROVENCE, venant aux droits de la SELARL Vétérinaire Les Palmiers, à payer à M. [N] [O] la somme de 128.585 euros assortie des intérêts au taux de 0,75 % par mois dans les conditions suivantes :

- sur 15.000 euros à compter du 30 septembre 2010,

- sur 15.000 euros à compter du 31 octobre 2010,

- sur 15.000 euros à compter du 30 novembre 2010,

- sur 15.000 euros à compter du 31 décembre 2010,

et sur le solde à compter du 5 février 2011 ;

La condamne également à payer à M. [N] [O] la somme de 12.778 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, sous déduction de la somme de 6.992 euros versée en exécution du jugement ;

La condamne à payer à M. [N] [O] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [H] [M] et la société VETPROVENCE de toutes leurs demandes ;

Les condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 15/03422
Date de la décision : 19/04/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°15/03422 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-19;15.03422 ?
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