COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 26 NOVEMBRE 2015
N° 2015/ 640
Rôle N° 13/05105
[U] [R]
[M] [X] épouse [R]
C/
[T] [O]
SA SOFEMO
Grosse délivrée
le :
à :KERGUENO
JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 20 Novembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/06348.
APPELANTS
Monsieur [U] [R]
né le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 2] (06), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Benjamin Kergueno, avocat au barreau de NICE
Madame [M] [X] épouse [R]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1] (06), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Benjamin Kergueno, avocat au barreau de NICE
INTIMES
M [T] [O] es qualité de liquidateur de la SA BSP Groupe VPF, demeurant [Adresse 3]
défaillant
SA Sofemo prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sandra Juston de la SCP Badie Simon-Thibaud Juston, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Badie avocat substituant Me Stéphane Lopez, avocat au barreau de STRASBOURG
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Hélène COMBES, Président
Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2015 après prorogation du délibéré
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2015,
Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par arrêt réputé contradictoire, en l'absence de constitution de Maître [T] [O] es qualité de liquidateur de la société BSP Groupe VPF, en date du 26 mars 2015 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, la cour a, avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise afin de rechercher si [U] [R] ou [M] [X] épouse [R] ont signé le document intitulé « attestation de livraison-demande de financement » en date du 20 novembre 2008.
[L] [W], expert désigné, a déposé son rapport au greffe le 8 septembre 2015.
Par conclusions notifiées et déposées le 21 septembre 2015, [U] [R] et [M] [X] épouse [R] demandent à la cour de :
- constater que le bon de livraison daté du 20 novembre 2008 n'a été signé ni par l'un ni par l'autre,
- prononcer en conséquence de ce premier chef la nullité du contrat principal conclu entre eux et la société BSP et du contrat accessoire de prêt conclu avec la société Sofemo,
- constater que le contrat signé par eux le 5 novembre 2008 ne comporte aucune mention de délai de livraison des panneaux photovoltaïques et de leur installation hormis la mention « dès que possible »,
- prononcer en conséquence de ce second chef la nullité du contrat principal conclu entre eux et la société BSP et du contrat accessoire de prêt conclu avec la société Sofemo,
- dire que le contrat de prêt signé le 5 novembre 2008 est un contrat de crédit immobilier et qu'il ne respecte pas les dispositions protectrices prévues par le code de la consommation,
- prononcer la nullité judiciaire du contrat principal du 5 novembre 2008, et du contrat accessoire de crédit affecté signé entre eux et la société Sofemo,
- condamner la société Sofemo à faire procéder à leur radiation du fichier national des incidents de paiement sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir,
- ordonner la dépose du matériel non conforme partiellement installé ainsi que la remise en état des lieux sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du 60ème jour suivant le jugement à intervenir,
- condamner la société Sofemo à leur rembourser la somme de 605,18 € correspondant aux deux échéances contractuelles versées d'un montant unitaire de 302,59 €,
- prononcer subsidiairement la résolution judiciaire du contrat du 5 novembre 2008 en l'absence de délivrance d'une prestation conforme au contrat du 5 novembre 2008, et du contrat accessoire de crédit affecté,
- dire en tout état de cause que la SA Sofemo a commis une faute caractérisée en ne vérifiant pas l'exécution complète du contrat par la société BSP, et en lui versant les fonds 7 jours avant d'avoir reçu le document intitulé « attestation de livraison-demande de financement »,
- dire que cette double faute caractérisée prive la SA Sofemo du droit de leur réclamer le remboursement des sommes versées,
- déclarer subsidiairement interrompues les obligations contractuelles du prêt accessoire conclu avec la société Sofemo tant que les obligations du contrat principal d'installation du matériel photovoltaïque ne sont pas remplies,
- dire que la société Sofemo a adopté un comportement fautif qui leur a occasionné un préjudice en relation de causalité directe avec la faute,
- prononcer la résolution judiciaire du contrat du 5 novembre 2008 pour indétermination du prix,
- dire qu'ils ont subi un préjudice du fait de leur inscription au fichier national des incidents de paiement durant cinq années,
- condamner la société Sofemo à leur verser en réparation de leur préjudice la somme de
20.000 €,
- déclarer la décision à intervenir commune et opposable à Maître [T] [O] es qualité de liquidateur de la société BSP,
- condamner les parties requises à leur payer la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les parties requises aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, avec distraction au profit de Maître Benjamin Kergueno conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées et déposées le 5 octobre 2015, la SA Sofemo demande à la cour de :
- prononcer la nullité du rapport d'expertise établi le 2 septembre 2015 sous n°expertise 2015/189 par Madame [L] [W].
