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27/11/2015 | FRANCE | N°14/10293

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 27 novembre 2015, 14/10293


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 27 NOVEMBRE 2015



N°2015/654

CB













Rôle N° 14/10293







SAS BAVARIA AUTOMOBILES





C/



[U] [Z]



































Grosse délivrée le :

à :



Me Jean-louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Jean-Loui

s LAGADEC, avocat au barreau de TOULON









Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section C - en date du 30 Avril 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/442.





APPELANTE



SAS BAVARIA AUTOMOB...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 27 NOVEMBRE 2015

N°2015/654

CB

Rôle N° 14/10293

SAS BAVARIA AUTOMOBILES

C/

[U] [Z]

Grosse délivrée le :

à :

Me Jean-louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section C - en date du 30 Avril 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/442.

APPELANTE

SAS BAVARIA AUTOMOBILES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [U] [Z], demeurant [Adresse 1]

non comparant ayant constitué Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON, substitué par Me LORENZON Céline du barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Chantal BARON, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2015

Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement du conseil des prud'hommes de Toulon du 30 avril 2014, dont l'accusé de réception de la notification ne figure pas au dossier de la Cour, le conseil des prud'hommes a jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour faute grave, par lettre du 8 février 2013 par son employeur la SAS Bavaria Automobiles, à l'encontre de [U] [Z], qui exerçait dans l'entreprise, par contrat à durée indéterminée conclu le 17 août 1981, et pour une rémunération mensuelle brute de 2694,23 euros, les fonctions de chef d'équipe atelier.

La juridiction a accueilli la demande en paiement formée par [U] [Z] aux titres de dommages-intérêts pour licenciement infondé, d'indemnité de préavis et rappel de congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, de rappel de salaires et de congés payés sur mise à pied et au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 15 mai 2014, la SAS Bavaria Automobiles a régulièrement relevé appel général de la décision.

Soutenant, par conclusions écrites reprises oralement à l'audience, que les faits reprochés au salarié constituent bien une faute grave justifiant le licenciement pour faute grave, s'agissant de violences commises dans le cadre du travail, de surcroît sur un apprenti mineur, alors qu'il était responsable de l'atelier, l'employeur demande à la Cour d'infirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions, de débouter [U] [Z] de toutes ses demandes en paiement et de lui allouer en définitive le paiement des sommes de 4352 euros à titre de dommages-intérêts représentant l'augmentation de la prime de garantie accident du travail qu'il a subie à la suite des faits commis par le salarié et de 3000 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Répliquant, par conclusions écrites reprises oralement à l'audience :

- qu'il a été relaxé, par jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 2 juin 2015 pour les faits de violence invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement,

' que les faits qui lui sont reprochés constituent en réalité un accident malheureux,

' que le licenciement n'est ainsi pas fondé,

le salarié demande à la Cour de confirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions et, y ajoutant, de lui allouer en définitive paiement des sommes de :

-64'661,52 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

-5388,46 euros à titre d'indemnité de préavis,

-538,84 euros à titre de rappel de congés payés sur préavis,

-27'147,69 euros à titre d'indemnité de licenciement,

-1740,48 euros représentant le rappel de salaires dus en raison de la mise à pied injustifiée

-174,04 euros représentant les congés payés sur les salaires dus pendant la mise à pied,

outre 5000 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 8 février 2013 indique :

"Le 24 janvier 2013 aux alentours de 11 heures, sans raison, vous avez donné un violent coup de poing à la face de Monsieur [J] [R], jeune apprenti tôlier dans nos ateliers, âgé de 15 ans.

"Ce dernier s'est alors écroulé au sol et a perdu connaissance pendant quelques instants avant d'être secouru par l'un de nos mécaniciens.

"Au sein de vos fonctions de chef d'équipe atelier, vous avez pour mission notamment l'appui technique aux collaborateurs du service ainsi que le tutorat des jeunes en formation alternée, a fortiori aux mineurs comme Monsieur [R].

"Au cours de notre entretien, vous n'avez pas contesté les faits. Vous avez seulement avancé l'argument suivant : « je jouais et je faisais une démonstration de boxe ; ce n'est pas ma faute ».

"Nous vous rappelons que sur votre lieu de travail et pendant vos heures de service, vous devez vous consacrer au seul exercice de vos fonctions.

"Aussi vous n'avez pas respecté l'article 6 du règlement intérieur qui stipule notamment : « il (le personnel) doit de plus faire preuve de correction dans son comportement vis-à-vis des clients, de ses collègues, et de la hiérarchie sous peine de sanctions. Tous les salariés' seront tenus d'avoir une tenue correcte et conforme à l'image de l'établissement, ils devront respecter en toutes circonstances des rapports confraternels avec leurs collègues de travail. Les tenues comme les attitudes devront être irréprochables et respectueuses. ».

"À aucun moment vous n'avez formulé vos excuses auprès de votre employeur pour votre attitude, ni même auprès de notre salarié blessé qui, depuis les faits, est en arrêt pour accident de travail avec un nez cassé et des dents fragilisées et dont le père a porté plainte à votre encontre pour agression.

"Vraisemblablement, vous êtes dans le déni et votre attitude est immature, dangereuse et gravement préjudiciable à notre entreprise.

"Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et nous avons donc décidé de vous licencier pour faute grave."

