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16/02/2016 | FRANCE | N°15/00537

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 16 février 2016, 15/00537


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2016

O.B

N° 2016/













Rôle N° 15/00537







SARL JR CONSEIL





C/



[C] [T]





















Grosse délivrée

le :

à :Me Gobillot

Me Moutet

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tr

ibunal de Grande Instance de GRASSE en date du 12 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/06201.





APPELANTE



SARL JR CONSEIL, dont le siège social est [Adresse 1]



représentée par Me Gervais GOBILLOT, avocat au barreau de GRASSE, plaidant





INTIME



Monsieur [C] [T]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2016

O.B

N° 2016/

Rôle N° 15/00537

SARL JR CONSEIL

C/

[C] [T]

Grosse délivrée

le :

à :Me Gobillot

Me Moutet

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 12 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/06201.

APPELANTE

SARL JR CONSEIL, dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Gervais GOBILLOT, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTIME

Monsieur [C] [T]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Stéphanie MOUTET, avocat au barreau de GRASSE,plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur BRUE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2016,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu l'assignation du 15 novembre 2012, par laquelle la SARL JR Conseil a fait citer Monsieur [C] [T], devant le tribunal de grande instance de Grasse.

Vu le jugement rendu le 12 janvier 2015, par cette juridiction, ayant condamné Monsieur [C] [T] à payer à la SARL JR Conseil les sommes de 124'079,64 €, au titre d'une reconnaissance de dette, 2392 €, au titre de ses honoraires, avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 2012, rejeté la demande en dommages et intérêts de la SARL JR Conseil, condamné la SARL JR Conseil à payer à Monsieur [C] [T] la somme de 93'531€, en réparation de son préjudice financier et ordonné la compensation des sommes respectivement dues par les parties.

Vu la déclaration d'appel du 16 janvier 2015, par la SARL JR Conseil.

Vu les conclusions transmises le 6 mars 2015, par l'appelante et ses conclusions récapitulatives du 23 décembre 2015.

Vu les conclusions transmises le 4 mai 2015, par Monsieur [C] [T] et ses conclusions récapitulatives du 11 décembre 2015.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 29 décembre 2015.

SUR CE

Attendu que la pièce numéro 27 communiquée, selon bordereau du 28 décembre 2015, par Monsieur [C] [T] qui n'a pas été évoquée dans ses écritures, doit être écartée des débats, en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes de l'article 783 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ;

Que les conclusions transmises le 5 janvier 2016 par la SARL JR Conseil doivent, en conséquence, être déclarées irrecevables ;

Attendu que le 24 septembre 2004, Monsieur [C] [T] a souscrit, par l'intermédiaire de la SARL JR Conseil, exerçant l'activité de conseil en gestion de patrimoine, un contrat d'assurance-vie auprès de GE Assurance Vie Plus, portant sur un capital de 200'000 €, sur lequel ont été versés de manières complémentaires les sommes de 50'000 € le 30 septembre 2004 et de 48'000 €, le 6 octobre 2004 ;

Attendu que le 14 novembre 2006, Monsieur [C] [T] a souscrit un nouveau contrat d'assurance vie auprès de Vie-Plus, pour un montant de 190'000 € ;

Attendu que le 11 juillet 2007, il a signé une lettre de mission au profit de la SARL JR Conseil, en vue d'une assistance patrimoniale dans la durée, moyennant une rémunération fixe annuelle de 1000 € hors-taxes, hors frais, indexée sur la variation de l'indice du coût de la consommation ;

Attendu que Monsieur [C] [T] ayant par la suite sollicité plusieurs rachats, le courtier lui a indiqué, par courrier du 15 juin 2009, que ceux-ci dépassaient le seuil contractuel de 60 % et qu'il convenait de verser 30'771,59 €, pour le premier contrat et 98'173 30 €, pour le second ;

Qu'il a signé, le 17 juin 2009 une reconnaissance de dette relative à un prêt d'un montant de 115'000 € remboursable sur une durée maximum de trois ans, au taux de 5 % l'an, à effet au 1er juillet 2009 ;

Que Monsieur [C] [T], après en avoir contesté l'existence et la validité sur l'assignation délivrée à son encontre de ce chef le 15 novembre 2012, ne remet plus en cause, devant la cour, son bien-fondé et déclare en avoir payé le montant de 115'000 € le 16 avril 2015 ;

Attendu que la SARL JR Conseil réclame le paiement des intérêts contractuellement prévus pour une durée de trois ans, représentant la somme de 9079,64 € ;

