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31/03/2016 | FRANCE | N°13/23272

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 31 mars 2016, 13/23272


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 31 MARS 2016



N° 2016/ 230













Rôle N° 13/23272







SA BANQUE CIC NORD OUEST





C/



[X] [D] divorcée [L]





















Grosse délivrée

le :

à :ERMENEUX

GALLOU

















Décision déférée à la Cour :



J

ugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 23 Octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F4.





APPELANTE



SA Banque CIC Nord Ouest, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avoca...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 31 MARS 2016

N° 2016/ 230

Rôle N° 13/23272

SA BANQUE CIC NORD OUEST

C/

[X] [D] divorcée [L]

Grosse délivrée

le :

à :ERMENEUX

GALLOU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 23 Octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F4.

APPELANTE

SA Banque CIC Nord Ouest, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [X] [D] divorcée [L]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Frédérique GALLOU, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Février 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Hélène COMBES, Président

Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2016,

Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous-seing privé du 15 février 2007, la SA Banque Scalbert Dupont a consenti à la SARL Garnier Group France, représentée par [X] [D], sa gérante, un prêt, destiné à financer la création d'un fonds de commerce de coiffure, d'un montant de 80.000 euros, au taux de 4,75 % l'an, remboursable en quatre-vingt-quatre mensualités de 1.121,34 euros.

Ce prêt était garanti par le nantissement du fonds de commerce financé sis à [Localité 2] (Nord), et la caution personnelle et solidaire de [X] [D], laquelle s'est engagée dans la limite de 80.000 euros, et pour la durée de 108 mois.

Par acte sous-seing privé du 18 mai 2007, la Banque Scalbert Dupont a consenti à la SARL Garnier Group France un prêt, destiné à financer un complément de travaux d'installation du fonds de commerce, d'un montant de 15.000 euros, au taux de 4,75 % l'an, remboursable en quatre-vingt-quatre mensualités de 210,25 euros.

En garantie de ce prêt, [X] [D] s'est portée caution solidaire des engagements de la société envers la banque dans la limite de la somme de 15.000 euros, et pour une durée de 108 mois.

Par un autre acte sous-seing privé, qui ne porte pas mention de sa date, la Banque Scalbert Dupont a consenti à la SARL Garnier Group France un prêt, destiné à financer du matériel d'équipement, d'un montant de 10.000 euros, au taux de 5,25 % l'an, remboursable en soixante mensualités de 189,86 euros.

Pour ce prêt, [X] [D] s'est également portée caution solidaire des engagements de la société envers la banque, ce dans la limite de 12.000 euros et pour la durée de 84 mois.

Par jugement du 3 février 2010, le tribunal de commerce de Douai a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la SARL Garnier Group France.

La Banque Scalbert Dupont a déclaré sa créance au passif de ladite société.

Par courrier recommandé du 17 mars 2010, la banque a mis en demeure [X] [D] d'honorer ses engagements de caution solidaire de la SARL Garnier Group France.

Puis, par exploit du 24 novembre 2011, la SA Banque Scalbert Dupont désormais dénommée Banque CIC Nord-Ouest a fait assigner en paiement [X] [D] devant le tribunal de commerce de Toulon.

Par jugement du 23 octobre 2013, le tribunal de commerce de Toulon a :

- dit que la SA Banque CIC Nord Ouest justifie de son intérêt à agir et qu'elle est fondée pour venir aux droits de la Banque Scalbert Dupont,

- dit que la SA Banque CIC Nord Ouest ne saurait être tenue pour responsable de la perte d'un quelconque droit préférentiel invoqué par [X] [D],

- dit que la créance revendiquée par la SA Banque CIC Nord Ouest est opposable à [X] [D],

- dit que la créance revendiquée par la SA Banque CIC Nord Ouest ne saurait être assortie d'intérêts que jusqu'au 17 février 2010,

- dit que l'engagement souscrit par [X] [D] est disproportionné,

- dit que la SA Banque CIC Nord Ouest ne peut se prévaloir du cautionnement disproportionné qu'elle a fait prendre à [X] [D],

- débouté la SA Banque CIC Nord Ouest de l'ensemble de ses demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'analyser le moyen de défense soulevé par [X] [D] quant au prétendu non-respect du devoir de conseil et de mise en garde,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'analyser les demandes reconventionnelles de [X] [D],

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- débouté [X] [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à la charge de la SA Banque CIC Nord Ouest les entiers dépens.

Suivant déclaration du 3 décembre 2013, la SA Banque CIC Nord Ouest a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions notifiées et déposées le 6 mai 2014, l'appelante demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon le 23 octobre 2013 qui l'a déboutée de ses demandes au motif que l'engagement souscrit par [X] [D] était disproportionné,

statuant à nouveau,

- condamner [X] [D] à lui payer les sommes suivantes :

56.288,64 euros, représentant le solde du prêt souscrit en mars 2007, outre les intérêts au taux de 4,75 %, à compter du 5 janvier 2010 et jusqu'au 17 février 2010,

10.736,62 euros, représentant le solde du prêt souscrit en mai 2007, outre les intérêts au taux de 4,75 %, à compter du 25 janvier 2010 et jusqu'au 17 février 2010,

6.229,82 euros, représentant le solde du prêt souscrit en octobre 2007, outre les intérêts au taux de 4,75 %, à compter du 25 janvier 2010 et jusqu'au 17 février 2010,

- la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

- condamner enfin [X] [D] à lui payer la somme de 3.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Ermeneux-Levaique-Arnaud & Associés, avocats associés.

Par conclusions notifiées et déposées le 11 mars 2014, [X] [D] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 23 octobre 2013 par le tribunal de commerce de Toulon en ce qu'il a débouté la Banque CIC Nord Ouest de l'ensemble de ses demandes,

- constater que la Banque CIC Nord Ouest ne justifie pas de sa qualité à agir et la débouter en conséquence de ses demandes, en application des dispositions des articles 31 et 32 du code de procédure civile,

- lui déclarer inopposable la créance de la Banque CIC Nord Ouest non régulièrement déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Garnier Group France,

- constater que la Banque CIC Nord Ouest ne justifie pas d'une ordonnance définitive d'admission de la créance qu'elle revendique,

- débouter la Banque CIC Nord Ouest de toutes ses demandes,

- constater que la Banque CIC Nord Ouest n'a pas respecté son obligation d'information et dire qu'elle est déchue du droit aux intérêts,

- constater que la Banque CIC Nord Ouest ne peut se prévaloir du cautionnement disproportionné qu'elle lui a fait prendre et la débouter en conséquence de ses demandes en application des dispositions des articles L650-1 du code de commerce et L341-4 du code de la consommation,

- constater que la Banque CIC Nord Ouest a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à son égard engageant ainsi sa responsabilité à son égard et a commis une faute qui lui cause un préjudice,

- condamner en conséquence la société Banque CIC Nord Ouest à lui payer la somme de 75.000 euros avec intérêts au taux de 4,75 % à compter du 5 janvier 2010, à titre de dommages-intérêts qui viendront se compenser avec les éventuelles sommes dues par elle à la Banque CIC Nord Ouest,

- condamner la banque CIC Nord Ouest au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Frédérique Gallou, avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2016.

MOTIFS

Sur la qualité à agir de l'appelante

[X] [D] fait valoir que la Banque CIC Nord Ouest, qui n'établit pas à quel titre elle viendrait aux droits de la Banque Scalbert Dupont comme elle le prétend, ne justifie pas de sa qualité à agir et doit dès lors être déboutée de ses demandes.

Est cependant produit aux débats un acte déposé au rang des minutes de l'office notarial dont Maître [Q] [U], notaire associé, est titulaire à [Localité 3], consistant en l'extrait du procès-verbal de l'assemblée générale mixte en date du 6 mai 2010 décidant de la modification de la dénomination de la Banque Scalbert Dupont-CIN en « Banque CIC Nord Ouest ».

Au vu de ce document, dont il résulte qu'il s'agit d'un simple changement de dénomination sociale, l'intimée apparaît mal fondée à contester à la Banque CIC Nord Ouest sa qualité à agir aux lieu et place de la Banque Scalbert Dupont.

Sur la créance de la banque

[X] [D] fait valoir que la déclaration de créance versée aux débats a été manifestement effectuée par un préposé de la Banque Scalbert Dupont dont il n'est pas démontré qu'il avait le pouvoir de déclarer la créance en l'absence de délégation de pouvoir régulière versée aux débats, qu'il s'agit d'une irrégularité de fond qui entache de nullité la déclaration, alors au surplus que la Banque CIC Nord Ouest ne verse aux débats aucune décision irrévocable d'admission de la créance, que la créance revendiquée par la banque doit donc lui être déclarée inopposable.

Toutefois, l'argumentation de l'intimée sur ce point ne peut qu'être rejetée.

En effet, outre le fait qu'il ne peut qu'être constaté qu'est versé aux débats l'acte notarié établi le 15 décembre 2009 contenant délégation de pouvoir d'établir et signer toute déclaration de créance au profit d'[N] [S], directeur du département contentieux, laquelle est la signataire de la déclaration de créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Garnier Group France établie le 17 mars 2010, il résulte des pièces produites que cette déclaration, qui n'a jamais été contestée ni sur la forme ni sur le fond par la gérante de la débitrice principale, a donné lieu à admission, selon trois certificats de créance, comme suit :

- à titre privilégié : 56.288,64 euros, avec intérêts au taux de 4,75 % calculés à compter du 5 janvier 2010- indemnité d'exigibilité anticipée de 7 %,

- à titre chirographaire : 10.736,62 euros, avec intérêts conventionnels de 4,75 % calculés à compter du 25 janvier 2010- indemnité d'exigibilité anticipée de 7 %,

- à titre chirographaire : 6.229,82 euros, avec intérêts conventionnels de 4,75 % calculés du 25 janvier 2010 jusqu'à parfait paiement- indemnité d'exigibilité anticipée de 7 %.

Et cette admission, définitive, ne saurait être remise en cause.

Sur la perte de subrogation

[X] [D], invoquant les dispositions de l'article 2314 du code civil, demande à être déchargée de son engagement de caution au motif qu'elle a perdu par la faute de la banque, qui bénéficiait d'un nantissement sur le fonds de commerce, un droit préférentiel dont elle aurait pu tirer profit.

Cependant, au vu des pièces produites aux débats, il apparaît que, comme le fait valoir l'appelante, cette dernière, qui avait pris inscription le 20 mars 2007, a été informée que sa déclaration de créance était admise à titre privilégié pour 56.288,64 euros nantis sur fonds de commerce ;

que par ordonnance du 28 juin 2010 le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la SARL Garnier Group France a autorisé la vente du fonds appartenant à ladite société moyennant le prix de 35.000 euros ;

que suite à la notification de cette ordonnance la Banque CIC Nord Ouest a demandé au liquidateur judiciaire de la débitrice principale de lui indiquer les perspectives de recouvrement de sa créance sur ce prix de vente, que par courrier du 14 septembre 2010 le liquidateur, Maître [Y] [Q], a informé la banque qu'en l'état de ce dossier les créanciers de son rang n'avaient rien à espérer.

Il ressort de ces éléments qu'aucun manquement ne peut être reproché à la banque, qui justifie des démarches accomplies en vue de recouvrer sa créance nantie, dans la perte par la caution de ce recours subrogatoire, et l'intimée ne saurait donc se prévaloir des dispositions de l'article 2314 précité pour se voir décharger de son engagement.

Sur le grief de disproportion

Se fondant sur les dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation, [X] [D] fait valoir que la Banque CIC Nord Ouest ne peut se prévaloir de son cautionnement, lequel était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, dans la mesure où elle ne disposait d'aucun revenu personnel et où, mariée sous le régime de la séparation de biens, les biens immobiliers indivis dont il est fait état étaient en réalité la propriété de son époux.

L'appelante réplique que la fiche de solvabilité signée par la caution le 4 novembre 2006 démontre que, contrairement à ce qu'elle prétend, il n'y avait aucune disproportion entre son patrimoine et l'étendue des engagements qu'elle a souscrits ;

que l'intimée qui prétend désormais que l'indivision ayant existé avec son ex-époux était purement théorique n'en a jamais fait état auprès d'elle lorsqu'elle a rempli la fiche d'information patrimoniale, que, n'ayant pas été transparente vis-à-vis de la banque sur la réalité de ses droits, elle ne saurait aujourd'hui se prévaloir de sa propre turpitude.

Aux termes des dispositions de l'article L 341-4 précité, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'un côté, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution, d'un autre côté, de ses biens et revenus.

Etant rappelé que c'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, il ne peut qu'être constaté que [X] [D] ne verse pas aux débats la moindre pièce relative à la situation qui était la sienne à l'époque de la souscription des cautionnements litigieux.

Des pièces produites par la banque, et en particulier d'une fiche de solvabilité signée par la caution et son conjoint le 4 novembre 2006, il résulte que :

- l'intimée était gérante d'une société « Body One », mais ne percevait pas de salaire,

- les époux [L]-[D], mariés sous le régime de la séparation de biens, étaient propriétaires de leur résidence principale alors estimée 350.000 euros,

- par le biais d'une SCI Clema, constituée entre eux le 7 mars 2002, chacun étant titulaire de la moitié des parts, ils étaient notamment propriétaires d'un appartement à Lille d'une valeur de 50.000 euros et d'un duplex sis à Merlimont évalué 5.000 euros.

A cet égard, l'intimée fait désormais état de ce que l'indivision entre les époux était purement théorique.

Mais, outre d'ailleurs qu'elle n'en justifie pas, les actes établis à l'occasion du divorce des époux postérieurement intervenu infirmant même ses allégations, la Banque CIC Nord Ouest était en droit de se fier aux informations qui lui ont alors été fournies.

Ainsi, en considération de la situation patrimoniale de [X] [D] au jour de la conclusion du premier des contrats en cause, le 15 février 2007, telle qu'elle ressort des éléments précités, l'engagement de caution litigieux, souscrit dans la limite de 80.000 euros, n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

De même, le cautionnement souscrit le 18 mai 2007, dans la limite de 15.000 euros portant le total de ses engagements à la somme de 95.000 euros, n'était pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de l'intimée.

S'agissant du troisième cautionnement souscrit par cette dernière dans la limite de 12.000 euros portant le total de ses engagements à la somme de 107.000 euros, il n'est pas davantage établi qu'il était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Le moyen est donc écarté, et le jugement infirmé de ce chef.

Sur l'article L650-1 du code de commerce

[X] [D] se réfère aux dispositions de l'article L650-1 du code de commerce qui prévoient que « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci », et aux termes de son alinéa 2 « pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge »

Cependant, ce moyen manque en fait, l'intimée, qui l'invoque d'ailleurs au soutien de sa demande d'inopposabilité des cautionnements, ne précisant pas même le cas de responsabilité de la banque par elle envisagé dans ce cadre, et aucun élément quant au caractère frauduleux des concours consentis ou à l'intervention de l'appelante dans la gestion de la SARL Garnier Group France n'étant démontré, ni d'ailleurs allégué.

Sur l'obligation d'information annuelle de la caution

[X] [D] fait valoir quelle ne peut être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard dans la mesure où la Banque CIC Nord Ouest ne démontre pas avoir respecté l'obligation d'information que lui imposent les dispositions des articles L341-6 du code de la consommation et L313-22 du code monétaire et financier.

La banque réplique que, si elle a reconnu ne pas avoir adressé les lettres d'information annuelle pour les années 2010 et 2011, elle a versé aux débats la copie des lettres d'information annuelle adressées à la caution jusqu'en février 2010.

Toutefois, l'appelante, qui ne produit qu'une copie de trois lettres d'information datées du 17 février 2010 et donc relatives à la situation au 31 décembre 2009, dont il n'est pas même justifié de l'envoi, ne démontre pas avoir satisfait à l'obligation d'information annuelle de [X] [D], prescrite par les dispositions d'ordre public de l'article L 313-22 du code monétaire et financier, à laquelle elle est tenue depuis l'année 2008, les cautionnements litigieux ayant été souscrits en 2007.

Aussi, en application du texte précité, la Banque CIC Nord Ouest est, dans ses rapports avec la caution, déchue des intérêts échus depuis le 31 mars 2008, date avant laquelle l'information devait être donnée pour la première fois, et à compter de cette date, les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés affectés prioritairement au principal de la dette.

Sur le devoir de mise en garde

[X] [D] reproche à la Banque CIC Nord Ouest de n'avoir pas respecté son devoir de mise en garde en accordant un prêt excessif sans vérifier ses capacités financières et sans l'alerter sur les risques découlant de l'endettement né de l'octroi du prêt, que la banque non seulement n'a pas satisfait à son devoir d'alerte envers la SARL Garnier Group France mais également envers elle qui en tant que caution non avertie n'a pas été personnellement éclairée sur les risques de l'opération.

L'établissement bancaire qui consent un crédit est effectivement tenu envers une caution non avertie d'une obligation de mise en garde au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

L'obligation de mise en garde est ainsi subordonnée à deux conditions, la qualité de caution non avertie et l'existence d'un risque d'endettement.

Lorsqu'elle s'est, pour la première fois le 15 février 2007, portée caution solidaire des engagements de la SARL Garnier Group France dont elle était la gérante, [X] [D], outre le fait qu'elle était cogérante avec son époux de la SCI Clema déjà citée par eux constituée en 2002, exerçait, selon la fiche de renseignements également déjà évoquée, la fonction de gérante d'une société Body One, sise à Cambrai, depuis quatre ans.

Elle devait donc, en sa qualité de dirigeante de la société commerciale garantie, être considérée comme une caution avertie.

Elle l'était, à plus forte raison, lors de la souscription des deux autres prêts professionnels consentis à la société par la Banque CIC Nord Ouest pour lesquels elle s'est ultérieurement portée caution solidaire.

En conséquence, étant d'ailleurs observé que les échéances des prêts ont été régulièrement honorées jusqu'en janvier 2010 et qu'il n'existait pas, lors de la souscription des dits crédits, de risque d'endettement excessif de la société débitrice principale, la banque n'était pas tenue à l'égard de [X] [D] d'une obligation de mise en garde.

Dès lors, l'intimée, qui ne démontre, ni même n'allègue, que l'appelante disposait, lors de l'octroi des crédits, d'informations sur sa situation économique et financière dont elle n'avait pas elle-même connaissance, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la banque à ce titre et doit être déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts de la banque

La Banque CIC Nord Ouest sollicite la condamnation de l'intimée à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée.

Toutefois, dans la mesure où il est partiellement fait droit aux contestations développées par [X] [D], l'appelante ne peut qu'être déboutée de cette demande.

Sur les frais irrépétibles

En l'espèce, il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les demandes de ce chef sont rejetées.

***

*

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Dit que, dans ses rapports avec [X] [D], la Banque CIC Nord Ouest est déchue du droit aux intérêts conventionnels à compter du 31 mars 2008 et que les paiements effectués depuis cette date par le débiteur principal doivent s'imputer sur le principal de la dette,

Condamne [X] [D] à payer à la Banque CIC Nord Ouest les sommes de :

en vertu du cautionnement souscrit le 15 février 2007, 56.288,64 euros sous déduction des intérêts dont le créancier est déchu à compter du 31 mars 2008 et après imputation, depuis cette date, des paiements effectués par le débiteur principal sur le principal de la dette,

en vertu du cautionnement souscrit le 18 mai 2007, 10.736,62 euros sous déduction des intérêts dont le créancier est déchu à compter du 31 mars 2008 et après imputation, depuis cette date, des paiements effectués par le débiteur principal sur le principal de la dette,

en vertu du troisième cautionnement souscrit en 2007, 6.229,82 euros sous déduction des intérêts dont le créancier est déchu à compter du 31 mars 2008 et après imputation, depuis cette date, des paiements effectués par le débiteur principal sur le principal de la dette,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne [X] [D] aux dépens, ceux d'appel distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/23272
Date de la décision : 31/03/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°13/23272 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-31;13.23272 ?
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