- déclarer [M] [X] épouse [R] et [U] [R] irrecevables, en tout cas mal fondés en leur appel,
- les en débouter,
- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat conclu entre les appelants et la société BSP Groupe VPF,
- l'infirmer pour le surplus,
subsidiairement, en cas de révocation du contrat de crédit,
- condamner [M] [X] épouse [R] et [U] [R] à lui payer à titre de restitution du montant du prêt la somme de 26.400 € augmentée des intérêts à titre compensatoire au taux de 6,48 % l'an à compter du 21 novembre 2008, sous déduction des deux échéances versées soit au total 605,18 €,
en toutes hypothèses,
- condamner [M] [X] épouse [R] et [U] [R] à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Badie Simon-Thibaud & Juston.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 octobre 2015.
MOTIFS
Sur le rapport d'expertise
La SA Sofemo sollicite l'annulation du rapport d'expertise, faisant valoir que l'expert a, suite à son dire du 31 août 2015, restreint la comparaison de signature s'agissant de [U] [R] au seul document C1/3, que pour autant son rapport présente ses constatations avec des documents de comparaison qu'il a lui-même écartés, qu'ensuite, bien que l'expert ait indiqué que les pièces de comparaison fournies par les époux [R] seraient transmises en annexe de son rapport, elles ne le sont que par extraits, rendant impossible la vérification, qu'enfin l'expert a simplement écarté les pièces de comparaison qu'elle a produites.
A la lecture du rapport d'expertise et au vu des documents y annexés, les griefs ainsi formulés à l'encontre du travail de l'expert en écriture n'apparaissent pas fondés, et ne sauraient justifier qu'en soit prononcée la nullité.
Sur le bon de livraison du 20 novembre 2008
Aux termes de ses conclusions, l'expert judiciairement désigné indique que :
- les divergences structurelles et le tracé hésitant relevés l'autorisent à dire que la signature de question n'émane pas de la main de [U] [R],
- en raison d'une architecture totalement différente, il est impossible de procéder à l'examen comparatif de la signature de question avec les signatures authentiques de [M] [R],
- dans les signatures imitant la signature de [U] [R], il relève davantage les caractéristiques des signatures authentiques de [M] [R], caractéristiques qui diffèrent de celles de la signature de question, constatation qui ne l'autorise pas à attribuer celle-ci apposée sur l'attestation de livraison- demande de financement du 20 novembre 2008 à la main de [M] [X] épouse [R].
Au regard de ces constatations et conclusions que la cour estime devoir retenir, il sera considéré que la signature figurant sur le document litigieux du 20 novembre 2008 n'émane pas de l'un des époux [R].
Sur le contrat de fourniture et pose du matériel
Les époux [R] concluent à la nullité, subsidiairement la résolution, des contrats par eux souscrits, et en premier lieu du contrat qualifié de principal signé avec la société BSP Groupe VPF.
La validité d'un contrat s'apprécie à la date de sa conclusion.
Le fait que «l'attestation de livraison-demande de financement» du 20 novembre 2008 ne comporte pas la signature des appelants ne saurait donc constituer, sur le fondement des dispositions de l'article 1116 du code civil qu'ils invoquent, un motif de nullité des conventions signées le 5 novembre 2008.
