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01/04/2016 | FRANCE | N°15/17824

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 01 avril 2016, 15/17824


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 01 AVRIL 2016



N° 2016/210



Rôle N° 15/17824





SAS ICTS MARSEILLE PROVENCE





C/



[O] [H]

































Grosse délivrée

le :



à :



Me Philippe GAUTIER, avocat au barreau de LYON



Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


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Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES - section AD - en date du 18 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/999.







APPELANTE



SAS ICTS MARSEILLE PR...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 01 AVRIL 2016

N° 2016/210

Rôle N° 15/17824

SAS ICTS MARSEILLE PROVENCE

C/

[O] [H]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Philippe GAUTIER, avocat au barreau de LYON

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES - section AD - en date du 18 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/999.

APPELANTE

SAS ICTS MARSEILLE PROVENCE, prise en la personne de Mr [B] [T], Président du Conseil d'Administration en exercice, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe GAUTIER, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

Madame [O] [H], demeurant [Adresse 2]

comparante en personne assistée de Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Février 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Avril 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Avril 2016.

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Mme [O] [H] a été engagée par la SARL ASTRIAM C.F. AIRPORT SECURITY en qualité d'opérateur de sûreté qualifié à compter du 28 juin 2010. Son contrat de travail a été transféré à la SAS ICTS MARSEILLE PROVENCE à compter du 1er décembre 2011 dans le cadre des dispositions conventionnelles applicables en matière de changement du prestataire en charge du marché de la sécurité aéroportuaire. Dans le dernier état de la relation contractuelle, la salariée percevait un salaire mensuel de base d'un montant brut de 1.590,55 €, auquel s'ajoutaient divers accessoires, pour un horaire de 130 heures. Les relations des parties étaient régies par la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Après mise à pied à titre conservatoire et convocation le 23 mai 2013 à un entretien préalable fixé au 5 juin, l'employeur a licencié la salariée par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 juin 2013, rédigée en ces termes : «['] Le mardi 22 mai 2013, vous avez été à l'origine de graves manquements aux règles de sûreté aéroportuaire dont les conséquences ont été préjudiciables pour notre entreprise.

Le premier manquement est le suivante :

Ce mardi 22 mai, vous discutiez avec votre chef d'équipe, alors que vous étiez en charge de l'exploitation des images du système radioscopique.

Durant votre conversation, plus précisément entre 11h45 et 11h48, vous ne regardiez par votre écran et étiez dos au tapis, assise face à lui. Durant ce laps de temps, le convoyeur du RX n'était pas arrêté et vous avez laissé passer 3 colis, 4 bacs et une valise sans aucun contrôle.

Ainsi, vous avez permis le libre accès en zone réservée à toutes sortes d'objets interdits (exemple : armes') ou d'explosifs. La sûreté de l'aviation civile n'était plus assurée du fait de votre négligence professionnelle.

En d'autres termes, les personnes ayant passé le poste d'inspection filtrage ont pu à leur guise introduire en zone réservée des marchandises ou des produits prohibés par la réglementation et vaquer à des occupations dans l'enceinte réservée et sécurisée de l'aéroport.

Vous n'avez donc pas respecté les consignes d'exploitation aéroportuaire que vous connaissez pourtant en votre qualité d'opérateur et avez ainsi mis en péril la chaîne de sûreté de l'aéroport [Localité 1] et des vols, dont nous avons la charge.

Le second manquement est le suivant :

Ce même jour, à 11h56, vous étiez sur le poste du RX et vous vous êtes faite remplacer par un autre agent féminin sans fermer votre session de code d'identification.

Comme vous le savez et comme il a été rappelé dans la note du 16 janvier 2013, à chaque prise d'écran, le salarié doit systématiquement se déconnecter et le salarié prenant l'écran doit saisir son login et son mot de passe.

En effet, votre code d'identification unique permet de pouvoir accéder à l'équipement d'imagerie radioscopie pourvu d'un TIP conformément à la réglementation européenne relative à la sûreté de l'aviation civile.

