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23/02/2016 | FRANCE | N°15/00536

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 23 février 2016, 15/00536


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2016

O.B

N° 2016/













Rôle N° 15/00536







[T] [U]

[N] [G]

SA ALLIANZ IARD





C/



[P]-[E] [C]





















Grosse délivrée

le :

à :[H] [J]

[L]

[F]

[A]

















Décision défér

ée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/02394.





APPELANTS



Monsieur [T] [U]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PRO...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2016

O.B

N° 2016/

Rôle N° 15/00536

[T] [U]

[N] [G]

SA ALLIANZ IARD

C/

[P]-[E] [C]

Grosse délivrée

le :

à :[H] [J]

[L]

[F]

[A]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/02394.

APPELANTS

Monsieur [T] [U]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Philippe AMSELLEM, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

Maître [N] [G]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Marie-Pierre ANDRE-BUDIN, avocat au barreau de NICE, plaidant

SA ALLIANZ IARD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Me David BERNARD de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIME

Maître [P]-[E] [C], administrateur judiciaire, pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SA ROYAL BAR.

né le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 3] (ALGERIE) (99), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Bernard HAWADIER de la SELARL HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur BRUE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2016,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu les assignations des 29 février 2012 et 23 mai 2012, par lesquelles Monsieur [T] [U] et Monsieur [P] [E] [C], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SA Royal Bar, ont fait citer Monsieur [N] [G], devant le tribunal de grande instance de Draguignan.

Vu l'intervention volontaire de la SA Allianz IARD, en sa qualité d'assureur du barreau de Grasse.

Vu le jugement rendu le 17 décembre 2014, par cette juridiction, ayant rejeté les prétentions de Monsieur [T] [U], condamné Monsieur [N] [G] à payer à Monsieur [P] [E] [C], ès qualités, la somme de 682'226 €, outre intérêts au taux légal, constaté que la garantie de la SA Allianz Iard ne peut être mobilisée que pour un plafond cumulé de 6'330'000 € et sous déduction d'une franchise contractuelle de 5 % plafonnée à 1143 €.

Le tribunal a considéré que Monsieur [T] [U], lui-même intervenant volontaire et représenté par un avocat dans la procédure diligentée à l'encontre des banques, a laissé l'instance se périmer. Il a en revanche estimé que Monsieur [N] [G] avait commis une faute à l'égard des représentants de la procédure collective en laissant se périmer l'instance alors que celle-ci avait été évoquée lors d'un rendez-vous en 2004. La perte de chance d'obtenir gain de cause a fait l'objet d'une indemnisation dès lors que l'action en nullité des paiements postérieurs à la cessation des paiements et l'action en responsabilité des banques pour soutien abusif avaient des chances sérieuses d'aboutir.

Vu les déclarations d'appel des 16 janvier 2015, 13 février 2015 et 11 mars 2015, par Monsieur [T] [U], la SA Allianz Iard et Monsieur [N] [G].

Vu l'ordonnance de jonction rendue le 22 avril 2015, par le conseiller de la mise en état.

Vu les conclusions transmises le 13 juillet 2015, par Monsieur [T] [U].

Vu les conclusions transmises le 10 juillet 2015, par Monsieur [N] [G].

Vu les conclusions transmises le 10 août 2015, par Monsieur [P] [E] [C].

Vu les conclusions transmises le 17 juillet 2015, par la SA Allianz Iard.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 5 janvier 2016.

SUR CE

Attendu que par acte authentique du 10 février 1993, le Crédit Touristique et des Transports et la Banque Monétaire et Financière, ont accordé des prêts d'un montant respectif de 4'500'000 F et de 8'500'000 F à la SA Royal Bar créée par Monsieur [T] [U] qui s'était porté caution solidaire avec les autres associés ;

Attendu que par jugement du 28 octobre 1993, le tribunal de commerce de Cannes a placé la société Royal Bar en redressement judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 30 juin 1992 ;

Qu'un plan de cession a été arrêté le 3 novembre 1994 ; que le 7 septembre 2004 Monsieur [P] [E] [C] a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession, en remplacement de Monsieur [D] ;

Attendu que par actes des 15, 16,17 et 21 novembre 1994, et aux termes de conclusions ultérieures, l'administrateur judiciaire et le représentant des créanciers de la société Royal Bar ont assigné, par l'intermédiaire de Maître Michel Montagard, avocat, devant le tribunal de commerce de Cannes, le Crédit Commercial de France, la société Marseillaise de Crédit, le Crédit Touristique et des Transports, la Banque Monétaire et Financière, la Banque Générale du Commerce, le Crédit du Nord et la Caisse Foncière de Crédit, et réclamé la nullité des contrats de prêt souscrits par la SA Royal Bar auprès du Crédit Touristique et des Transports et de la Banque Monétaire et Financière, ainsi que la condamnation des banques à rapporter à la procédure collective les sommes reçues sur les fonds prêtés et à payer la somme de 20 000'000 F, à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que par jugement 10 octobre 1996, cette juridiction a reporté l'intervention volontaire des parties à la prochaine audience au fond, constaté l'intérêt à agir de Maître [D] et de Maître [X], dit que leur action fondée sur le cumul des responsabilités était recevable, dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer et désigné un expert ;

Attendu que par jugement du 20 octobre 2005, le tribunal de commerce de Cannes a constaté la péremption et l'extinction de l'instance engagée contre les banques ;

Que cette décision a été confirmée par arrêt rendu le 12 avril 2007 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Attendu que par jugement du tribunal correctionnel de Grasse du 10 juin 2003, confirmé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 30 mars 2005, Monsieur [T] [U] a été déclaré coupable de banqueroute et condamné, sur intérêts civils, à payer à Monsieur [P] [E] [C], ès qualités, la somme de 2'317'925,06 € ;

Attendu que se fondant sur la responsabilité civile délictuelle, Monsieur [T] [U] réclame la condamnation de Monsieur [N] [G] à lui payer la somme de 7'259'239,03 €, au titre des engagements de caution personnelle dont il est redevable, ainsi que celle de 2'317'925,06 €, au titre de la condamnation pénale, avec intérêts au taux légal, outre celle de 250'000 €, pour son préjudice moral ;

Attendu qu'il reproche à l'avocat de sa société d'avoir manqué de diligence pour éviter la péremption de l'instance engagée par cette dernière ;

Qu'il affirme que son intervention volontaire dans la procédure n'ayant été reconnue que postérieurement au jugement rendu le 20 octobre 2005 ayant constaté la péremption d'instance, il n'avait pas qualité pour réaliser des diligences interruptives du délai prévu par l'article 386 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il ajoute que le jugement rendu le 10 octobre 1996 par le tribunal de commerce de Cannes mentionne qu'il n'a pu plaider à l'audience du 11 juillet 1996, en qualité d'intervenant volontaire et que son intervention a été renvoyée une autre audience au fond ;

Mais attendu que le fait que le jugement du 10 octobre 1996 ait reporté l'examen de la recevabilité de l'intervention de plusieurs parties à la prochaine audience au fond ne les empêchait pas de conclure ;

Que le rapport d'expertise judiciaire mentionne Monsieur [T] [U] comme l'une des parties au procès ;

Attendu que la recevabilité de son intervention volontaire n'a pas été contestée devant le juge de la mise en état et qu'elle a été rétroactivement admise par le jugement rendu le 20 octobre 2005 ;

Qu'il appartenait donc à Monsieur [T] [U] de conclure lui-même sur le fond du litige, par l'intermédiaire de l'avocat qu'il avait constitué, ce qui aurait permis d'interrompre le délai de péremption ;

Attendu qu'il était par ailleurs défendeur à l'instance diligentée par la Banque Générale du Commerce qui avait été jointe à la procédure engagée contre les banques ;

Attendu que la péremption est interrompue par des actes intervenus dans une instance différente, lorsqu'il existe entre les deux procédures un lien de dépendance direct et nécessaire et que tel est bien le cas en l'espèce ;

Qu'il n'a lui-même accompli aucune diligence à ce titre ;

Attendu qu'il lui appartenait au moins, dans ce cadre, de solliciter la fixation de l'affaire ;

Attendu que le jugement du 20 octobre 2005 a nécessairement pris en compte les diligences des intervenants volontaires pour apprécier la péremption de l'instance ;

Que nul n'est entendu qui invoque sa propre turpitude ;

Attendu que Monsieur [T] [U] ne peut ainsi invoquer une faute du conseil de la société Royal Bar ;

Attendu que les demandes en dommages et intérêts formées à l'encontre de Monsieur [N] [G] et à l'encontre de la compagnie Allianz par Monsieur [T] [U] sont, en conséquence, rejetées ;