L'argumentation des époux [R] selon laquelle ils auraient également été victimes d'un dol de la part de la société BSP Groupe VPF au motif que celle-ci ne pouvait pas ignorer la diminution très substantielle du montant des subventions accordées par le Conseil Général des Alpes Maritimes et le Conseil Régional Provence-Alpes-Côte-d'Azur ne peut davantage être retenue, aucun élément n'établissant qu'au jour de la signature du contrat la société avait connaissance de cette réduction, le courrier du 3 mars 2009 dont entendent se prévaloir à cet égard les appelants faisant d'ailleurs état de la date du 19 novembre 2008.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Sofemo qui fait valoir que la vente d'électricité constitue un acte de commerce, même pour un particulier, et qu'il n'en va pas autrement de l'achat de l'équipement permettant de produire cette énergie, les relations contractuelles liant les époux [R] à la société BSP Groupe VPF relèvent bien des dispositions, relatives au démarchage, de l'article L121-21 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur au jour de la souscription du contrat.
Ainsi, les opérations prévues aux termes du bon de commande signé le 5 novembre 2008, qui y fait d'ailleurs expressément référence, étaient-elles soumises aux dispositions de l'ancien article L121-23 applicables à la présente espèce, selon lesquelles le contrat doit, notamment, comporter, à peine de nullité, la mention du délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services.
Or, au vu du bon de commande produit, il apparaît que, comme le font valoir les appelants, aucun délai n'était fixé dans la mesure où, s'agissant de la livraison, figurait la mention
suivante : «dés que possible».
Cependant, la nullité encourue n'est ici encore que relative, et, en l'espèce, les époux [R] sont réputés y avoir renoncé dans la mesure où, ayant indiqué, aux termes de leur déclaration de créance entre les mains de Maître [T] [O] du 11 janvier 2010, réclamer, soit les subventions ou compensations promises pour les montants suivants : 9.900 € du Conseil Général, 1.000 € du Conseil Régional, 6.700 € du crédit d'impôt, 441 € du raccordement ERDF, soit «l'annulation pure et simple de ce devis contractuel et non conforme aux prévisions annoncées», ils ont vu, sans contestation, leur créance admise au passif de la SA BSP Groupe VPF pour un montant de 18.041 €, outre intérêts, selon avis du 12 octobre 2010 du tribunal de commerce d'Avignon qu'ils produisent aux débats.
Dès lors, au vu de cette décision fixant leur créance dans le rapport contractuel les liant à la société désormais en liquidation en vertu du contrat de fourniture et pose du système photovoltaïque en intégration toiture du 5 novembre 2008, les appelants ne sont, ainsi que le soutient à juste titre la société Sofemo, plus fondés à rechercher l'annulation, ni d'ailleurs la résolution, de cette convention.
Sur le contrat de crédit
Les demandes des époux [R] tendant à la nullité ou la résolution du contrat signé avec la société Sofemo au motif qu'il ne serait que l'accessoire de celui souscrit auprès de la SA BSP Groupe VPF ne peuvent, en conséquence de ce qui vient d'être dit, qu'être rejetées, sans qu'il y ait autrement lieu de revenir sur les argumentations développées de ce chef.
Les appelants font par ailleurs subsidiairement valoir qu'ils ne sont pas tenus de procéder à leur obligation de paiement envers la société intimée tant que l'installation ne fonctionne pas, invoquant à cet égard les dispositions des articles L311-20 suivants du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur à la date du contrat.
Toutefois, ainsi que l'a retenu le premier juge, le présent contrat de prêt d'un montant de
26.400 €, et donc supérieur à la somme de 21.500 € alors fixée par décret, ne relève pas des dispositions précitées en application de l'ancien article L311-3 du même code.
Et cette exclusion étant expressément rappelée aux termes des stipulations contractuelles, il ne peut être considéré que les parties aient eu la commune intention de s'y soumettre.
