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25/02/2016 | FRANCE | N°13/18855

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 25 février 2016, 13/18855


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 25 FEVRIER 2016



N° 2016/ 132













Rôle N° 13/18855







FONDS COMMUN DE TITRISATION HUGO CREANCES 111





C/



[W] [W] veuve [U]

[M] [U]





















Grosse délivrée

le :

à :ROUILLOT

AGAEV

COUDERC POUEY















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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 30 Août 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/04485.





APPELANTE



Le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances 111 représenté par la société de gestion GTI ASSET MANAGEMENT SA, intervenant aux droits de la BANQUE POPULAIR...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 25 FEVRIER 2016

N° 2016/ 132

Rôle N° 13/18855

FONDS COMMUN DE TITRISATION HUGO CREANCES 111

C/

[W] [W] veuve [U]

[M] [U]

Grosse délivrée

le :

à :ROUILLOT

AGAEV

COUDERC POUEY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 30 Août 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/04485.

APPELANTE

Le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances 111 représenté par la société de gestion GTI ASSET MANAGEMENT SA, intervenant aux droits de la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SCP ROUILLOT GAMBINI, avocat au barreau de NICE et assisté de Me Dominique DERVAL, avocat au barreau de GRASSE substituant Me ROUILLOT, avocat

INTIMES

Madame [W] [W] veuve [U]

née le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Alexandre AGAEV, avocat au barreau de NICE

Monsieur [M] [U]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 2] (92), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Marie José COUDERC POUEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Lalia MOSTEFAOUI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Hélène COMBES, Président

Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Février 2016,

Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

[M] [U], qui est à ce titre inscrit au répertoire des entreprises et des établissements sous le n° [U], exerçait l'activité d'élevage d'ovins et de caprins depuis le 1er janvier 1990.

Il a le 17 mars 2009, ouvert dans les livres de la Banque Populaire Côte d'Azur un compte professionnel n° [Compte bancaire 1].

Par acte sous seing privé du 17 mars 2009, la Banque Populaire Côte d'Azur a consenti à [M] [U] et à [W] [W] veuve [U], sa mère, un prêt professionnel à caractère agricole, ayant pour objet : extension, aménagement, d'un montant de 40.000 euros, au taux d'intérêt de 5 %, remboursable en 84 mensualités de la manière suivante :

- franchise d'amortissement de 12 mois moyennant des échéances de 183,47 euros,

- puis 72 mensualités de 661 euros, assurance incluse.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 décembre 2010, la banque a notifié à [M] [U] qu'elle n'était plus disposée à lui maintenir la facilité de caisse qu'elle lui avait consentie sur le compte n° [Compte bancaire 1].

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 avril 2011, elle lui a notifié la clôture de son compte et l'a mis en demeure de régler, au titre du solde débiteur, une somme de 3.121,83 euros.

Des échéances du prêt ayant cessé d'être réglées, par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 avril 2011, la Banque Populaire Côte d'Azur a notifié aux emprunteurs la déchéance du terme du prêt, et les a mis en demeure de payer la somme de 39.355,41 euros.

Par exploits des 31 mai et 6 juin 2011, la Banque Populaire Côte d'Azur a fait assigner [M] [U] et [W] [W] en paiement devant le Tribunal de Grande Instance de Nice.

Par jugement du 30 août 2013, le Tribunal de Grande Instance de NICE a :

- débouté [W] [W] de sa demande de nullité du prêt en date du 17 mars 2009,

- débouté [W] [W] de sa demande de réduction de la clause pénale contractuelle,

- condamné [M] [U] à verser à la SA Banque Populaire de la Côte d'Azur la somme de 3.121,83 euros au titre du solde du compte n°[Compte bancaire 1] outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 7 avril 2011,

- condamné solidairement [M] [U] et [W] [W] à verser à la SA Banque Populaire de la Côte d'Azur la somme de 39.355,41 euros outre les intérêts au taux conventionnel majoré de 3 points, soit 8% sur la somme de 37.441,13 euros à compter du 8 avril 2011,

- condamné la SA Banque Populaire de la Côte d'Azur à verser à [M] [U] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle lui a occasionné par la violation de son devoir de mise en garde lors de la signature du contrat de crédit du 17 mars 2009 et par le maintien abusif de facilités de paiement sur le compte n° [Compte bancaire 1],

- dit que cette somme produira intérêts légaux à compter du jugement,

- condamné la SA Banque Populaire de la Côte d'Azur à verser à [W] [W] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle lui a occasionné par la violation de son devoir de mise en garde lors de la signature du contrat de crédit du 17 mars 2009,

- dit que cette somme produira intérêts légaux à compter du jugement,

- autorisé la compensation entre les sommes que se doivent mutuellement les parties,

- accordé à [M] [U] et à [W] [W] un délai de paiement de 24 mois et dit que la dette devra être réglée en 24 mensualités égales, la première dans les 15 jours de la signification de la décision,

- débouté [M] [U] et [W] [W] de leurs demandes supplémentaires,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles.

