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21/01/2016 | FRANCE | N°14/03536

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 21 janvier 2016, 14/03536


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 21 JANVIER 2016



N° 2016/76

SP











Rôle N° 14/03536





[O] [W] épouse [F]





C/



SA CLINIQUE SAINT JEAN

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON



Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau

d'AVIGNON



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section AD - en date du 22 Janvier 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1600.







APPELANTE



Madame [O] [W] épouse [F], d...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 21 JANVIER 2016

N° 2016/76

SP

Rôle N° 14/03536

[O] [W] épouse [F]

C/

SA CLINIQUE SAINT JEAN

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau d'AVIGNON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section AD - en date du 22 Janvier 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1600.

APPELANTE

Madame [O] [W] épouse [F], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SA CLINIQUE SAINT JEAN, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau d'AVIGNON substitué par Me Skander DARRAGI, avocat au barreau d'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Novembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2016.

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [O] [W] épouse [F] a été engagée à partir du 27 novembre 2000 par la clinique Saint-Jean à [Localité 2] (ci-après désignée « la clinique ») en qualité d'aide-soignante. Le contrat est soumis à la convention collective du 18 avril 2002 du secteur de l'hospitalisation privée.

Elle était salariée de nuit.

Le 14 juin 2011, elle a été victime d'un accident du travail.

Elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 5 mars 2012. Le 7 mars 2012 le médecin du travail l'a déclarée apte avec aménagement de poste, à revoir dans les délais réglementaires après étude de poste.

Du 8 mars au 10 avril 2012, elle a été placée en congés payés. Le 11 avril 2012, le médecin du travail l'a déclarée apte avec aménagement de poste (limiter les mouvements de traction) en visant l'article L4624'1 du code du travail.

Au terme d'une première visite en référence à l'article R 4624'31 du code du travail, en date du 24 mai 2012, le médecin du travail a conclu : « inapte au poste, apte à un autre à revoir dans les délais réglementaires ».

À l'issue de la 2e visite médicale organisée le 14 juin 2012 en référence à l'article R 4624'31 du code du travail, le médecin a indiqué : inapte au poste, apte à un autre suite à l'étude du poste et des conditions de travail et conformément aux avis spécialisés. Serait apte à un autre poste ne comportant aucun port de charges, un poste administratif conviendrait ».

Après convocation par courrier du 30 juillet 2012, contenant propositions de reclassement, pour un entretien préalable fixé au 20 août 2012,   l'employeur a licencié la salariée  en ces termes, selon courrier daté du 24 août 2012 :

« Madame,

Nous nous voyons contraints de procéder à votre licenciement pour le motif suivant :

Vous avez été absente de notre clinique depuis le 14 juin 2011 jusqu'à ce jour du fait d'un accident du travail. Lors de votre visite de reprise du 14 juin 2012, vous avez été déclarée par le médecin du travail : « inapte au poste, apte à un autre suite à l'étude du poste des conditions de travail et conformément aux avis spécialisés (article R4 1624'31 du code du travail) serait apte à un autre poste ne comportant aucun port de charges, un poste administratif conviendrait. »

Dès que nous avons reçu votre avis d'inaptitude avec ces conclusions, nous avons contacté le médecin du travail afin de déterminer les postes pouvant répondre aux contraintes de votre reclassement ; soit des postes « ne comportant aucun port de charges, un poste administratif ». Dans sa réponse du 12 juillet 2012, il nous a précisé que suivant vos capacités médicales résiduelles, un poste : « assis, de saisie informatique ou au standard téléphonique dans les cliniques Saint-Jean ou autres établissements du groupe » conviendrait.

Votre inaptitude faisant suite à un accident du travail nous avons convoqué les délégués du personnel en séance extraordinaire le 25 juillet 2012, afin qu'ils soient consultés sur les postes de reclassement proposés. Après avoir débattu, les délégués du personnel ont validé les emplois proposés.

Nous vous avons convoquée pour un premier entretien préalable le lundi 20 août 2012. Nous vous avions proposé par courrier, afin d'essayer de conserver votre emploi, tous les postes administratifs vacants pouvant convenir à vos capacités résiduelles, soit :

'clinique Saint-Jean Toulon : aucun poste administratif vacant

'clinique Sainte Marguerite à Hyères : aucun poste administratif vacant

'clinique de la Ciotat : aucun poste administratif vacant

'clinique Vert coteau ([Localité 1]) : 1 poste de standardiste accueil

1 poste à mi-temps de secrétaire aux consultations

1 poste à mi-temps de secrétaire médicale

'clinique [Établissement 1] à [Localité 2] : aucun poste administratif vacant

Lors de cet entretien vous avez refusé les postes proposés par courrier, en raison de leur éloignement géographique.

Nous avons aussi contacté par courrier plusieurs établissements de soins de l'aire toulonnaise qui ne nous ont toujours pas répondu sur la disponibilité éventuelle de postes pouvant convenir.

Nous ne disposons d'aucun autre poste non soignant vacant sur les sites du groupe. Le contexte économique national, ainsi que la baisse des tarifs (T2A) de la CPAM au 1er mars 2012, ne nous permettent pas d'envisager la création d'un poste supplémentaire. De plus, les restrictions au poste diagnostiquées par le médecin du travail sont tellement contraignantes qu'elles ne correspondent à aucun poste pouvant être créé dans notre établissement.

La décision du médecin du travail, votre refus vis-à-vis des postes que nous vous avons proposés, nous conduisent à procéder à votre licenciement pour inaptitude physique définitive médicalement constatée et impossibilité de reclassement.

Nous vous informons que vous avez droit au titre du DIF (') »

Contestant son licenciement, et recherchant l'indemnisation de différents préjudices, Madame [W] a saisi le conseil des prud'hommes de Toulon le 26 décembre 2012, lequel par jugement du 22 janvier 2014 a débouté l'intéressée ainsi que la clinique de toutes leurs demandes, et condamné Madame [W] aux dépens.

Mme [W] a  interjeté régulièrement appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [W] appelante,  demande  à la cour de réformer le jugement de première instance, et statuant à nouveau de :

'constater que l'employeur ne verse pas aux débats la preuve qu'il a bien fait bénéficier à sa salariée d'une visite médicale de contrôle tous les 6 mois de novembre 2000 à août 2012, et condamner en conséquence la clinique à payer 500 € de dommages-intérêts au visa des articles L 3122'42 et R 3122'18 à 22 du code du travail (anciennement L 213'5 et R213'6)

'constater que Madame [W] n'a été admise à bénéficier du passage en « B » qu'en juillet 2005 date de la signature de l'accord d'entreprise, et condamner la clinique à lui régler 1000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte d'une chance d'avoir pu bénéficier de cet avantage, au visa de l'article 90'6 de la CCU

'condamner à titre provisionnel, en application de l'article 82-1 de la CCU, la clinique à payer 183,43 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 18,34 euros à titre d'indemnité pour congés y afférents

'condamner la clinique à payer la somme de 5487,39 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'octroi du repos compensateur, au visa de l'article R 3122'12 du code du travail anciennement R213'4, et 53'2 de la CCN

'constater qu'il n'existe aucun accord collectif d'entreprise sur l'indemnisation des temps d'habillage et de déshabillage, et condamner la clinique à payer 1000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en l'absence de toute compensation en application des dispositions de l'article L3 1121-3 anciennement L 212-4 al 3 du code du travail,

'condamner la clinique à payer à titre de rappel de salaire la somme de 813,15 euros outre celle de 81,31 euros à titre d'indemnité pour congés y afférents, au visa des articles 74 et 75 de la CCU

'condamner la clinique à payer 2500 € à titre de dommages et intérêts pour perte d'une chance de se voir attribuer sa quote-part sur la réserve de participation constituée au niveau de l'UES, en application de l'article L 33 22'2 du code du travail

'à titre principal, constater que la salariée a repris le travail le 10 avril 2012 sans que l'employeur ait recherché à aménager son poste alors que l'obligation de le faire était née depuis le 7 mars 2012 du fait des conclusions du médecin du travail, et juger que le licenciement postérieur pour inaptitude est nécessairement sans cause réelle et sérieuse, et à titre subsidiaire juger que l'obligation de reclassement a pour périmètre tous les postes disponibles de toutes les sociétés du groupe de permutation, constater que tous les postes soignants ont été exclus des recherches de reclassement, qu'aucune recherche de postes administratifs n'a été effectuée au sein du GIE et des sociétés SAS Financière Sainte-Marguerite et LOGEMED, et juger que la clinique a manqué à son obligation de reclassement et condamner en conséquence la clinique à payer la somme de 19 488 € à titre de dommages et intérêts

'condamner la clinique à payer 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans le corps de ses écritures, Madame [W] sollicite en outre l'octroi de la somme de 1500 € de dommages-intérêts au vu de l'article 3121'33 du code du travail et de l'article 53'2 de la CCU. Elle développe en outre une demande subsidiaire, s'il n'était pas fait droit à la demande d'indemnité visée à l'article L 1226-15 du code du travail, et sollicite l'indemnité de préavis non pas de 2, mais de 3 mois, ayant été reconnue travailleur handicapée.

À cet effet, Madame [W] expose notamment qu'à partir du 24 mai 2012, elle a été privée de rémunération bien que restant à disposition de son employeur, et qu'ayant été déclarée consolidée par la CPAM elle ne pouvait plus bénéficier d'un arrêt travail.

La salariée soutient que la période de suspension du contrat a pris fin avec la visite de reprise du 7 mars 2012, et que l'obligation de l'employeur de rechercher des solutions de reclassement notamment par un aménagement de poste, est née à cette date ; que pourtant l'employeur a laissé la salariée , qui n'était plus éligible au bénéfice des indemnités maladie, reprendre son poste le 10 avril 2012 sans chercher à l'aménager, et a ainsi gravement manqué à son obligation de sécurité de résultat de sorte qu'il ne peut postérieurement prononcer un licenciement fondé sur une inaptitude qu'il aurait pu empêcher, et qu'en tout état de cause, le respect des prescriptions du médecin du travail suffit à laisser supposer que la salariée a été victime de harcèlement moral, de sorte que non seulement le licenciement postérieur est nul mais qu'elle est en droit en outre de solliciter l'octroi de dommages et intérêts.

Madame [W] soutient que la sanction est la même, que la cour fasse droit à la demande principale et prononce la nullité, ou à la seconde en constatant le manquement à l'obligation de reclassement, à savoir l'octroi de dommages et intérêts égaux a minima à 12 mois de salaire ; que l'octroi de cette indemnité fait obstacle à celui du doublement de l'indemnité de préavis, mais que s'il n'était pas fait droit à la demande d'octroi de l'indemnité visée aux articles L 1226'10 et 15, la salariée ayant été reconnue travailleur handicapée, il lui serait dû non pas 2 mais 3 mois de préavis.

La clinique Saint-Jean, intimée, demande à la cour de constater la régularité de licenciement pour inaptitude, juger le licenciement régulier fondé et reposant sur un motif réel et sérieux et en conséquence le rejet de l'ensemble des demandes formées par Madame [W]. La clinique sollicite en outre la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers frais et dépens.

À cet effet la clinique soutient avoir respecté ses obligations avant d'être contrainte de notifier le licenciement pour inaptitude. L'employeur fait valoir à cet égard qu'il ne pouvait pas proposer de poste de reclassement à compter de la visite médicale du 7 mars 2012, sans l'aval du médecin du travail qui devait se prononcer sur ce qu'il entendait par « aménagement de poste », et que le médecin du travail n'examinera l'intéressée que le 11 avril 2012 et autorisera la reprise du poste pendant un mois.

La clinique fait valoir en outre que ni la visite du 7 mars 2012, ni celle du 11 avril 2012 n'est entrée dans le cadre de la visite médicale visée par l'article R4624'31 du code du travail, et que seules les visites des 24 mai et 14 juin 2012 ont été expressément visées par le médecin du travail comme étant en référence à ces dispositions.

La clinique soutient qu'elle a tout mis en 'uvre pour reclasser la salariée selon les recommandations du médecin du travail ; qu'elle a obtenu l'approbation des délégués personnels et qu'elle a formulé des propositions de reclassements qui ont été refusées. En ce qui concerne les sociétés Financière Sainte-Marguerite, Logemed et GIE Sainte-Marguerite, la clinique fait valoir qu'il s'agit respectivement d'établissement n'ayant aucun salarié, n'ayant pas d'activité dans le domaine de la santé et étant exclue du champ d'application de l'UES, et n'employant que des cadres et techniciens.

La clinique conteste en outre les autres manquements qui lui sont imputés par Madame [W].

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des demandes et moyens des parties, il convient de se référer aux écritures des parties, oralement reprises.

SUR CE

Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de faire bénéficier la salariée de nuit d'une visite médicale tous les 6 mois

Madame [W] expose qu'elle était salariée de nuit, et que l'obligation de lui faire bénéficier d'une visite médicale tous les 6 mois est une obligation de sécurité de résultat et qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a satisfait à ses obligations en versant les bulletins de visite.

La clinique répond que la salariée ne peut lui reprocher de lui avoir fait passer une seule visite médicale en 2011 alors qu'elle a été absente plus de 7 mois cette année-là ; qu'en tout état de cause une précédente demande formée devant le conseil des prud'hommes de Toulon par une autre salariée, a été rejetée, le conseil ayant justement retenu que la salariée ne démontrait pas avoir subi un quelconque préjudice ; que la clinique a dû subir les dysfonctionnements des services de la médecine du travail et a néanmoins tout fait pour assurer la sécurité de ses salariés ; qu'en tout état de cause ces prétendus manquements tirés du non-respect des visites médicales sont anciens et n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail.

Tout travailleur de nuit bénéficie, avant son affectation sur un poste de nuit et à intervalles réguliers, d'une durée ne pouvant excéder 6 mois par la suite, d'une surveillance médicale particulière. Cette exigence est reprise dans la convention collective du 18 avril 2002 des fédérations de l'hospitalisation privée.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il a respecté cette obligation. En l'espèce la clinique verse seulement les documents suivants :

'une fiche de visite « périodique » en date du 25 février 2008

'une fiche de visite de reprise du 4 novembre 2008

'une fiche « périodique » de visite du 14 décembre 2009

'une fiche de reprise du 6 octobre 2011.

Ces documents établissent seulement que l'obligation a été respectée en 2008. En ce qui concerne 2011, la salariée n'a été en arrêt qu'à partir du 14 juin 2011, et il n'est justifié d'aucune visite dans les 6 premiers mois de l'année 2011, ni au cours de l'année 2010. Une seule visite est justifiée en 2009, sans qu'une période d'arrêt de travail ne soit invoquée. Aucun élément n'est donné pour la période antérieure à 2008.

Dès lors l'employeur ne justifie pas avoir respecté l'obligation de faire bénéficier à sa salariée d'une visite médicale régulière. Ce manquement de l'employeur cause nécessairement un préjudice. La circonstance que l'employeur se serait heurté à la carence de la médecine du travail, est en outre insuffisamment démontrée en l'espèce, dès lors que les courriers versés aux débats démontrent des difficultés survenues seulement en 2011, et qu'il n'est pas justifié que la médecine du travail ait été saisie de demandes de visite semestrielle pour les travailleurs de nuit. Au demeurant, il n'est pas démontré le caractère de force majeure de cette carence.

Le manquement de la clinique à son obligation sera intégralement indemnisé en l'espèce par l'allocation de la somme de 250 €.

Sur les demandes au titre de l'obligation de faire bénéficier la salariée d'un entretien individuel d'évaluation pour changement de classification dès 2000

Madame [W] soutient, au visa de l'article 90'6 de la CCU, que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de conclure un accord collectif d'entreprise sur le passage du groupe A au groupe B avant juin 2005, de sorte qu'elle a perdu une chance d'en bénéficier de 2000 à 2005. Elle invoque un préjudice né de la tardiveté de la conclusion de l'accord collectif qui aurait dû être conclu selon elle en 2000.

La clinique répond que l'accord d'entreprise du 10 juin 2005 précise l'obligation d'avoir un an d'ancienneté pour passer le premier entretien annuel, et que Madame [W] ayant été engagée le 16 novembre 2000, son premier entretien annuel devait logiquement avoir lieu après l'effectivité de cet accord ; qu'en outre celui-ci précise que le premier entretien aura lieu à l'initiative de l'employeur au plus tard le 31 décembre 2005 pour tous les employés inscrits à l'effectif à la date de la signature de l'accord et depuis au moins un an, et que cette obligation a été respectée puisque Madame [W] a bénéficié de son passage en catégorie B lors de son entretien annuel du 27 décembre 2005. La clinique fait valoir qu'en tout état de cause ce passage était soumis à la décision souveraine de la direction.

Il ne résulte pas de la lecture de l'article 90'6 de la CCU visée par Mme [W], l'existence d' une obligation pour l'employeur de conclure un accord collectif d'entreprise sur le passage du groupe A au groupe B avant une date précise, et en particulier avant l'année 2000, et ce d'autant que la CCU invoquée a été signée en avril 2002. Il est constant en outre qu'un accord collectif a bien été signé en 2005, et que Madame [W] a pu bénéficier du changement de catégorie. Faute de justifier du manquement de l'employeur, Mme [W] sera déboutée de sa demande.

Sur les demandes au titre de la computation du temps de travail

Demande au titre des temps de pause de nuit

Madame [W] soutient qu'aux termes de l'article 10 de l'accord de réduction et d'aménagement du temps de travail du 27 janvier 2000, les temps de pause des salariés doivent être considérés comme du temps de travail effectif. Elle soutient qu'en l'espèce, l'employeur paye ces temps de pause, mais refuse de les décompter pour l'acquisition des droits au repos.

Au visa des articles L 3121-33 du code du travail et 53-2 de la CCU elle sollicite la somme de 1500€ de dommages et intérêts.

L'employeur s'y oppose en faisant valoir que les salariés de nuit ont à leur disposition un plateau repas et des fauteuils ergonomiques leur permettant d'organiser leur temps de pause, lequel est payé et inclus dans le temps de travail et que Madame [W] peut prendre sa pause « comme bon lui semble ». L'employeur ajoute que selon la réponse du pôle social de la fédération de l'hospitalisation privée, du 20 août 2004, les dépassements au-delà de 8h54 des travailleurs de nuit doivent être restitués en temps de repos non rémunérés, et si les temps de repos existent déjà dans l'organisation des horaires, aucune contrepartie particulière n'est à prévoir.

S'il apparaît qu'aux termes de l'article 10 de l'accord du 27 janvier 2000 relatif à la réduction de l'aménagement du temps de travail du secteur de l'hospitalisation privée, les temps de pause, pour les salariés assurant pendant la pause la continuité du service sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, doivent être considérés comme temps de travail effectif et rémunéré en tant que tel, Madame [W] n'apporte aucun élément susceptible de démontrer qu'elle reste au service de l'employeur durant son temps de pause, lequel ne peut être assimilé à du temps de travail effectif même si l'employeur accepte de le rémunérer. La demande doit être rejetée.

Sur la demande de majoration de 10 % du brut par garde au titre de l'article 82'1 de la CCN

La salariée soutient que l'indemnité pour travail de nuit, majoration de 10 %, s'acquiert pour toutes les heures de travail comprises entre 19 heures et 8 heures, et que la clinique Saint-Jean cantonne pourtant le paiement de cette majoration de 10 % en violation de ces dispositions conventionnelles.

L'employeur soutient qu'elle procède bien au paiement des heures de nuit majorées sur l'amplitude 19h-08h, par garde sur la période de gestion, dont la date figurant en haut à gauche de la fiche de paye sous le bandeau « commentaire », et que dès lors selon la date de l'arrêt de la période de gestion, cela représente 4 ou 5 semaines ; que les variables sont arrêtées la semaine du 20, pour pouvoir établir les fiches de paye et effectuer le virement le 25 du mois et qu'il y a par conséquent toujours un décalage de paiement mais qu'il n'en demeure pas moins que le calcul est bien fait par garde.

Aux termes de l'article 82 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, « les salariés affectés au poste de travail de nuit percevront pour chaque heure effectuée entre 19 heures et 8h00 une indemnité égale à 10 % du salaire horaire ».

Il appartient dès lors à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté du paiement de cette majoration y compris pour les heures entre 19 heures et 21 heures et 6 heures et 8 heures. À cet égard la cour constate que les feuilles de paye produites aux débats ne permettent pas de vérifier que cette amplitude bel et bien été respectée pour les gardes.

Madame [W] produit quant à elle un décompte (page 9 de ses écritures oralement reprises) précis, non sérieusement contredit par l'employeur. Dès lors celui-ci devra lui verser à titre de rappel de salaire de ce chef la somme de 183,43 euros outre 18,34 euros au titre des congés payés y afférents.

Madame [W] sollicite que ces sommes lui soient allouées à titre « provisionnel » sans justifier de l'impossibilité de liquider les sommes dues. La cour constate en tout état de cause que le montant réclamé correspond à l'arriéré couru dans les 5 années précédant le licenciement, de sorte qu'il n'y a pas lieu de juger que ces sommes sont dues à titre provisionnel.

Sur le refus d'octroyer le repos compensateur

Madame [W] soutient que le droit au repos des salariés de nuit s'acquiert cumulativement :

'de façon continue heure par heure au taux de 0,25 pour toutes les heures de travail comprises entre 21 heures et 6 heures, droit que l'employeur respecte

'à raison de 100 % des temps de travail de nuit supérieurs à 8 heures, droit qui n'est pas respecté par l'employeur, lequel refuse d'octroyer la majoration de 100 % pour la 9e heure de nuit.

Elle sollicite en conséquence « une heure par garde à titre de dommages et intérêts pour réparer la privation du repos compensateur ». Au terme du tableau qu'elle produit, elle sollicite la somme de 5487,39 euros de dommages et intérêts.

Elle invoque les dispositions de l'article 53'2 de la convention collective nationale.

L'employeur invoque en réponse l'article 5'7 sur la durée quotidienne du travail, de l'accord sur la réduction de la durée du travail conclut par elle avec les partenaires sociaux, aux termes duquel « le service maternité fonctionnera selon une durée quotidienne de travail effectif qui s'échelonnera entre 10h50 et 12 heures (jusqu'à 12h30 la nuit uniquement). 2 jours de repos au moins sépareront les 2 jours de travail consécutifs ».

L'employeur toutefois, ne conteste pas le tableau fourni par Madame [W], listant le nombre de nuits travaillées dans le mois, (par exemple 12 nuits en janvier 2008), selon l'horaire 21heures-6 heures.

Or l'employeur, qui ne produit aucun décompte sur la durée des services et ni de décompte des repos accordés, ne démontre pas que le repos compensateur de 100 % pour la 9e heure de travail de nuit est inclus dans les 2 jours de repos séparant les 2 jours de travail consécutifs, et ne démontre pas avoir respecté le repos compensateur de 100 % pour la 9e heure. Il y a lieu dès lors de faire droit à la demande de Mme [W], d'un montant de 5 487, 39 €, qui est fondée dans son principe et dans son quantum.

Sur la demande au titre de la rémunération annuelle minimale garantie

Madame [W] invoque les articles 74 et 75'2 de la convention collective du 18 avril 2002, qui instaurent une rémunération annuelle garantie correspondant aux salaires annuels conventionnels augmentés de 5 % pour l'année 2002, ce taux étant révisable annuellement. Elle revendique la somme de 813,15 euros outre 80,35 euros d'indemnité pour congés payés y afférents.

L'employeur soutient en réponse que la rémunération annuelle garantie, a d'ores et déjà été perçue.

L'examen des bulletins de salaire permet de constater qu'en effet les bulletins de salaire établis au mois de décembre de chaque année tiennent compte d'un rappel pour la rémunération annuelle minimale garantie. (Par exemple en décembre 2011, 567,08 € bruts)

En réalité, la salariée conteste le taux qui a été appliqué par l'employeur, et revendique un taux de 5,7 % en vigueur selon elle depuis le 1er juillet 2007. Aucun élément n'est versé toutefois pour justifier que le taux applicable serait de 5,7 % depuis le 1er juillet 2007.

Au contraire, il ressort de l'article 3 de l'avenant n°25 du 20 avril 2012 à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, que la rémunération annuelle garantie en application de l'article 74, (et à l'exception des coefficients 165 à 204) est passée pour l'année 2012 à 5,7 % pour la période courant de la date d'effet de cet avenant au 31 décembre 2012.

La cour retient que l'employeur a correctement calculé la rémunération annuelle garantie et rejette la demande formée de ce chef par Mme [W].

Sur la demande au titre des temps d'habillage et de déshabillage

Madame [W] affirme, sans être contredite par la clinique, que le règlement intérieur prévoit le port d'une tenue obligatoire, et que les tenues ne doivent pas quitter l'établissement, leur nettoyage étant assuré par l'employeur.

Aux termes des dispositions de l'article L 3121'3 du code du travail, sous réserve de dispositions plus favorables assimilant les temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage ne peut pas être pris en compte dans la durée du travail : il doit faire l'objet de contreparties qui sont accordées sous forme de repos ou sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, ou le règlement intérieur et que l'habillage doit être réalisé dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

En l'espèce, l'employeur qui affirme qu'au sein des cliniques du groupe Sainte-Marguerite, dont fait partie la clinique Saint-Jean, le temps d'habillage et de déshabillage est compris dans le temps de travail, et est payé comme tel, reconnaît dès lors que la contrepartie accordée par lui se fait sous forme financière.

Il appartient à l'employeur qui se prétend libéré de son obligation d'en apporter la preuve.

En l'espèce, il résulte du règlement intérieur du système de gestion des temps (pièce 25) que le salarié doit pointer dans le service en tenue de travail à 8h05, mais que l'heure prise en compte (pour la paye) est 8 heures. Il en résulte nécessairement que les 5 minutes nécessaires à l'habillage sont payées. En revanche, en ce qui concerne la fin de service, l'heure pointée dans le service en tenue de travail est 8heures 07, et celle prise en compte (pour la paye) est également 8 heures 07. Il en résulte que le temps de déshabillage n'est pas rémunéré. L'employeur ne justifie pas d'une contrepartie en repos.

Le manquement de l'employeur est donc établi. Le préjudice sera intégralement indemnisé par l'allocation de la somme de 300 €.

Sur la demande de dommages-intérêts en raison de l'absence de calcul de la réserve de participation au niveau de l'UES

Madame [W] soutient qu'une « UES » a été reconnue par jugement déclaratif du 10 mars 2011 avec effet rétroactif en 2005 ; que ce jugement a fixé le paramètre de l'unité économique et sociale, et dit qu'il comprenait la société financière Sainte-Marguerite et la société de gestion Sainte-Marguerite ; qu'aucune de ces 2 sociétés n'a jamais conclu d'accords de participation ; que toutefois ces 2 personnes morales dégagent plus de bénéfices que toutes les autres réunies ; qu'il importe peu que les autres aient conclu des accords de participation avant 2005, et que postérieurement à 2011 un accord les ait exclues du périmètre judiciairement reconnu. Madame [W] soutient que pour la période 2005'2011, la réserve de participation aurait dû être calculée au niveau déterminé par le jugement donc compte tenu des 2 sociétés précitées.

Au visa de l'article L3322'2 du code du travail, l'intéressée sollicite la somme de 2500 € à titre de dommages-intérêts pour « perte d'une chance de se voir attribuer sa quote-part sur la réserve de participation constituée au niveau de l'UES ».

En réponse, la clinique invoque les dispositions de l'article R3322'2 du code du travail et soutient qu'un accord de participation peut se faire soit au niveau de l'unité économique et sociale elle-même, soit au niveau de chacune des entreprises incluses dans son champ. L'intimée invoque l'existence d'un accord de participation au sein de la clinique Saint-Jean, bien avant la reconnaissance de l'unité économique et sociale, en date du 5 septembre 2006, et soutient qu'à ce jour, hormis le GIE, toutes les entités formant l'UES disposent d'un accord de participation.

Aux termes de l'article L3322'2 du code du travail, une unité économique et sociale de 50 salariés et plus, conventionnellement ou judiciairement reconnue, a l'obligation de mettre en 'uvre la participation au profit des salariés compris dans le périmètre de l'UES. En l'espèce l'UES a été définitivement reconnue judiciairement par le jugement du conseil des prud'hommes de Marseille du 10 mars 2011 entre les sociétés Cliniques Saint-Jean, Clinique Saint Marguerite, Clinique Vert coteau, Clinique la Ciotat, la société Financière Sainte-Marguerite, la société Logemed, la société de gestion Sainte-Marguerite et le groupement d'intérêt économique Sainte-Marguerite. Le pourvoi formé contre cette décision a été déclaré non admis le 10 mai 2012.

L'article R 3322'2 du code du travail précise que « les entreprises constituant une unité économique et sociale mettent en place la participation soit par un accord unique couvrant l'unité économique et sociale, soit par des accords distincts couvrant l'ensemble des salariés de ces entreprises ».

En l'espèce, la clinique St Jean affirme, sans en justifier, que seul le GIE ne dispose pas d'un accord de participation. L'appelante affirme quant à elle, sans plus en justifier, que les sociétés financière Sainte-Marguerite et société de gestion Sainte-Marguerite n'ont jamais conclu d'accords de participation.

En tout état de cause, l'employeur ne démontre pas avoir respecté les dispositions légales relatives à la conclusion d'accords distincts couvrant l'ensemble des salariés du groupe. Il ne peut donc valablement invoquer l'alternative à un accord unique.

La cour retient en conséquence l'existence d'une perte de chance de bénéficier d'un accord de participation au niveau de l'UES. Le préjudice sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes liées à la rupture

sur la demande tendant à voir juger que le licenciement pour inaptitude, postérieur à l'irrespect de l'obligation d'aménager le poste, est sans cause réelle et sérieuse

Il résulte des pièces versées aux débats qu'après avoir été en arrêt à la suite d'un accident du travail survenu le 14 juin 2011, Madame [W] a fait l'objet d'une visite médicale « de reprise » le 7 mars 2012 à l'issue de laquelle la médecine du travail a précisé : « apte avec aménagement de poste en référence à l'article L4624-1 du code du travail car le port des patients et de toutes charges lourdes est incompatible avec l'état de santé actuel. À revoir dans les délais réglementaires après étude de poste. »

La période de suspension du contrat de travail s'est donc achevée le 7 mars 2012. En application des dispositions de l'article L1226-8 du code du travail, l'employeur était donc tenu de réintégrer le salarié dans son emploi.

Il est constant que du 8 mars au 10 avril 2012, Mme [W] a été placée en congés payés.

A l'issue d'une visite médicale le 11 avril 2012, le médecin du travail l'a déclarée « apte avec aménagement de poste en référence à l'article L4624-1 du code du travail, limiter les mouvements de traction de l'épaule ».

La salariée soutient, à titre principal, que la période de suspension du contrat a pris fin avec la visite de reprise du 7 mars 2012, et que l'obligation de l'employeur de rechercher des solutions de reclassement notamment par un aménagement de poste, est née à cette date ; que pourtant l'employeur a laissé la salariée , qui n'était plus éligible au bénéfice des indemnités maladie, reprendre son poste le 10 avril 2012 sans chercher à l'aménager, et a ainsi gravement manqué à son obligation de sécurité de résultat de sorte qu'il ne pouvait postérieurement prononcer un licenciement fondé sur une inaptitude qu'il aurait pu empêcher, et qu'en tout état de cause, l'irrespect des prescriptions du médecin du travail suffit à laisser supposer que la salariée a été victime de harcèlement moral, de sorte que non seulement le licenciement postérieur est nul mais qu'elle est en droit en outre de solliciter l'octroi de dommages et intérêts.

L'employeur ne conteste pas Madame [W] a repris son poste de travail dans les conditions antérieures, sans aménagement. Cette absence de modification de l'exercice du poste de travail est confirmée par le courriel adressé le 11 avril 2012 par la clinique à la médecine du travail en ces termes : « je reçois ce jour votre fiche de visite de reprise pour notre salarié. Vous prescrivez un aménagement de poste : limiter les mouvements de traction de l'épaule. Lors de votre visite du 16 mars 2012 pour son étude de poste, vous avez constaté par vous-même que le poste de nuit qu'elle occupait un poste qui nécessite peu de manipulation de patients par rapport au poste de jour (pas de toilettes, pas de transfert, pas de soins etc.), et qui bénéficie de tous les équipements nécessaires à une manutention réglementaire (lève malade, planche de transfert, diélectrique'). Nous vous avons aussi indiqué qu'il était impossible de solliciter les autres salariés du service pour manipuler les patients de Madame [F] , ce qui reviendrait à surcharger leurs postes respectifs et à provoquer des TMS sur les salariés en bonne santé ' cela est totalement contraire à la politique de prévention que nous menons dans nos établissements. Il nous est impossible économiquement de rajouter du personnel dans nos services, donc impossible d'aménager ce poste !!! (Comme nous vous l'avions déjà démontré lors de la visite). Nous attendons donc votre position sur ce dossier : à savoir envisager une seconde visite pour inaptitude, ou suppression des contraintes de reprise sur le poste »

Par courrier du 30 avril 2012, Madame [W] épouse [F] demandait à son employeur de prendre son état de santé en considération afin de faire en sorte de respecter les préconisations des médecins se disant ouverte à toutes propositions pour améliorer ses conditions de travail.

Par courrier du 14 mai 2012, adressé à la médecine du travail, la clinique Saint-Jean a réaffirmé l'impossibilité d'aménager le poste de travail de l'intéressée.

Au terme des conclusions développées devant la cour d'appel, oralement reprises, la clinique soutient qu'elle n'était pas en mesure d'aménager des postes de travail ni d'adjoindre un autre salarié pour aider Madame [W], sans provoquer une surcharge de travail vis-à-vis des autres employés, et qu'elle n'était pas non plus en mesure, économiquement, de procéder à des embauches.

Il se déduit de ces éléments que l'employeur a laissé la salariée reprendre le travail sans prendre de mesures afin de « limiter les mouvements de traction de l'épaule ».

Le fait qu'en réponse à ce courriel du 11 avril 2012, la médecine du travail ait indiqué par mail le 13 avril 2012 à l'employeur que ses « recommandations étaient les suivantes : rester en horaires de nuit, car la charge physique est moins importante qu'en horaire de jour, utiliser tous les équipements mis à disposition pour la manutention, refaire une session de formation gestes et postures, et lui rappeler les bons gestes pour ne pas nuire à sa pathologie séculaire » ne dispensait pas l'employeur de mettre en 'uvre les préconisations de la visite de reprise quant à la limitation des mouvements de traction de l'épaule.

Il appartient à l'employeur qui a réaffecté la salariée à son emploi habituel, de justifier de l'adaptation de son poste de travail, ou des raisons pour lesquelles une telle adaptation était impossible. En l'espèce les motifs allégués ne seront pas retenus par la cour, car l'employeur ne démontre pas l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de renforcer les effectifs de nuit pour soulager Madame [W].

De ce fait, le licenciement qui est intervenu postérieurement pour inaptitude, laquelle résulte de la carence de l'employeur, se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse, la reprise du travail s'étant préalablement faite en méconnaissance de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur.

En revanche, l'allégation de Madame [W] selon laquelle l'irrespect de la prescription du médecin du travail suffit à supposer qu'elle a été victime de harcèlement moral (de sorte que son licenciement postérieur serait nul), doit être écartée dès lors que le fait qu'elle rapporte ne caractérise pas « des agissements répétés », et que l'employeur démontre en outre avoir été en constant contact avec la médecine travail afin de prendre en charge la situation médicale de Madame [W], de sorte que dès le 24 mai 2012, une déclaration d'inaptitude au poste (première visite au sens de l'article R 4624-31 du code du travail) était prononcée.

La demande principale, fondée sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat faisant obstacle au licenciement postérieur pour une inaptitude que l'employeur aurait pu empêcher, étant accueillie, il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire fondée sur le manquement à l'obligation de reclassement.

Sur la consultation des délégués du personnel

Mme [W] fait valoir que « la délivrance de la preuve de la consultation des DP pèse sur la clinique Saint-Jean qui est tenue de délivrer copie du document qui a été adressé aux DP et du PV de le la réunion extraordinaire du 25/07/2012 ».

En application des dispositions de l'article L 1226'10 du code du travail, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail.

L'avis des délégués du personnel doit être recueilli après la déclaration d'inaptitude et avant toute proposition d'un poste de reclassement approprié aux capacités du salarié. L'employeur doit fournir au délégué toutes les informations nécessaires.

En l'espèce, l'employeur verse aux débats (pièce 11 régulièrement communiquée) la convocation des délégués du personnel le 16 juillet 2012 et le procès-verbal de réunion extraordinaire des délégués du personnel du 25 juillet 2012, dont il résulte que les délégués du personnel ont été réunis spécialement pour évoquer la situation de Mme [W] : une information complète a été donnée sur son poste de travail, sur l'accident du travail, les préconisations du médecin du travail, et les recherches de reclassement ainsi que les propositions de reclassement.

À l'unanimité les délégués ont donné un avis favorable aux propositions de reclassement. Cet avis a été recueilli après la déclaration d'inaptitude et avant toute proposition de poste de reclassement au salarié.

La cour constate le respect de la procédure par la clinique de ce chef.

Sur l'indemnité de licenciement

Madame [W] sollicite une indemnité égale « à minima à 12 mois de salaire » soit la somme de 19 488 € à titre de dommages et intérêts. Elle invoque les dispositions des articles L 1226'10 et 1226'15 du code du travail. Dès lors toutefois que la cour a fait droit à sa demande principale, en ce qui concerne le licenciement, qui n'était pas fondée sur les dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail, lesquelles n'étaient invoquées qu'à titre subsidiaire, la sanction minimale des 12 mois de salaire n'est pas encourue.

S'agissant d'une salariée ayant plus de 2 ans d'ancienneté et d'une entreprise occupant habituellement plus de 10 salariés, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L 1235'3 du code du travail.

En ce qui concerne le préjudice, la cour constate que Madame [W] n'apporte aucune précision ; elle ne précise pas en particulier si elle a retrouvé un travail. Elle ne verse aucune pièce.

En considération de son ancienneté, 11 ans et 9 mois, de son âge au moment du licenciement à savoir 49 ans, et de sa rémunération brute mensuelle non contestée de 1624 €, le préjudice sera intégralement indemnisé par l'allocation de la somme de 15 000 €.

Sur la demande au titre de l'indemnité de préavis

Madame [W], qui affirme avoir été reconnue travailleur handicapé, ne verse aucune pièce pour en justifier. La demande doit en conséquence être rejetée.

Sur les autres demandes

Il serait inéquitable de laisser supporter à Mme [W] épouse [F] la charge des frais irrépétibles par elle exposée à l'occasion de procédure. La clinique devra lui verser la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tenant compte des frais irrépétibles tant de première instance que d'appel.

La clinique St Jean, qui succombe, verra sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile rejetée, et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoire et en matière prud'homale

Déclare recevable l'appel en la forme,

Sur le fond,

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 22 janvier 2014 en toutes ses dispositions

Juge dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [W] épouse [F]

Condamne la Clinique Saint Jean à payer à Mme [O] [W] épouse [F] les sommes suivantes :

-15 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 250 € au titre du manquement à l'obligation de faire bénéficier la salariée de nuit d'une visite médicale tous les 6 mois 

- 300 € au titre des temps de déshabillage

- 183,43 euros outre 18,34 euros au titre des congés payés y afférents, à titre de rappel de salaire en application de l'article 82-1 de la convention collective

- 5487, 39 € au titre du refus d'accorder le repos compensateur pour la 9eme heure de nuit

- 1 000 € au titre de la perte de chance de bénéficier d'un calcul de la réserve de participation au niveau de l'UES

Juge que cette dernière somme n'est pas une provision

Condamne la Clinique Saint Jean à payer à Mme [O] [W] épouse [F] la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute Mme [W] épouse [F] de ses demandes au titre de l'obligation de faire bénéficier la salariée d'un entretien individuel d'évaluation pour changement de classification dès 2000, au titre des temps de pause de nuit , au titre de la rémunération annuelle minimale garantie , et au titre de l'indemnité de préavis et du surplus de ses demandes

Déboute la clinique Saint Jean de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la Clinique Saint Jean aux dépens de première instance et d'appel

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/03536
Date de la décision : 21/01/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/03536 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-21;14.03536 ?
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