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21/01/2016 | FRANCE | N°14/04515

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 21 janvier 2016, 14/04515


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 21 JANVIER 2016



N°2016/73

SP













Rôle N° 14/04515







[S] [U]





C/



[I] [X]

























Grosse délivrée le :

à :

Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



Me Roméo LAPRESA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



Copie certif

iée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section AD - en date du 07 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/226.





APPELANTE



Madame [S] [U], demeurant [Adresse 3]



représentée ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 21 JANVIER 2016

N°2016/73

SP

Rôle N° 14/04515

[S] [U]

C/

[I] [X]

Grosse délivrée le :

à :

Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Roméo LAPRESA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section AD - en date du 07 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/226.

APPELANTE

Madame [S] [U], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Monsieur [I] [X], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Roméo LAPRESA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Anne BROCVIELLE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2016

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Madame [S] [U] a été employée, selon contrat oral, par Madame [E] [X] du 1er janvier 2009 jusqu'au [Date décès 1] 2010, date du décès de cette dernière.

Après le décès de son employeur, Madame [S] [U] a continué à occuper son logement de fonction.

Soutenant qu'à la suite du décès de son employeur, une relation de travail est intervenue avec le fils, Monsieur [I] [X], lequel l'a brutalement congédiée le 5 février 2011 « sans motif valable ni préavis », Madame [S] [U], qui est la s'ur de l'ex épouse de Monsieur [I] [X], a saisi le conseil des prud'hommes de Fréjus afin d'obtenir notamment le paiement d'un rappel de salaire pour la période courant du 14 mars 2010 au 30 novembre 2010, des dommages et intérêts pour travail dissimulé et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par décision assortie de l'exécution provisoire du 7 février 2014, le conseil des prud'hommes de Fréjus a débouté Mme [U] de sa demande concernant la prise d'effet du contrat au 14 mars 2010, et de ses demandes de rappel de salaire y afférents, a jugé que le contrat de travail avec Monsieur [I] [X] avait pris effet le 1er décembre 2010, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et revêtait un caractère brutal et vexatoire, et a condamné l'intéressé à payer à Madame [U] les sommes suivantes :

'273,06 € net au titre d'un rappel de salaire du 1er au 5 février 2011

'500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'500 € à titre de dommages-intérêts pour le défaut de procédure

'1500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Le conseil des prud'hommes a en outre ordonné la remise des documents sociaux tenant compte des dispositions du jugement, a débouté Madame [U] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles, débouté Monsieur [X] de ses demandes reconventionnelles et laissé à celui-ci la charge des entiers dépens.

Madame [S] [U] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

L' appelante demande à la cour de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de ses demandes reconventionnelles, a dit le licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse, a dit que la procédure de licenciement n'avait pas été respectée, que le licenciement revêtait un caractère brutal et vexatoire, et condamné Monsieur [X] à payer des sommes au titre du rappel de salaire du 1er au 5 février 2011, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour défaut de procédure, et à des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, sauf à porter à la somme de 10 000 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et à celle de 10 000 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.

Pour le surplus l'appelante sollicite l'infirmation du jugement, et demande à la cour, statuant à nouveau, de juger que le contrat de travail a pris effet au 14 mars 2010, de condamner Monsieur [X] à payer à Madame [U] la somme de 12 701,97 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 14 mars au 30 novembre 2010, la somme de 8 966,10 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, et celle de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sollicite en outre de voir ordonner à Monsieur [X] la remise du bulletin de salaire des mois de mars à novembre 2010 inclus, et celui du mois de février 2011, certificat de travail, attestation pôle emploi sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la date de l'arrêt à intervenir. L'appelante sollicite enfin la condamnation de Monsieur [X] au paiement des entiers dépens.

À cet effet, Madame [U] fait valoir que Monsieur [X] est domicilié en Côte d'Ivoire et dispose d'une résidence secondaire à [Localité 1] ; qu'il a proposé à Madame [U] de s'occuper de sa mère âgée domiciliée dans cette résidence ; qu'elle a ainsi été embauchée par Madame [E] [X] en qualité d'employée de maison par contrat à durée indéterminée verbal à compter du 1er janvier 2009 et qu'elle bénéficie d'un logement de fonction dans la villa de Monsieur [X]. Madame [U] ajoute qu'au décès de sa mère, Monsieur [X] lui a demandé de s'occuper de l'intendance et de l'entretien de la propriété, l'intéressée continuant à être domiciliée sur place et devant être à la disposition de Monsieur [X] lors de ses séjours en France.

Elle fait valoir qu'elle n'a perçu aucune rémunération pendant de nombreux mois et que l'intéressé n'a accepté de régulariser sa situation qu'à partir du mois de décembre 2010, date à laquelle elle se verra remettre un contrat de travail prenant effet au 1er décembre 2010 pour un emploi de gouvernante pour une durée hebdomadaire de travail de 30 heures moyennant une rémunération fixée à 12,46 euros de l'heure.

Madame [U] soutient en outre que le 5 février 2011 elle a été insultée par Monsieur [X] lors de son retour en France et agressée physiquement par la jeune femme qui l'accompagnait, et que le soir même elle a été mise à la porte. Elle affirme avoir déposé plainte à l'encontre de son employeur pour ces faits, et que de manière « incontestable » Monsieur [X] a mis un terme au contrat de travail, de sorte qu'elle n'a plus de nouvelles de lui depuis ces événements.

Madame [U] ajoute que deux procédures de référé ont été initiées, la première concerne la rupture du contrat de travail à la suite du décès de Madame [E] [X], Monsieur [X] ayant été condamné en sa qualité d'héritier à payer différentes sommes, et la seconde, qui concerne Monsieur [X] en qualité d'employeur, a fait l'objet d'une décision renvoyant la partie à mieux se pourvoir du fait de la contestation sérieuse.

L'appelante indique en outre que la plainte déposée contre elle par Monsieur [X] pour faux, en ce qui concerne le contrat de travail du 1er décembre 2010, a été classée sans suite.

Monsieur [I] [X], intimé, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [U] de sa demande concernant la prise d'effet du contrat au 14 mars 2010, et de ses demandes de rappel de salaire et au titre des frais irrépétibles, et pour le surplus, de réformer le jugement et statuant à nouveau de juger qu'il y a lieu de débouter Madame [U] de toutes ses demandes comme étant irrecevables et infondées, de la condamner à payer 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire, ainsi que 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Monsieur [X] demande à titre subsidiaire, de juger qu'il sera déchargé du montant des condamnations, au visa de l'article 786'2 du code du civil, et par conséquent de débouter Madame [U] de ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

À cet effet, l'intimé expose que Madame [S] [U] a bien été embauchée par sa mère au titre d'un contrat de travail verbal en qualité d'employée de maison, mais que depuis le décès de celle-ci, Madame [U] se maintient dans les lieux. Il soutient que son centre d'intérêt se trouvant en Côte d'Ivoire, il lui était « extrêmement difficile de contrôler ce qui se passait en France ».

Il conteste le contrat de travail prétendument signé par lui le 1er décembre 2010 dont se prévaut Madame [U], et affirme qu'une plainte pénale a été déposée de ce chef. Il indique que le 5 février 2011, un incident a eu lieu entre Madame [S] [U] et lui-même, lors de son retour en France, car celle-ci se maintenait sans droit ni titre dans les lieux, ce qui lui a valu « d'être le soir même mise à la porte ».

Il fait valoir que concernant les emplois domestiques, la convention collective nationale prévoit que le décès de l'employeur met fin au contrat de travail qui le liait au salarié et que le contrat ne se poursuit pas automatiquement avec l'héritier.

Il soutient que Madame [U] ne démontre pas la prestation de travail, la rémunération, ni le lien de subordination qui la lierait à lui, et qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des demandes et moyens des parties, il convient de se référer aux écritures des parties, oralement reprises.

SUR CE

Sur l'existence d'un contrat de travail liant les parties à partir du 14 mars 2010

Mme [U] prétend qu'après le décès de Madame [E] [X], une relation contractuelle s'est nouée avec son fils, chez qui se trouvait son logement de fonction, à [Localité 1], jusqu'à ce que l'intéressé régularise la situation en établissant un contrat de travail le 1er décembre 2010.

Faute de produire un écrit pour la période antérieure au 1er décembre 2010, Madame [U] doit rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail oral.

Il y a contrat de travail dès lors qu'une personne accepte de fournir une prestation de travail au profit d'une autre, en se plaçant dans un état de subordination juridique vis-à-vis de cette dernière. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des  directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

Madame [U] soutient que la prestation de travail qu'elle effectuait, consistait à être à disposition de Monsieur [X] lors de ses séjours en France, d'aller à l'aéroport pour le véhiculer lui et sa famille, et en son absence, de s'occuper de toute l'intendance de la maison (entretien intérieur et extérieur - jardin piscine-, menus travaux de réparation, gardiennage de la villa)

Madame [U] verse aux débats les éléments suivants :

'les relevés bancaires et les factures y afférents, qui établissent qu'elle a directement réglé des factures au mois de mai et juin 2010, et supporté des frais pour l'entretien de la maison de Monsieur [X] (« technique piscine »)

'l'attestation de Monsieur [B], enseignant, aux termes de laquelle « j'ai été recruté par Madame [U] via Internet suite à une demande de son employeur Monsieur [X]. Durant la période du 17 au 31 août 2010 j'ai donné des cours particuliers à la petite [T] au [Adresse 2]. J'ai pu constater que Madame [U] n'arrêtait pas de travailler entre le petit-déjeuner, la lessive, le repassage, le ménage et la préparation des repas. Elle n'avait pas une minute à elle, que ce soit le matin ou l'après-midi quand j'étais présent. Madame [U] a même gardé les filles des 2 adultes pendant 5 jours, leurs parents étant partis en voyage »

'l'attestation de Monsieur [N] [L] aux termes de laquelle : « depuis longtemps et même après le décès de Madame [X] j'ai toujours vu Madame [U] [S] travailler que ce soit en présence ou en l'absence de son employeur. Madame [U] avançait même l'argent pour l'entretien du jardin et tous les frais en découlant. Madame [U] a même vidé la piscine et frotté toute la mosaïque à l'acide chlorhydrique au mois d'avril 2010, chose assez dangereuse aussi. J'ai même vu un jour Madame [U] démonter une roue de la Mercedes de Monsieur [X] qui l'avait crevée avant son départ. Madame [U] [S] a toujours suivi les travaux de la maison, le transport de la famille, l'entretien de la maison et aussi les courses et repas de la famille. J'atteste que Madame [U] [S] était employée chez Monsieur [X] au [Adresse 2] »

'l'attestation de Madame [Y] [A] aux termes de laquelle : «(') au mois d'août 2010 je lui ai téléphoné (à Madame [S] [U]) pour l'inviter à une soirée que j'organisais chez moi à [Localité 2]. Elle me répondit que cela lui était impossible car son patron était présent avec 3 autres personnes et qu'elle devait s'occuper des repas et des invités. J'ai eu Monsieur [X] au téléphone qui me l'a confirmé, prétextant qu'il devait partir bientôt avec sa compagne passer quelques jours en Italie. »

'Attestation de Monsieur [P] [R] selon laquelle « j'atteste par la présente que Madame [J] [U] est venue à mon magasin à plusieurs reprises pour son employeur Monsieur [X] [I] afin de me passer plusieurs commandes durant le mois d'avril 2010 ».

'Les mails qu'elle a adressés à l'adresse suivante : patrickdebard@yahoo.fr les 18 janvier 2011 et 1er février 2011. Dans le premier de ces messages, Madame [U] [S] réclame le montant des sommes qui lui sont dues et notamment la somme de 3300 € au titre de l'arriéré des sommes dues entre septembre et le 30 novembre, outre le « salaire de décembre pour 1152 € », et le remboursement de différents frais (produits piscine, abonnement téléphone, élagage débroussaillage, eau Veolia, jardinier, étrennes facteurs pompiers boire, etc.). Au terme de son second message, Madame [S] [U] indique « après vérification de mon compte je constate que tu as rajouté la somme de 1152 € qui pourrait correspondre à mon salaire du mois de janvier 2011. (') De plus j'attends avec impatience des nouvelles de ton avocat au sujet de ton licenciement à l'amiable, et surtout n'oublie pas que je me suis dévouée pour ta mère et ta famille ». Monsieur [X] ne conteste pas que cette adresse mail soit la sienne, et qu'il ait effectivement reçu ces 2 messages. Il ne justifie pas y avoir apporté une quelconque réponse. Par ailleurs, il résulte de ses propres déclarations devant les services de police, le 23 mars 2011, qu'il a produit aux services enquêteurs les copies des « 2 derniers chèques et virements réalisés pour Madame [U], un chèque pour un montant de 10 000 € en date du 2 septembre 2010, en date du 21 janvier 2011 pour une somme de 9208 €, et non 8000 € comme je vous l'avais expliqué dans ma première audition ». Il explique devant les services de police que ce dernier virement devait préparer le départ de Madame [U], lui trouver une location et régler les frais inhérents à la maison.

Monsieur [X], qui affirme que Madame [U] s'est maintenue sans droit ni titre dans la maison qui avait été occupée par sa mère, ne justifie pas avoir à un quelconque moment, avant le 5 février 2011, entamé une démarche, ne serait-ce que par une réponse aux messages électroniques qu'il a reçus de la part de l'intéressée, pour obtenir le départ de Madame [U]. Le fait qu'il déclare devant les services de police qu'il avait effectué plusieurs virements pour l'aider à partir, et régler les frais inhérents à la maison, démontrent qu'il avait parfaitement connaissance que l'intéressée habitait toujours la maison, et qu'elle avançait les frais d'entretien de celle-ci.

Les témoignages produits par Mme [U] sont de nature à établir l'existence d'une relation de travail, et d'un lien de subordination, et ne sont contredits par aucun élément de l'employeur. L'absence de réponse aux mails faisant état de salaire, confirme la thèse de l'appelante.

La cour retient dès lors l'existence d'un contrat de travail entre Monsieur [X] et Madame [U] à compter du décès de Madame [E] [X] c'est-à-dire à compter du 14 mars 2010.

Le fait, comme le soutient Monsieur [X] que le contrat de travail daté du 1er décembre 2010 produit par Madame [U], serait un faux qui ne revêt pas sa signature, n'est pas de nature à remettre en cause l'existence d'une relation salariale à compter du 14 mars 2010.

Sur la rupture du contrat de travail

Madame [U] fait valoir que le contrat de travail a pris fin le 5 février 2011 après que Monsieur [X] l'ait licenciée de manière brutale et vexatoire, sans respecter la procédure de licenciement.

Monsieur [X], dans ses écritures oralement reprises, indique que le 5 février 2011 un incident a eu lieu entre Madame [S] [U] et lui, lors de son retour en France, « car Madame [U] se maintenait sans droit ni titre dans les lieux, ce qui lui a valu d'être le soir mise à la porte ». Il ne conteste pas dès lors qu'il a effectivement expulsé l'intéressée de son logement, qui, la relation de travail étant retenue par la cour, constituait son logement de fonction. Il est constant en outre qu'il n'a plus fourni de travail à l'intéressée après le 5 février 2011. Il y a lieu dès lors de retenir l'existence d'une rupture du contrat de travail à l'initiative exclusive de l'employeur, qui revêt les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans respect de la procédure de licenciement, et le caractère d'un licenciement brutal et vexatoire. La décision du conseil de prud'hommes sera donc confirmée de ces chefs.

Sur les demandes indemnitaires

Rappels de salaire

Il y a lieu de confirmer la décision du conseil des prud'hommes qui a condamné Monsieur [X] à payer la somme de 273,06 euro au titre du rappel de salaire pour la période allant du 1er au 5 février 2011.

En ce qui concerne la période courant entre le 14 mars et le 30 novembre 2010, Madame [U] sollicite une somme de 12 701,97 euros, représentant 8, 5 x 1494, 35.

Il y a lieu de faire droit à cette demande qui apparaît bien fondée dès lors que d'une part l'intéressée ne réclame pas le paiement des salaires de décembre et janvier 2011, qu'elle a reconnu avoir perçu dans les mails, et que le montant mensuel sollicité correspond à une rémunération brute d'un salaire net de 1152 €, somme que Monsieur [X] n'avait pas contesté avoir réglé pour décembre 2010 et janvier 2011, en réponse aux mails de Mme [U].

Travail dissimulé

Monsieur [X] ne pouvait ignorer l'obligation légale de procéder aux déclarations réglementaires dès lors qu'il avait recours au salariat d'une employée de maison.

L'absence totale de respect de la législation en matière de droit de travail, démontre la volonté délibérée de se soustraire aux obligations déclaratives. Il y a lieu dès lors de faire droit à la demande et de condamner Monsieur [X] à verser la somme de 8966,10 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé, représentant 6 mois de salaire.

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

S'agissant d'une salariée ayant moins de 2 années d'ancienneté, et appartenant qui plus est à une entreprise de moins de 11 salariés, l'indemnité est égale au préjudice subi.

La cour constate à cet égard que Madame [U] ne donne aucune indication sur sa situation, et ne verse aucun élément. La cour ignore en particulier si l'intéressée a retrouvé un travail depuis la rupture du contrat.

Au vu de ces éléments, il y a lieu de condamner Monsieur [X] à lui verser la somme de 4000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dommages et intérêts pour défaut de procédure de licenciement

L'irrespect par l'employeur de la procédure de licenciement, cause nécessairement au salarié un préjudice, qui se cumule avec l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, s'agissant d'un salarié disposant d'une ancienneté de moins de 2 années et/ou employé au sein d'une entreprise ayant un effectif de moins de 11 salariés.

Il y a lieu de confirmer la décision du conseil des prud'hommes ayant évalué ce préjudice à la somme de 500 €.

Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Le fait de mettre à la porte brutalement la salariée de son logement de fonction, à l'occasion d'un incident qui a donné lieu à l'appel des services de police, est de nature à caractériser le caractère vexatoire du licenciement. Par ailleurs la salariée verse aux débats un certificat médical de constatation des blessures en date du 6 février 2011 qui fait état d'hématome au niveau de la cuisse et de l'avant-bras, d'éraflure au niveau du cou et des avant-bras, et d'un hématome au niveau pariétal avec 'dème de la pommette droite.

Au vu de ces éléments il y a lieu de condamner Monsieur [X] à verser à Madame [U] la somme de 2500 € de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

Remise des documents

Il y a lieu de faire droit à la demande de Madame [U] et d'ordonner à Monsieur [X] la remise des bulletins de salaire des mois de mars à novembre 2010 inclus, et celui du mois de février 2011, du certificat de travail, de l'attestation pôle emploi, conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir la condamnation d'une astreinte.

Article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser supporter à Madame [U] la charge des frais irrépétibles par elle exposée à l'occasion de la présente procédure. Monsieur [X] devra lui verser la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes de M. [X] et les dépens

Monsieur [X] sollicite d'être déchargé, au visa de l'article 786'2 du Code civil, du montant de ces condamnations. À cet effet il fait valoir que l'héritier acceptant purement et simplement peut demander à être déchargé en toute ou partie de son obligation à une dette successorale qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer au moment de l'acceptation lorsque l'acquittement de cette date aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel.

Cette demande est irrecevable dès lors que ce n'est pas en qualité d'héritier de feu Madame [E] [X] que M. [X] est présentement condamné, mais à titre personnel en sa qualité d'employeur de Madame [S] [U].

Dès lors que les demandes formées par Madame [U] prospèrent, le caractère abusif et vexatoire de la procédure par elle engagée n'est pas démontré, de sorte que la demande en dommages et intérêt de ce chef formée par Monsieur [X] doit être rejetée.

Aucune considération d'équité ne commande par ailleurs de faire droit à sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Cette demande sera en conséquence rejetée.

Succombant, Monsieur [X] supportera en outre les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit les parties en leurs appels

Sur le fond,

Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de Fréjus en ce qu'il a condamné Monsieur [I] [X] à payer à Madame [S] [U] la somme de 273,06 € net au titre d'un rappel de salaire du 1er au 5 février 2011, la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de procédure de licenciement, et en ce qu'il a condamné Monsieur [I] [X] à payer à Madame [S] [U] des sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sauf à juger que le montant des dommages-intérêts de ce chef s'élève à la somme de 4000 €, et en ce qu'il a condamné Monsieur [I] [X] à payer des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, sauf à juger que le montant de ces dommages et intérêts s'élèvent à la somme de 2500 €,

Le réforme pour le surplus

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable le moyen soulevé par Monsieur [I] [X] tiré de l'application des dispositions de l'article 786'2 du Code civil

Dit et juge qu'un contrat de travail a pris effet entre Monsieur [I] [X], employeur, et Madame [S] [U], salarié, à compter du 14 mars 2010

Condamne Monsieur [I] [X] à payer à Madame [S] [U] les sommes suivantes :

'12 701,97 euros à titre de rappel de salaire pour la période courue entre le 14 mars 2010 et le 30 novembre 2010

'8966,10 euros de dommages-intérêts pour travail dissimulé

'1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne à Monsieur [I] [X] la remise à Madame [S] [U] des bulletins de salaire des mois de mars à novembre 2010 inclus, et celui du mois de février 2011, du certificat de travail, de l'attestation pôle emploi, rectifiés conformes à la présente décision

Dit n'y avoir lieu astreinte

Déboute Monsieur [I] [X] de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et du surplus de ses demandes

Déboute Madame [S] [U] du surplus de ses demandes

Condamne Monsieur [I] [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/04515
Date de la décision : 21/01/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/04515 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-21;14.04515 ?
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