En droit, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations découlant du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période de préavis. La charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur et implique la mise en oeuvre immédiate du licenciement, dès que l'employeur a connaissance de la réalité et de la nature de cette faute.

Par ailleurs, si le seul motif énoncé dans la lettre de licenciement est une infraction pénale, la relaxe par la juridiction pénale emporte, quelle qu'en soit la cause, inexactitude de ce motif et, par suite, absence de cause réelle et sérieuse de licenciement. Si la lettre de licenciement ne mentionne pas les faits sous leur seule qualification pénale, ou si elle est intervenue pour un autre motif, les juges du fond ne sont pas liés par la décision de relaxe, sauf si elle a été prononcée au motif que les faits n'étaient pas établis ou n'étaient pas imputables au salarié. Dans ce cas, le juge prud'homal et privé du pouvoir d'apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, il est constant que le salarié a occasionné des blessures à un jeune apprenti travaillant dans le même atelier que lui, en faisant une démonstration de sport de combat. [U] [Z] soutient qu'il a heurté, sans le vouloir, avec son coude, le visage de l'apprenti [J] [R], qui se trouvait derrière lui ; alors que celui-ci affirme que [U] [Z], après avoir boxé, ou fait mine de boxer, un autre salarié, s'est retourné vers lui, lui a dit : « toi, il y en a pour une seconde » et lui a porté un violent coup de poing à la face le blessant au nez et à la bouche, lui occasionnant ainsi 15 jours d'incapacité temporaire totale, et 9 % d'incapacité permanente partielle.

Le jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 2 juin 2015 a relaxé [U] [Z] des fins de la poursuite, de sorte que celui-ci ne pouvait être licencié pour l'infraction de violences volontaires ayant occasionné une incapacité temporaire totale de plus de huit jours, pour laquelle il était poursuivi.

Cependant, la lettre de licenciement ne se fonde nullement sur des violences volontaires. Elle reproche en effet au salarié d'avoir fait une démonstration de boxe sur son lieu de travail, au lieu de se consacrer au seul exercice de ses fonctions ; de n'avoir pas fait preuve de correction vis-à-vis des collègues, et notamment du jeune apprenti, a fortiori mineur, qu'était alors [J] [R] ; enfin, de ne s'être jamais, ni excusé auprès de l'employeur, ni auprès du salarié blessé, son attitude étant ainsi immature et dangereuse.

Il apparaît donc que le licenciement est fondé, non sur des violences volontaires, mais sur l'exercice par le salarié, sur le lieu et pendant le temps du travail, d'une activité incompatible avec son métier de mécanicien, et sur son attitude déplacée et irrespectueuse auprès de son jeune collègue, dont il avait par surcroît la charge du tutorat.

La faute commise par le salarié est ainsi caractérisée et fonde le licenciement. En revanche, l'extrême ancienneté de [U] [Z], à qui n'est par ailleurs reproché aucun autre fait, rendait très peu vraisemblable la réitération de ces faits pendant le préavis, le licenciement pour faute grave n'étant ainsi pas justifié.

Il convient donc de dire que doit être requalifié en licenciement pour faute réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour faute grave par lettre du 8 février 2013 et de débouter [U] [Z] de la demande en paiement de dommages-intérêts présentée sur ce fondement, ainsi que de sa demande en paiement de sommes au titre du préjudice moral, qui n'est fondée sur aucun élément particulier.

En revanche, le licenciement n'étant pas fondé sur une faute grave, seule privative d'indemnité de préavis et de licenciement, il convient de condamner à ce titre la SAS Bavaria Automobiles à verser à [U] [Z] la somme de 5388,46 euros à titre d'indemnité de préavis, outre celles de 538,84 euros à titre de congés payés sur indemnité de préavis et de 27'147,69 euros à titre d'indemnité de licenciement.

Enfin, il sera alloué au salarié les sommes de 1740,48 euros représentant le rappel de salaires dus en raison de la mise à pied injustifiée, et 174,04 euros représentant le rappel de congés payés sur salaires dus en raison de la mise à pied injustifiée

Sur les dommages-intérêts sollicités représentant l'augmentation de la prime de garantie accident du travail qu'elle a subie à la suite des faits commis par le salarié

En droit, la responsabilité d'un salarié ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde. Il s'ensuit qu'aucune demande en paiement ne peut être formée par l'employeur contre le salarié pour des sommes engagées dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, à moins que cette demande ne soit fondée sur un licenciement pour faute lourde.

Il convient par conséquent de débouter la SAS Bavaria Automobiles de cette demande.

Sur les autres demandes

Chacune des parties échouant partiellement en ses prétentions, l'équité en la cause ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Réforme le jugement déféré et, statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension,

Dit que doit être requalifié en licenciement pour faute réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour faute grave par lettre du 8 février 2013,

Condamne la SAS Bavaria Automobiles à verser à [U] [Z] les sommes de :

-5388,46 euros à titre d'indemnité de préavis,

-538,84 euros à titre de rappel de congés payés sur préavis,

-27'147,69 euros à titre d'indemnité de licenciement,

-1740,48 euros représentant le rappel de salaires dus en raison de la mise à pied injustifiée,

-174,04 euros représentant le rappel de congés payés sur salaires dus en raison de la mise à pied injustifiée,

Déboute les parties de leurs demandes réciproques en paiement de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Partage par moitié les dépens entre les parties.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 14/10293
Date de la décision : 27/11/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°14/10293 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-27;14.10293 ?
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