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10/12/2015 | FRANCE | N°13/14205

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 10 décembre 2015, 13/14205


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 10 DECEMBRE 2015



N° 2015/659













Rôle N° 13/14205







SA IDSUD





C/



[P] [U]





















Grosse délivrée

le :

à :CHERFILS

LESTOURNELLE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal

de Commerce de MARSEILLE en date du 13 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F03290.





APPELANTE



SA Idsud venant aux droits de la S.A Change de la Bourse

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 10 DECEMBRE 2015

N° 2015/659

Rôle N° 13/14205

SA IDSUD

C/

[P] [U]

Grosse délivrée

le :

à :CHERFILS

LESTOURNELLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 13 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F03290.

APPELANTE

SA Idsud venant aux droits de la S.A Change de la Bourse

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [P] [U]

né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1] (Tunisie), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Christian LESTOURNELLE de la SCP SCP LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE et assisté de Me Benoit GRANJARD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Novembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Hélène COMBES, Président

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2015,

Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 4 février 1993, [P] [U] a signé une convention de compte-titres avec la société Change de la Bourse devenue la société Idsud.

Le 4 décembre 1995, [P] [U] contestant certaines opérations effectuées sans son consentement, a demandé que son portefeuille soit transféré à la société Barclay's et a engagé une action en responsabilité contre la société Idsud.

Dans le cadre de cette procédure, un expert judiciaire a été nommé, [Y] [S], qui a déposé son rapport 'en l'état' le 5 mai 1998.

Puis un second expert, le cabinet Bruyas et associés, missionné par [P] [U], a rédigé un rapport le 18 avril 2012 et a relevé que la société Idsud avait pratiqué un taux de négociation non conforme à celui prévu conventionnellement.

[P] [U] a, alors, engagé une seconde procédure et a saisi le tribunal de commerce de Marseille, par acte du 5 octobre 2012, d'une action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société Idsud.

Par jugement du 13 mai 2013, le tribunal de commerce de Marseille a déclaré recevable cette action et a condamné la société Idsud à payer à [P] [U] la somme de 114 577,70 euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Le tribunal a ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

Le 8 juillet 2013, la société Idsud a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 7 octobre 2013, la société Idsud demande à la Cour d'infirmer la décision déférée et de :

- constater que l'action diligentée par [P] [U] est prescrite depuis le 4 mai 2003, déclarer irrecevable cette action et condamner l'intimé au paiement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

- Subsidiairement, constater que l'analyse ayant servi de fondement au jugement est incomplète et non contradictoire, ordonner une expertise afin de déterminer si le taux de négociation appliqué est ou non conforme à celui conventionnellement fixé.

La société Idsud fait valoir en premier lieu que l'action d'[P] [U] est prescrite car engagée plus de 5 ans après le dépôt du premier rapport d'expertise, lequel date du 5 mai 1998.

Elle précise que ce rapport n'a pu être complet en raison du comportement de l'intimé qui ne communiquait pas toutes les pièces sollicitées par l'expert.

Elle ajoute que si [P] [U] n'avait pas été défaillant il aurait eu, à cette date, connaissance des éventuelles inexactitudes dans l'application du taux de négociation.

Elle soutient que cette date doit être retenue comme point de départ de la prescription, et que la défaillance de l'intimé ne peut lui bénéficier.

Subsidiairement, elle conteste l'évaluation du préjudice faite par les premiers juges.

Elle reproche à ces derniers de s'être fiés au dernier rapport d'expertise qui avait constaté que pour 4 opérations effectuées en 1993 le taux appliqué n'était pas le taux conventionnel et d'avoir décidé par extrapolation que les 682 opérations réalisées sur trois années avaient, elles aussi, donné lieu au prélèvement de frais non réguliers.

Par ses dernières conclusions du 6 décembre 2013, [P] [U] demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société Idsud mais de statuer à nouveau sur le préjudice et de condamner la société Idsud à lui payer :

- 849 784,54 euros, au titre du préjudice financier,

- 212 446,13 euros en raison de la faute volontaire commise par la société Idsud,

- 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

[P] [U] soutient qu'il n'a eu connaissance du fait que la société Idsud avait appliqué des taux de négociation non conventionnels que le 18 avril 2012, date de dépôt du seul rapport d'expertise ayant examiné ce point.

Il ajoute que son action initiée en octobre 2012, n'est dès lors pas prescrite.

Il fait valoir que l'expert, qui a examiné 120 avis d'opéré a pu constater que la banque avait violé ses obligations contractuelles en prélevant des frais de négociations supérieurs à ceux prévus contractuellement, ce qui représente un préjudice financier réactualisé d'un montant de 849 784,54 euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2015.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action

Attendu qu'en application de l'article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer ;

Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les avis d'opéré adressés régulièrement à [P] [U] entre février 1993 et le 4 décembre 1995, ne faisaient pas mention expressément du taux de négociation effectivement appliqué par la société Idsud ;

Que le rapport d'expertise judiciaire daté du 5 mai 1998 ne fait nullement état d'un problème relatif au taux de négociation pratiqué par la société Idsud, alors même que l'expert a eu communication de toutes pièces utiles de la part de la société Idsud ;

Que ce n'est qu'à compter du dépôt du rapport du cabinet Bruyas, en date du 18 avril 2012, que [P] [U] a su que la société Idsud avait pratiqué un taux de négociation non conventionnellement prévu ;

Que le délai de prescription court à compter de cette date, de sorte que l'action en responsabilité contractuelle initiée le 5 juin 2012 par [P] [U] est recevable ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur la responsabilité contractuelle de la société Idsud

Attendu qu'[P] [U] fait valoir que la société Idsud a engagé sa responsabilité contractuelle en prélevant sur ses comptes des frais de négociation d'un montant supérieur à celui qui était prévu conventionnellement ;

Attendu, comme l'ont retenu les premiers juges, que le contrat d'ouverture de compte prévoit que les frais de courtage , appelés 'frais de négociation' par les parties et l'expert, sont fixés à '0,65 % x 2, à savoir à 1,30 % du montant de chaque transaction ;

Que le cabinet Bruyas et associés a noté, en page 6 de son rapport, qu'après examen des pièces qui lui avaient été remises, il avait constaté qu'au cours de l'année 1993 le taux de négociation appliqué par la société Idsud avait principalement été de 1,54 % et non de 1,30 % ;

Que, bien que ne disposant pas de documents pour les années 1994 et 1995, ce cabinet d'expertise a considéré, par extrapolation, que ce même taux avait été appliqué pour les 682 mouvements intervenus au cours des trois années de fonctionnement du portefeuille (1993,1994 et 1995) ;

Que la société Idsud ne conteste pas expressément les constatations faites par l'expert pour l'année 1993, reconnaissant ainsi implicitement qu'elle n'a pas, au cours de cette année là, appliqué le taux conventionnel et qu'elle a en conséquence manqué à ses obligations contractuelles ;

Que, pour autant, la société Idsud conteste le rapport du cabinet Bruyas dans l'analyse faite du montant du préjudice aux motifs, d'une part, que cette expertise n'est pas contradictoire et que, d'autre part, l'expert ne pouvait, par extrapolation, considérer que le taux appliqué au cours des années 1994 et 1995 était aussi de 1,54 % ;

Que la société Idsud demande l'institution d'une nouvelle expertise pour vérifier le taux appliqué au cours de toutes les années de fonctionnement des comptes ;

Mais attendu que la société Idsud forme une telle prétention alors que c'est elle qui détient tous les documents utiles permettant d'établir le taux de négociation qu'elle a effectivement appliqué au cours de ces années et qu'elle s'abstient de les communiquer ;

Qu'une expertise ne pouvant être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, ainsi qu'il est dit à l'article 146 du Code de procédure civile, il y a lieu de rejeter la demande d'expertise et d'évaluer le préjudice subi par [P] [U] en fonction des pièces produites aux débats ;

Attendu que l'intimé demande que son préjudice soit calculé sur la base d'un flux financier de 313 158 490 Francs ;

Que selon l'expert judiciaire ce flux correspond aux 552 mouvements enregistrés sur les deux comptes qui ont enregistré le plus d'opérations, à savoir le compte n° 4979 et le compte associé n° 158 ( page 41 du rapport de [Y] [S]) ;

Que la société Idsud ne conteste pas ces données chiffrées ;

Qu'ainsi, c'est par une exacte appréciation des éléments de l'espèce, que le tribunal de commerce a retenu :

- que le flux financier servant de base pour calculer le préjudice est de 313 158 490 Francs,

- que le montant des frais de négociation prélevés indûment par la société Idsud s'élève à 4.822.640,75 francs (313 158 490 francs multiplié par le taux non contractuel de 1,54 %),

- que le montant des frais de négociation qui aurait dû être prélevé si le contrat avait été respecté, s'élève à 4 071 060,37 francs, (313 158 490 francs multiplié par le taux contractuel de

1,30 %),

- que le trop perçu, qui correspond au préjudice financier, est égal à la différence entre ces deux sommes, à savoir 751 580,38 francs, soit 114 577,70 euros ;

Attendu que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Idsud à payer à [P] [U] la somme de 114 577,70 euros au titre de son préjudice financier ;

Que les calculs effectués par [P] [U] pour réactualiser ce préjudice à la somme de 849.784,54 euros, ne sont pas justifiés ;

Que de même, [P] [U] ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct qui justifierait l'allocation de dommages et intérêts supplémentaires à hauteur de 212 446,13 euros ;

Que c'est à juste titre que la demande formée de ce chef par [P] [U] a été rejetée par les premiers juges ;

Attendu qu'il est équitable de condamner la société Idsud à payer à [P] [U] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

-Y ajoutant, condamne la Société Idsud à payer à [P] [U] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Condamne la Société Idsud au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/14205
Date de la décision : 10/12/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°13/14205 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-10;13.14205 ?
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