Suivant déclaration du 25 septembre 2013, la SA Banque Populaire de la Côte d'Azur a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 11 janvier 2016, le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III, venant aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur, demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée son intervention volontaire à la présente procédure,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par la SA Banque Populaire Côte d'Azur aux droits de laquelle il se présente aujourd'hui,

statuant à nouveau,

- débouter [W] [W] de son appel incident,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

débouté [W] [W] de sa demande de nullité du prêt en date du 17 mars 2009,

débouté [W] [W] de sa demande de réduction de la clause pénale contractuelle,

condamné [M] [U] à lui verser la somme de 3.121,83 euros au titre du solde du compte n° [Compte bancaire 1] outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 7 avril 2011,

condamné solidairement [M] [U] et [W] [W] à lui verser la somme de 39.355,41 euros outre les intérêts au taux conventionnel majoré de 3 points, soit 8% sur la somme de 37.441,13 euros à compter du 8 avril 2011,

réformant,

- dire qu'il n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité,

en conséquence,

- débouter [W] [W] et [M] [U] de toute demande indemnitaire,

- débouter [W] [W] et [M] [U] de leurs demandes d'octroi de délai de paiement,

en toute hypothèse,

- condamner solidairement [W] [W] et [M] [U] au paiement de la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Rouillot Gambini, avocats.

Par conclusions notifiées et déposées le 23 décembre 2015, [M] [U] demande à la cour

de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Nice le 30 août 2013,

- dire que la Banque Populaire Côte d'Azur a commis une faute engageant sa responsabilité et doit donc l'indemniser du préjudice subi,

- dire que son préjudice s'élève à la somme de 20 000 euros,

- condamner la Banque Populaire Côte d'Azur et le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III à lui payer la somme de 20.000 euros,

- ordonner la compensation entre la créance de la Banque Populaire Côte d'Azur à son égard et sa créance à l'égard de la Banque Populaire Côte d'Azur et du Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III,

- débouter la Banque Populaire Côte d'Azur et le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III de l'ensemble de leurs autres demandes,

si par extraordinaire, la cour n'entendait pas faire droit à la demande de confirmation du jugement,

- lui accorder, sur la base de l'article 1244-1 du code civil, un délai de deux années pour échelonner les paiements,

- condamner la Banque Populaire Côte d'Azur et le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens distraits au profit de Maître Couderc Pouey.

Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 4 janvier 2016, [W] [W] demande à la cour de :

- dire que la cession de créance est inopposable aux intimés, et en tout état de cause en ce qui concerne les demandes fondées sur la responsabilité de la Banque Populaire Côte d'Azur, et partant en ce qui concerne les condamnations prononcées à son encontre,

- dire que la Banque Populaire Côte d'Azur demeure partie à l'instance et en tout état de cause en ce qui concerne les demandes fondées sur sa responsabilité, et partant les condamnations prononcées à son encontre,

si la cour estimait opportun de mettre la Banque Populaire Côte d'Azur hors de cause,

- diriger l'ensemble des condamnations sollicitées contre la banque à l'encontre du fonds intervenant aux droits de celle-ci,

- dire que le contrat de prêt en date du 17 mars 2009 ne produit nul effet à son encontre,

- dire que la Banque Populaire Côte d'Azur a engagé sa responsabilité en l'impliquant dans le contrat de prêt litigieux,

- condamner la Banque Populaire Côte d'Azur au paiement de la somme de 10.000 euros,

à défaut, si la cour juge qu'elle est engagée,

- dire que la Banque Populaire Côte d'Azur a engagé sa responsabilité en raison de l'octroi d'un crédit excessif et du manquement à son devoir de mise en garde,

- condamner la Banque Populaire Côte d'Azur au paiement de la somme égale à sa créance actualisée à titre de dommages et intérêts,

- condamner la Banque Populaire Côte d'Azur à lui payer l'indemnité de 5.000 euros pour le manquement à son obligation d'information,

- débouter la Banque Populaire Côte d'Azur de l'ensemble de ses demandes,

- modérer la pénalité de la clause pénale en réduisant le taux d'intérêt au taux légal en vigueur,

- lui accorder un délai maximal pour le paiement des condamnations à venir, en application de l'article 1244-1 du code civil si la Cour s'estime saisie d'un appel dirigé contre le chef du jugement relatif aux délais de paiement octroyés,

en toute hypothèse,

- condamner l'appelant principal au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de M° Alexandre Agaev, avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2016.

MOTIFS

Sur l'intervention du Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III

[W] [W] expose que la cession de créance opérée entre la Banque Populaire Côte d'Azur, et le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III le 9 janvier 2014 ne semble pas être opposable aux intimés en sa totalité, ou/et en tout état de cause en ce qui concerne les condamnations prononcées à l'encontre de la Banque Populaire Côte d'Azur.

Elle fait ainsi valoir que la simple indication d'un numéro de dossier (0154665) et d'une référence de créances (00066147 et [Compte bancaire 1]) portant la seule indication [U] [M] est insuffisante à établir que les condamnations prononcées à l'encontre de la Banque Populaire Côte d'Azur ont été comprises dans la cession, à supposer que la cession de créances en elle-même ne soit pas affectée par l'insuffisance évoquée.

Cependant, au vu des dispositions de l'article L214-169 du code monétaire et financier selon lesquelles la cession de créances, qui s'effectue par la seule remise d'un bordereau, prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et de l'extrait délivré par Maître [A] [J], notaire associé à [Localité 1], au rang des minutes duquel a été déposée une expédition du bordereau de cession en date du 9 janvier 2014, contenant cession d'un portefeuille de créances entre la Banque Populaire Côte d'Azur et le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III, il apparaît que les créances concernées y sont suffisamment identifiées par les références chiffrées qui sont celles du compte professionnel et du contrat de prêt litigieux et le nom de [M] [U], client « principal » de la banque dont [W] [W] est, pour ce qui est du prêt n° 00066147, le co-emprunteur, et que la cession en est opposable à cette dernière.

Ladite cession étant postérieure à l'appel interjeté par la Banque Populaire Côte d'Azur, les condamnations prononcées par le jugement du 30 août 2013, qui ne sont pas définitives, sont nécessairement concernées et les contestations de l'intimée quant à l'intervention du Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III dans le cadre de la présente instance dépourvues de pertinence.

Sur l'étendue de l'appel

Contrairement aux affirmations d'[W] [W], qui prétend que l'appel formé par la Banque Populaire Côte d'Azur est partiel et qu'ainsi le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III ne peut solliciter la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne les délais de paiement accordés aux intimés, il résulte clairement de la déclaration d'appel du 25 septembre 2013 que l'appel interjeté par la banque est total.

Sur le solde débiteur du compte courant

Le montant du solde débiteur à la clôture du compte n° [Compte bancaire 1] n'étant pas contesté et chacune des parties concernées concluant en ce sens, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné [M] [U] au paiement de la somme de 3.121,83 euros outre intérêts à ce titre.

Sur la nullité du contrat de prêt

[W] [W] fait valoir qu'elle est absolument étrangère au prêt professionnel à caractère agricole litigieux, que celui-ci est donc nul pour absence de cause ou fausseté de la cause, que de plus son consentement était vicié dans la mesure où elle était « invitée » à la signature en tant que caution pour son fils, lequel est l'unique et véritable emprunteur, que, constituant soit un cautionnement soit une fraude à ses droits, le prêt litigieux ne peut en tout état de cause produire un effet quelconque.

Toutefois, des pièces produites aux débats, et notamment de ses attestations de retraite, de ses avis d'imposition et d'une procuration du 19 mars 2009, il résulte que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'intimée n'est pas totalement extérieure à l'activité pour laquelle le prêt professionnel litigieux a été contracté, qu'en effet, si elle était effectivement à la date du contrat retraitée et âgée de soixante et onze ans, elle était agricultrice retraitée, percevait, outre ses retraites, des revenus agricoles, et avait procuration sur le compte professionnel ouvert dans les livres de la Banque Populaire Côte d'Azur par son fils, agriculteur exploitant.

Et si à ce titre ce dernier était certes alors le principal intéressé à l'obtention du crédit consenti, elle ne saurait au motif qu'elle n'exerçait pas elle-même d'activité, prétendre que le prêt contracté le 17 mars 2009 était dépourvu de cause ou que la cause en était fausse.

Aussi [W] [W], qui ne démontre pas davantage le vice, qu'elle ne qualifie d'ailleurs pas précisément, qui aurait affecté son consentement, doit être déboutée de sa demande en nullité du contrat de prêt.

Sur la créance au titre du prêt

[W] [W] fait encore valoir que la preuve tant du principe que du montant de son obligation n'est pas rapportée par le créancier, qu'en effet, nul document ne mentionne la somme de 40.000 euros pas plus que les intérêts conformément aux exigences de l'article 1326 du code civil, qu'en l'absence de mention conforme à ces dispositions, l'acte sous seing privé contenant l'engagement litigieux est irrégulier.

Cependant, étant observé que les dispositions invoquées de l'article 1326 ne sont pas applicables au contrat synallagmatique qu'est la convention de prêt, il ne peut qu'être constaté que le montant du crédit et ses conditions, notamment quant aux intérêts, figurent dans l'acte signé, en sa qualité de co emprunteur, par l'intimée le 17 mars 2009, dont l'irrégularité n'est à cet égard nullement établie.

En ce qui concerne le montant de la créance, [W] [W] conteste l'application d'un taux d'intérêts majoré de 8%, arguant de ce qu'il s'agit d'une clause pénale ayant un caractère excessif, et demande sa réduction au taux légal.

La pénalité tenant à la majoration de trois points de l'intérêt contractuel portant celui-ci à 8% n'apparaît pas manifestement excessive et il n'est pas justifié d'en opérer la réduction sur le fondement des dispositions de l'article 1152 du code civil.

Le montant des sommes dues au titre du prêt n'étant pas autrement contesté, le jugement entrepris doit, au vu du décompte produit arrêté au 7 avril 2011, être confirmé en ce qu'il a de ce chef condamné les emprunteurs au paiement de, outre intérêts, la somme de 39.355,41 euros.

Sur la responsabilité de la banque

[M] [U] expose que la Banque Populaire Côte d'Azur a eu un comportement déloyal sur plusieurs points, qu'en ce qui concerne son compte, elle l'a induit en erreur quant à la régularisation des incidents, qu'en outre, elle n'a pas respecté la règle posée par l'article L 313-12 du code monétaire et financier, que, pour ce qui est du contrat de prêt, elle n'a pas pris en compte sa situation irrémédiablement compromise, qu'en accordant à l'emprunteur non averti qu'il était un crédit sans proportion avec ses capacités financières, elle a failli à son devoir de mise en garde.

[W] [W] reproche également à l'établissement bancaire d'avoir, en octroyant un crédit excessif et non adapté aux capacités de remboursement des emprunteurs, manqué au devoir de mise en garde dont il était tenu à son égard, et de s'être, en ne l'informant pas des premiers défauts de paiement des échéances, la privant ainsi « de la possibilité de choisir selon ses convenances » la manière de régler, comporté de manière déloyale,

L'appelant conteste l'existence d'une quelconque faute, tant dans la gestion du compte que dans l'octroi du prêt, à l'égard de l'un ou de l'autre des intimés.

S'agissant de la gestion du compte n° [Compte bancaire 1], il apparaît que le courrier du 13 janvier 2011 dont se prévaut [M] [U] concernait, ainsi que le relève le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III, la régularisation d'incidents de paiement liés à l'émission de chèques sans provision et non le solde débiteur du compte, que, par ailleurs, il ne peut être reproché à l'établissement bancaire, qui par lettre recommandée du 14 décembre 2010 a dénoncé, avec préavis de soixante jours, les concours à durée indéterminée dont bénéficiait [M] [U] puis a mis en demeure ce dernier de régler le solde débiteur par courrier recommandé du 7 avril 2011, de n'avoir pas respecté les dispositions de l'article L 313-12 du code monétaire et financier.

Il n'y donc pas lieu de retenir de ce chef la responsabilité de la banque.

En ce qui concerne le prêt, malgré ce que soutient le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III qui invoque son ancienneté considérable dans le secteur agricole, il n'est pas établi que, lorsqu'il a souscrit le crédit professionnel litigieux, le 17 mars 2009, [M] [U] disposait d'une compétence et d'une expérience en matière économique et financière lui permettant de mesurer les risques attachés à ses engagements.

Il devait donc être considéré comme un emprunteur non averti.

De la même manière, le fait d'invoquer le passé d'agricultrice de [W] [W], alors retraitée et âgée de soixante et onze ans, ne saurait suffire à établir son caractère d'emprunteur prétendument averti.

