La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2015 | FRANCE | N°12/20843

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 10 décembre 2015, 12/20843


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 10 DECEMBRE 2015



N° 2015/665













Rôle N° 12/20843







[K] [S]





C/



[A] [Z]

S.C.P. [V]- [C]





















Grosse délivrée

le :

à :LE LANDAIS

TOLLINCHI

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal de commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 11 Décembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 09/5740.





APPELANT



Monsieur [K] [S]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (13), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Yannick LE LANDAIS, avocat au barreau de MARSEILLE, et assisté de Me Alain BOFFARD, avoc...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 10 DECEMBRE 2015

N° 2015/665

Rôle N° 12/20843

[K] [S]

C/

[A] [Z]

S.C.P. [V]- [C]

Grosse délivrée

le :

à :LE LANDAIS

TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal de commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 11 Décembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 09/5740.

APPELANT

Monsieur [K] [S]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (13), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Yannick LE LANDAIS, avocat au barreau de MARSEILLE, et assisté de Me Alain BOFFARD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

M. [A] [Z], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Technopure, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Vincent CARADEC, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Michel MOATTI, avocat au barreau de MARSEILLE

S.C.P. [V]-[C], représentée par Me [X] [C], pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la Société Technopure, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Pierre LIBERAS de la SELARL LIBERAS & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène COMBES, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Hélène COMBES, Président

Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2015

MINISTERE PUBLIC

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2015,

Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Technopure constituée en 1999 avait pour objet la dépollution et le désamiantage et employait jusqu'à 60 salariés.

Elle a fait l'objet au mois de mai 2002 d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par le tribunal de commerce de Romans sur Isère qui s'est terminée par l'adoption d'un plan le 13 novembre 2002.

Par jugement du 9 juin 2006, le tribunal de commerce d'Aix en Provence a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société Technopure.

Sur assignation de Maître [A] [Z] liquidateur de la société, le tribunal de commerce d'Aix en Provence a par jugement du 11 décembre 2009, condamné [K] [S], gérant de la société, à payer la somme de 5 millions d'euros au titre de sa participation à l'insuffisance d'actif.

[K] [S] a relevé appel le 23 décembre 2009.

Dans un premier arrêt du 20 janvier 2011, la cour a sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur l'action en responsabilité engagée à l'encontre du commissaire aux comptes [B] [J].

La cause du sursis a été révoquée par l'arrêt rendu le 1er décembre 2011 par lequel la cour a condamné [B] [J] à payer à Maître [A] [Z] est qualité la somme de 1.500.000 euros.

L'affaire a été remise au rôle et par arrêt du 10 mai 2013, la cour a :

- mis hors de cause la SCP [V] [C], mandataire ad hoc de la société Technopure,

- ordonné une expertise judiciaire confiée à Monsieur [U] [E], aux fins de rechercher si l'activité de la société Technopure a été poursuivie alors qu'elle était déficitaire, d'analyser les relations entre la société Technopure, la société Transpalettes Services et l'entreprise personnelle exploitée par [K] [S] et enfin d'analyser les relations économiques et financières de la société Technopure avec ses filiales.

L'expert a déposé son rapport le 30 juin 2015.

Dans ses dernières conclusions du 14 octobre 2015, [K] [S] demande à la cour d'annuler le jugement au motif que l'article L 651-2 du code de commerce n'est pas applicable au litige.

Il sollicite également le rejet de la demande de Maître [A] [Z].

S'il devait être jugé qu'il a commis des fautes, il demande subsidiairement qu'elles soient excusées ou a tout le moins atténuées en l'état des fautes commises par le commissaire aux comptes. Il ajoute que le passif à prendre en considération 'se limite à 3 millions d'euros'.

Il réclame 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il dénonce les conditions dans lesquelles Monsieur [F] [P] [I], le technicien nommé par le juge commissaire le 20 octobre 2006, a rempli sa mission hors sa présence et fait valoir que le rapport de l'expert nommé par la cour qui ne fait que reprendre les éléments contenus dans le rapport [I], en est une copie servile.

Il rappelle qu'à ce stade de la procédure, la date de cessation des paiements est définitivement fixée au 3 août 2006 et non au 9 décembre 2004.

Il fait valoir que Maître [A] [Z] ne rapporte pas les éléments de preuve requis et qu'il a préféré sous-traiter le dossier à un technicien qui a rempli sa mission dans des conditions critiquables, au mépris du principe du contradictoire.

Par conclusions du 11 septembre 2015, Maître [A] [Z] conclut à la confirmation du jugement et sollicite 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Après avoir rappelé la chronologie de la procédure et indiqué qu'après la condamnation de Monsieur [J] l'insuffisance d'actif s'élève à 7.229.016,30 euros, il expose qu'il a sollicité du juge commissaire la nomination d'un expert en la personne de Monsieur [R] [I] et que celui-ci a déposé le 14 mai 2007 un rapport opposable à [K] [S].

Il fait valoir que les fautes commises par [K] [S] sont les suivantes :

- poursuite d'une activité déficitaire,

- retard dans la publication des comptes de l'exercice,

- établissement d'une situation trompeuse au 30 avril 2005 avec la complicité active du commissaire aux comptes,

- accomplissement d'actes de commerce dans son intérêt personnel,

- relations de la société Technopure avec ses filiales contraires à son intérêt.

Il soutient que le lien de causalité entre les fautes et le préjudice est établi.

Le ministère public auquel le dossier de l'affaire a été communiqué a pris des conclusions notifiées par voie de communication électronique le 9 octobre 2015, dans lesquelles il demande l'application de la loi et s'en rapporte à la décision de la cour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2015.

DISCUSSION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

Sur le texte applicable

[K] [S] maintient sa demande d'annulation du jugement déféré et renvoie aux conclusions qu'il avait déposées en vue de l'audience du 29 mars 2013, dans lesquelles il soutenait que la société Technopure avait été mise en redressement judiciaire le 15 mai 2002 et que la procédure collective étant en cours le 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, les dispositions de l'article L 651-2 du code de commerce ne lui sont pas applicables.

Mais la résolution du plan a entraîné l'ouverture d'un nouvelle procédure le 9 juin 2006 et les dispositions de l'article L 651-2 du code de commerce dans sa version issue de la loi du 26 juillet 2005 sont applicables au litige.

Sur les rapports de Monsieur [R] [I] et de Monsieur [U] [E]

Pour conclure au rejet de la demande de Maître [A] [Z] et soutenir que la preuve des fautes qui lui sont reprochées n'est pas rapportée, [K] [S] critique la façon dont Monsieur [R] [I] technicien nommé par le juge commissaire a rempli sa mission.

Mais c'est précisément pour garantir à [K] [S] le droit à un procès équitable, que la cour a nommé un expert judiciaire en la personne de Monsieur [U] [E].

Il reproche à ce dernier de n'avoir produit qu'une déclinaison servile du rapport [I] (p7).

Dans le cadre de ses opérations, Monsieur [E] s'est conformé à la mission que lui avait confiée la cour, s'est livré à sa propre analyse des éléments qui lui étaient remis, dont les pièces comptables détenues par Maître [A] [Z], vérifiant par lui-même les conclusions de Monsieur [I] (cf rapport page 15).

C'est ainsi que contrairement à Monsieur [I], Monsieur [E] a travaillé sur la base d'un exercice comptable se terminant le 31 mai de chaque année.

Le grief qui lui est fait d'avoir recopié le rapport de Monsieur [I] n'est pas fondé.

Monsieur [E] a également tenu deux réunions d'expertise et suscité les observations des parties, notamment sur les conclusions de Monsieur [I] qu'il a soumises à l'analyse critique de [K] [S], analyse que celui-ci a refusé de faire, se retranchant derrière le manque d'objectivité du technicien.

Ainsi, [K] [S] ayant été mis en mesure d'apporter la contradiction aux conclusions de Monsieur [I] et ayant refusé de le faire, les longs développements qu'il consacre au non respect du principe de la contradiction et au manque d'objectivité du technicien sont dépourvus de portée.

Dès lors, il n'y a pas lieu de considérer que les éléments du rapport de Monsieur [I] sur lesquels Monsieur [E] s'est appuyé doivent être écartés des débats.

Sur les fautes de gestion

Maître [A] [Z] reproche en premier lieu à [K] [S] d'avoir poursuivi une activité déficitaire, faisant valoir que s'il avait déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai de 15 jours imposé par la loi, la société Technopure n'aurait pas eu à faire face à un passif déclaré de 10.251.984 euros.

Des documents comptables analysées par Monsieur [E], il résulte :

- que sur l'exercice comptable clôturé au 31 mai 2004, l'excédent brut d'exploitation était de (174.288 euros), les capitaux propres de (85.717 euros) et que l'exercice a généré un résultat négatif de (287.269 euros).

- qu'alors que le chiffre d'affaires était passé de 4.254.364 euros à 6.597.512 euros, l'exercice comptable clôturé au 31 mai 2005 révèle un excédent brut d'exploitation de (412.379 euros), des capitaux propres négatifs de (706.669 euros) et un résultat négatif de (790.951 euros).

- que les ratios financiers démontrent une absence d'autonomie financière et une forte dépendance financière.

Ces chiffres que [K] [S] s'abstient de commenter dans ses conclusions, établissent que l'activité de la société Technopure était déficitaire dès le 31 mai 2004 et que le déficit n'a fait que s'aggraver par la suite.

La faute consistant en la poursuite volontaire d'une activité déficitaire est établie.

Il sera à cet égard observé que l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Technopure n'a pas été prononcée sur déclaration de cessation des paiements, mais sur saisine d'office du tribunal de commerce et sur assignation de deux créanciers.

Maître [A] [Z] observe à juste titre que la faute de gestion tirée de la poursuite d'une activité déficitaire est indépendante de la date de cessation des paiements et de la sanction susceptible d'être prononcée en cas de non déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal.

Maître [A] [Z] reproche également à [K] [S] d'avoir accompli des actes de commerce dans son intérêt personnel, augmentant le passif de façon frauduleuse.

Quoique [K] [S] ait refusé de s'expliquer sur ce point au cours des opérations d'expertise de Monsieur [E] en se bornant à contester le rapport [I], il ressort des éléments recueillis qu'il est à l'origine d'un montage lui permettant de facturer au nom de son entreprise individuelle des ventes de matériel à la société Technopure via la société Transpalettes.

Maître [A] [Z] explique qu'en qualité de dirigeant de la société Technopure, [K] [S] vendait des matériels à la société Transpalettes, qui les revendait à [K] [S] agissant en son nom personnel, lequel les revendait ensuite à la société Technopure avec une plus-value.

Il mentionne trois factures d'un montant total de 343.733,37 euros.

Monsieur [I] a travaillé sur la base de cinq factures qui sont produites en annexe de son rapport au sujet desquelles il a interrogé [K] [S] et a relevé des anomalies résultant notamment de matériels non individuellement valorisés et de dates de ventes par la société Technopure antérieures à son acquisition des matériels.

Il a noté que ces opérations d'achat revente s'étaient soldées par des pertes pour la société Technopure.

Maître [A] [Z] ajoute que les matériels prétendument cédés par [K] [S] ne se retrouvaient pas dans l'inventaire à l'ouverture de la procédure collective.

La cour a relevé ces anomalies dans un arrêt du 30 octobre 2008 rendu sur l'appel relevé par [K] [S] à l'encontre de l'ordonnance du juge commissaire ayant rejeté la créance de 178.823 euros qu'il avait déclarée au titre de la vente de matériels.

Elle a confirmé le rejet de la créance, notant non seulement la comptabilisation des opérations à des dates antérieures à ses propres achats, mais aussi l'impossibilité de vérifier l'existence d'un compte fournisseur de la société Technopure dans les livres de la société Transpalettes.

Devant le refus de [K] [S] de répondre aux interrogations de Monsieur [E] et de lui communiquer des éléments concrets, il ne peut être reproché à l'expert de n'avoir pas contredit les conclusions de Monsieur [I].

Pas plus qu'il ne l'a fait à la demande du technicien et de l'expert, [K] [S] ne s'explique devant la cour sur ces pratiques et c'est à bon droit que Maître [A] [Z] soutient que dans le cadre des opérations d'achat et de revente de matériel, [K] [S] a privilégié ses intérêts personnels au détriment de la société Technopure, ce qui constitue à l'évidence une faute de gestion.

Maître [A] [Z] invoque encore des relations de la société Technopure avec ses filiales contraires à ses intérêts.

Les opérations de Monsieur [I] ont mis en évidence que la société Technopure avait consenti à ses filiales Technomat et Mif des avances à hauteur de 1.535.000 euros dont la justification économique est d'autant moins établie que la situation de la société Mif était depuis longtemps gravement compromise et que la société Technomat n'avait pas atteint l'objectif pour lequel elle avait été créée.

Il a en outre relevé que ces créances irrecouvrables n'ont pas fait l'objet de provisions pour dépréciation.

Interrogé par Monsieur [E], [K] [S] n'a apporté aucun élément sur la pertinence de ces avances.

C'est à bon droit que Maître [A] [Z] fait valoir qu'avec ces avances, [K] [S] a agi contrairement aux intérêts de la société Technopure.

En poursuivant une activité déficitaire pendant près de deux ans, en privilégiant ses intérêts personnels au détriment de la société Technopure et en effectuant au profit de deux filiales des avances non justifiées économiquement, [K] [S] a commis des fautes de gestion qui ont contribué dans de larges proportions à l'insuffisance d'actif de la société Technopure.

La condamnation prononcée par le tribunal de commerce est justifiée en son principe.

Compte tenu des actifs recouvrés par le liquidateur, l'insuffisance d'actif s'élève à ce jour à la somme de 7.229.016 euros.

[K] [S] qui n'a pas dévié de la position consistant à refuser toute explication au seul motif de la dénonciation du rapport établi par Monsieur [I], n'apporte pas à la cour les éléments lui permettant de reconsidérer le montant de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions et [K] [S] sera condamné à payer à Maître [A] [Z] es qualité la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

- Y ajoutant, condamne [K] [S] à payer à Maître [A] [Z] es qualité la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

- Condamne [K] [S] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/20843
Date de la décision : 10/12/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°12/20843 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-10;12.20843 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award