COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 23 FEVRIER 2016
O.B
N° 2016/
Rôle N° 15/01451
[X] [R]
C/
[F] [B]
[K] [V]
SCP [V] [O] [F] [Z] [S]
Grosse délivrée
le :
à :Me Valenza
Me Guedj
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 13 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 10/02294.
APPELANT
Monsieur [X] [R]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Elsa VALENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMES
Monsieur [F] [B]
né le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe GLASER, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me
Lynda BINATE, avocat au barreau de PARIS, plaidant
Monsieur [K] [V], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté par Me Gérard SALLABERRY, avocat au barreau de PARIS de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, plaidant
SCP [V] [O] [F] [Z] [S] prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié
[Adresse 4]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Gérard SALLABERRY, avocat au barreau de PARIS de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur BRUE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Anne VIDAL, Présidente
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2016,
Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu les assignations des 9 avril 2010, 6 mai 2010 et 21 février 2012, par lesquelles Monsieur [X] [R] a fait citer Monsieur [F] [B], Monsieur [K] [V], et la SCP [V] [O] [F] [Z] [S], ainsi que la Caisse Centrale de Garantie de la Responsabilité Professionnelle des Notaires, devant le tribunal de grande instance de Grasse.
Vu le jugement rendu le 13 janvier 2015, par cette juridiction, ayant débouté Monsieur [X] [R] de ses demandes, le tribunal ayant considéré que ni le conseil en investissement, ni le notaire, n'avaient commis de faute en lien avec le préjudice allégué et que celui-ci provenait essentiellement de la carence et de la déconfiture de l'entreprise de construction.
Vu la déclaration d'appel du 30 janvier 2015, par Monsieur [X] [R].
Vu les conclusions transmises, le 27 juillet 2015. par l'appelant.
Vu les conclusions transmises, le 8 juin 2015, par Monsieur [K] [V], et la SCP [V] [O] [F] [Z] [S].
Vu les conclusions transmises le 15 juin 2015, par Monsieur [F] [B].
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 5 janvier 2016.
A l'audience, le président a recueilli les observations des parties sur la recevabilité de la demande de Monsieur [X] [R] tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de Monsieur [B].
SUR CE
Attendu qu'aux termes de l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour déclarer des conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ; qu'il précise que les parties ne sont plus recevables à invoquer l'irrecevabilité après son dessaisissement, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ;
Attendu que la demande de Monsieur [X] [R] présentée dans ses conclusions devant la cour, tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions signifiées le 15 juin 2015 par Monsieur [F] [B] n'est donc pas recevable ;
Attendu que Monsieur [F] [B], conseil en patrimoine, a proposé à Monsieur [X] [R] un investissement immobilier locatif permettant de bénéficier d'un dispositif de défiscalisation, dans le cadre d'une opération de réhabilitation d'une ancienne clinique située à [Localité 3] ;
Qu'un compromis de vente a été signé le 15 novembre 2004 avec la société Crest, marchand de biens ;
Que par acte authentique régularisé par Maître [V] notaire, le 24 mars 2005, il a acquis un appartement de type 2, pour un prix de 50'816 €, outre 69'620 € de travaux, prévoyant en outre, au profit de l'acquéreur, la cession d'un contrat d'utilisation d'une place de parking dans un parc de stationnement public de la ville, moyennant une redevance forfaitaire de 5900 €;
Attendu que selon procès-verbal d'assemblée générale du 27 décembre 2004, l'association syndicale libre de la copropriété de l'immeuble a autorisé la signature d'un marché de travaux avec l'entreprise Continental TMO, précisant que ceux-ci devaient être réalisés dans les 18 mois ;
Attendu que la société de construction a été placée en liquidation judiciaire par jugement rendu le 16 avril 2007 par le tribunal de commerce de Montpellier ;
Que l'appartement n'a pu être donné en location qu'en 2010 ;
Attendu que, se fondant sur la responsabilité civile contractuelle du conseil en patrimoine et sur la responsabilité civile délictuelle du notaire, Monsieur [X] [R], réclame leur condamnation à lui payer des dommages et intérêts, au titre de la perte de loyers, de la perte du droit de jouissance de parking, du préjudice foncier, de la perte fiscale, des préjudices matériels accessoires découlant de l'obligation de participer à la réorganisation du chantier, ainsi que la somme de 50'000 €,en réparation de son préjudice moral, soit au total la somme de 166'178,32€;
