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18/12/2015 | FRANCE | N°14/12717

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 18 décembre 2015, 14/12717


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 18 DECEMBRE 2015



N°2015/721

TC













Rôle N° 14/12717







[M] [S]





C/



ASSOCIATION ARTEAI



































Grosse délivrée le :

à :

Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON



Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au b

arreau de TOULON





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section AD - en date du 02 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/120.





APPELANTE



Madame [M] [S], demeurant [Adresse 1]
...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 18 DECEMBRE 2015

N°2015/721

TC

Rôle N° 14/12717

[M] [S]

C/

ASSOCIATION ARTEAI

Grosse délivrée le :

à :

Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section AD - en date du 02 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/120.

APPELANTE

Madame [M] [S], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

ASSOCIATION ARTEAI, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Séverine CAUMON, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Thierry CABALE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller qui en a rapporté

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2015

Signé par Monsieur Jean Bruno MASSARD, conseiller pour la Présidente empêchée et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [M] [S] a été embauchée par l'Association pour la Rééducation et le Traitement des Enfants et Adultes Inadaptés ( ARTEAI), en qualité d'aide-soignante dans un foyer d'accueil médicalisé à [Localité 1], à compter du 13 février 2006 aux termes d'un contrat à durée déterminée suivi de plusieurs contrats à durée déterminée en cette même qualité puis d'un contrat à durée indéterminée à compter du 06 mars 2007 en qualité « d'aide-soignante de nuit ».

Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 janvier 2013, l'employeur a donné un avertissement à la salariée afin de sanctionner son comportement lors d'une réunion de travail du 28 novembre 2012, ce qu'elle a contesté par lettre du 26 janvier 2013.

Saisi le 04 février 2013, le Conseil de prud'hommes de Toulon, par jugement en date du 02 juin 2014, a débouté Madame [S] de ses demandes aux fins d'annulation d'un avertissement et d'indemnisation consécutive à l'abus de pouvoir disciplinaire, de résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur, outre de paiement d'une indemnité de requalification de contrat à durée déterminée par application de la prescription quinquennale, de dommages et intérêts pour le préjudice consécutif à l'absence de surveillance médicale renforcée, d'une indemnité au titre du non-respect du temps de repos, d'un rappel de salaires correspondant aux heures consacrées aux réunions et visites médicales, de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, ainsi que d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Le 23 juin 2014, Madame [S] a interjeté appel de ce jugement.

Après avoir été déclarée inapte à son poste de nuit et apte à un poste d'aide-soignante en horaires de journée ou tout autre poste en horaire de journée, et à l'issue d'un entretien préalable du 05 septembre 2013 auquel elle ne s'est pas présentée, la salariée a été licenciée par lettre recommandée avec avis de réception du 10 septembre 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Aux termes de conclusions reprises oralement à l'audience, la salariée sollicite de la cour qu'elle:

- requalifie la relation de travail en contrat à durée indéterminée depuis le 27 mars 2006 faute de mention des noms des salariés remplacés,

- annule l'avertissement du 08 janvier 2013 à défaut de preuve des faits sanctionnés alors que l'employeur ne pouvait exiger une garde en raison de l'usage de permutations, de la brièveté du délai de prévenance et de la violation de la législation sur la durée du travail qu'elle impliquait,

- prononce la résiliation du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul par suite du harcèlement moral ayant consisté à l'obliger à travailler en violation de la législation du travail après l'avoir dénoncée, ou produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la violation permanente des normes édictées pour protéger la santé de la salariée et assurer sa sécurité,

- condamne l'employeur à lui payer, en sus du solde de congés acquis et non-pris à la date « du jugement à intervenir », les sommes de :

. 1.218 euros à titre d'indemnité de requalification en application de l'article 1245-2 du code du travail, en l'absence de prescription quinquennale en ce qu'elle n'a pas eu connaissance de son droit lors de la conclusion du contrat mais dans les deux mois après cette date,

. 100 euros pour abus de pouvoir disciplinaire en raison de la demande de retrait de la sanction par la salariée,

. 500 euros à titre d'indemnisation de son préjudice subi du fait de l'absence de surveillance médicale renforcée en tant que travailleur de nuit en violation des prescriptions énoncées aux articles L 3122-42 et R 3122-18 à 22 du code du travail,

. 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'absence de preuve du respect de la durée maximale du travail quotidien et hebdomadaire, du temps de pause après six heures de travail effectif et des temps de repos compensatoires au-delà de huit heures de travail de nuit, en application de la directive européenne 2003/88/CE et faute d'accord d'entreprise opposable,

. 3.500 euros correspondant à la perte de 481 heures de récupération de 2009 à 2012 au titre du droit au repos au-delà de huit heures de travail quotidien en application des articles R 3122-9 et R 3122-12 du code du travail, ayant travaillé neuf heures par jour,

. 428,85 euros à titre de rappel de salaires correspondant aux heures consacrées aux réunions de travail et aux visites médicales obligatoires organisées en dehors des horaires de travail, en application de l'article L 3121-1 du code du travail,

. 2.894 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 289,40 euros à titre d'indemnité de congés payés subséquente,

. 8.682 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

. 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Par des conclusions écrites reprises oralement à l'audience, l'ARTEAI sollicite le rejet des demandes et la condamnation de la salariée au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, soutenant :

. que les contrats à durée déterminée sont réguliers et précis et l'indemnité prescrite en application de la prescription quinquennale ayant couru à compter de leur signature,

. que l'avertissement du 08 janvier 2013 est légitime au regard de la réalité des faits sanctionnés, soit, l'insubordination de la salariée caractérisée par son attitude et les propos qu'elle a tenus lors d'une réunion des veilleurs de nuit du 28 novembre 2012, et non en raison d'un prétendu refus de garde dès lors que cette difficulté était résolue, un salarié ayant proposé de la remplacer pour assurer la garde du 30 novembre 2012,

. que l'obligation relative à la convocation de la salariée à la médecine du travail a été respectée, compte tenu des convocations dont elle justifie,

. que la directive européenne n'étant pas d'application directe, les règles en matière d'horaires de travail quotidien et de nuit, de temps de pause et de repos ont été respectées en application de la convention collective de travail pour les secteurs sanitaire, social et médico-social du 26 août 1965 et de l'accord du 08 juillet 2004 qui prévoient un horaires quotidien pouvant atteindre 12 heures pour le personnel assurant le coucher et le lever des usagers, une plage nocturne de 9 heures continues entre 21 heures et 7 heures, la comptabilisation du temps de pause comme temps de travail effectif s'il ne peut être pris par le personnel qui doit demeurer disponible, un repos compensateur à concurrence de deux jours par an pour le travail de nuit et un repos quotidien de 11 heures pouvant être réduit à 9 heures pour assurer la continuité du service de l'accueil et la sécurité des personnes accueillies,

. que le travail effectif de la salariée lui a été intégralement payé, relevant une contradiction entre le fait de réclamer une indemnisation au titre du temps passé aux visites médicales et un dédommagement au titre de l'absence de convocation aux visites médicales obligatoires,

. que la rupture du contrat de travail ne lui est pas imputable en l'absence de faute ou de harcèlement moral, par suite du respect des règles applicables en matière de temps de travail, de pause et de repos, et faute de discrimination dans la répartition des nuits entre les salariés en 2012, laquelle dépendait des desideratas de Madame [S] qui n'a jamais cumulé plus que le quota prescrit de quatre nuits par semaine.

MOTIFS :

Sur la requalification:

La seule référence, dans le contrat du 27 mars 2006, au « remplacement de personnel en congés annuels et exceptionnels » sans la moindre précision sur le nom de la ou des personnes concernées, ne permet pas de considérer remplie la condition énoncée à l'article L 1242-12 1' du code du travail qui exige que figurent, dans le cas, comme en l'espèce, d'un remplacement prévu par le 1' de l'article L 1242-2, le nom du salarié remplacé et sa qualification professionnelle.

L'indemnité de requalification prévue par les dispositions de l'article L 1245-2 du code du travail ayant la nature de dommages et intérêts, et l'origine de la requalification étant un vice de forme et non un usage abusif de contrats à durée déterminée successifs, c'est la date de conclusion du contrat comportant le vice, date à laquelle la salariée en a eu connaissance, qui constitue le point de départ du délai de prescription.

L'instance ayant été introduite avant la promulgation de la loi du 14 juin 2013 qui a instauré une prescription biennale pour toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail, dont l'action en requalification, ce sont les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 qui s'appliquent, faute d'expiration du délai de prescription trentenaire avant l'expiration du délai de prescription quinquennale ayant commencé à courir à compter du 18 juin 2008, de sorte que c'est à compter de cette date qu'a couru le délai de prescription quinquennale de la demande d'indemnité.

Or, le premier acte interruptif étant la saisine de la juridiction de première instance le 04 février 2013, et toute demande d'indemnité étant donc prescrite pour un contrat conclu avant le 04 février 2008, la demande au titre du contrat du 27 mars 2006 est prescrite.

La salariée sera donc déboutée de cette demande.

Sur l'avertissement du 08 janvier 2013 :

Le motif de l'avertissement est ainsi rédigé dans la lettre du 08 janvier 2013 :

« Lors de la réunion organisée le 28 novembre 2012 en présence des veilleurs de nuit, vous avez eu une attitude et tenu des propos qui ne sont pas acceptables.

Vous avez élevé la voix en vous adressant à vos collègues, en leur reprochant de ne pas vouloir vous remplacer pour des nuits prévues sur votre planning.

Vos collègues vous ont demandé de vous calmer et des propositions pour vous remplacer ont été faites. Vous avez crié de plus en plus fort, ce qui a amené la directrice adjointe à vous proposer de sortir un instant pour vous calmer et de revenir quelques minutes plus tard. Vous avez répondu qu'elle n'avait pas à vous dire ce que vous aviez à faire ou pas.

Vous êtes sortie de la réunion. Quelques minutes plus tard, certains de vos collègues sont partis à votre recherche et vous ont retrouvé sur la route.

Vous avez refusé de réintégrer votre lieu de travail en vous énervant et en criant.

Je vous rappelle que vous n'avez pas à quitter votre lieu de travail sans autorisation de votre hiérarchie, que cette dernière est habilitée à vous donner des directives que vous devez suivre au risque d'une rupture du lien contractuel.

D'autre part, il n'est pas acceptable de monter le ton, de crier sur un lieu de travail. »

Il ressort d'un compte-rendu de réunion, signé par six salariés qui en ont approuvé le contenu s'agissant des faits qui suivent, qu'en dépit de la proposition d'un certain « [W] » pour remplacer Madame [S], celle-ci a continué à crier, s'est levée et que, sans autorisation pour quitter la réunion et après qu'il lui ait été demandé de se calmer, est sortie en claquant la porte après avoir notamment tenu les propos suivants : « soyez tranquille je me casse, on se verra au prud'homme ! Vous allez voir et puis vous me dites pas ce que j'ai à faire ou pas. Je me casse ! ».

Ainsi, indépendamment du débat sur la garde du 30 novembre 2012, étant tout de même observé que la proposition d'un collègue permettait à Madame [S] de ne pas en avoir la charge, la sanction est justifiée au regard de la nature de ses propos, du ton adopté et de son comportement ayant consisté à se lever et à quitter les lieux précipitamment en vociférant, manifestement inapproprié et traduisant une réaction disproportionnée au vu du déroulement de la réunion, outre une insubordination caractérisée.

Les demandes d'annulation de la sanction, pourtant justifiée et proportionnée à la gravité des faits, et d'allocation d'une indemnité au titre d'un abus de pouvoir disciplinaire, seront donc rejetées.

Sur l'absence de surveillance médicale renforcée :

L'article L 3122-42 du code du travail dispose : « Tout travailleur de nuit bénéficie, avant son affectation sur un poste de nuit et à intervalles réguliers d'une durée ne pouvant excéder six mois par la suite, d'une surveillance médicale particulière dont les conditions d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »

En vertu des prescriptions des articles R 3122-18 et suivants, cette surveillance médicale renforcée, qui a pour objet de permettre au médecin du travail d'apprécier les conséquences éventuelles du travail de nuit pour leur santé et leur sécurité, et d'en appréhender les répercussions potentielles sur leur vie sociale,

Elle s'exerce dans des conditions strictes qui imposent notamment que le travailleur ne peut être affecté à un poste de nuit que s'il a fait l'objet d'un examen préalable par le médecin du travail et si la fiche d'aptitude atteste que son état de santé est compatible avec une telle affectation. Cette fiche indique la date de l'étude du poste de travail et celle de la dernière mise à jour de la fiche d'entreprise lorsqu'elle est exigible. Elle est renouvelée tous les six mois, après examen du travailleur par le médecin du travail.

Il en résulte que l'intervalle entre deux visites d'une durée maximale de six mois doit être scrupuleusement observé par l'employeur qui ne peut se contenter d'assurer au salarié une moyenne de deux visites annuelles.

En l'espèce, l'employeur ne justifie pas du respect de cette obligation au regard des seules dates de visites dont il se prévaut, soit des 31 mai 2006, 17 décembre 2007, 12 janvier 2009, 30 avril 2009, 12 novembre 2009, 29 mars 2010, 15 novembre 2010, 20 juin 2011, 10 novembre 2011, 03 mai 2012, 15 novembre 2012, 29 juillet 2013, 07 août 2013 et 14 août 2013.

Il sera donc alloué à la salariée une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice nécessairement subi du fait du non-respect de cette obligation.

Sur le temps de travail :

La directive 2003/88/CE du 04 novembre 2003, qui fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail, s'applique notamment aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire ainsi qu'au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail, outre à certains aspects du travail de nuit et du rythme de travail.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, une directive ne peut être opposée qu'à l'État membre défaillant, effet direct « vertical », ou à l'autorité étatique, cette notion étant étendue aux organismes et entités soumis à l'autorité ou au contrôle de l'État, ou qui disposent de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables entre particuliers.

Au regard de ce principe, les articles 3 sur le repos journalier, 4 sur le temps de pause, 5 sur le repos hebdomadaire, 6 sur la durée de travail maximale hebdomadaire et 8 sur la durée du travail de nuit, peuvent être invoqués directement par le salarié à l'encontre de son employeur si l'association ARTEAI réunit les conditions précitées en tant qu'entité soumise à l'autorité ou au contrôle de l'Etat.

Il y a lieu de procéder à cette analyse à la lumière de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui a posé le principe suivant : « Indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints ».

L'association à but non-lucratif ARTEAI gère un institut médico-éducatif et un foyer d'accueil médicalisé pour enfants et adultes handicapés. Elle a pour but la prise en charge, en internat ou par toute autre structure, le traitement médical et la réadaptation des enfants et adultes inadaptés.

A la lumière des dispositions précitées, en ce qu'elle est directement dépendante de l'autorité publique pour sa création en tant que structure d'accueil des personnes handicapées et gestionnaire de services de soins et médico-sociaux dans le cadre de la mise en 'uvre de la politique publique concernant l'organisation de l'offre de soins en fonction des besoins de la population, en ce qu'elle est soumise à son contrôle quant à son fonctionnement, notamment par le biais de l'évaluation et de la formation des professionnels de santé, et en ce qu'elle en perçoit une partie de ses financements, l'association ARTEAI est une entité à laquelle peuvent être directement opposés les articles susvisés de la directive 2003/88/CE.

La Cour de cassation a posé le principe suivant lequel « les différentes prescriptions énoncées par la directive de 2003 en matière de temps minimal de repos constituent des règles de droit social d'une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé. »

Les prescriptions énoncées aux articles 3 à 6, 8 et 16 sont suffisamment précises pour être directement appliquées.

Sur le repos journalier, le travailleur doit bénéficier, d'une part, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives, d'autre part, si le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale.

Sur le repos hebdomadaire, tout travailleur doit bénéficier, au cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier précitées. Si des conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de vingt-quatre heures pourra être retenue.

Sur la durée maximale hebdomadaire de travail, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, la durée hebdomadaire du travail doit être limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux ; la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours ne doit pas excéder quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires.

Enfin, la durée du travail de nuit ne doit pas dépasser huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures. Les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes, tel que défini par les normes nationales ou même aux termes de pratiques, ne peuvent travailler plus de huit heures au cours d'une période de vingt-quatre heures durant laquelle ils effectuent un travail de nuit.

Toutefois, des dérogations aux règles prévues aux articles 3, sur le repos journalier, 4 sur le temps de pause, et 5 sur le repos hebdomadaire, peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés.

Il peut être de même dérogé aux articles susvisés, mais en outre aux article 8 sur la durée du travail de nuit et 16 sur les périodes de référence, notamment pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes, pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service lorsqu'il s'agit des services relatifs à la réception, au traitement et/ou aux soins donnés par des hôpitaux ou des établissements similaires, et par des institutions résidentielles.

Enfin, un État membre a la faculté de ne pas appliquer l'article 6 sur la durée maximale du travail hebdomadaire tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu'il s'assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que l'employeur n'impose pas au travailleur une durée de travail supérieure à quarante-huit heures au cours d'une période de sept jours.

En ce qu'elle prévoit une durée hebdomadaire de 48 heures et de 44 heures sur douze semaines, la convention collective du travail secteur sanitaire, social et médico-social du 26 août 1965 n'est pas contraire à la directive.

Il résulte de cette convention collective et de l'accord du 08 juillet 2004 applicable au personnel soignant de nuit, d'une part, que la durée quotidienne de travail effectif applicable à cette catégorie de personnel peut atteindre 12 heures maximum, « pour les services impliquant une continuité de prise en charge et de sécurité des usagers ( par exemple le personnel assurant le coucher et le lever des usagers )», d'autre part, que pour les personnels, dont l'aide-soignante, qui ne peuvent disposer d'une réelle disponibilité pendant le temps de pause en raison des spécificités de leur poste de travail, les temps de pause de 20 minutes pour six heures de travail quotidien sont considérés comme du travail effectif.

Si ces dispositions sont susceptibles de répondre aux critères définis par la directive puisqu'il s'agit d'assurer la continuité du service de traitement ou de soins donnés dans le type d'établissement qu'elle vise, la convention et l'accord précités, en ce qu'ils n'assurent qu'une compensation progressive partielle en heures des temps de pause et de repos et des contreparties salariales outre un repos compensateur fixé à 1 % du temps de travail réalisé pendant la plage de nuit, soit l'équivalent de deux jours de repos en plus par an, ne sont pas conformes à la directive pour ne pas prévoir des périodes équivalentes de repos compensateur, et, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur ne serait pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée accordée aux travailleurs concernés.

Au moyen d'un planning de nuit de l'année 2012, d'une note concernant le temps de pause des veilleurs de nuit rappelant que les temps de pause non-pris pour les nécessités du service sont du travail effectif, et d'une note d'explication générale sur les congés et le calcul du temps de travail sur une base annuelle, et en se référant à une convention collective, à un accord d'entreprise conclu pour son application, et à l'accord du 08 juillet 2004 qui pourtant ne respectent pas les prescriptions de la directive précitées, l'employeur ne justifie pas du respect de ses obligations sur les temps de pause et de repos, et doit réparer le préjudice nécessaire qui en découle pour la salariée.

Considérant la nature du travail, s'agissant d'assurer la surveillance et les soins de nuit au bénéfice de personnes handicapées, et la durée de la relation de travail, il sera alloué à la salariée une somme de 5.000 euros à titre d'indemnisation incluant la perte des heures récupérables.

Sur les rappels de salaires au titre des réunions de travail et visites médicales :

En application des dispositions de l'article R 4624-28 du code du travail le temps correspondant aux visites médicales obligatoires est du temps de travail effectif.

Au regard des critères énoncés à l'article L 3121-1, le temps passé en réunion de travail, durant lesquelles la salariée était à la disposition de l'employeur et se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, ce qui résulte notamment des termes du compte-rendu de la réunion du 28 novembre 2012, est également du temps de travail effectif.

Il n'est pas contesté que la salariée s'est rendue à des visites médicales et qu'elle était astreinte à assister à des réunions régulières pour organiser le travail, notamment les gardes de nuit, de sorte qu'en l'absence de preuve inverse, le travail effectif correspondant doit être rémunéré comme tel à hauteur de la somme de 428,85 euros correspondant à 36 heures.

L'employeur sera donc condamné au paiement de cette somme outre de celle de 42,88 euros à titre d'indemnité de congés payés subséquents.

Sur la rupture du contrat de travail :

Force est de constater que la salariée ne conteste pas la rupture pour non-respect des conditions de forme et de fond en matière de licenciement pour inaptitude non-consécutive à une maladie ou un accident professionnels et d'obligation de reclassement par l'employeur, mais exclusivement motifs pris de l'existence d'un harcèlement moral qui justifierait que le licenciement soit déclaré nul, et, à défaut, de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat par suite du non-respect de manière permanente de la législation du travail rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L 1152-1 du code de travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le salarié doit établir la matérialité de faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, en rapportant la preuve d'agissements ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il n'est pas soutenu, encore moins démontré, que l'inaptitude serait la conséquence d'un comportement quelconque de l'employeur. La fiche de reprise mentionne d'ailleurs que la salariée était apte pour un poste d'aide-soignante en horaires de journée ou à tout autre poste en horaire de journée.

La réalité d'agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel, ne peut se déduire de l'absence de récupération ou de rémunération de 481 heures sur une période de presque sept années, du non-paiement de 36 heures de travail effectif passé en réunion de travail ou pour subir une visite médicale, et du non-respect partiel de l'obligation renforcée de surveillance médicale des travailleurs de nuit, non-révélateurs d'un contexte professionnel particulièrement dégradé mais caractérisant une violation grave et réitérée de ses obligations par l'employeur.

Dès lors que la demande de résiliation de la salariée remonte à la saisine de la juridiction de première instance et que le licenciement postérieur, fondé sur d'autres faits, ne la rend pas caduque, il y aura lieu de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Il résulte des dispositions des articles L 1234-1 et suivants du code du travail que le préavis est toujours dû en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail.

La somme de 2.894 euros sera donc allouée à la salariée à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 289,40 euros à titre d'indemnité de congés payés subséquente.

Sur l'indemnisation au titre de la rupture prononcée aux torts de l'employeur:

La rupture prononcée aux torts de l'employeur entraîne l'application de l'article L.1235-3 du code du travail qui met à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au regard des éléments fournis, il sera allouée à la salariée la somme de 8.682 euros de ce chef au regard de son ancienneté, de son âge, de sa capacité à retrouver un emploi et aux conséquences du licenciement.

Sur le solde de congés acquis et non-pris à la date « du jugement à intervenir »,

Cette demande, qui ne repose sur aucun fondement et n'est justifiée par aucune pièce, sera rejetée.

Sur les frais irrépétibles:

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante ses frais irrépétibles. La somme de 1.200 euros lui sera allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens:

Les dépens incombent en totalité à l'intimée, partie succombante.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Réforme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare prescrites la demande en requalification du contrat de travail en date du 27 mars 2006 et l'indemnité de requalification.

Dit qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'avertissement du 08 janvier 2013 et déboute Madame [M] [S] de sa demande d'indemnité consécutive.

Condamne l'Association pour la Rééducation et le Traitement des Enfants et Adultes Inadaptés ( ARTEAI) à payer à Madame [M] [S] les sommes de :

500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au non-respect de l'obligation de surveillance médicale renforcée,

5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de travail par application directe de la directive 2003/88/CE du 04 novembre 2003,

de 428,85 euros à titre de rappel de salaires au titre du temps de travail effectif passé en réunion de travail et visites médicales obligatoires, outre celle de 42,88 euros à titre d'indemnité de congés payés subséquents.

Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne en conséquence l'Association pour la Rééducation et le Traitement des Enfants et Adultes Inadaptés ( ARTEAI) à payer à Madame [M] [S] les sommes de :

2.894 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

289,40 euros à titre d'indemnité de congés payés subséquente.

8.682 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l'Association pour la Rééducation et le Traitement des Enfants et Adultes Inadaptés ( ARTEAI) à payer à Madame [M] [S] la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne l'Association pour la Rééducation et le Traitement des Enfants et Adultes Inadaptés ( ARTEAI) aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER POUR LA PRESIDENTE

EMPECHEE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 14/12717
Date de la décision : 18/12/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°14/12717 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-18;14.12717 ?
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