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04/02/2016 | FRANCE | N°14/14810

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 04 février 2016, 14/14810


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 04 FEVRIER 2016



N° 2016/123

JPM











Rôle N° 14/14810





[V] [Z], VEUVE [Y]





C/



SNC JESTA FONTAINEBLEAU 'PALAIS STEPHANIE'

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Sandrine COHEN SCALI, avocat au barreau de GRASSE



Me Davi

d REBIBOU, avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES - section C - en date du 24 Juillet 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/00112.







APPELANTE



M...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 04 FEVRIER 2016

N° 2016/123

JPM

Rôle N° 14/14810

[V] [Z], VEUVE [Y]

C/

SNC JESTA FONTAINEBLEAU 'PALAIS STEPHANIE'

Grosse délivrée

le :

à :

Me Sandrine COHEN SCALI, avocat au barreau de GRASSE

Me David REBIBOU, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES - section C - en date du 24 Juillet 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/00112.

APPELANTE

Madame [V] [Z], VEUVE [Y]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/012692 du 01/12/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sandrine COHEN SCALI, avocat au barreau de GRASSE, vestiaire : 334 substitué par Me Emilie VOIRON, avocat au barreau de GRASSE, vestiaire : 193

INTIMEE

SNC JESTA FONTAINEBLEAU 'PALAIS STEPHANIE', demeurant [Adresse 2]

représentée par Me David REBIBOU, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Décembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Février 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Février 2016.

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [V] [Y] a été embauchée à compter du 1er avril 1998 en qualité de blanchisseuse par la société Noga Hilton de Cannes dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée lequel s'est poursuivi , le1er septembre 1999. en contrat de travail à durée indéterminée.

A compter du 1er novembre 2004, le contrat de travail a été transféré à la Sns Jesta Fontainebleau.

Dans le dernier état des relations contractuelles, la salariée a exercé les fonctions de première blanchisseuse, statut employé, niveau II, échelon 2 de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants.

Le 19 novembre 2010, l'employeur lui a notifié un avertissement.

La salariée a été en arrêt maladie du 23 novembre 2010 au 22 mai 2011.

A l'issue de deux visites médicales, elle a été déclarée, le 24 mai 2011, 'inapte définitif à la reprise à son poste et à tous les postes de l'entreprise; doit poursuivre son traitement' par le médecin du travail.

Après lui avoir notifié le 20 juin 2011 qu'aucun poste de travail n'était susceptible de correspondre à son profil ,l''employeur l'a convoquée, par lettre du 27 juin 2011, à un entretien préalable et, par lettre du 26 juillet 2011, l'a licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement et réclamant des indemnités, la salariée a saisi, le 2 mars 2012, le conseil de prud'hommes de Cannes lequel, par jugement du 24 juillet 2014, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de toutes ses demandes.

C'est le jugement dont Madame [Y] a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [V] [Y] demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, de statuer à nouveau, de dire licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société intimée à lui payer les sommes de:

-50000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-3480,42€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

-348,04€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents;

-5000€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice distinct;

-3000€ au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement et, en tout état de cause, que son inaptitude était la conséquence du comportement fautif de son employeur lequel lui avait notifié, le 19 novembre 2010, un avertissement totalement injustifié à l'origine chez elle d'une réaction anxio-dépressive.

La Snc Jesta Fontainebleau demande à la cour de confirmer le jugement attaqué, de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, de débouter l'appelante de ses prétentions et, à titre reconventionnel, de condamner l'appelante à lui payer la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Elle conteste être à l'origine de la dépression qui affectait la salariée et elle soutient avoir satisfait à l'obligation de reclassement;

Pour plus amples développements, il est renvoyé aux conclusions déposées et réitérées à l'audience par les parties.

SUR CE

Pour faire juger que son licenciement serait sans cause réelle et sérieuse , l'appelante soutient que son inaptitude trouverait sa cause dans la notification de l'avertissement injustifié, du 19 novembre 2010, à l'origine de sa dépression nerveuse et, partant, de son inaptitude. Bien que l'appelante ne demande pas à la cour de prononcer l'annulation de cet avertissement, l'examen du moyen soulevé par l'appelante conduit, d'abord et nécessairement, la cour à analyser les faits sanctionnés par cet avertissement.

En l'espèce, il est produit les pièces suivantes :

- la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, datée du 19 novembre 2010, par laquelle l'employeur lui avait notifié un avertissement pour avoir, le 7 octobre 2010, sur les lieux et au temps du travail , 'tout à coup, sans raison apparente, violemment pris à partie sur des sujets personnels qui n'avaient aucun rapport avec le travail' sa collègue de travail, Madame [O] [X]. La lettre d'avertissement ajoute que Madame [X] avait été 'extrêmement choquée du comportement' de Madame [Y] qui avait été insultante et menaçante à son égard et que 'malheureusement, ce n'est pas la première fois que vous vous comportez de cette façon, l'année dernière à la même époque, vous aviez déjà été sanctionnée pour des faits similaires, il apparaît que vos collègues de travail subissent vos brimades et vos écarts de langage en permanence. Nous vous mettons en garde devant cette attitude, nous ne tolérons pas ces écarts de conduite qui nuisent à la bonne marche du service et à vos collègues de travail. Nous vous donnons par la présente un avertissement qui doit vous faire immédiatement changer d'attitude (...)A l'occasion de toute nouvelle faute, nous serions contraints d'envisager une sanction plus importante .'

- la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, datée du 6 novembre 2009, par laquelle l'employeur lui avait notifié un avertissement pour avoir, le 8 octobre 2009, sur les lieux et au temps du travail, eu une altercation avec une collègue de travail et quitté sans raison admissible son poste de travail.

- l'arrêt de travail et les prolongations subséquentes pour maladie concernant la salariée du 23 novembre 2010 au 20 avril 2011 mentionnant 'dépression' ou 'syndrome anxio-dépressif' ou 'dépression réactionnelle. '

- la lettre (non datée) que la salariée avait adressée à son employeur pour contester les faits dans les termes suivants 'depuis le 23/11/2010 je suis en maladie et dépressive car, suite à une injustice totale, vous m'avez envoyé un courrier date du mardi 12/10/2010 alors que l'enveloppe cachet de la poste faisant foi cette lettre a été postée le 11/10/201, pour une convocation le vendredi 22/10/2010, jour de mon repos légal, pour des faits qui se seraient passés le jeudi 07/10/2010 avec Madame [X] [O]. Je me suis rendue à votre convocation avec Monsieur [N] [E]. Je vous avais clairement expliqué la situation à savoir que c'était la susnommée qui m'avait violemment prise à partie et non l'inverse. Mais je constate que dans l'avertissement du 19/11/2010, je suis en tort et que vous avez préféré l'autre partie. Comme vous avez pu le constater entre la date des faits et la lettre de convocation du mois d'octobre, il n'y a eu que trois jours dont le vendredi et le samedi, jours de mes repos. Il est très dommage que je n'ai jamais été entendue par ma supérieure hiérarchique ni par mon son assistante. En aucun cas, je n'ai agressé Madame [X] vu que c'est moi qui suis intervenue auprès de la gouvernante générale pour la faire entre en (contrat de travail à durée déterminée) sachant que cette personne était du métier. Malheureusement, le copinage, les sorties en aquagym sorties festives et culinaires m'ont desservie ne participant pas aux agapes avec mes supérieures. Vous relatez aussi les faits de l'année 2009 qui n'ont pas à rentrer en ligne de compte avec l'affaire qui nous occupe et je pense que vous aves dû mal lire le courrier qui m' a été envoyé par Monsieur [F], DRH de l'époque, où il est écrit que c'était ma collègue Madame [K] [I] [D] qui m'avait insultée. J'ai donc utilisé mon droit de retrait. Vous devez certainement être au courant que dans le service dont vous connaissez tous les aboutissants je pense fortement qu'une fronde est dirigée vers moi pour qu'une certaine personne se voit attribuer un contrat en (contrat de travail à durée indéterminée). Je conteste donc tous les faits qui me sont reprochés, employée dans l'entreprise depuis environ 16 ans, aucun reproche ne m'a jamais été adressé et je déplore le manque de professionnalisme de certaines personnes...'

- la lettre du médecin du travail adressée à un autre médecin. Cette lettre est non datée mais elle était manifestement contemporaine à la visite effectuée par le médecin du travail, le 23 novembre 2010, à la demande de la salariée. Le médecin du travail s'adressait à son confrère dans les termes suivants: 'Mon cher confrère, je vous adresse Madame [Y] [V] pour dépression dans un milieu conflictuel dans son travail. Elle semble totalement déstabilisée et a besoin de prendre du recul. Je l'ai mise inapte temporaire .Pouvez vous l'arrêter quelques jours''

-la fiche de visite effectuée à la demande de la salariée, le 23 novembre 2010, déclarant la salariée 'inapte temporaire à son poste doit voir son médecin traitant.'

- les fiches de visite par le médecin du travail datées des 4 mai 2011 et 24 mai 2011 déclarant, lors de la seconde visite, la salariée 'inapte définitif à la reprise à son poste actuel et à tous les postes de l'entreprise. Doit poursuivre son traitement.'

En l'état de ces pièces, concordantes entre elles, il est établi que Madame [Y], immédiatement après avoir reçu la notification de l'avertissement du 19 novembre 2010, avait été victime d'un syndrome dépressif réactionnel conduisant, dans un premier temps, le médecin du travail à la déclarer inapte temporaire ainsi qu'à la diriger vers un médecin traitant aux fins d'arrêt de travail, dans un second temps, le médecin traitant à délivrer un arrêt de travail puis des prolongations successives sur une période ininterrompue du 23 novembre 2010 au 20 avril 2011 et, dans un dernier temps, à l'issue de cet arrêt de travail, le médecin du travail à la déclarer inapte définitivement à tous postes dans l'entreprise. Ainsi, cette inaptitude avait bien pour origine le fait de l'employeur qui avait notifié à son salarié un avertissement. Or, alors que la salariée avait contesté les faits, ce qui n'est nullement discuté par l'employeur, ce dernier ne produit strictement aucune pièce de nature à établir la réalité des faits sanctionnés par cet avertissement. A cet égard, la cour constate que le témoignage de Madame [O] [X] n'est même pas produit aux débats et que l'employeur ne justifie pas davantage des vérifications qu'il aurait menées pour s'assurer de la responsabilité de Madame [Y] dans la commission des faits sanctionnés par l'avertissement. L'employeur ne justifie pas plus avoir répondu à la lettre susvisée de sa salariée. Il s'en suit que le caractère fondé de cet avertissement n'étant pas démontré, Madame [Y] avait pu légitimement, pour les motifs exposés dans sa lettre susvisée, vivre cette sanction comme étant une injustice criante qu'elle n'avait pas pu supporter au point de subir une dépression nerveuse réactionnelle. La salariée pouvait d'ailleurs être d'autant plus affectée que l'employeur avait pris soin de lui rappeler qu'en cas de récidive, il lui serait notifié une sanction plus sévère, donc de nature à nuire à sa carrière dans l'entreprise alors qu'elle avait déjà plusieurs années d'ancienneté.

Le licenciement ayant été notifié pour inaptitude définitive et celle-ci étant le fait de l'employeur, le licenciement s'avère être sans cause réelle et sérieuse. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner le second moyen tiré du défaut de reclassement.

Au jour de la rupture, la salariée avait plus de 13 ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés. Elle percevait un salaire mensuel brut de 1740,21€. Elle est née en 1951. Elle justifie de sa prise en charge par pôle -emploi qui lui a versé à compter du 18 novembre 2011 l'allocation d'aide dite ARE d'un montant de 32,56€ par jour puis à compter du 17 novembre 2014 l'allocation de solidarité spécifique de 16,11€ par jour. Elle a déclaré au titre de l'IRPP pour les revenus de l'année 2013 la somme de 12132€. Ces éléments, ajoutés aux circonstances fautives sus-évoquées de la rupture, amènent la cour à condamner la société intimée à lui payer la somme de 23000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse; A cette somme s'ajoutent celles de 3480,42€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 348,04€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents. Le préjudice consécutif au comportement fautif de l'employeur a déjà été réparé par l'allocation des dommages-intérêts ci-dessus.

L'équité commande d'allouer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Il y a lieu de condamner l'employeur à rembourser pôle-emploi selon les modalités fixée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit Madame [V] [Y] en son appel.

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Cannes en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne en conséquence la Snc Jesta Fontainebleau à payer à Madame [V] [Y] les sommes de:

-23000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-3480,42€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

-348,04€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents;

-2000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Condamne la Snc Jesta Fontainebleau à rembourser à pôle-emploi, dans la limite de six mois de versement, les allocations chômage versées par cet organisme à Madame [V] [Y] .

Condamne la Snc Jesta Fontainebleau aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/14810
Date de la décision : 04/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/14810 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-04;14.14810 ?
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