Or, vous n'avez pas appliqué ladite procédure, puisque notre responsabilité a été directement mise en cause par les services compétents de l'État qui nous ont notifié un constat de manquement. En effet, vous ne vous êtes pas déconnectée, puisqu'il a été constaté que le tapis du RX était en mouvement avec des images défilant sur l'écran pendant votre remplacement. Vous auriez dû stopper le tapis pour permettre à l'agence remplaçant d'activer son code d'identification. Cette procédure est importante, pour diverses raisons.

Tout d'abord, en cas d'acte terroriste puisque les services compétents de l'État doivent pouvoir identifier avec précision l'agent à l'écran.

Cette procédure permet également à l'opérateur à l'écran d'avoir, durant sa prise de fonction à ce poste, une concentration optimale, puisque l'opérateur ne peut être connecté que durant 20 minutes.

Enfin, la connexion/déconnexion permet à l'entreprise d'adapter le nombre d'heures de formation de chaque salarié, en fonction des TIP (simulation de menaces qui viennent s'intégrer au bagage du passager lors du passage dans le RX ).

L'analyse des circonstances nous amène tout particulièrement à soulever les possibles conséquences dommageables d'un tel incident.

Nous considérons que de nombreuses conséquences auraient pu surgir et notamment la possible évacuation d'une partie de l'aéroport, une évacuation d'un aéronef, engendrant ainsi un désordre incommensurable, un risque de panique des passagers et de multiples retards de vol, voire même un attentat (détournement avion, explosions avion)'

Ces faits ont eu pour conséquence que la société ICTS Marseille-Provence, la CCI (notre client), le chef d'équipe et vous-même, ont été entendus par la Police Aux Frontières.

Par votre manque flagrant d'implication dans votre fonction d'opérateur, il a été constaté la non atteinte du niveau de sûreté exigée par l'État, mais également par la commission européenne.

Vos agissements ont à ce titre été reconnus comme fautifs par la Police Aux Frontières qui a dressé un constat de manquement à notre encontre, en raison de votre défaillance en totale inadéquation avec vos obligations professionnelles et les missions principales qui sont les nôtres.

Votre comportement fautif ne peut être toléré par notre entreprise compte tenu de notre activité particulièrement sensible, de nos obligations et des répercussions négatives engendrées sur notre image commerciale auprès de notre client.

Pour l'ensemble des faits ci-dessus exposés, nous vous avons alors indiqué que nous envisagions votre licenciement pour faute grave et vous avons demandé de bien vouloir nous apporter vos explications eu égard à la présente situation.

Vous avez reconnu avoir bien eu une conversation avec votre chef d'équipe.

Vous avez par ailleurs indiqué le jour de l'entretien que vous considérez que pour les 3 colis, vous n'aviez commis aucune infraction à la sûreté dans la mesure où il s'agissait de colis pour le relais H et que ces colis ne présentaient jamais de problème. Ceci est extrêmement grave dans la mesure où notre métier étant de prévenir les actions terroristes, il n'est pas pensable de laisser la place à la chance ou au hasard et d'imaginer qu'un bagage suspect soit identifiable.

En conséquence, avons-nous décidé aux termes de la présente de vous notifier votre licenciement pour faute grave sans préavis, ni indemnités (à l'exception de l'indemnité de congés payés).

Les motifs de votre licenciement se rapportent aux faits rappelés ci-dessus, qui sont constitutifs de manquement et d'une inexécution grave de vos obligations contractuelles puisque vous avez fait acte d'une défaillance professionnelle avérée en ne respectant pas les mesures élémentaires de sûreté aéroportuaire, lesquelles sont au c'ur même des missions qui vous incombent. Vous avez directement mis en péril la sécurité publique dans le domaine aéroportuaire en faisant fi de la réglementation en vigueur.

Vous avez agi avec légèreté sans mesurer les conséquences particulièrement préjudiciables de vos agissements fautifs sur le bon déroulement de nos opérations et plus particulièrement sur notre mission première qui est de sécuriser toutes les zones aéroportuaires réservées en vue de préserver les individus et les biens dont nous avons la charge. En tant que société spécialisée dans le domaine de la sûreté, nous nous devons d'être très exigeants quant à la qualité des prestations que nous fournissons et l'application des procédures car, il en va de la sécurité des personnes et des biens.

Nous vous rappelons que vous exercez des fonctions d'opérateurs et que la nature même de vos missions requiert une extrême vigilance une conscience professionnelle accrue, or vous avez failli à ces règles.

Votre comportement témoigne d'un manque total d'implication, de motivation et de conscience professionnelle qui préjudicie gravement au bon déroulement de notre programme de sécurisation et véhicule une image fort négative de notre entreprise.

Dans ces conditions, nous ne pouvons vous maintenir sur votre poste.[']».

Le 30 septembre 2013, contestant la légitimité de son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues, section activités diverses, lequel s'est déclaré en partage de voix. Par jugement en date du 18 septembre 2015, le juge départiteur a :

-dit nul le licenciement notifié le 10 juin 2013 ;

-enjoint à l'employeur de réintégrer la salariée dans son emploi et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ;

-condamné l'employeur à payer à la salariée les somme de :

*28.076,16 € à titre de rappel de salaire pour la période du 23 mai 2013 au 23 mai 2014 ;

*2.807,62 € au titre des congés payés y afférents ;

*1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2013 ;

-enjoint à l'employeur sous astreinte mensuelle de 2.339,68 € à payer à la salariée son salaire à compter du 24 mai 2014 ;

-débouté les parties de toute autre demande ;

-condamné l'employeur aux entiers dépens.

Le 2 octobre 2015, l'employeur a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Vu les écritures déposées par la SAS ICTS MARSEILLE PROVENCE, le 24 février 2016, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

-réformer le jugement rendu le 18 septembre 2015 par le conseil de prud'hommes de Martigues ;

-juger que le licenciement pour faute grave est régulier, fondé et justifié ;

-constater l'absence de toute pratique discriminatoire et/ou fautive à l'encontre de la salariée ;

-débouter en conséquence la salariée de l'ensemble de ses demandes principales et subsidiaires ;

à titre subsidiaire,

-fixer le salaire de référence à 2.097,87 € ;

-limiter le montant des indemnités légales aux sommes suivantes :

*4.195,74 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

*1.258,78 € à titre d'indemnité de licenciement ;

-réduire à de plus justes proportions le montant des dommages intérêts ;

-condamner la salariée au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Vu les écritures de Mme [O] [H] déposées le 24 février 2016, par lesquelles elle demande à la cour de :

-dire le licenciement nul à raison de la violation des dispositions de l'article L 1132-2 du code du travail et en application de celle de l'article L 1132-4 du code du travail ;

-confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à porter l'astreinte journalière attachée à l'obligation de réintégration à la somme de 200 € ;

y ajoutant,

-condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

*79.549,12 € à titre de salaire pour la période du 23 mai 2013 au 23 mars 2016 ;

*7.954,91 € au titre des congés payés y afférents ;

-enjoindre l'employeur, sous astreinte mensuelle de 2.339,68 € d'avoir à acquitter le salaire dû à la salariée du 23 mars 2016 jusqu'à sa réintégration effective ;

-condamner l'employeur au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et discriminatoire du contrat de travail ;

très subsidiairement,

-dire le licenciement litigieux dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

*856,45 € à titre de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ;

*85,65 € au titre des congés payés y afférents ;

*4.679,36 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

*467,94 € au titre des congés payés y afférents ;

*1.462,29 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;

-dire que les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation en application des articles 1153-1 et 1154 du code civil ;

-condamner l'employeur au paiement de la somme de 40.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail ;

en tout état de cause,

-condamner l'employeur au paiement de la somme de 1.500 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 24 février 2016.

SUR CE

Sur la nullité du licenciement :

La salariée soutient que le licenciement qui lui a été notifié le 10 juin 2013 est nul, au motif qu'il est motivé en réalité par la volonté de l'employeur de la sanctionner d'avoir participé à un mouvement collectif de grève.

Conformément à l'article L 1132-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève.

Lorsqu' une telle discrimination directe ou indirecte est invoquée, il appartient au salarié qui se prétend lésé, d'apporter des éléments laissant supposer l'existence d'une telle discrimination, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au soutien de ses allégations, la salariée verse au débat des éléments établissant que son licenciement est intervenu dans un contexte de conflit collectif de travail très tendu. C'est ainsi que le 9 avril 2013, l'intersyndicale CGT-CFDT-FO a déposé un préavis de grève illimité, à compter du 19 avril suivant ; que le 16 avril, la déléguée syndicale CGT a remis à la direction la liste des formulaires de déclaration individuelle de participation au mouvement de grève et que le 19 avril, lorsque l'intersyndicale a souhaité remettre à l'employeur la liste des agents désireux de cesser le mouvement de grève à compter du 21 avril, celui-ci a refusé de recevoir cette liste, ainsi que les formulaires individuels de cessation du mouvement, au motif qu' 'il n'était pas possible de considérer une liste collective comme une déclaration individuelle de reprise du travail', privant ainsi de nombreux salariés, dont l'intimée, de la possibilité de retravailler dès le 21 avril.

Ce comportement a été sanctionné par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence lequel a, suivant jugement du 19 mars 2015, jugé illicite et constitutive d'une entrave au libre exercice du droit de grève, ainsi qu'à la liberté du travail, l'exigence de l'employeur que chaque salarié remette personnellement la déclaration individuelle de reprise de travail, ainsi que toutes les mesures prises par l'employeur dérivant de cette exigence non satisfaite et condamné l'employeur à payer à la fédération CGT du commerce et des services de l'union locale CGT de [Localité 2] la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l'entier préjudice collectif subi, outre 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle produit également de très nombreuses attestations de salariés dénonçant la sévérité dont a fait preuve l'employeur en la licenciant pour des faits qui n'étaient pas auparavant sanctionnés.

Elle considère que cette sévérité nouvelle ne peut s'expliquer que par la volonté de la sanctionner d'avoir participé à un mouvement de collectif de grève et ce, d'autant plus qu'elle n'avait jamais fait l'objet de sanction disciplinaire.

Ces éléments apparaissent suffisants pour laisser supposer l'existence d'une discrimination, en raison de l'exercice normal du droit de grêve. Il incombe par conséquent à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Aux termes de la lettre de licenciement pour faute grave du 10 juin 2013, il est reproché à la salariée d'avoir, le 22 mai 2013, gravement manqué aux règles de sûreté aéroportuaire à savoir :

-d'avoir laissé passer 3 colis, 4 bacs et une valise sans aucun contrôle, alors qu'elle était en charge de l'exploitation des images du système radioscopique ;

-de s'être fait remplacer par un autre opérateur sans fermer sa session de code d'identification.

La matérialité des faits reprochés à la salariée est établie par les constats de manquement n° 29/2013 et 30/2013 et le débriefing qui a eu lieu le lendemain dans les locaux du service de la Police Aux Frontières.

C'est ainsi que le 22 mai 2013, de 11h45 à 11h48, la salariée qui était chargée de l'exploitation des images du système radioscopique ne visionnait pas les images, mais discutait avec 4 agents dont le chef d'équipe, M. [V], laissant ainsi passer 3 colis, 4 bacs et une valise sans les contrôler à l'écran.

Lors de son audition, la salariée a indiqué qu'elle avait partiellement visionné les images et que les colis, destinés au relais H, ne présentaient jamais de problème.

S'agissant du 2e grief, elle a reconnu qu'elle aurait dû arrêter le tapis avant de se lever et de laisser la place à sa collègue. En ne le faisant pas, sa remplaçante a exploré des images sous un code d'identification qui n'était pas le sien.

La salariée minimise les faits qui lui sont reprochés et soutient que des manquements similaires auraient été commis par d'autres salariés sans avoir jamais été sanctionnés.

Au cours de l'audience du 27 mars 2015, le juge départiteur a demandé à l'employeur de verser au débat les justificatifs des manquements relevés par la Police Aux Frontières entre les mois de septembre 2012 à mars 2013. L'employeur a produit ces documents en indiquant que pour la période comprise entre le 1er septembre 2012 et le 24 janvier 2013, aucun manquement n'a été relevé, ce qui est confirmé par de responsable sûreté du SPAFA Marseille-Provence.

Pour la période comprise entre le 25 janvier au 26 mars 2013, quinze constats de manquements ont été relevés pour les motifs suivants :

-l'agent de sûreté chargé de la fouille bagage n'a pas effectué l'inspection séparée des liquides, aérosol, gel contenu dans un bagage cabine (3 procédures) ;

-l'agent de sûreté n'a pas effectué la palpation conformément à l'appendice 4-A afin de s'assurer raisonnablement que les passagers ne transportent pas d'articles prohibés : l'agent a omis de passer son pouce entre la ceinture et la taille (7 procédures), lors du déclenchement aléatoire du portique, le passager a été contrôlé mais l'agent a omis de faire retirer les chaussures (2 procédures) ;

-l'agent de sécurité a omis d'effectuer le contrôle documentaire d'un commandant de bord ;

-lors du déclenchement aléatoire du portique, l'agent a contrôlé la passagère en lui faisant retirer sa veste et ses chaussures mais a omis d'effectuer la palpation, celle-ci étant déjà passé une première fois sans déclencher l'alarme ;

-lors du déclenchement aléatoire du portique, la passagère a retiré ses chaussures pour les faire contrôler sous RX et est repassée sous le portique sans déclencher, mais l'agent n'a pas effectué la palpation.

Il apparaît que les manquements relevés sont mineurs et n'ont pas eu d'incidence sur le maintien de la chaîne de sûreté, dans la mesure où les principales mesures de contrôle ont été respectées.

Les manquements commis par la salariée étaient d'une toute autre nature et revêtaient une plus grande gravité, puisque par son absence de vigilance, elle a laissé passer en zone réservée plusieurs objets (colis, bacs et bagage) sans les controler.

Elle n'ignorait pas qu'en sa qualité d'opératrice qualifiée affectée au contrôle écran, elle devait appliquer les procédures de contrôle et s'assurer que l'ensemble des bagages transitant sur le tapis et accédant en zone réservée soient des objets non prohibés.

Le chef d'équipe avec lequel elle discutait, M. [V], a lui aussi été licencié pour faute grave en raison de sa part de responsabilité dans les agissements fautifs commis par la salariée.

Il est ainsi établi que la décision de licencier la salariée repose sur des éléments objectifs, étrangers à sa participation au mouvement de grève engagé le 19 avril 2013. La décision différée qui a jugé nul le licenciement du 10 juin 2013, enjoint l'employeur à réintégrer la salarié et condamné l'employeur à lui régler des rappel de salaire jusqu'à sa réintégration sera donc réformée.

Les faits reprochés à la salariée constituent une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien du salarié. Son licenciement pour faute grave apparaît donc justifié. Il convient de débouter la salariée de sa demande tendant à voir juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui régler les indemnités de rupture outre des dommages et intérêts.

Sur les autres demandes :

La décision déférée qui a condamné l'employeur à régler à la salariée la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance doit être réformée.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d'appel.

La salariée qui succombe doit être tenue aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré.

Dit que le licenciement pour faute grave notifié le 10 juin 2013 est fondé.

Déboute Mme [O] [H] de l'ensemble de ses demandes.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [O] [H] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/17824
Date de la décision : 01/04/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°15/17824 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-01;15.17824 ?
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