Les époux [R] reprochent ensuite à la société Sofemo d'avoir financé la trésorerie de la SA BSP Groupe VPF en décaissant les fonds, dès le 21 novembre 2008, sur la base d'un document intitulé « attestation de livraison- demande de financement », dont elle a accusé réception le
28 novembre 2008 et qui s'est avéré n'avoir jamais été signé par eux le 20 novembre 2008.
Cependant, la collusion entre vendeur et prêteur qu'invoquent désormais les appelants n'est pas établie en l'espèce.
Si l'attestation litigieuse du 20 novembre 2008 doit, ainsi que précédemment exposé, être considérée, après expertise judiciaire en écriture, comme n'émanant pas des époux [R], il n'est pas justifié par ces derniers que la société Sofemo ait eu connaissance, à l'époque des faits, de la fausseté de cette signature.
Aussi, il ne peut être fait grief à l'organisme de crédit, qui s'est contractuellement engagé envers l'emprunteur à, sur ses instructions résultant de sa signature de l'attestation de livraison- demande de financement, débloquer les fonds au profit du vendeur désigné, d'avoir procédé à cette opération au vu d'un tel document présentant toutes les apparences de sa régularité, étant observé que les époux [R], qui ont ensuite souhaité dénoncer le contrat passé avec la SA BSP Groupe VPF en raison essentiellement de la réduction du montant des aides publiques prévues à la convention ainsi que cela ressort des courriers échangés entre les cocontractants, n'ont alors pas prétendu s'opposer au déblocage du prêt par eux souscrit.
Les appelants font encore valoir que le contrat de crédit est nul par application des dispositions de l'article 1591 du code civil, le prix appliqué ne correspondant pas au prix déterminé dans la convention et n'étant pas non plus déterminable puisque l'application du taux fixé est incohérente.
Si les dispositions du code civil ainsi visées sont relatives au contrat de vente et non de prêt et l'incohérence alléguée du taux non établie, et si la nullité du contrat n'a pas lieu d'être prononcée de ce chef, s'agissant d'un problème d'exécution et non de validité du contrat comme le soutient à juste titre l'intimée, il reste que, les mensualités prévues au contrat étant d'un montant de 300,59€, les deux mensualités prélevées ont effectivement été de 302,59 €, variation de 2 € que ne conteste pas la société Sofemo qui fait état d'une erreur de saisie, et qu'il ne ressort pas des pièces produites et en particulier du décompte du 7 septembre 2010 que l'erreur commise ait été rectifiée quant au montant des échéances prises en compte.
Dès lors, le jugement entrepris ne peut être confirmé sur le montant, résultant du décompte précité, de la condamnation au paiement des emprunteurs, qui ne sont tenus que d'échéances d'un montant de 300,59 €.
Enfin, l'inscription au fichier des incidents de paiement dans les crédits aux particuliers dont les époux [R], qui ne contestent pas leur défaut de règlement, exposent qu'elle leur a porté préjudice, mais qui relève de dispositions légales impératives, ne saurait être constitutive d'une faute imputable à l'organisme prêteur.
Sur les frais irrépétibles
En l'espèce, il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les demandes de ce chef sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute les époux [R] de leurs demandes tendant à voir prononcer la nullité ou la résolution des contrats conclus le 5 novembre 2008 avec la SA BSP Groupe VPF d'une part, la SA Sofemo d'autre part,
Dit que, en exécution du contrat de crédit, les époux [R] ne sont tenus que d'échéances d'un montant de 300,59 €,
Les condamne à payer à la SA Sofemo le solde de la créance, en capital, échéances impayées, intérêts, assurance vie courue arrêtée au 26 juillet 2010, et indemnité conventionnelle, tel qu'il résulte de l'application d'échéances d'un montant de 300,59 €,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne les époux [R] aux dépens, ceux d'appel distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT