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01/04/2016 | FRANCE | N°13/19229

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 01 avril 2016, 13/19229


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 01 AVRIL 2016



N° 2016/



Rôle N° 13/19229





SARL TND NORBERT DENTRESSANGLE LOCATION FRIGO





C/



[S] [S]

































Grosse délivrée

le :



à :



Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Thierry COSTE, avocat au barreau d'AVIGNO

N





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 05 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/790.







APPELANTE



Société ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 01 AVRIL 2016

N° 2016/

Rôle N° 13/19229

SARL TND NORBERT DENTRESSANGLE LOCATION FRIGO

C/

[S] [S]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Thierry COSTE, avocat au barreau d'AVIGNON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 05 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/790.

APPELANTE

Société SASU XPO TRANSPORT SOLUTION SUD venant aux droits de la SARL TND NORBERT DENTRESSANGLE LOCATION FRIGO, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 51

INTIME

Monsieur [S] [S], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Thierry COSTE, avocat au barreau d'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Février 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Avril 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Avril 2016.

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 23 mai 2005, M. [S] [S] a été engagé par la société TND FRIGO LOCATION, filiale du groupe NORBERT DENTRESSANGLE, en qualité de conducteur routier. Le contrat a été renouvelé jusqu'au 30 septembre 2015. Le 10 octobre 2016, le salarié a été engagé sous contrat à durée déterminée jusqu'au 15 novembre 2005, date à partir de laquelle la relation s'est poursuivie sous contrat à durée indéterminée. Dans le dernier état de la relation contractuelle le salarié percevait un salaire mensuel brut de 1.416,64 € hors primes et heures supplémentaires. Les relations des parties étaient régies par la convention collective nationale des transports routiers et auxiliaires.

Après convocation le 27 mars 2012 à un entretien préalable fixé au 10 avril, reporté au 9 mai, puis au 29 mai, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 juin 2012, rédigée en ces termes : «['] Le 22 mars 2012, malgré les instructions données par votre exploitant, M. [B] [Y], lors de l'échange des porteurs BP905W par 245BSM60, vous n'avez pas récupéré la pochette contenant l'ensemble des documents obligatoires (carte grise, assurance, licence communautaire') et avez ainsi circulé sur route en toute illégalité. Vous avez alors engagé la responsabilité de l'entreprise sachant que le fait de ne pas avoir à bord du véhicule ces documents est verbalisable. Par votre agissement, vous avez fait prendre le risque à l'entreprise, en cas de contrôle par les autorités compétentes, d'une immobilisation immédiate de l'ensemble routier et de son chargement et ceci, malgré les différents rappels oraux de votre exploitant.

De plus, le 24 mars 2012, vous avez laissé le groupe frigo du véhicule immatriculé 509BQZ60 sans carburant alors même que le véhicule était chargé en marchandises pour le compte de notre client SAMADA. M. [I] [L], moniteur sécurité, venu sur le site ce jour-là, a été alerté par le fait que le groupe frigo était en alarme et affichait une température de 15° C, alors même que nous devons maintenir une marchandise à une température entre 0° et 4° afin de garantir la chaîne du froid et la conservation des denrées alimentaires. Vous n'avez donc pas vérifié le bon fonctionnement du frigo à la clôture de votre journée. Sans une intervention de notre moniteur, nous aurions subi un sinistre marchandise du fait du stationnement du véhicule tout le week-end.

Vous avez donc manifestement dérogé aux consignes à respecter, précisées dans le carnet de bord conducteur et qui vous ont été inculquées pendant vos différentes formations au sein de notre entreprise, dont la dernière a été réalisée dans le cas d'un audit préventif le 26 janvier 2012.

En outre, ces faits surviennent alors que vous avez déjà fait l'objet d'une mesure de mise à pied disciplinaire d'un jour qui vous a été notifiée le 27 mars 2012, pour retard et non-respect du code de la route, d'un avertissement le 16 novembre 2011 suite à un sinistre responsable et d'une observation écrite du 13 mai 2011 pour excès de vitesse.

Vous comprendrez donc que votre attitude professionnelle nuit trop fortement aux intérêts de notre entreprise eue égard aux engagements de sécurité et de qualité que nous tenons à l'égard de nos clients et des usagers de la route et que votre comportement ne permet pas de satisfaire. Nous sommes donc contraints de mettre un terme à notre collaboration. Nous considérons, de surcroît, que ces fait constituent une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise.[']».

Le 23 juillet 2012, contestant la légitimité de son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section commerce, lequel a, par jugement en date du 5 septembre 2013, :

-dit que la prescription des faits est acquise ;

-dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-condamné l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

*900 € nets à titre de dommages-intérêts pour vice de procédure ;

*3.786,30 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

*378,63 € au titre des congés payés y afférents ;

*2.461,09 € à titre d'indemnité de licenciement ;

*18.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse ;

*1.035 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-rappelé l'exécution provisoire de plein droit des articles R 1454-28 et R 1454-14 du code du travail;

-dit qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes allouées au salarié excepté les dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des articles 1153-1 et 1154 du code civil;

-débouté le salarié du reste de ses chefs de demande ;

-débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné l'employeur aux entiers dépens.

Le 2 octobre 2013, l'employeur a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Vu les écritures déposées le 24 février 2016 par la SASU XPO LOGISTICS venant aux droits de la SARL TND FRIGO LOCATION, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

-infirmer le jugement dont appel et ce, avec toutes ses conséquences de droit ;

-juger que les demandes du salarié sont irrecevables et de surcroît mal fondées ;

-débouter le salarié de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

-condamner le salarié aux entiers dépens, ainsi qu'à la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures de M. [S] [S] déposées le 24 février 2016, par lesquelles il demande à la cour de :

-confirmer la décision déférée excepté au sujet de l'indemnité compensatrice de préavis, le rappel incident sur congés payés et l'indemnité légale de licenciement ;

-condamner l'employeur à lui verser, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la convocation de l'audience de conciliation et capitalisation des intérêts échus depuis une année :

*4.654,44 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

*465,44 € bruts à titre de rappel incident sur congés payés ;

*3.180,53 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;

-condamner l'employeur à lui régler la somme de 1.200 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

-débouter l'employeur de ses prétentions.

Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 24 février 2016.

SUR CE

Sur le licenciement pour faute grave :

-Sur la régularité du licenciement :

Selon l'article L 1232-2 du code du travail, «l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.»

En l'espèce, aucune des lettres de convocation à l'entretien préalable ne mentionne l'objet de l'entretien, de sorte que la procédure de licenciement est irrégulière.

Il y a lieu de confirmer la décision déférée qui a condamné l'employeur à régler au salarié la somme de 900 € à titre de dommages-intérêts pour vice de procédure.

-Sur la prescription des faits à l'origine du licenciement :

Conformément à l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, le salarié a été licencié pour des faits commis les 22 et 24 mars 2012. L'employeur a convoqué le salarié à l'entretien préalable par lettre du 27 mars 2012. Cette lettre de convocation a interrompu le délai de prescription et fait courir un nouveau délai de deux mois, de sorte que l'employeur avait jusqu'au 27 mai 2012 pour engager les poursuites disciplinaires.

Le premier entretien n'ayant pas pu avoir lieu, l'employeur a reconvoqué le salarié par lettre du 10 avril 2012 pour un entretien fixé au 9 mai. Le salarié ne s'étant pas présenté à cet entretien, l'employeur l'a convoqué une troisième fois, le 11 mai pour un entretien fixé au 29 mai.

Force est de constater que l'employeur a engagé les poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois à compter de la première convocation à l'entretien préalable, de sorte que la prescription n'est pas acquise.

La décision déférée qui a estimé que les faits incriminés était prescrits et le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sera donc réformée.

-Sur le motif du licenciement :

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement du 11 juin 2012, il est reproché au salarié deux fautes qu'il convient d'examiner :

-Le 22 mars 2012, lors de l'échange des porteurs, d'avoir omis de récupérer la pochette contenant l'ensemble des documents obligatoires et circulé ainsi en toute illégalité :

L'employeur établit la réalité de ce grief par la production du courriel que M. [Y], exploitant lui a adressé le 27 mars 2012, afin de l'aviser de ce que le salarié n'avait pas pris le soin de récupérer la pochette contenant l'ensemble des documents obligatoires avant de partir avec le véhicule.

Le salarié ne le conteste pas dans la mesure où il justifie son comportement en indiquant que s'il était retourné récupérer les documents obligatoires, il aurait alors excédé le temps de service de 10 heures.

Or, son temps de service sur la journée du 22 mars 2012 a été de 7h53 de sorte que s'il était revenu chercher documents il aurait travaille 8h53, puisqu'il se trouvait à [Localité 1], à une trentaine de minutes de l'entreprise située à [Localité 2].

Le salarié ne saurait valablement soutenir que cet oubli est imputable à l'exploitant qui aurait dû les placer dans le véhicule qu'il lui a confié, alors qu'il est expressément indiqué dans les consignes générales à respecter annexées au contrat de travail qu''avant chaque départ, le conducteur doit vérifier la présence à bord des documents indispensables (permis, autorisations, carnets de feuilles de route, A.T.I.E., disques chronotachygraphe, etc')'.

Le salarié a commis une faute en conduisant un camion sans les documents obligatoires. Ce premier grief apparaît établi.

-le 24 mars 2012 avoir laissé le groupe frigo d'un véhicule sans carburant alors que celui-ci était chargé de marchandises :

L'employeur établit par la production des courriels qui ont été échangés entre M. [L], moniteur de conduite et M. [Y], exploitant, que le samedi soir 24 mars, le groupe frigo du véhicule immatriculé 509 BQZ 60 était en alarme, la température se situant aux alentours de 14°, qu'il n'y avait plus de fioul et qu'il a fallu mettre 83 litres dans le réservoir. Il établit également que c'est le salarié qui a utilisé ce camion ce jour là, ce que ce dernier ne conteste pas.

En omettant de remplir le réservoir de fioul, le salarié a commis une faute qui a mis en péril la qualité des denrées alimentaires entreposées dans le camion frigorifique, dans la mesure où la chaîne du froid a été interrompue. Ce grief est donc également établi.

Enfin, il apparaît que ces faits surviennent alors que le salarié a déjà fait l'objet d'une observation écrite le 13 mai 2011 pour excès de vitesse et d'un avertissement le 16 novembre 2011 pour avoir endommagé un camion à quai.

Les griefs reprochés au salarié constituent une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Il convient par conséquent de dire que le licenciement pour faute grave est fondé.

Sur les autres demandes :

La décision déférée qui a condamné l'employeur à régler au salarié la somme de 1.035 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance doit être confirmée.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

L'employeur qui succombe partiellement doit être tenu aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la procédure de licenciement est irrégulière et condamné l'employeur à régler au salarié des dommages-intérêts pour vice de procédure et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens de première instance.

Le réforme pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,

Écarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Dit que le licenciement pour faute grave est justifiée.

Déboute M. [S] [S] de ses demandes tendant à obtenir les indemnités de rupture outre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne la SASU XPO LOGISTICS venant aux droits de la SARL TND FRIGO LOCATION aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/19229
Date de la décision : 01/04/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°13/19229 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-01;13.19229 ?
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