Attendu que, se fondant sur la responsabilité du mandataire, prévue par les articles 1991 et suivants du Code civil, Monsieur [P] [E] [C] réclame la condamnation de Monsieur [N] [G] à lui payer, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA Royal Bar, la somme de 6'006'718 € ;

Attendu que l'avocat désigné pour défendre les intérêts de cette société devait accomplir dans les délais légaux les actes de procédure nécessaires pour le bon déroulement du procès ;

Que les compétences professionnelles du client ne peuvent dispenser l'avocat de l'obligation d'éviter la péremption de l'instance ;

Qu'il ne peut se contenter d'invoquer l'absence d'instructions, alors qu'il lui incombait d'alerter son client sur le risque de péremption en l'absence de dépôt de conclusions ou de demande de fixation de l'affaire ;

Attendu qu'en s'abstenant de procéder à des diligences interruptives il a commis une faute professionnelle ;

Attendu que le préjudice doit être apprécié au regard des chances de réussite de la procédure ;

Attendu que Monsieur [P] [E] [C] estime que l'action en annulation des paiements intervenus en février 1993 au moyen de nouveaux prêts accordés au cours de la période suspecte et l'action en responsabilité pour soutien abusif de la part des différents établissements bancaires avaient des chances sérieuses de réussir ;

Attendu, sur l'appréciation de la recevabilité des demandes telles que présentées devant le tribunal de commerce, que la désignation de l'administrateur à l'exécution du plan de cession qui était au préalable administrateur judiciaire a été rétroactivement applicable au 3 novembre 1994 par décision complémentaire en omission de statuer du 9 décembre 1994 ;

Attendu que l'irrégularité a été couverte aux jours où les assignations en été délivrées et que les banquiers n'auraient pu valablement l'invoquer ;

Attendu, sur l'autorité de la chose jugée, que l'admission d'un créancier pour la partie à payer de sa créance ne met pas obstacle à l'action en nullité des paiements partiels reçus en période suspecte ;

Attendu que Monsieur [N] [G] considère que les banques étaient fondées à réclamer l'annulation du rapport d'expertise qui n'aurait pas répondu à leurs dires déposés à l'issue du pré-rapport du 28 août 2000 ;

Que la SA Allianz Iard expose que le pré-rapport de l'expert a été établi sur la base de pièces inconnues et non contradictoirement débattues ;

Mais attendu le rapport définitif établi par Monsieur [T] [B] le 6 février 2002, produit aux débats, comporte, en annexe, les pièces utilisées par l'expert, essentiellement constituées des copies de liasses fiscales (bilans et comptes de résultat), des monographies fiscales pour un restaurant, des rapports du commissaire aux comptes et de la copie des dires des avocats de chacune des parties en réponse au pré-rapport du 28 août 2000 ;

Attendu que dès lors que l'expert judiciaire a déposé un pré-rapport qui a été soumis aux observations des parties qui ont pu adresser des dires, l'absence de réponse à un dire antérieur ne peut être invoquée à l'appui d'une demande d'annulation du rapport définitif de l'expert ;

Attendu que dans ces conditions l'annulation du rapport d'expertise n'était pas encourue ;

Qu'en tout état de cause, le tribunal aurait pu désigner un autre expert qui aurait analysé les documents de la même manière, ou pu utiliser le rapport d'expertise contesté, à titre de simple renseignement, ou tirer lui-même les conséquences des pièces versées aux débats ;

Attendu que l'expert, Monsieur [B], mentionne que, dès la publication des comptes de la société Royal Bar arrêtés au 31 décembre 1989, les prêteurs auraient du s'interroger sur la capacité de la société à les rembourser ;

Qu'il estime que tous les concours postérieurs au mois d'avril 1991, date normale de publication des comptes de l'exercice 1990 auprès de l'administration fiscale, ont été consentis alors que les comptes de la société Royal Bar indiquaient une situation financière compromise ;

Attendu que l'article L621-108 du code de commerce, alors applicable, prévoit que les paiements pour dettes échues effectuées après la date de cessation des paiements peuvent être annulés, si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de celle-ci ;

Attendu que les prêts d'un montant respectif de 4'500'000 F et de 8'500'000 F accordés à la SA Royal Bar, le 10 février 1993, par le Crédit Touristique et des Transports et la Banque Monétaire et Financière, avaient essentiellement pour objet de rembourser des crédits antérieurs et accessoirement d'investir pour moderniser les installations commerciales de la société ;

Attendu que l'expert judiciaire [B] relève en pages 85 à 89 de son rapport qu'à la suite du refinancement intervenu au début de l'année 1993, plusieurs banques ont bénéficié de remboursement anticipés ;

Attendu que les établissements bancaires connaissaient l'état de cessation de paiement en présence de la multiplication des incidents de paiement et de résultats insuffisants mentionnés dans les comptes ;

Attendu que la date de cessation des paiements a été fixée au 30 juin 1992 par le jugement d'ouverture de procédure de redressement judiciaire rendu le 28 octobre 1993 ;

Attendu que le compte d'exploitation figurant au bilan de l'exercice 1992 de la société Royal Bar mentionne une importante augmentation des pertes et de ses dettes notamment fiscales, dépassant largement sa trésorerie disponible ;

Attendu qu'il résulte du rapport de l'expertise judiciaire réalisée par Monsieur [B] que la Caisse Foncière de Crédit qui avait consenti le 18 novembre 1988, un prêt de 5'500'000 F pour l'acquisition du fonds de commerce a adressé à la société Royal Bar, des mises en demeure, pour incidents de paiement, au cours des années 1990 et 1991 et qu'elle l'a assignée, le 17 juin 1992, aux fins d'obtenir la vente du fonds de commerce nanti à son profit ;

Attendu que les pièces produites démontrent qu'elle a perçu, le 31 mars 1993, la somme de 3'173'157 F, en remboursement partiel, par anticipation de son prêt ;

Attendu que la proposition de lui céder des parts, intervenue le 24 décembre 1991, ne fait que confirmer que cet artifice était justifié par l'absence de liquidités disponibles de la société, caractérisant ainsi son état de cessation de paiement ;

Attendu que si les échéances du prêt souscrit le 1er mars 1989, auprès de la Société Marseillaise de Crédit ont été honorées jusqu'au 25 mars 1993, le solde du compte courant - qui portait un débit de 370'430 F au 31 décembre 1989 - était, au 31 décembre 1992, débiteur d'1 938'923 F ;

Attendu que la banque gestionnaire du compte courant de la société ne pouvait donc ignorer son état de cessation de paiement tel que judiciairement fixé à la date du 30 juin 1992 ;

Attendu que la facilité de caisse de 200'000 F, accordée au mois de juillet 1989 par la Banque Générale de Commerce avait atteint la somme de 520'443 F au 31 décembre 1993 ;

Qu'il incombait à cet établissement de cesser en temps utile son concours, compte tenu des inscriptions grevant le fonds de commerce et des mesures conservatoires prises par l'administration fiscale pour des montants importants et des bilans publiés à partir de l'exercice 1992, permettant de mettre en évidence l'état de situation de cessation des paiements ;

Attendu que l'expert judiciaire relève que le Crédit Commercial de France qui avait accordé un crédit en compte courant d'un million de francs le 8 février 1992 a enjoint la SA Royal Bar, au cours de la même année, par lettres recommandées avec avis de réception portant mise en demeure, de régulariser sous huitaine le dépassement de la facilité de caisse, sous peine de dénonciation des conventions ;

Que cet établissement bancaire a pourtant accepté que le crédit de refinancement obtenu en 1993 par cette société soit partiellement affecté au remboursement du compte courant ouvert en ses livres ;

Attendu qu'il apparaît dans ces conditions que l'action en annulation des paiements intervenus pendant la période suspecte avait des chances sérieuses d'être admise par le tribunal de commerce ;

Attendu que l'expert judiciaire précise en page 88 de son rapport que si la somme de 3'300'000 F a été versée sur le compte de la société Royal Bar à la Banque Générale du Commerce le 12 février 1993, celui-ci est redevenu débiteur dès le mois de mars 1993, démontrant ainsi que ces montants n'ont pas été affectés au remboursement de sa propre créance ;

Attendu que le préjudice résultant des remboursements indûment perçus par les autres banques précitées, au titre des emprunts souscrits en 1993 doit être évalué à la somme d'1'090'294 €, au regard du rapport du cabinet Europe Expertise produit par la compagnie Allianz ;

Attendu, sur le soutien abusif, que les banques ont soutenu qu'elles n'avaient pas connaissance de l'état de cessation des paiements, alors que l'expert a constaté que la capacité d'autofinancement avait été positive pour les années 1989 et 1991 ;

Que si la juridiction pénale a constaté la mise en place d'un système de cavalerie de chèques destinés à masquer certaines impasses de trésorerie, d'autres éléments particulièrement significatifs de sa défaillance ne pouvaient être ignorés des banques ;

Attendu que selon Monsieur [N] [G] , la jurisprudence applicable depuis 2005, sur l'octroi de crédits abusifs par les banques, précise que leur responsabilité ne peut être retenue que lorsqu'elles ont eu des informations sur les risques de l'opération financée, elles-mêmes ignorées par l'emprunteur ;

Mais attendu que la procédure collective avait été ouverte en l'espèce bien antérieurement à la jurisprudence citée et relevait du régime antérieur ;

Attendu que le soutien abusif est constitué, dès lors qu'au moment où le crédit a été consenti, le préteur savait que la situation de l'entreprise était irrémédiablement compromise ;

Qu'en l'espèce, l'expert judiciaire considère que le groupe de sociétés était en état de cessation des paiements depuis le 31 décembre 1989, compte tenu de résultat insuffisants, de l'absence totale de capacité d'autofinancement et d'une trésorerie négative avec absence de fonds propres ;

Attendu que les bilans, dont la publication n'est pas contestée étaient accessibles aux banques;

Attendu que l'expert judiciaire a souligné que des découverts considérables ont été accordés au-delà des conventions préalables ou, sans convention ,avec des taux très élevés ,aggravant les frais financiers ;

Attendu que si le commissaire aux comptes a certifié sans réserve le 12 juin 1992 les comptes de l'année 1991, il a mis en 'uvre la procédure d'alerte le 16 juin 1993, au vu du résultat de l'exercice clos le 31 décembre 1992 ;

Attendu que les établissements financiers ne pouvaient ainsi ignorer que leur cliente se trouvait au moins depuis 1992 dans une situation irrémédiablement compromise ;

Attendu que le soutien abusif des banques apparaît donc constitué ;

Attendu qu'il résulte, tant des constatations de l'expert judiciaire que de l'analyse réalisée par le cabinet Europe Expertise Assurance le 7 avril 2014 à la demande de la compagnie Allianz, que l'examen des comptes révèle que l'augmentation du passif a permis à la SA Royal Bar d'acquérir des actifs complémentaires ;

Attendu que le préjudice subi de ce chef doit donc être calculé à partir de l'augmentation du passif entre le 31 décembre 1997 et le 31 décembre 1993, réduite des acquisitions et immobilisations intervenues entre-temps, soit un solde de 46'750 € ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'y ajouter les intérêts sur cette somme sur trois années, dans la mesure où ceux-ci sont déjà intégrés dans les créances des banques ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que l'action engagée contre Monsieur [N] [G] par les organes de la procédure collective de la SA Royal Bar avait des chances sérieuses d'aboutir, avec une acceptation partielle des demandes ;

Attendu que le premier juge a justement estimé que la perte de chance d'obtenir une partie des sommes réclamées tant pour l'annulation des paiements en période suspecte que pour le soutien abusif pouvait être évalué à 60 % des montants susvisés pour un total de 682'226 € ;

Attendu que s'agissant des intérêts aux taux légal, ceux-ci sont dus à compter du jugement en application de l'article 1153-1 du code civil ;

Attendu qu'à la lecture des clauses des contrats d'assurances produits aux débats il apparaît que la garantie de la compagnie Allianz IARD ne peut être mobilisée au-delà du plafond cumulé de 6'330'000 €, sous déduction d'une franchise contractuelle de 5 % , elle-même plafonnée à 1143€ ;

Attendu que le jugement est confirmé ;

Attendu qu'il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des intimés dont les demandes sont partiellement admises ;

Attendu que Monsieur [T] [U] et Monsieur [N] [G] qui succombent sont condamnés aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [T] [U] à payer à Monsieur [P] [E] [C], ès qualités, la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Monsieur [N] [G] à payer à Monsieur [P] [E] [C], ès qualités, la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [T] [U] à payer à la SA Allianz Iard la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [N] [G] à payer à la SA Allianz Iard, la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [T] [U] et Monsieur [N] [G], chacun pour moitié, aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 15/00536
Date de la décision : 23/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°15/00536 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-23;15.00536 ?
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