Par ailleurs, des pièces versées aux débats par l'appelant, il résulte que [W] [W] a perçu en 2007 des revenus nets imposables de 14.734 euros, soit un revenu net mensuel moyen de 1.227 euros, que [M] [U] a perçu en 2007 des revenus nets imposables de 11.354 euros,

soit un revenu net mensuel moyen de 946 euros, que, selon un « budget prévisionnel » relatif à une activité nouvelle de culture et vente de fruits et légumes, était envisagé le concernant un salaire de 24.000 euros, soit 2.000 euros par mois.

Sur ce dernier point, les prévisions ainsi faites ne peuvent toutefois, au vu des seuls documents dont se prévaut le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III, en l'occurrence, outre le budget prévisionnel sus-évoqué dont les bases ne sont pas précisées, des attestations datées des 3 et 5 mars 2009 de clients de l'intimé très satisfaits des produits fournis et « impatients » de le voir élargir sa gamme, et une autorisation du 3 février 2009 concernant un emplacement sur le marché de la commune [Localité 3], être considérées comme suffisamment sérieuses pour justifier de l'absence de risque d'endettement né de l'octroi du prêt litigieux au regard des capacités financières de l'emprunteur.

En effet, comme le relève [W] [W], les éléments relatifs au projet envisagé, fournis à l'appui de la demande de prêt, ne comportent notamment aucun document comptable.

Cependant, eu égard aux revenus, représentant une somme totale mensuelle de 2.173 euros, des co-emprunteurs qui n'avaient pas de charges particulières de logement puisque résidant à la même adresse dans un bien dont [W] [W] indique être propriétaire, il apparaît que les mensualités du prêt litigieux, de 183,47 euros dans un premier temps puis de 661 euros, soit un taux d'endettement de 32,7 % à compter de la deuxième année, ne constituaient pas un risque tel que le crédit consenti puisse être qualifié d'excessif.

Dès lors, l'obligation de mise en garde étant subordonnée à deux conditions, la qualité d'emprunteur non averti et l'existence d'un risque d'endettement, l'établissement bancaire n'était pas tenu, au regard de leurs capacités financières et de leurs facultés de remboursement, envers les intimés, bien qu'emprunteurs non avertis, d'un devoir de mise en garde, lequel s'apprécie à la date de l'octroi du prêt, étant observé à cet égard que le crédit accordé postérieurement par la même banque dont font état [M] [U] et [W] [W] ne peut ici être pris en considération.

Par ailleurs, l'argumentation de [W] [W], qui par là même reconnaît qu'elle était en mesure de payer, selon laquelle la banque aurait eu un comportement déloyal en ne l'avisant pas du défaut de règlement des échéances impayées est inopérante au vu des courriers qui lui ont été adressés, notamment, les 28 décembre 2009, 18 janvier 2010, 26 avril 2010, ou 26 juillet 2010, en sa qualité de co-emprunteur.

En conséquence, la responsabilité de la banque n'ayant, en l'absence de faute établie, pas lieu d'être retenue, les demandes en paiement de dommages et intérêts formulées par les intimés doivent être rejetées et le jugement infirmé de ces chefs.

Sur les demandes de délais

[M] [U], qui ne produit aucun élément relatif à sa situation actuelle, doit être débouté de sa demande subsidiaire sur le fondement des dispositions de l'article 1244-1 du code civil.

Ne fournissant aucune pièce concernant sa situation financière postérieure à 2009, [W] [W] sera également déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les frais irrépétibles

En l'espèce, il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et la demande du Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III est donc rejetée.

***

*

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dit recevable en son intervention le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III venant aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

débouté [W] [W] de sa demande de nullité du prêt en date du 17 mars 2009,

débouté [W] [W] de sa demande de réduction de la clause pénale contractuelle,

condamné [M] [U] à verser à la Banque Populaire Côte d'Azur, aux droits de laquelle vient le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III, la somme de 3.121,83 euros au titre du solde du compte n° [Compte bancaire 1] outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 7 avril 2011,

condamné solidairement [M] [U] et [W] [W] à verser à la Banque Populaire Côte d'Azur, aux droits de laquelle vient le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III, la somme de 39.355,41 euros outre les intérêts au taux conventionnel majoré de 3 points, soit 8% sur la somme de 37.441,13 euros à compter du 8 avril 2011,

L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau,

Déboute [W] [W] et [M] [U] de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts,

Les déboute de leurs demandes de délais de paiement,

Déboute le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances III de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [W] [W] et [M] [U] aux dépens, ceux d'appel distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/18855
Date de la décision : 25/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°13/18855 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-25;13.18855 ?
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