Attendu que Monsieur [X] [R] reproche aux intimés d'avoir, chacun, manqué à leur devoir d'information, de mise en garde et de conseil sur le fait que les avantages patrimoniaux et fiscaux étaient tributaires de l'achèvement des travaux de déspécialisation et de rénovation de l'ancienne clinique ;
Attendu que l'obligation de conseil et d'information incombant au conseiller en patrimoine est une obligation de moyens et non de résultat ;
Attendu que Monsieur [F] [B] produit d'une étude patrimoniale détaillée et indépendante, de la situation patrimoniale de Monsieur [X] [R], réalisée à partir des éléments donnés par ce dernier qui ne justifie pas avoir signalé l'existence d'éléments de patrimoine en Corse, ainsi qu'un tableau relatif au projet de la résidence des Lices à [Localité 3] ;
Attendu que l'étude fiscale établie par Maître [X] [L] le 16 mars 2004, communiquée par Monsieur [R], dont il ne conteste pas avoir eu connaissance avant de s'engager, précise en sa page 2 que le point de départ de l'amortissement fiscal relatif aux frais engagés est le premier jour du mois de l'achèvement des travaux de transformation ;
Attendu que le retard dans la réalisation des travaux de gros 'uvre pour la transformation complète d'une clinique en appartements ne pouvait être exclu, compte tenu de leur ampleur, avec les conséquences liées au report de la possibilité de bénéficier de l'avantage fiscal ;
Attendu que l'étude susvisée précise que la possibilité d'amortir est soumise à l'engagement d'un investisseur de pratiquer un loyer qui ne soit pas supérieur au plafond fixé par décret, soit 12,3 euros du mètre carré en 2003 à [Localité 3] ;
Attendu que l'étude fiscale décrit de manière détaillée en pages 6 et 7 le statut de l'emplacement de parking et les conditions qu'il doit remplir ;
Attendu que le courrier électronique adressé par Monsieur [F] [B] le 2 novembre 2004, en réponse aux questions posées par l'acquéreur, à Madame [W] [W], compagne de ce dernier, chargée de clientèle à la banque HSBC, comporte toutes les précisions utiles sur le régime d'investissement dit 'De Robien', notamment en ce qui concerne les travaux et les emprunts ;
Attendu que Monsieur [X] [R] ne peut prétendre que les professionnels auraient dû l'informer des risques inhérents à l'opération, tenant au fait que l'entreprise choisie, dont le siège était géographiquement éloigné, n'avait, selon lui, manifestement pas la surface financière, ni les structures lui permettant de réaliser des travaux de cette envergure, alors qu'il est justifié par les bilans publiés produits aux débats qu'elle avait réalisé un chiffre d'affaires conséquent au cours des années précédentes ;
Attendu que la garantie financière d'achèvement des travaux ne s'applique qu'aux ventes en l'état futur d'achèvement ;
Qu'en l'espèce, le bien a été acquis en l'état, à charge pour l'acheteur de réaliser les travaux dont le montant devait être déduit de ses revenus ;
Attendu que les travaux devaient faire l'objet d'appels de fonds successifs en fonction de leur avancement et non d'un versement préalable, ce procédé limitant ainsi les risques de paiements indus ;
Attendu qu'il ne pouvait ainsi être exigé du conseil en patrimoine une information spécifique sur les aspects négatifs de l'opération liés aux risques de non achèvement de l'immeuble ;
Attendu qu'il appartenait à l'appelant qui affirme avoir été mal informé sur l'emplacement du bien et sur le point de départ et la durée réelle du droit de jouissance de l'emplacement de parking, à la date de la vente et non à celle de l'achèvement des travaux, de se reporter aux précisions données dont l'étude fiscale susvisée précisant que la mise à disposition d'un emplacement de parking était distincte du contrat de vente et de la réalisation des travaux ;
Attendu que Monsieur [X] [R] qui reconnaît dans ses écritures qu'il ne s'est jamais rendu sur les lieux et ne conteste pas avoir eu communication des plans du projet de réhabilitation n'est pas fondé à se plaindre que le logement annoncé comme rez-de-jardin se trouverait en réalité en sous-sol et donnerait sur une impasse ;
Attendu qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il a été indiqué à l'acquéreur de l'appartement qu'il bénéficierait d'une vue sur le château de [Localité 3] ;
Attendu que le relevé des loyers moyens en 2009 pour la ville de [Localité 3] tel que produit aux débats révèle qu'ils étaient de 11,4 €du mètre carré ;
Attendu que le montant du loyer mentionné dans la simulation était donc proche de celui du marché locatif en 2004 ;
Attendu que dans ces conditions, il ne peut être considéré que des manquements à l'obligation d'information et de conseil constitutifs de fautes ont empêché Monsieur [R] de consentir librement et de façon éclairée à l'opération et lui auraient ainsi fait perdre une chance de ne pas contracter ;
Attendu que la qualité de courtier dans la conclusion du contrat conclu avec le vendeur n'emporte pas, pour l'acquéreur, la garantie de bonne fin de l'opération par l'entreprise ayant réalisé les travaux sur laquelle il n'avait aucun contrôle ;
Attendu que Monsieur [X] [R] n'invoque, ni ne démontre l'existence d'aucun préjudice lié à l'absence d'assurance pour pertes locatives dans le contrat ;
Que le courtier n'a pas à garantir la solvabilité d'une personne qu'il présente à ses clients, sauf si cette dernière était notoirement insolvable, et qu'en l'espèce la situation financière du vendeur et du promoteur lui-même n'a pas d'incidence directe dans la solution du litige ;
Attendu que les demandes formées à l'encontre de Monsieur [F] [B] sont, en conséquence, rejetées ;
Attendu que le devoir de conseil dans le cadre de l'acquisition ne peut être invoqué à l'encontre du notaire, alors que la convention était déjà parfaite en l'état d'un compromis auquel il n'a pas participé, par application des dispositions de l'article 1589 du Code civil, au moment où il est intervenu, pour la régularisation de l'acte authentique de vente ;
Attendu que selon l'appelant, le notaire habituel du groupe promoteur depuis de nombreuses années connaissait les risques d'inachèvement qui auraient, selon lui, été déjà rencontrées dans des opérations antérieures et aurait manqué à ses devoirs en raison de sa partialité ;
Mais attendu qu'il n'est pas démontré que le notaire avait connaissance de la situation financière du constructeur distinct de la société venderesse, ni qu'il détenait des informations sur son incapacité à réaliser l'opération ;
Que le risque lié à la réalisation d'importants travaux ne pouvait apparaître comme excessif, alors qu'un architecte avait été désigné comme maître d''uvre par l'ASL ;
Qu'une telle opération comporte nécessairement un aléa lié à la réalisation de travaux importants dans le délai initialement prévu ;
Attendu que l'absence de dépôt en préfecture n'a d'effet qu'à l'égard des tiers ;
Que le notaire s'est borné à transmettre aux copropriétaires pour les soumettre à leur autorisation les appels de fonds réalisés par cette dernière et à les honorer, lorsqu'elle était donnée ;
Attendu qu'il apparaît que le préjudice fiscal allégué n'est que la conséquence de la défaillance de la société chargée de réaliser des travaux sur laquelle le notaire n'avait aucun contrôle ;
Attendu que Monsieur [X] [R] n'apporte aucun élément permettant d'établir que le président de l'assemblée de l'association syndicale libre de la copropriété des Lices n'a pas été régulièrement désigné ;
Que par l'assemblée générale du 27 décembre 2004, celle-ci a nommé un président, un secrétaire, un directeur pour une mission d'assistance dans le cadre de l'opération à réaliser, ainsi qu'un un architecte comme maître d''uvre chargé de la mission de restauration de la résidence et a désigné l'entreprise Continentale TMO pour réaliser l'ensemble des projets de restauration ;
Attendu qu'en l'absence de faute pouvant être imputée au notaire ayant rédigé et régularisé l'acte authentique de vente, dans le cadre de son obligation d'information et de conseil, l'action en responsabilité engagée à son encontre ne peut prospérer ;
Que les demandes en dommages et intérêts formées par Monsieur [X] [R] sont, en conséquence, rejetées ;
Attendu que le caractère abusif de la présente procédure n'est pas établi ; que la demande en dommages et intérêts formée de ce chef par Monsieur [K] [V], et la SCP [V] [O] [F] [Z] [S] est, en conséquence, rejetée ;
Attendu qu'il est équitable d'allouer à chacun des intimés, la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que le jugement est confirmé ;
Attendu que Monsieur [X] [R] qui succombe est condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable la demande de Monsieur [X] [R], tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions signifiées le 15 juin 2015 par Monsieur [F] [B],
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [X] [R] à payer à Monsieur [F] [B], la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Monsieur [X] [R] à payer à Monsieur [K] [V], et la SCP [V] [O] [F] [Z] [S], la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [X] [R] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT