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08/01/2016 | FRANCE | N°14/12984

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 08 janvier 2016, 14/12984


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 08 JANVIER 2016



N°2016/22















Rôle N° 14/12984







[M] [O]





C/



[Q] [K]

































rosse délivrée le :

à :

Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON



Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON
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Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section AD - en date du 02 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 14/234.





APPELANTE



Madame [M] [O], demeurant [Adresse 2]



représentée par...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 08 JANVIER 2016

N°2016/22

Rôle N° 14/12984

[M] [O]

C/

[Q] [K]

rosse délivrée le :

à :

Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON

Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section AD - en date du 02 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 14/234.

APPELANTE

Madame [M] [O], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

Madame [Q] [K], exploitant le laboratoire [K], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Thierry CABALE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller qui en a rapporté

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2016

Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [M] [O] a été embauchée par contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er mars 1996 en qualité de technicienne, par Madame [Q] [K], exploitant le 'laboratoire Mari'.

Par lettre remise en main propre le 06 octobre 2012 visant l'article L 1222-6 du code du travail, l'employeur a sollicité de la salariée qu'elle se prononce sur une proposition de modification substantielle de son contrat de travail dans le sens d'une modification de la répartition de ses horaires sans réduction de ceux-ci, consistant à avancer le début de sa journée d'une heure, soit de 7 heures à 6 heures, du lundi au vendredi, proposition refusée par lettre du 09 octobre 2012.

A la suite de ce refus et par lettre recommandée du 12 octobre 2012, l'employeur, tirant argument de prélèvements devant se faire 'tôt le matin'sur lesquels la fonction de la salariée devait être 'basée', lui a proposé une nouvelle modification de la répartition des horaires débutant à 7 heures avec une réduction de la durée mensuelle passant de 130 heures à 82,34 heures moyennant une diminution du salaire brut de 1739,13 euros à 1101,56 euros,

Après un nouveau refus, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable du 27 novembre 2012 par lettre remise en main propre le 19 novembre 2012 puis l'a licenciée pour motif économique par lettre recommandée du 06 décembre 2012.

Le Conseil de prud'hommes de Toulon, par jugement en date du 02 juin 2014, a dit que le licenciement pour motif économique était justifié, a débouté les parties de leurs autres demandes et a condamné la salariée aux entiers dépens.

Le 26 juin 2014, la salariée a relevé appel du jugement.

Aux termes de conclusions reprises oralement à l'audience aux fins de réformation, elle demande à la cour :

- de dire et juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, d'une part, pour non-respect des prescriptions légales en matière de modification des heures de travail pour les salariés à temps partiel et en raison de l'inexistence du motif économique faute de nécessité de supprimer son poste au prétexte d'une réorganisation future pour obtenir la nouvelle accréditation par le COFRAC, d'autre part, pour non-respect de l'ordre des licenciements,

- de condamner l'employeur à lui payer les sommes de:

. 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 290,98 euros, 487,04 euros, 422,80 euros et 529,22 euros à titre de rappels de primes de fin d'années dite de 13ème mois, de 2009, 2010, 2011 et 2012, dès lors que son calcul jusqu'en 2003, à concurrence du 13ème du cumul net annuel imposable perçu, n'a pas été respecté pour les années suivantes, ce qui implique un reliquat pour les années non-prescrites,

. 173 euros à titre d'indemnité de congés payés subséquents,

. 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- de condamner l'employeur aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions reprises oralement à l'audience, l'employeur sollicite la confirmation du jugement et que la salariée soit déboutée de ses demandes et condamnée à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce que :

- la modification de la répartition des horaires de travail a été rendue nécessaire afin de respecter les délais entre les prélèvements, devant intervenir plus tôt le matin, et l'arrivée sur le plateau technique mutualisé aux fins d'analyse, dans le cadre d'un regroupement économique indispensable pour obtenir l'accréditation prévue par l'ordonnance du 13 janvier 2010,

- le refus de la première proposition nécessitait le recrutement d'un préleveur pour la tranche horaire de 6 heures et 8 heures et, consécutivement, une nouvelle proposition entraînant cette fois-ci la réduction du temps de travail de la salariée qui ne devait plus assurer les prélèvements techniques, proposition qu'elle a refusée alors que les deux autres techniciennes ont accepté les modifications d'horaires,

- le nouveau préleveur n'a pas été recruté en dépit d'une annonce et le poste de la salariée a été supprimé dès lors qu'une autre technicienne a accepté une nouvelle modification de ses horaires,

- le motif économique, soit la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du laboratoire, était réel à la date du licenciement dès lors qu'à compter du 15 mai 2012, le regroupement de structures a été envisagé dans une démarche d'accréditation qui a été formalisée par un protocole d'accord puis, le 30 novembre 2012, par un contrat de collaboration avec la société Biolittoral,

- aucun ordre de licenciement ne devait être observé en présence d'un licenciement pour refus d'une modification substantielle du contrat de travail par un seul salarié sur les trois concernés,

- il n'est pas justifié du préjudice allégué faute d'éléments sur une recherche effective d'emploi et compte tenu de la perception d'allocations chômage majorées à compter du 18 décembre 2012,

- la prime de 13ème mois sollicitée n'est pas due et la salariée a perçu des primes de 2010 à 2012 suivant un usage sans support contractuel ou conventionnel.

MOTIFS:

Sur la rupture du contrat de travail :

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

En vertu des dispositions de l'article L 1222-6, dans sa version applicable en l'espèce, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

Selon l'article L 1233-6, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur et de l'incidence précise du motif économique sur l'emploi occupé par le salarié.

Le contrôle du caractère réel et sérieux du motif économique, qui s'apprécie à la date du licenciement en tenant compte le cas échéant d'éléments postérieurs, implique la vérification de l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, auquel le juge ne peut se substituer dans la mise en oeuvre de la réorganisation.

La salariée fait valoir, d'une part, que le contrat de travail ne prévoyant ni la nature, ni les cas envisagés s'agissant de la modification des heures de travail devant lui être notifiée dans un délai déterminé, il résulte des dispositions de l'article L 3123-24 du code du travail que son refus de la proposition de changement d'horaire ne peut constituer une faute ou un motif de licenciement, alors qu'en tout état de cause, des obligations familiales impérieuses lui permettaient de s'opposer à ce changement, d'autre part, que la cause économique est inexistante faute de nécessité de supprimer son poste après qu'une proposition, portant sur une simple modification d'horaires, ait été légitimement refusée.

En vertu des dispositions de l'article L 3123-24 précité, lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail, alors que le contrat de travail n'a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon les modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d'activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de changement des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document écrit communiqué au salarié en vertu du 3° de l'article L. 3123-14.

Le contrat de travail du 1er mars 1996 et l'avenant du 02 avril 2010 prévoient que la répartition des horaires, débutant à 7 heures, précisément détaillée, peut être modifiée en respectant un délai de prévenance de sept jours, sans énoncer pour autant les cas et la nature de telles modifications en violation des dispositions de l'article L 3123-24 du code du travail, de sorte que le refus de la salariée d'accepter le changement d'horaires ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

Or, le motif économique énoncé dans la lettre de licenciement est une nécessaire réorganisation du laboratoire pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise rendant impérative la suppression de son poste de technicienne en raison du refus de la salariée d'une modification d'horaire pour permettre de débuter plus tôt les prélèvements dans le cadre des incidences du processus d'accréditation, refus ayant entraîné, compte-tenu de l'impossibilité alléguée d'une transformation de son emploi au regard de ses compétences, une proposition de réduction d'horaire hebdomadaire et mensuel, elle-même refusée.

Il s'en déduit que le licenciement, motivé exclusivement par le refus de la salariée d'accepter une modification de la répartition de ses horaires de travail consistant à avancer d'une heure le début des prélèvements dans le cadre d'une réorganisation économique de l'entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité, quand cette réorganisation n'exigeait la suppression de son poste qu'en raison de son refus légitime de changements d'horaires en cascade, est sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au regard de l'âge, de l'ancienneté, de la capacité de la salariée à retrouver un emploi outre d'une diminution de ses revenus par suite de la perception d'allocations dans le cadre d'une formation d'infirmière, son préjudice consécutif à son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera indemnisé à concurrence d'une somme de 15.000 euros.

Sur les primes:

Il ressort des bulletins de salaire, essentiellement des mois de décembre de chaque année, que la salariée a bénéficié d'une prime de fin d'année de montants et de calculs variables.

L'employeur reconnaissant qu'il s'agit d'un usage, et la salariée apportant la démonstration de la fixation de modalités de calcul préalables et constantes de 1998 à 2003 inclus, soit un 13 ème du montant de base 'tranche A' pour le calcul des cotisations, celle-ci réclame à bon droit des rappels pour les années 2009 à 2012 à hauteur de 1.730,04 euros, somme qui lui sera donc allouée.

Il y a lieu de lui allouer en outre une somme de 173 euros à titre d'indemnité de congés payés subséquente.

Sur les frais irrépétibles:

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en considération de l'équité, il sera alloué à la salariée la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

Sur les dépens:

Madame [K], qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement pour motif économique est sans cause réelle et sérieuse.

Condamne Madame [Q] [K] à payer à Madame [M] [O] les sommes de:

- 15.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.730,04 euros à titre de rappel de primes de fin d'année,

- 173 euros à titre d'indemnité de congés payés correspondants aux rappels de primes,

- 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne Madame [Q] [K] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 14/12984
Date de la décision : 08/01/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°14/12984 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-08;14.12984 ?
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