COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 25 FEVRIER 2016
N° 2016/ 100
Rôle N° 13/11460
[L] [M]
C/
[K] [I]
Grosse délivrée
le :
à :
Me COHEN
Me GABORIT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 22 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F00858.
APPELANTE
Mademoiselle [L] [M]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1] [Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Stéphane COHEN de la SCP POMMIER, COHEN & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substitué par Me Cécile ZAKINE, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Madame [K] [I],
demeurant [Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Laetitia GABORIT, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Février 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Février 2016,
Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :
Par acte du 30 septembre 2003 Madame [K] [N] épouse [I] a cédé son fonds de commerce d'officine de pharmacie, situé à [Adresse 2] et connu sous l'enseigne , à Madame [L] [M] pour le prix principal de 1 509 245 € 00. Il est stipulé en page 14 que le cessionnaire reprendra les contrats de travail avec le personnel attaché au fonds dont la liste figure en annexe 5 [en réalité 6] qui détaille 5 salariées en C.D.I. et 1 apprentie.
Madame [H] [D], salariée engagée le 3 mars 1998 par la PHARMACIE SAINT SYLVESTRE, en congé parental lors de la cession, a fait valoir son droit à réintégrer son poste en février 2005.
Le 29 octobre 2012 Madame [M] a fait assigner Madame [I] en dommages et intérêts devant le Tribunal de Commerce de NICE, lequel a rendu :
- d'abord le 10 janvier 2013 un jugement par lequel il se déclare compétent;
- puis un jugement du 22 mai 2013 qui a :
* débouté Madame [M] de toutes ses demandes;
* condamné la même à payer à Madame [I] la somme de 1 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
* condamné Madame [M] aux entiers dépens.
Madame [L] [M] a régulièrement interjeté appel le 31 mai-3 juin 2013. Par conclusions du 15 octobre 2013 elle soutient notamment que :
- le registre d'entrée et de sortie du personnel comme la copie des contrats de travail ne lui ont pas été remis, ce dont elle s'est plainte auprès de Madame [I] pour les seconds le 7 février 2011; en février 2005 elle a appris que le fonds comptait une 6ème salariée Madame [D], en congé parental lors de la cession, et qui a fait valoir son droit à réintégrer son poste; elle-même a dû assumer ce contrat de travail, qui a d'autant plus grevé la trésorerie de la pharmacie parce que cette salariée avait un statut assimilé cadre;
- son action est fondée non sur le vice de consentement (prescription de 5 ans), mais sur la responsabilité délictuelle (prescription de 10 ans); la réduction de cette dernière à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 a fait courir le nouveau délai à compter du jour de cette loi, alors qu'elle-même a assigné le 29 octobre 2012 soit dans ledit délai;
- constitue des manoeuvres dolosives le fait pour le cédant d'avoir dissimulé des charges importantes (1 salariée en plus des 5 existantes et d'1 apprentie), Madame [I] sachant que la liste du personnel remise était incomplète, et que Madame [D] demanderait à réintégrer la pharmacie ce que le cessionnaire ne pourrait refuser; l'information dissimulée a eu un impact déterminant sur les comptes et les conditions de la cession; le fait que cette salariée ne travaille plus au sein de l'officine depuis 2012 n'est pas pertinent;
- le préjudice résultant de cette dissimulation correspond au cumul des indemnités qu'elle aurait raisonnablement eu à verser à Madame [D] si elle avait mis fin à son contrat de travail lors de sa réintégration, ce qui aurait caractérisé un licenciement n'ayant aucune cause réelle et sérieuse; ces indemnités comportent celle de préavis, celle conventionnelle de licenciement, le rappel des salaires entre la réintégration et le licenciement, l'indemnité de licenciement injustifié, l'indemnité de préjudice distinct, et le remboursement à POLE EMPLOI des allocations versées dans la limite de 6 mois, soit au total 60 000 € 00.
L'appelante demande à la Cour de réformer le jugement et de :
- déclarer sa demande recevable et bien fondée;
- condamner Madame [I] à lui payer la somme de 60 000 € 00 à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts capitalisés au taux légal à compter de ;
- condamner la même à payer la somme de 2 000 € 00 en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 14 août 2013 Madame [K] [I] répond notamment que :
- l'intégralité des pièces comptables et documents de l'officine a été remise à Madame [M] lors de la cession; la liste du personnel ne fait nullement état du nombre total de salariés; il ne semblerait pas que Madame [M] ait réclamé le registre du personnel; aucune réclamation n'a été formulée pendant près de 9 ans;
- l'action de Madame [M] pour dol est prescrite par 5 ans à compter de la reprise des fonctions de Madame [D] en février 2005, soit en janvier 2010 alors que la première n'a agi que le 3 octobre 2012; la réforme du 17 juin 2008 n'a jamais modifié la prescription en matière de vice du consentement;
- il y absence de préjudice de Madame [M] : celle-ci a conservé Madame [D] après son retour en février 2005 et ne l'a pas licenciée, ce qui relève de sa gestion; la même n'a pas, malgré plusieurs demandes, communiqué les documents relatifs à la rupture conventionnelle du contrat de travail de cette salariée intervenue en 2012.
L'intimée demande à la Cour, vu l'article 1116 du Code Civil, de confirmer le jugement et de :
- donner acte du retour de Madame [D] en février 2005;
- donner acte de la rupture conventionnelle de Madame [D] en 2012;
- dire et juger que l'action de Madame [M] en dol incident est prescrite;
- rejeter l'intégralité des demandes de Madame [M];
- si par extraordinaire ne venait pas à accueillir la prescription soulevée;
- dire et juger que Madame [M] ne justifie d'aucun préjudice à ce jour;
- dire et juger qu'elle-même ne peut être condamnée sur un préjudice hypothétique;
- condamner Madame [M] au paiement de la somme de 2 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2015.
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M O T I F S D E L ' A R R E T :
Sur la prescription :
Madame [M] agit contre Madame [I] en lui reprochant des manoeuvres dolosives par dissimulation lors de la conclusion de la cession du 30 septembre 2003, et de ce fait se fonde uniquement sur le dol constitutif du vice du consentement de l'article 1116 du Code Civil. C'est par suite à tort que la première invoque la responsabilité délictuelle de la seconde, puisque leur relation est de nature purement contractuelle. L'article 1304, qui n'a pas été modifié par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, impose pour agir un délai de prescription de 5 ans qui court du jour où ce dol a été découvert.
Madame [M] a découvert la salariée prétendument cachée lorsque celle-ci est revenue travailler en février 2005; elle avait donc jusqu'à janvier 2010 pour reprocher ce dol à Madame [I]; mais elle n'a assignée cette dernière que le 29 octobre 2012.
L'action de Madame [M] est ainsi prescrite comme le soutient à bon droit Madame [I], ce qui conduit la Cour à confirmer le jugement bien que pour un autre motif.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Confirme le jugement du 22 mai 2013 mais en jugeant que l'action engagée par Madame [L] [M] est prescrite.
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile condamne Madame [L] [M] à payer à Madame [K] [I] une indemnité de 2 000 € 00 au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
Rejette toutes autres demandes.
Condamne Madame [L] [M] aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.