Que le taux effectif global ne doit être détaillé que lorsqu'il intègre des accessoires tels des primes d'assurance ou des frais de dossier qui ne sont pas prévus en l'espèce, dans la mesure où seul un taux nominal est stipulé par le contrat ;

Que le taux nominal de 5 % est clairement défini et qu'il ne peut être reproché au prêteur de ne réclamer que le montant des intérêts tels que mentionnés pour une durée de trois ans, alors même qu'ils auraient dûs être plus importants ;

Attendu qu'en application de l'article 1134 du Code civil les conventions légalement formées, emportent force obligatoire entre les parties ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de substituer le taux légal au taux contractuel ;

Que la SARL JR Conseil est bien fondée en conséquence à réclamer le montant prévu au titre des intérêts dans la reconnaissance de dette du 17 juin 2009 ;

Attendu que la SARL JR Conseil réclame le paiement de ses factures d'honoraires des 17 janvier 2011 et 25 septembre 2012, en application de la lettre de mission du 12 juillet 2007, prévoyant une rémunération annuelle de 1000 € hors-taxes que Monsieur [C] [T] ne conteste pas avoir signée et à laquelle il ne justifie pas avoir mis fin officiellement avant sa facturation ;

Que cette lettre de mission est conforme aux exigences de l'article 325-4 du règlement de l'AMF le client ayant reconnu avoir reçu un document comportant des mentions prescrites par ce texte ;

Que pour s'opposer au règlement de ces factures, ce dernier ne peut seulement prétendre que le simple suivi du dossier ne saurait constituer la prestation de conseil en gestion de patrimoine;

Que le montant de ces factures est donc exigible pour la somme totale de 2392 € ;

Attendu qu'invoquant les dispositions des articles L 541-1 et suivants du code monétaire et financier, Monsieur [C] [T] réclame à son conseil en investissements financiers, la somme de 330'000 €, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice financier et moral et subsidiairement la somme de 264'000 € correspondant à la perte d'une chance évaluée à 80 % ;

Attendu que dans la lettre de mission du 24 septembre 2004 Monsieur [C] [T] a reconnu avoir reçu le document comportant les mentions prescrites par l'article 335-3 du règlement général de l'AMF ;

Attendu que l'appelant ne fournit aucun élément concret permettant de corroborer son affirmation selon laquelle cette lettre qui se réfère à un entretien du 9 septembre 2004 serait antidatée ;

Que le courtier produit le questionnaire confidentiel par lequel le prospect mentionne des éléments sur sa personnalité et ses objectifs ;

Que les objectifs prioritaires déclarés sont le placement d'un patrimoine acquis pour obtenir des revenus réguliers et optimiser la fiscalité sur le long terme en privilégiant la performance, par une personne se qualifiant d'avertie en matière de gestion patrimoniale ;

Que la précision des éléments donnés permettait une bonne appréciation de la situation par ce dernier ;

Que les obligations prévues par l'article L541-4 du code monétaire et financier ont donc bien été respectées ;

Attendu que si le conseil financier ne justifie pas avoir présenté les placements avec leurs avantages et leurs inconvénients par un rapport écrit comme le prévoient les articles 325-5 à 325-9 du règlement général de l'AMF , Monsieur [C] [T] ne justifie pas avoir subi un préjudice certain directement lié avec ce manquement ;

Attendu qu' il n'est pas contesté qu'un entretien a eu lieu le 14 novembre 2006, ayant donné lieu à la rédaction d'un rapport rédigé par le salarié de la SARL JR Conseil produit aux débats rappelant que le profil de risque choisi était dynamique à 100 %, avec un risque élevé et un espoir de gains élevés, à l'exclusion des profils sécuritaire, prudent et équilibré ;

Que ce rapport d'entretien adressé au client n'a fait l'objet d'aucune observation, ni contestation de sa part et que celui-ci est donc réputé avoir eu l'intention de poursuivre la même stratégie d'investissement ;

Qu'il ne peut donc prétendre aujourd'hui, après s'être présenté comme un investisseur averti, que le placement de la totalité du capital sous cette forme n'était pas raisonnable ;

Qu'une situation personnalisée a été réalisée le 17 juin 2009, dans les mêmes conditions ;

Attendu que les manquements au devoir d'information du conseil en investissement ne sont donc pas établis ;

Attendu sur l'obligation de conseil que le client ne justifie pas avoir mandaté le conseil en investissements financiers pour l'acquisition d'un bien immobilier, sur lequel aucun document n'est versé aux débats, ni sur le remploi de son prix de vente ;

Qu'il ne peut donc invoquer la mauvaise rentabilité de ce placement, étranger à la mission de la SARL JR Conseil ;

Attendu que le client était libre de choisir d'utiliser certaines avances pour apporter une aide financière de 80'000 € à son frère qui a généré des intérêts à son débit et n'entrait pas dans les objectifs mentionnés dans le questionnaire confidentiel qui était de privilégier la performance, d'optimiser sa fiscalité et d'obtenir des revenus réguliers, à partir d'un placement sur le long terme ;

Attendu qu'il ne peut être reproché au courtier d'avoir préconisé des investissements sans garantie de capital à une personne se disant avertie, exerçant la profession de commerçant, propriétaire de sa résidence principale et de parts de sociétés civiles immobilières, avec un objectif de performance pour placer la totalité de son épargne liquide ;

Attendu que les rachats mensuels programmés sont justifiés par la volonté d'obtenir des revenus réguliers mentionnés dans le questionnaire confidentiel rempli à l'origine par le client ;

Attendu que les contrats d'assurance-vie litigieux mentionnent de manière très apparente que l'engagement de l'assureur porte sur le nombre d'unités de compte et non sur leur valeur, laquelle est sujette à fluctuations à la hausse ou à la baisse en fonction des marchés financiers;

Attendu que les écritures de l'appelant révèlent qu'il a une connaissance précise et approfondie des données contenues dans les fiches AMF des fonds dans lesquels il a investi ;

Attendu que les pièces et calculs fournis par l'appelant ne démontrent pas qu'un placement en euros aurait permis un meilleur rendement sur l'ensemble de la période considérée ;

Attendu que les pertes financières alléguées ne sont pas nécessairement dues à la faute du conseil en investissement financier, mais aussi à la conjoncture et aux crises financières intervenues entre-temps ;

Attendu que le calcul de rentabilité ne doit pas seulement être réalisé à partir des montants investis, des retraits et des intérêts de ces derniers, mais tenir compte des intérêts reçus des sommes placées pour une période donnée, jusqu'à la fin du contrat d'assurance-vie ;

Attendu que lorsque l'on intègre dans les calculs la valeur nette de rachat de chaque contrat, en tenant compte des intérêts acquis il apparaît , au vu des pièces et des calculs détaillés fournis par la SARL JR Conseil, que Monsieur [C] [T] n'a subi aucune perte financière substantielle sur la globalité des deux contrats ;

Attendu que l'objet du prêt n'était pas de lier son remboursement à la fin des contrats, mais au contraire de permettre leur poursuite ;

Que Monsieur [C] [T] a d'ailleurs remboursé les avances réalisées sur les deux contrats d'assurance-vie dans le courant de l'année 2013 avec des fonds propres distincts des placements litigieux ;

Qu'il ne peut donc reprocher au conseiller en investissements financiers d'avoir prévu un terme pour le prêt antérieur à celui des contrats d'assurance vie ;

Attendu que dans ces conditions, en l'absence de preuve de l'inexécution du devoir d'information et de l'obligation de conseil incombant à la SARL JR Conseil, la demande en dommages et intérêts formée à son encontre ne peut prospérer ;

Qu'en l'absence de condamnations réciproques il n'y a pas lieu d'ordonner une compensation ;

Attendu que la demande en dommages et intérêts, non justifiée, formée par la SARL JR Conseil est rejetée ;

Attendu que le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne la demande en dommages et intérêts formée par Monsieur [C] [T], la compensation et les dépens ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Attendu que Monsieur [C] [T] qui succombe est condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Ecarte des débats la pièce numéro 27 communiquée selon bordereau du 28 décembre 2015 par Monsieur [C] [T],

Déclare irrecevables les conclusions transmises le 5 janvier 2016 par la SARL JR Conseil,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fait droit à la demande en dommages et intérêts de la SARL JR Conseil et condamné la SARL JR Conseil à payer à Monsieur [C] [T] la somme de 93'531€, en réparation de son préjudice financier, avec compensation avec les sommes dues par Monsieur [C] [T], et sur les dépens,

Statuant à nouveau sur ces chefs,

Rejette la demande en dommages et intérêts formée par Monsieur [C] [T] contre la SARL JR Conseil,

Dit n'y avoir lieu à compensation,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [C] [T] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 15/00537
Date de la décision : 16/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°15/00537 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-16;15.00537 ?
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